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CCE, 23 décembre 2002, n° M.2857

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

ECS/IEH

CCE n° M.2857

23 décembre 2002

La Commission des Communautés européennes,

Vu le traité établissant la Communauté économique européenne, Vu le Règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89 du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, et, en particulier, l'article 9 paragraphe 3, Vu la notification du 12 novembre 2002, effectuée par l'entreprise Electrabel Customers Solutions SA en vertu de l'article 4 dudit Règlement du Conseil, Vu la communication adressée par la Belgique en date du 27 novembre 2002 et complétée par lettre en date du 3 décembre 2002,

Considérant

1. Le 12.11.2002, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil (ci-après, le règlement concentration), d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Electrabel Customer Solutions SA (" ECS ", Belgique) contrôlée par Electrabel SA, elle-même contrôlée par le Groupe Suez, acquiert, au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b du règlement du Conseil, le contrôle d'une partie de l'activité de fourniture d'électricité de l'Intercommunale d'Electricité du Hainaut (" IEH ", Belgique) par achat d'actifs.

2. Les autorités belges de concurrence ont reçu copie de la notification le 13 novembre 2002.

3. Le 27 Novembre 2002, le ministre belge de l'Economie, en application de l'article 9 du règlement concentration, notamment ses paragraphes 1, 2 et 3, a adressé une demande de renvoi de la présente affaire. Cette demande porte sur l'analyse des effets de l'opération sur le marché belge de la fourniture d'électricité aux clients éligibles (1). Le ministre belge de l'Economie considère que l'opération en cause présente le risque de créer ou de renforcer une position dominante sur ce marché situé à l'intérieur du territoire national au sens de article 9, paragraphe 2, point a, et demande en conséquence que l'analyse des effets de l'opération, la détermination des mesures propres à restaurer une concurrence effective et le suivi de ces mesures soient effectués par les autorités belges de la concurrence, qui ont déjà statué sur plusieurs affaires similaires. Le ministre a également confirmé que cette démarche ne porte pas préjudice à une collaboration entre les autorités belges et les Services de la Commission.

4. ECS a reçu une copie intégrale de la demande des autorités belges du 27 novembre 2002 complétée par une lettre du 3 décembre 2002, ces dernières ayant indiqué que leur demande ne contenait aucun élément confidentiel. La partie notifiante a indiqué par lettre en date du 10 Décembre 2002, soumis comme observation écrite à la Commission portant sur cette demande, qu'il est dans son intérêt que les diverses procédures soient menées de manière cohérente et en conséquence souhaite le renvoi. De plus, ECS fait part de son souhait de voir traités de manière analogue les autres dossiers Electrabel/Intercommunales de dimension communautaire qui viendront à être notifiés.

I. LES PARTIES A L'OPERATION

5. ECS est une entreprise belge active dans le secteur de la fourniture d'électricité et de gaz et de la fourniture de produits et services y afférents. C'est une filiale d'Electrabel SA qui est contrôlée in fine par le groupe Suez.

6. IEH est une structure semi-publique sous le contrôle de groupements de communes belges dans lequel Electrabel détient une participation de l'ordre de 38,5 %. Elle est active dans le secteur de la distribution et fourniture d'électricité aux clients présents sur le territoire des communes affiliées.

II. L'OPÉRATION

7. La libéralisation du marché de l'énergie en Belgique, telle qu'elle résulte de la transposition de la directive communautaire par la loi fédérale du 29 avril 1999 et les décrets régionaux pertinents, s'appuie sur trois principes : (i) l'apparition d'une clientèle dite éligible qui, en fonction des seuils de consommation, est libre de choisir son fournisseur, (ii) la mise en place d'un gestionnaire indépendant du réseau de transport, et (iii) la séparation des fonctions de gestionnaire de réseau de distribution de celles de fournisseur à la clientèle éligible. Outre la libéralisation du marché, la loi vise aussi à garantir la continuité de la fourniture d'électricité. C'est pourquoi, les intercommunales, gestionnaires du réseau de distribution, doivent désigner un fournisseur par défaut à tout client éligible qui n'aura pas fait de choix deux mois après son éligibilité. En pratique, les clients qui deviennent éligibles devront soit signer un contrat de fourniture d'électricité avec le fournisseur de leur choix, soit continuer d'être fournis par le fournisseur désigné fournisseur par défaut.

