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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 15 mars 2005, n° 03-03217

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bronquart

Défendeur :

Alary, Fédération Nationale de l'Immobilier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pellegrin

Conseillers :

MM. Derdeyn, Chassery

Avoués :

SCP Argellies-Travier-Watremet, SCP Touzery-Cottalorda, SCP Divisia-Senmartin

Avocats :

Mes Therond, Gaudy, Talon, Juillet

T. com. Rodez, du 8 avr. 2003

8 avril 2003

Dans le courant de l'année 1995, M. Hugues Bronquart, gérant de l'agence immobilière dénommée "Rouergue Agence" était mis en examen du chef d'aide à séjour irrégulier, complicité d'obtention et tentative d'obtentions indues de documents administratifs accordant une autorisation, abus de confiance et faux en écritures privées ; la presse locale et régionale se faisait l'écho de cette instruction.

Monsieur Alary, gérant d'une agence immobilière concurrente "Rouergue Immobilier" et responsable de la FNAIM :

- déclarait au cours d'une interview accordée le 3 septembre 1995 à FR3 Midi Pyrénées "nous on trinque... parce que des rumeurs persistantes se faisaient au sujet des activités... d'un collègue... on aurait souhaité... que la lumière soit faite le plus rapidement possible" ;

- affirmait au cours d'une conférence de presse tenue le 5 septembre 1995 : "notre profession souffre d'intermédiaires peu scrupuleux qui nous causent de graves préjudices et discréditent notre profession... en tout état de cause, l'intermédiaire en question n'est pas affilié à la FNAIM ; ... pour exercer son activité, le professionnel doit satisfaire à des conditions d'aptitude, avoir un casier judiciaire vierge..."; il invitait les propriétaires bailleurs des locaux "... à s'inquiéter de l'éventuelle vacance de leur appartement et à vérifier les compteurs d'eau et d'EDF..." ; ces propos étaient rapportés :

- dans le journal La Dépêche, édition du 6 septembre 1995 sous le titre "Vraies-fausses locations pour algériens ? Une information judiciaire ouverte";

- dans le journal Midi Libre édition du 6 septembre 1995, sous l'annonce en première page "Rodez, vraie-fausse filière dans l'immobilier";

- dans le journal L'Hebdo édition du 8 septembre 1995.

Le 16 mars 2000, M. Bronquart bénéficiait d'une ordonnance de non-lieu ; au mois de décembre 2000, il vendait l'intégralité des parts sociales qu'il détenait dans le capital social de la SARL Rouergue Agence.

Par exploits des 19 et 20 juillet 2001, M. Bronquart assignait M. Alary et la FNAIM, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à comparaître devant le Tribunal de commerce de Rodez pour entendre dire qu'ils s'étaient rendus coupables d'acte de concurrence déloyale par dénigrement à son préjudice, pour s'entendre condamner solidairement à lui payer la somme de 30 489,80 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral, la somme de 30 489,80 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice économique, la somme de 3 048,98 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, entendre ordonner la publication du jugement dans les journaux La Dépêche du Midi, Le Midi Libre, Centre Presse et L'Hebdo, dans la limite de 1 219,59 euro par insertion et s'entendre enfin condamner aux entiers dépens.

Le 8 avril 2003, le Tribunal de commerce de Rodez déboutait M. Bronquart de l'ensemble de ses prétentions et le condamnait à verser à chacun des deux défendeurs la somme de 300 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

Monsieur Bronquart a relevé appel de cette décision et demande à la cour de déclarer recevables et bien fondées les prétentions qu'il formule tant personnellement qu'ès qualités d'ancien gérant de la SARL Rouergue Agence contre M. Alary et contre la FNAIM ; de dire qu'ils se sont rendus coupables d'actes de concurrence déloyale par dénigrement à son préjudice; de les condamner solidairement à lui verser 30 000 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral, 30 000 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice économique; entendre ordonner à leurs frais la publication dans les journaux La Dépêche, Midi Libre, Centre Presse, L'Hebdo, dans la limite de 1 200 euro par insertion, de s'entendre condamner à lui payer 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct pour la SCP Argellies.

