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Décisions

CCE, 30 janvier 1997, n° 97-169

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Portant clôture de la procédure antidumping concernant les importations en Espagne de certains ciments Portland originaires de Roumanie, de Tunisie et de Turquie

CCE n° 97-169

30 janvier 1997

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (1), et notamment son article 23, vu le règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (2), ci-après dénommé "règlement de base", et notamment son article 9, après consultation du comité consultatif, considérant ce qui suit:

A. PROCÉDURE

(1) En janvier 1992, la Commission a été saisie d'une plainte déposée par l'Association nationale des producteurs espagnols de ciment (Oficemen), au nom de la totalité des producteurs espagnols de ciment Portland.

(2) La plainte contenait des éléments de preuve attestant à première vue l'existence d'un dumping au niveau régional et d'un préjudice important en résultant, qui ont été jugés suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure afin d'établir si les faits allégués étaient réels et justifiaient l'institution de mesures. En conséquence, la Commission a annoncé, par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (3), l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations en Espagne de certains ciments Portland originaires de Roumanie, de Tunisie et de Turquie, et a entamé une enquête. Le produit concerné est le ciment Portland autre que le ciment blanc, même coloré artificiellement, en vrac ou en sacs, relevant du code NC 2523 29 00.

(3) La Commission en a officiellement informé les producteurs, les exportateurs et les importateurs notoirement concernés, les représentants des pays exportateurs ainsi que les plaignants, et elle a donné aux parties directement intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues.

(4) Les gouvernements turc et tunisien ainsi que les producteurs et les exportateurs des pays concernés ont fait connaître leur point de vue par écrit. Toutes les parties qui l'ont demandé ont été entendues.

(5) L'enquête relative aux pratiques de dumping a porté sur la période comprise entre le 1er avril 1991 et le 31 mars 1992.

(6) La Commission a recherché et vérifié toutes les informations qu'elle a jugées nécessaires aux fins d'une détermination du dumping et du préjudice, et elle a procédé à une vérification sur place auprès des producteurs espagnols suivants:

- Asland Cataluna y del Mediterranneo, Barcelone

- Asland SA, Madrid

- Cementos Atlantico SA, Madrid

- Cementos Molins SA, Barcelone

- Compania Calenciana de Cementos Portland SA, Valence

- Portland Iberia SA, Madrid

- Sociedad Financiera y Minera SA, Madrid

- Uniland Cementera SA, Barcelone.

(7) Sur la base des résultats de cette enquête, la Commission a, après consultation du comité antidumping, conclu qu'il convient de clôturer la procédure sans institution de mesures, puisqu'il s'est avéré que les importations concernées n'ont pas causé de préjudice important ni de menace de préjudice important à l'industrie espagnole.

(8) Compte tenu des objections formulées au sein du comité consultatif, la Commission a présenté le 10 février 1994, conformément à l'article 9 du règlement de base, un rapport au Conseil ainsi qu'une proposition de clôture de la procédure sans institution de mesures.

Le Conseil a, le 7 mars 1994, décidé de ne pas clôturer la procédure.

(9) La Commission a, conformément à la décision du Conseil, réexaminé les résultats de son enquête à la lumière des informations, dûment vérifiées, fournies par l'industrie espagnole ainsi que des nouvelles observations présentées par les plaignants. À cet égard, la portée de ce réexamen a été limitée par le fait qu'il ne pouvait tenir compte que des données relatives à la période d'enquête, à l'exclusion de celles concernant toute période ultérieure.

(10) À la suite de ce réexamen, la Commission a maintenu la proposition dont elle avait saisi le Conseil en 1994.

B. PRODUIT SIMILAIRE

(11) L'enquête a révélé que les différents types de ciment Portland vendus sur le marché intérieur des pays concernés étaient similaires à ceux exportés vers l'Espagne. De même, les différents types de ciment fabriqués en Espagne et ceux exportés vers celle-ci en provenance des trois pays en cause étaient similaires du point de vue de leurs caractéristiques physiques essentielles et de leurs utilisations finales. En conséquence, la Commission a conclu, aux fins de la présente procédure, que tous les types de ciment Portland devaient être considérés comme un produit similaire, conformément aux dispositions de l'article 2 paragraphe 12 du règlement de base.