8. En conséquence de cette évolution législative et réglementaire, les intercommunales doivent se dessaisir de leurs activités de fournisseur d'énergie de la clientèle éligible, et se limiter à l'activité de gestion des réseaux de distribution. Les intercommunales mixtes (2), représentées par Intermixt, et Electrabel ont convenu par le biais d'un Memorandum of Understanding qu'ECS se substituerait aux intercommunales dans leur rôle de fournisseur d'électricité aux clients éligibles en étant désigné fournisseur par défaut. En contrepartie les intercommunales pourront participer aux résultats d'ECS à concurrence de 40 %, pour une participation au capital limitée à 5 %. Enfin, Electrabel demeurera actionnaire des intercommunales mais leur cédera progressivement une partie du capital détenu à une valeur nettement inférieure à la valeur économique aux intercommunales. L'acte constitutif de la concentration est donc le " Memorandum of Understanding " tel qu'accepté par le Conseil d'Administration d'IEH le 25 février 2002.

9. Suite à l'opération, les intercommunales se défont de l'activité de fourniture aux clients éligibles qui n'ont pas sélectionné de nouveau fournisseur. La transaction considérée implique donc un transfert de clientèle en contrepartie d'une rémunération des intercommunales par le biais d'une participation au bénéfice de ECS et d'une baisse de la participation d'Electrabel dans leur capital. Il en résulte que ce transfert de clientèle doit être assimilé à une cession d'actifs. Cette opération constitue donc une concentration en application de l'article 3(1)(b) du règlement concentration.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

10. Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 000 millions d'euro (3) (Suez : 42 000 millions d'euro; IEH 401 millions d'euro). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'euro (Suez : 31 345 millions d'euro ; 401 millions d'euro), IEH réalise son chiffre d'affaire uniquement en Belgique mais Suez ne réalise pas plus des deux-tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire.

IV. DEFINITION DES MARCHES EN CAUSE

Les marchés de produit

11. La Commission distingue selon sa pratique décisionnelle quatre marchés de produits distincts dans le domaine de l'électricité. Ces marchés sont, de l'amont à l'aval, la production, le transport, la distribution et la fourniture d'électricité. En parallèle, le marché du négoce d'électricité doit également être pris en considération. De plus, l'ouverture à la concurrence des marchés européens de l'électricité à conduit la Commission à diviser le marché de la fourniture d'électricité en deux marchés distincts, celui des clients éligibles, libres de choisir leurs fournisseurs, et celui des clients non-éligibles, qui ne disposent pas de cette liberté de choix et sont en général fournis par un monopole national ou local (4). Les Autorités belges partagent cette définition des marchés.

12. La fourniture d'électricité aux clients non-éligibles étant toujours assurée par les intercommunales qui détiennent un monopole sur leur territoire, il convient bien de séparer clients éligibles et clients non-éligibles dans le marché de la fourniture d'électricité. En revanche, au sein du marché de la fourniture aux clients éligibles, les investigations de la Commission ont permis de démontrer qu'il n'existait pas actuellement de distinction significative entre les différents types de clients, que ce soit en fonction de leur consommation totale, de leur profil de consommation ou bien encore de leur taille. En conclusion, le marché de produit qui doit être pris en considération est celui de la fourniture d'électricité aux clients éligibles.

Les marchés géographiques

13. Du point de vue géographique, les Autorités belges estiment que les marchés de l'électricité ont une dimension nationale. En effet, les clients éligibles établis sur le territoire de l'intercommunale en question peuvent s'approvisionner à des conditions équivalentes auprès des fournisseurs établis partout en Belgique. En revanche, s'approvisionner auprès de fournisseurs établis dans d'autres Etats membres soulève des problèmes liés aux capacités limitées des interconnexions qui restreignent toutefois les importations dans une mesure significative.

