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Décisions

CA Saint-Denis de la Reunion, ch. soc., 25 octobre 2005, n° 04-01553

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Scano

Défendeur :

Sorelait (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rancoule

Conseillers :

MM. Raynaud, Fabre

Avocats :

Mes Armoudom, Garriges

Cons. prud'h. Saint-Denis, du 22 juin 20…

22 juin 2004

LA COUR,

Monsieur Fabrice Scano a interjeté appel d'un jugement rendu le 22 juin 2004 par le Conseil des prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion dans une affaire l'opposant à la société Sorelait.

La société Sorelait a embauché Monsieur Scano pour une durée indéterminée en qualité de cadre "responsable maintenance et travaux neufs" par un contrat du 20 novembre 2000 à effet du 26 mars 2001 (au plus tard). Elle l'a licencié pour faute aux termes d'un courrier du 25 février 2002.

Contestant ce licenciement, Monsieur Scano a saisi la juridiction prud'homale en indemnisation. Le jugement déféré a considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, a jugé que la clause de non-concurrence n'était pas valable, a débouté Monsieur Scano de ses demandes à l'exception de celle destinée à compenser la clause de non-concurrence. L'employeur a été condamné de ce chef au paiement de la somme de 18 294 euro.

Vu les conclusions déposées au greffe :

• le 9 novembre 2004 par Monsieur Scano,

• le 7 mars 2005 par la société Sorelait dont les termes ont été maintenus à l'audience.

Motifs de la décision:

Les premiers juges ne peuvent, sans contradiction, considérer la clause de non-concurrence "non valable" faute de contrepartie financière stipulée et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité, laquelle était demandée par le salarié en contrepartie des effets de la dite clause.

En l'absence de contrepartie financière, cette clause est nulle. En ne peut alors recevoir application. Elle ne peut pas plus être la cause d'une indemnisation fondée sur son application, laquelle n'est d'ailleurs pas justifiée. Monsieur Scano ne demande nullement la réparation d'un préjudice résultant de l'application de cette clause illégitime mais la fixation judiciaire de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. La nullité de la clause fait obstacle à sa demande. Monsieur Scano est donc débouté et le jugement infirmé de ce chef.

La lettre de licenciement est citée in extenso par l'employeur dans ses conclusions, auxquelles la cour se réfère sans autre précision si ce n'est la synthèse faite par l'employeur "Je suis au regret de vous informer que vous êtes licencié pour incapacité de vous adapter à l'organisation et aux équipes en place à la Sorelait, pour votre comportement négatif incompatible avec votre niveau de responsabilité de cadre et pour vos dénigrements systématiques de la direction. Cet ensemble de faits rend impossible la poursuite de votre mission au sein de la Sorelait qui nécessite un travail d'équipe important et constructif au sein de l'équipe de direction".

Le courrier rédigé le 13 février 2002 par Monsieur Scano, dont les termes ne sont pas retenus dans la lettre de licenciement comme un abus de la liberté d'expression (seuls les termes "peu respectueux du principe même de la hiérarchie" sont relevés), confirme une attitude stigmatisée à faute par l'employeur.

Les relations de Monsieur Scano avec son directeur, Monsieur Leccia, vont se dégrader à compter de janvier 2001 après que ce dernier ait refusé (ou soit revenu sur sa décision) de sanctionner un salarié du service de production. Le reproche de Monsieur Scano, qu'il soit ou non justifié, révèle son anaphylaxie à un pouvoir disciplinaire autre que le sein et en l'espèce celui du directeur d'usine. Or c'est au directeur d'apprécier l'opportunité d'une sanction en fonction de la gravité du manquement commis mais aussi d'autres contingences. De ce chef, il n'a pas de compte à rendre à un subordonné comme Monsieur Scano.

L'incompréhension de Monsieur Scano envers son directeur est encore patente à propos de l'appréciation du chef de production ("tout responsable de production qui se respecte aurait..."). Là encore, l'avis de Monsieur Scano est hors de propos, l'appréciation d'une faute et son traitement dans un service autre que le sien n'étant pas de sa compétence.

Le courrier de Monsieur Scano du 13 février 2001 laisse à penser que, pour celui-ci, la seule façon de diriger une équipe réside dans la mise en œuvre d'un pouvoir disciplinaire aveugle. Cette facette de la personnalité de Monsieur Scano se traduit de plus dans son attitude envers les ouvriers des autres services. Aux termes des attestations produites par l'employeur, Monsieur Scano est décrit comme hautain, provocateur et parfois vulgaire. Ces éléments confirment tant le grief de la lettre de licenciement relatif à l'installation d'un climat de tension dans l'entreprise du fait de Monsieur Scano que "l'incapacité de vous adapter à l'organisation et aux équipes en place à la Sorelait".

Le dénigrement de la direction est établi comme il a été précisé à propos du responsable de production mais aussi par l'attestation de ce dernier (attestation du 10 avril de Monsieur Lalloz) qui fait apparaître une cabale orchestrée par Messieurs Scano et Bourane contre le directeur ("Leur principal problème serait M. Leccia et son mode de gestion de la Sorelait").

"Le dénigrement systématique de la direction" est encore avéré par le fait que le courrier du 13 février 2002 adressé au directeur l'a aussi été à Monsieur Bagoee, au directeur général et à la DRH alors que les qualifications concernant Monsieur Leccia vont au-delà du droit de critique d'un cadre et relève, a minima, du domaine de l'exagération ("votre réaction n'a pas néanmoins été plus brillante..., vos incohérences de management... je vous ai demandé de cesser de remuer le fumier pour rien et d'avoir le courage d'aller au bout de vos inepties en faisant votre travail de directeur..., vos erreurs magistrales de management et votre mauvais calcul d'objectifs de production...").

L'attitude de Monsieur Scano est en rien admissible. Les fautes invoquées sont prouvées et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement. Monsieur Scano est donc débouté de ses demandes.

La société Sorelait doit être indemnisée de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 2 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en matière sociale et en dernier ressort, Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Sorelait à payer à Monsieur Fabrice Scano la somme de 18 294 euro au titre de la clause de non-concurrence non valable, Confirme le jugement en ses autres dispositions y compris les dépens, Condamne Monsieur Fabrice Scano à payer à la société Sorelait la somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne Monsieur Fabrice Scano aux dépens d'appel.