C. DESTINATION RÉGIONALE DU PRODUIT

(12) La Commission a établi que 94 % de la production totale espagnole du produit en cause était vendue sur le marché intérieur et que la demande totale en Espagne, déterminée d'après la consommation apparente du ciment en cause, n'était pas couverte à un degré substantiel par les producteurs d'autres pays de la Communauté. La part du marché intérieur détenue par les ventes de l'industrie espagnole au cours de la période d'enquête s'est élevée à près de 89 % alors que les importations provenant d'autres États membres de la Communauté représentaient 2 %. Par ailleurs, 89 % des importations communautaires totales originaires des pays faisant l'objet de la présente procédure ont été effectuées par l'Espagne.

En conséquence, il a été considéré que l'industrie espagnole constitue la "production de la Communauté" au sens de l'article 4 paragraphe 5 du règlement de base.

D. DUMPING

(13) Les données disponibles ont indiqué que le produit similaire importé en provenance des trois pays en cause a été vendu sur le marché espagnol à des prix qui, dans certains cas, représentaient un important élément de dumping. Il n'a toutefois pas été donné suite à cet aspect de l'affaire eu égard aux conclusions relatives aux préjudices exposés ci-dessous.

E. PRÉJUDICE

1. Consommation, volume et part de marché des importations originaires des pays concernés

(14) D'après la consommation apparente, le marché espagnol est passé de 26 millions de tonnes en 1989 à 28 millions de tonnes au cours de la période d'enquête. Les importations en provenance des pays concernés sont passées de 857 000 tonnes en 1989 à 2 388 000 au cours de la période d'enquête, de sorte que la part de marché détenue par la Turquie, la Roumanie et la Tunisie est passée de 3,28 % en 1989 à 8,54 % au cours de la période d'enquête.

2. Incidence, sur l'industrie espagnole, des importations faisant l'objet de dumping

(15) En ce qui concerne l'incidence possible, sur la situation de l'industrie espagnole, des importations concernées, la Commission a tenu compte des faits suivants:

a) la production espagnole est restée stable, à environ 27 millions de tonnes par an, au cours de la période examinée;

b) selon les estimations, la capacité installée s'est élevée à 39 millions de tonnes en 1989, 1990 et 1991, puis elle a augmenté d'environ 5 % pour atteindre 41 millions de tonnes au cours de la période d'enquête. Le taux d'utilisation des capacités s'est stabilisé à 69 % entre 1989 et 1991, mais il est descendu à 66 % au cours de la période d'enquête, cette diminution étant uniquement imputable à l'augmentation de la capacité installée. La Commission observe dans ce contexte que, par rapport à la demande totale en Espagne, il existait dans l'industrie espagnole un excédent important de capacité de 32 % en moyenne, au cours de la période examinée;

c) le volume total des ventes de l'industrie espagnole est resté stable, à environ 25 millions de tonnes au cours de la période considérée. Malgré l'augmentation modérée de la consommation, la part de marché de l'industrie communautaire est tombée de 96 % en 1989 à 89 % au cours de la période d'enquête. La part de marché de l'industrie espagnole est toutefois restée constamment élevée;

d) si l'on prend pour base l'indice 100 en 1989, les prix de vente à des acheteurs non liés, pratiqués par les producteurs espagnols ayant fait l'objet de l'enquête, sont passés à 103 en 1990, puis sont descendus à 97 en 1991 et à 94 au cours de la période d'enquête;

e) les bénéfices réalisés sur les ventes à des acheteurs non liés par les sociétés ayant fait l'objet de l'enquête sont tombés en moyenne de 36 % en 1989 à 32 % en 1990, puis à 21 % en 1991 et à 18 % au cours de la période d'enquête;

f) le nombre de personnes employées par les producteurs ayant fait l'objet de l'enquête a continuellement régressé au cours de la période dans son ensemble; en prenant comme base l'indice 100 en 1989, ce nombre est descendu à 98 en 1990, à 94 en 1991 et à 92 au cours de la période d'enquête;

g) la Commission a également examiné le préjudice éventuellement causé par les importations concernées sur une base sous-régionale, en prenant en considération la localisation géographique des producteurs espagnols. L'examen, par la Commission, des facteurs liés au préjudice a montré que seule la situation des producteurs établis sur la côte méditerranéenne, qui représentent 52 % de la production totale de l'industrie à l'origine de la plainte, s'est clairement détériorée, contrairement à celle des producteurs situés plus vers l'intérieur du pays. En fait, en volume, les ventes sur la côte ont, entre 1989 et la période d'enquête, chuté de 10 %, alors que les ventes à l'intérieur du pays ont augmenté de 3 %; en valeur, les premières ont baissé de 9 %, alors que les secondes ont légèrement augmenté (de 1 %). Enfin, l'industrie côtière a subi depuis 1989 une baisse de sa rentabilité de 4 % supérieure à celle enregistrée par l'industrie intérieure. En dépit de ce recul, la rentabilité de l'industrie côtière est restée à un niveau de 18 % au cours de la période d'enquête.