14. Bien que l'opération notifiée ne concerne que la clientèle éligible du territoire d.IEH, les parties estiment de manière analogue que le marché géographique à prendre en compte est celui de la Belgique.

15. L'enquête menée par la Commission a confirmé la position des autorités belges. En effet, il existe une forte homogénéité des conditions de marché en Belgique du fait notamment de l'existence d'une source quasi-unique d'approvisionnement en électricité, à savoir les unités de production détenues par CTPE. En comparaison, le volume des importations est extrêmement restreint et ne parait pas pouvoir exercer une contrainte sur le producteur national. Cette situation risque de perdurer tant que les capacités des inter-connecteurs, en particulier à la frontière franco-belge, n'auront pas été accrues. On observe d'ailleurs que le prix de l'électricité au consommateur final est plus élevé en Belgique qu'en France ou inférieur à celui qui prévaut aux Pays Bas. L'opérateur historique réalise encore une part prédominante des ventes d'électricité sur l'ensemble de la Belgique et on observe, à contrario, que des acteurs puissants pourtant présents sur des territoires directement voisins, tels qu'EDF, n'ont qu'une pénétration des plus réduite, voire symbolique, en Belgique. Cette absence d'homogénéité des parts de marché et la prédominance de l'opérateur historique est l'une des manifestations des barrières à l'entrée du territoire belge. Par ailleurs, les opérateurs alternatifs doivent être agréés en tant que fournisseur sur le territoire belge tant par les autorités fédérales que régionales (Access responsible Party). S'ensuit alors des négociations de contrat d'accès avec le gestionnaire du réseau de transport unique sur l'ensemble du territoire, Elia. Les opérateurs alternatifs considèrent alors l'intérêt de pénétrer le territoire belge en fonction des considérations administratives et commerciales propre à ce pays. Enfin, il n'existe pas à la connaissance de la Commission de contrats transfrontaliers d'un opérateur au bénéfice de clients présents en Belgique ayant aussi des besoins sur les états voisins de la Belgique. Les contraintes techniques de fonctionnement du réseau rendent à l'heure actuelle de tels contrats guère envisageable.

16. La question se pose aussi de savoir s.il existe des différences régionales dans le fonctionnement du marché suffisantes pour définir des marchés régionaux dans la mesure où les régimes de régulation pour les régions Flandre, Wallonie et Bruxelles Capitale diffèrent pour certains aspects tels que le rythme d'ouverture à la concurrence. Cependant l'enquête de marché a montré que ces différences n'étaient pas suffisantes pour distinguer trois marchés géographiques distincts, les structures de l'offre et de la demande étant similaires dans ces trois régions. Notamment, il convient d'insister sur le fait que les structures de production et les capacités d'importation grâce à l'interconnexion aux frontières sont planifiées et gérées pour l'ensemble de la Belgique.

17. En conclusion, les structures de l'offre et de la demande étant similaires dans les trois régions belges et fortement distinctes de celles des Etats voisins, le marché géographique qui doit être considéré est celui de la Belgique.

V. APPRECIATION

La demande des autorités belges

18. En ce qui concerne l'appréciation des effets de l'opération, les Autorités belges estiment que l'opération est susceptible de créer ou de renforcer une position dominante tant sur le marché de la production que sur le marché de la fourniture en Belgique, ayant pour conséquence qu.une concurrence effective serait entravée de manière significative.

19. Le Conseil de la Concurrence belge s'est prononcé sur cinq affaires similaires à la présente affaire. Le 30 août 2002, il a autorisé sous engagement les transactions impliquant les intercommunales Ideg et Interlux. Le 12 novembre 2002 il a interdit les transactions impliquant les intercommunales Sedilec, Simogel et Intermosane. Dans ces trois dernières transactions, l'autorité belge de la concurrence a conclu qu'Electrabel était en position dominante sur le marché de la fourniture d'électricité en Belgique, qu'Electrabel dispose indubitablement de par sa qualité d'opérateur historique d'avantages par rapport à ses concurrents dans l'approche de la clientèle qui devient éligible et que cette position dominante serait renforcée du fait des projets en cause.