Monsieur Bronquart fait valoir qu'il n'agit pas en réparation du préjudice matériel subi par la SARL Rouergue Agence, mais en réparation de son préjudice personnel de commerçant, que c'est M. Alary lui-même qui a proféré des propos de dénigrement commercial et qu'il s'est placé sous l'égide de la FNAIM pour organiser sa conférence de presse, que la FNAIM ne rapporte pas la preuve qu'il existe des personnes morales autonomes dans chacun de ses secteurs régionaux, que M. Alary l'a dénigré, qu'il existait un rapport de concurrence entre eux.

(Conclusions 4 février 2005).

Monsieur Alary fait observer que la concurrence éventuellement déloyale n'existait qu'entre les sociétés Rouergue Immobilier et Rouergue Agence, mais pas entre leurs gérants respectifs, que M. Bronquart n'a jamais été dénigré; il conclut donc à l'irrecevabilité de l'action engagée par M. Bronquart, à la confirmation intégrale du jugement déféré et en tout état de cause, à la condamnation de M. Bronquart à lui payer 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à acquitter les entiers dépens, dont distraction pour la SCP Touzery.

(Conclusions 1er février 2005).

La FNAIM s'en remet aux écritures de M. Alary tant sur l'irrecevabilité de l'action intentée par M. Bronquart, que sur l'absence de fondement juridique d'une telle action et qu'eu égard à ses statuts, les chambres départementales et régionales qui font partie de la fédération sont autonomes; elle conclut donc à l'irrecevabilité et en tout cas au mal fondé de l'action intentée par M. Bronquart; à la condamnation de ce dernier à lui verser 4 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à payer les dépens, avec application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile pour la SCP Divisia.

(Conclusions 2 février 2005).

Sur quoi :

A) Sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par M. Bronquart à l'encontre de M. Alary et de la FNAIM :

Attendu que M. Bronquart présente ses demandes tant à titre de gérant de la société au moment des faits litigieux, qu'à titre personnel;

Attendu que M. Bronquart, s'il était effectivement le gérant de la société Rouergue Agence au moment des faits litigieux, a perdu cette qualité ainsi que celle d'associé quand il a vendu la totalité des parts sociales qu'il détenait au mois de décembre 2000, soit plus de 6 mois avant l'introduction de la procédure; qu'il n'a reçu aucun mandat pour agir au nom de la SARL Rouergue Agence qui n'est d'ailleurs pas partie à l'instance;

Attendu qu'une action en indemnisation pour acte de concurrence déloyale n'est ouverte qu'entre personnes physiques ou morales qui sont effectivement concurrentes ; que si la société Rouergue Agence était bien concurrence de la société Rouergue Immobilier, jamais le gérant de la société Rouergue Agence (M. Bronquart) n'a été le concurrent au sens juridique du terme, du gérant de la société Rouergue Immobilier (M. Alary) ou de la FNAIM;

Attendu en conséquence, que l'action en indemnisation présentée par M. Bronquart est irrecevable tout comme celle en publication de la décision par voie de presse;

B) Sur les autres demandes de dommages-intérêts, d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur la charge des dépens :

Attendu que M. Alary ne démontre pas l'existence d'un préjudice à l'appui de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, dont il sera débouté;

Attendu que l'assignation puis l'appel formalisés par M. Bronquart ont amené M. Alary et la FNAIM à exposer tant devant les premiers juges, qu'en instance d'appel, des frais irrépétibles non-compris dans les dépens ; que les premiers juges ont exactement chiffré les frais ainsi générés en première instance en accordant à chacun des deux défendeurs la somme de 300 euro, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que l'équité commande d'accorder à chacun des intimés la somme complémentaire de 1 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais non-compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

Attendu que le rejet des prétentions de M. Bronquart conduit au rejet de la demande qu'il présente sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour la SCP Divisia et la SCP Touzery;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, - Déclare M. Bronquart irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de M. Alary et de la FNAIM; - Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. Bronquart à payer à chacun de ses adversaires la somme de 300 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance; Y ajoutant, - Déboute M. Alary de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive; - Condamne M. Bronquart à payer à chacun des intimés une somme complémentaire de 1 200 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - Déboute M. Bronquart de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euro réclamée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - Condamne M. Bronquart aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct pour la SCP Divisia-Senmartin et la SCP Touzery-Cottalorda.