F. CONCLUSIONS RELATIVES AU PRÉJUDICE

(16) Bien que la situation de l'industrie espagnole se soit détériorée jusqu'à un certain point au cours de la période considérée, notamment celle des producteurs établis sur la côte méditerranéenne, son évolution doit être évaluée globalement pour les producteurs espagnols afin de déterminer s'il existe un préjudice important. Pour ce faire, la Commission a accordé une attention particulière aux facteurs suivants:

a) la production et les ventes ont été stables. Bien que l'augmentation de la consommation semble avoir profité aux importations faisant l'objet d'un dumping et non à la production intérieure, l'industrie espagnole a néanmoins conservé une part de marché de 89 %;

b) l'examen de la sous-cotation des prix effectué par la Commission a révélé que, bien que cette sous-cotation existe, ses effets ne peuvent pas être considérés comme significatifs au vu, d'autre part, des parts de marché respectivement détenues par les producteurs nationaux et par les importations originaires des trois pays en cause et, d'autre part, de l'incidence de ces importations, qui est géographiquement limitée à l'industrie côtière;

c) l'importante surcapacité de l'industrie intérieure, ainsi que la restructuration qu'elle a entraînée, ont joué un rôle important dans l'augmentation des coûts de production et, en conséquence, la baisse des bénéfices. À cet égard, les producteurs espagnols ont enregistré un recul de leur rentabilité, qui est, néanmoins, restée de 18 % en moyenne au cours de la période d'enquête pour l'industrie dans son ensemble.

Comme l'a proposé l'industrie espagnole, d'autres indicateurs de bénéfices, tels que le rendement du capital investi, ont été examinés. Sur la base des données fournies par le plaignant et vérifiées de façon satisfaisante au cours de l'enquête, il a été établi que, après avoir tenu compte de l'inflation et après avoir éliminé l'excédent de capacités, le taux d'investissement s'est élevé à 7 % au cours de la période d'enquête et a donc permis de remplacer les biens d'équipement de cette industrie;

d) le niveau de l'emploi dans l'industrie à l'origine de la plainte a baissé de 8 % entre 1989 et la période d'enquête. Toutefois, ce recul est, dans une large mesure, imputable à la restructuration de la production.

Sur la base de ce qui précède, il ne saurait être conclu que l'industrie espagnole a subi un préjudice important. Cette conclusion s'explique par le fait que la présente procédure concerne un marché régional comme l'indique le considérant 11. Dans de tels cas, l'article 4 paragraphe 5 du règlement de base stipule que les importations faisant l'objet d'un dumping doivent causer un préjudice important à la totalité ou la quasi-totalité de la production sur le marché régional concerné. Dans la présente procédure, l'examen des différents producteurs ayant fait l'objet de l'enquête, effectué par la Commission, n'a toutefois pas permis d'aboutir à la conclusion que cette condition était remplie.

G. MENACE DE PRÉJUDICE

(17) La Commission observe que, bien que le plaignant ait également allégué qu'il existait une menace de préjudice important, aucun élément de preuve essentiel d'une telle menace n'a été présenté au moment du dépôt de la plainte ni trouvé au cours de l'enquête.

H. CLÔTURE DE LA PROCÉDURE

(18) En l'absence de préjudice ou de menace de préjudice pour les producteurs de la totalité ou la quasi-totalité de la production sur le marché régional considéré, il ne saurait être question d'une détermination de préjudice important subi par l'industrie communautaire concernée par la présente procédure.

Dans ces circonstances, il est conclu que l'institution de mesures de défense apparaît inutile et qu'il convient dès lors de clôturer la procédure antidumping,

Décide:

Article unique

La procédure antidumping concernant les importations en Espagne de certains ciments Portland originaires de Turquie, de Roumanie et de Tunisie est close.

Notes :

(1) JO n° L 56 du 6. 3. 1996, p. 1.

(2) JO n° L 209 du 2. 8. 1988, p. 1.

(3) JO n° C 100 du 22. 4. 1992, p. 4.