20. Les principaux arguments avancés sont qu'Electrabel pourra sans investissement acquérir une clientèle peu ou mal informée des possibilités qui s'ouvrent à elle, qu'Electrabel détient en outre des informations privilégiées sur cette clientèle et enfin que l'opération envisagée confère à Electrabel la sécurité juridique par le maintien de la fourniture par ECS de la clientèle "par défaut" tant que ces clients éligibles n'ont pas choisi un fournisseur. Ainsi, l'opération ne fait que conforter sa position actuelle.

L'analyse de la Commission

21. Les éléments recueillis par la Commission au cours de son enquête confirment l'avis des Autorités belges. En effet, l'opération menace de créer ou renforcer la position dominante d'Electrabel sur le marché distinct qu'est le marché belge, en ce qu'elle apparaît enlever aux concurrents d'Electrabel une opportunité de développement de leur activité sur le marché de la fourniture aux clients éligibles et augmente ainsi les barrières à l'entrée. De plus, elle crée un lien économique entre les distributeurs et Electrabel de nature à inciter les distributeurs à favoriser Electrabel, qui se trouve en position dominante sur le marché de la fourniture aux clients éligibles et s'est assuré de le rester.

Electrabel détient une position dominante sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients éligibles en Belgique

22. Electrabel est présent de façon prédominante à tous les échelons du secteur de l'électricité en Belgique. Elle détient plus de [90 %-100 %] des moyens de production d'électricité en Belgique à travers CPTE, une association en participation qui gère de façon commune les moyens de production et transmission détenus par Electrabel et SPE. Par ailleurs, Electrabel détient 70 % d'ELIA, le gestionnaire du réseau de transport haute tension en Belgique, sans pour autant contrôler cette dernière. De plus, Electrabel assure pour le compte des intercommunales, qui se chargent de la distribution, la plupart des prestations liées à la distribution d'électricité et, pour ce qui concerne les clients non-éligibles, à la fourniture d'électricité. Enfin, en 2001, Electrabel détenait [90 %-100 %] du marché de la fourniture d'électricité aux clients éligibles en Belgique.

Electrabel s'est assuré de maintenir sa position dominante sur le marché des clients déjà éligibles et de ceux appelés à le devenir prochainement.

23. En effet, l'enquête de marché a montré qu.une grande majorité des clients sur le point de devenir éligibles avaient déjà signé, ou étaient sur le point de signer, un contrat d'une durée comprise en général entre 3 et 5 ans avec Electrabel. Les raisons avancées pour ce choix sont le prix, mais aussi les garanties en matière de sécurité d'approvisionnement, la solidité financière et l'image d'opérateur historique dont dispose Electrabel.

Plusieurs barrières à l'entrée concourent au maintien des positions d'Electrabel.

24. L'activité de fourniture d'électricité à la clientèle éligible consiste à acheter en gros de l'électricité pour la revendre au détail. Pour entrer sur ce marché, il est essentiel de disposer d'équipes de trading, de gestion et de vente, et d'un accès aux moyens de transport et de distribution. En outre, il importe de pouvoir sécuriser des sources d'approvisionnement à court et moyen terme. En l'absence de l'un de ces facteurs un nouvel entrant ne dispose pas de la crédibilité suffisante pour convaincre la clientèle de se tourner vers lui. Or, en Belgique, plusieurs types de barrières concourent à rendre difficile l'établissement de nouveaux fournisseurs et donc au maintien des positions d'Electrabel.

25. Tout d'abord, il existe peu de capacités disponibles. Etant donné l'absence de marché de gros et étant donné que la construction de nouvelles unités de production d'électricité ne serait pas économiquement rentable, l'accès à des sources de production autres que celles d'Electrabel ne pourrait venir que de producteurs étrangers. Les principales ressources de capacité sont situées en France, seul pays interconnecté à la Belgique où l'électricité y est moins chère. Or, les inter-connecteurs entre les deux pays sont de capacité limitée, ce qui les amène à être souvent congestionnés, et sont largement réservés pour le transit de la France vers les Pays-Bas. De plus, les règles d'accès à ces inter-connecteurs ne sont toujours pas arrêtées aujourd'hui, ce qui rend l'accès aux capacités de production françaises très incertain. En outre, la garantie de débouchés que s'assure Electrabel au travers des nouveaux contrats qu'elle a conclus avec la clientèle appelée à devenir éligible retarde l'apparition de capacités supplémentaires sur le marché constituées par les excès de production d'Electrabel par rapport à ses propres besoins en tant que fournisseur. Or ces capacités seraient cruciales au développement de la concurrence.

26. A l'heure actuelle de nombreux obstacles se présentent à tout nouvel entrant qui retardent ou rendent plus difficile sa présence effective sur les marchés tels que l'exigence de plusieurs licences (une par région et une au niveau fédéral) et surtout l'absence de publication du niveau et de la structure des tarifs d'accès aux réseaux de transport et de distribution. Cette absence accroit la précarité des conditions d'exploitation des opérateurs alternatifs. Ainsi, ils ne peuvent pas proposer une offre qui intègre le coût réel global de l'énergie consommée par le client final (incluant le transport et la distribution). Electrabel du fait de sa connaissance d'informations relatives à la gestion des réseaux dispose de la connaissance de leurs coûts d'utilisation et peut dès lors soumettre une offre globale à ses clients potentiels.

Les effets de la concentration

27. En transférant la clientèle qui n'a pas déjà choisi un fournisseur vers Electrabel comme fournisseur par défaut, la concentration notifiée constitue une entrave au développement de la clientèle pour les fournisseurs alternatifs et contribue à accroître les difficultés rencontrées par les fournisseurs concurrents d'Electrabel à s'établir sur le marché. L'obligation légale de désignation d'un fournisseur par défaut aurait pu profiter à d'autres opérateurs et notamment à un nouvel entrant s.il avait été désigné. Elle aurait donné à son titulaire une image d'opérateur à même de garantir une certaine sécurité d'approvisionnement vis-à-vis des clients puisque le gestionnaire du réseau estime lui même par ce choix que le fournisseur désigné présente les garanties suffisantes pour procéder à l'alimentation en continue du réseau de distribution. Or aucun de ces concurrents n'aura la possibilité de bénéficier d'un tel statut dans la mesure où la totalité des intercommunales mixtes ont procédé contractuellement au choix d'Electrabel.

28. Ce transfert s'accompagne de plus du maintien ou du renforcement des liens économiques entre Electrabel et les intercommunales. En effet, les accords entre ces parties organisent un partage des profits effectués sur l'activité de fourniture à la clientèle éligible, d'une part, et le maintien d'Electrabel en tant qu'opérateur de fait du réseau de distribution, d'autre part. Le maintien ou le renforcement de ces liens économiques peut inciter les intercommunales à favoriser le maintien de la clientèle devenant éligible auprès d'Electrabel et pourrait les inciter à un traitement discriminatoire au profit d'Electrabel5.

29. Sur la base des considérations ci-dessus développées, la Commission partage l'analyse des Autorités belges et estime que l'opération en question, " menace de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu.une concurrence effective serait entravée d'une manière significative sur le marché de la fourniture aux clients éligibles en Belgique. La Commission considère que, vu leur expérience dans le domaine, les autorités belges sont bien placées pour traiter l'affaire ".

VI. ENGAGEMENTS OFFERTS PAR LES PARTIES

30. Après avoir été informées, le 3 décembre 2002, de l'existence de doute sérieux quant au renforcement de la position dominante d'Electrabel sur le marché belge de la fourniture d'électricité aux clients éligibles, les Parties ont proposé des engagements qui contiennent cinq points.

Synthèse des engagements

31. (1) Electrabel s'engage à résilier à l'amiable la convention CPTE de 1995 la liant à SPE. SPE assurerait alors indépendamment la gestion de 1600 à 1700 MW, soit environ 10 % de la capacité installée en Belgique. (2) Electrabel s'engage à appuyer vis-à-vis d'ELIA une éventuelle demande de transformer les droits de transit dans l'inter-connecteur avec la France, soit 375 MW en droits d'importation. (3) Electrabel s'engage à encourager la création d'un marché de gros de l'électricité en Belgique. (4) Electrabel s'engage à confirmer les engagements soumis aux autorités belges de la concurrence pour les affaires Interlux et Ideg. Ces engagements sont les suivants : aviser six mois à l'avance chaque client de sa prochaine éligibilité et de sa liberté de choix en lui communiquant la liste des fournisseurs d'électricité et en l'informant de la possibilité d'obtenir sans frais son profil détaillé de consommation ; accorder aux clients d'Electrabel qui ont signé un contrat d'une durée de trois ans et plus, un droit de résiliation unilatérale moyennant un préavis de six mois et sans indemnité. (5) Electrabel s'engage de ne pas contester la décision du régulateur flamand indiquant que l'ensemble des contrats conclus par les intercommunales avec des clients devenant éligibles au 1er janvier 2003 en Région flamande deviendraient nuls à cette date.

Appréciation des engagements

Procédure

32. La Commission a procédé à un test de marché des engagements soumis le 3 décembre 2002. Les paragraphes qui suivent tiennent compte des résultats de ce test de marché.

33. La Commission estime pour les raisons qui suivent que l'ensemble de ces engagements n'a qu'une portée très limitée et ne semble pas de nature à éliminer la menace créée par cette opération.

Evaluation

34. La résiliation de la convention CPTE ne libérerait qu'une capacité de production limitée sur le marché. En effet, si Luminus, le principal concurrent d'Electrabel sur le marché de la fourniture, ne dépendrait plus alors d'Electrabel puisqu'il est approvisionné par SPE, - les autres concurrents de SPE et Electrabel n'auraient eux probablement accès qu'à une capacité de production additionnelle marginale.

35. En ce qui concerne l'engagement d'appuyer une demande de transformer les droits de transit en droits d'importation vis-à-vis ELIA, il faut tout d'abord observer qu'Electrabel ne contrôle pas ELIA, et qu'ainsi la portée de cette engagement pourrait être considérée comme non contraignante. Par ailleurs, Electrabel Nederland étant cessionnaire de [...] % des droits et la plupart des autres cessionnaires n'étant pas actif sur le marché belge de l'électricité, cet engagement n'aurait qu.une portée très limitée sur le marché belge, d'autant plus que tant que le différentiel de prix entre la Belgique et les Pays-Bas perdurera, les cessionnaires de ces droits seront toujours incités à vendre aux Pays-Bas. Enfin, cet engagement étant de nature comportementale, il soulève des problèmes complexes de mise en œuvre, d'efficacité ainsi que de contrôle de leur respect. De tels problèmes ne peuvent être évalués et réglés dans le cadre d'un examen de première phase.

36. L'engagement d'encourager la création d'un marché de gros de l'électricité en Belgique, est de nature purement comportemental. Cet engagement aurait également un effet limité du fait que l'offre sur ce marché serait quasi intégralement contrôlée par Electrabel. De plus, cet engagement étant de nature comportementale, il soulève des problèmes complexes de mise en œuvre, d'efficacité ainsi que de contrôle de leur respect. De tels problèmes ne peuvent être évalués et réglés dans le cadre d'un examen de première phase.

37. Les engagements comportementaux soumis pour les dossiers Interlux et Ideg, demeurent d'une portée limitée tant que les concurrents d'Electrabel ne pourront développer une offre suffisante sur le marché belge En tout état de cause, de tels engagements comportementaux soulèvent des problèmes complexes de mise en œuvre, d'efficacité ainsi que de contrôle de leur respect. De tels problèmes ne peuvent être évalués et réglés dans le cadre d'un examen de première phase.

38. Finalement, la décision du régulateur flamand n'est pas de nature contestable. De plus, ce remède n'a aucun effet, vu que rien n'empêche Electrabel de négocier des contrats de longue durée avec les clients devenant éligibles et de les signer à la date du 1er janvier 2003.

39. En conclusion, l'ensemble de ces engagements soulève des problèmes complexes de mise en œuvre, n'a qu.une portée très limitée puisque la capacité disponible sur le marché demeurera extrêmement limitée et freinera donc toujours le développement des concurrents. Par ailleurs, ces propositions ne touchent pas l'ensemble des problèmes identifiés, ainsi, l'intégration verticale d'Electrabel demeurera, et en particulier sa communauté d'intérêt avec les intercommunales. Ils ne semblent donc pas suffisants pour éliminer la menace créée par cette opération.

VI. CONCLUSION

40. La demande des Autorités belges identifie la dimension du marché affecté comme étant nationale, qui constitue une partie substantielle du marché commun. Il est fait référence dans la demande aux décisions antérieures prises par le Conseil de la Concurrence sur des affaires similaires, qui établissaient le renforcement de la position dominante d'Electrabel sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients éligibles. Ce marché, situé dans la zone identifiée par les Autorités compétentes, présente les caractéristiques d'un marché distinct.

41. Les éléments recueillis par la Commission confirment qu'Electrabel dispose d'une position dominante sur ce marché et établissent qu'il existe une menace que cette position dominante soit renforcée par l'effet de l'opération.

42. De plus, la demande est motivée par le souci d' " éviter que des décisions contradictoires ou difficilement conciliables ne soient prises par les diverses Autorités qui en seraient saisies ". La partie notifiante partage ce souci et a indiqué par courrier qu'un éventuel renvoi aux Autorités belges paraît de nature à favoriser le traitement des différents cas de manière cohérente.

43. La Commission considère donc que la demande des Autorités belges est fondée et conforme aux dispositions de l'article 9 paragraphe 2 (a) du règlement sur le contrôle des concentrations et estime qu'il est opportun d'agréer à la demande des autorités belges de part leur expérience dans le traitement d'affaires similaires dans la période récente.

A arrête la présente décision :

Article 1

La concentration notifiée consistant dans le projet d'acquisition de clientèle éligible d'IEH par ECS est, par la présente décision et sur la base de l'article 9, paragraphe 3 du Règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89 du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, renvoyée aux autorités compétentes de la Belgique en vue de l'application de la législation nationale.

Article 2

La Belgique est destinataire de la présente décision.

Notes

1 Le clientèle dite éligible est, en fonction des seuils de consommation, libre de choisir son fournisseur.

2 Les intercommunales dans lesquelles un partenaire privé participe au capital aux côtés des communes.

3 Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5(1) du règlement relatif au contrôle des opérations de concentrations et à la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaire (JO C 66, du 2.3.1999, p. 25).

4 Cf. inter alia COMP/M.1557 (EDF/Louis Dreyfus) du 28/09/1999, COMP/M.1803 (Electrabel/Epon) du 07/02/2000 et COMP/M.1853 (EDF/EnBW) du 07/02/2001.

5 Il y a lieu de relever à ce propos qu'en 1997, Electrabel et les intercommunales s'étaient engagées, dans le cadre d'un settlement avec la Commission (IP/97/351), à renoncer à leur contrat d'approvisionnement exclusif à compter de 2011 et d'affranchir 25 % de la demande des intercommunales à partir de 2006. Dans cette dernière hypothèse Electrabel s'engageait à continuer, en tout état de cause, à fournir l'électricité " de pointe ", accordant à ses concurrents la possibilité de ne fournir que de l'électricité " de base ". Or, en rachetant l'activité de fourniture des intercommunales, Electrabel préempte directement la possibilité pour d'éventuels concurrents d'Electrabel de fournir les intercommunales à compter de 2006.