CCE, 21 janvier 1998, n° 98-90
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Clôturant la procédure antidumping concernant les importations de dihydrostreptomycine, originaires de la République populaire de Chine
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CE) n° 384-96 du Conseil du 22 décembre 1995 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (1), modifié par le règlement (CE) n° 2331-96 (2), et notamment son article 9, paragraphe 2, après consultation du comité consultatif, considérant ce qui suit :
A. PROCÉDURE ANTÉRIEURE
(1) À la suite d'une plainte déposée par le Conseil européen des fédérations de l'industrie chimique (CEFIC) au nom du seul producteur connu de dihydrostreptomycine dans la Communauté européenne, le Conseil, par le règlement (CEE) n° 3836-91 (3), a institué un droit antidumping définitif sur les importations de dihydrostreptomycine (ci-après dénommée "DHS"), relevant du code NC 2941 20 10, originaires de la République populaire de Chine.
Le taux du droit institué était égal à 20,16 écus par kilogramme de DHS de base ou à la différence entre le prix caf et 58,4 écus par kilogramme de DHS de base, le montant le plus élevé étant retenu.
Pour deux sociétés chinoises, nommément désignées dans le dispositif du règlement, le taux du droit s'élevait à 14,9 écus par kilogramme de dihydrostreptomycine de base ou à la différence entre le prix caf et 53,16 écus par kilogramme de DHS de base, le montant le plus élevé étant retenu.
B. ENQUÊTE DE RÉEXAMEN
(2) Ultérieurement, la Commission a reçu une demande présentée par un importateur de la Communauté au nom d'un exportateur chinois visant à abroger les mesures en vigueur. Le demandeur prétendait qu'il n'y avait plus d'industrie communautaire de production de DHS susceptible de subir un préjudice du fait des importations en cause. Les éléments de preuve d'un changement de circonstances contenus dans la demande ont été jugés suffisants pour justifier l'ouverture d'une enquête de réexamen conformément à l'article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 384-96 (le "règlement de base").
(3) Par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes, la Commission a donc annoncé le réexamen du règlement (CEE) n° 3836-91, conformément à l'article 11, paragraphe 3, du règlement de base. Aucun changement de circonstances concernant le dumping n'ayant été allégué dans la demande, le réexamen, engagé le 4 janvier 1996 (4), a été limité dans un premier temps aux aspects du préjudice.
(4) Un examen préliminaire de la situation a mis en évidence qu'il subsistait un producteur de DHS dans la Communauté. Cependant, il est apparu que les circonstances de l'espèce avaient suffisamment changé pour justifier un réexamen complet à la fois du dumping et du préjudice. Le changement de circonstances portait notamment sur la modification de la composition de l'industrie communautaire (le seul producteur plaignant à l'origine, Rhône-Poulenc, avait cessé sa production, mais il y avait un autre producteur dans la Communauté), alors que, selon certaines informations, le Japon, pays analogue utilisé dans l'enquête originale ne produisait plus de DHS. Par ailleurs, les prix chinois à l'exportation semblaient avoir considérablement augmenté. Les implications de tous ces événements ont paru justifier l'extension du réexamen de manière à ce qu'il couvre le dumping et le préjudice.
(5) Après avoir consulté le comité consultatif sur la question, la Commission a décidé, de sa propre initiative, d'étendre la couverture initiale du réexamen de manière à englober à la fois le dumping et le préjudice. Une enquête a été engagée à la suite d'un avis publié dans le Journal officiel des Communautés européennes (5), en application de l'article 11, paragraphe 3, du règlement de base. La Commission a officiellement informé le producteur, les exportateurs et les importateurs notoirement concernés, de même que les utilisateurs du produit.
(6) À l'origine, l'enquête a porté sur l'année 1995, mais à la suite de l'extension du champ du réexamen, la période d'enquête pour le dumping a été fixée du 1er janvier au 30 novembre 1996.
(7) Le réexamen étant en cours à la fin de la période d'application des mesures, il a également couvert les circonstances mentionnées à l'article 11, paragraphes 2 et 7, du règlement de base.
(8) La Commission a recherché et vérifié toutes les informations jugées nécessaires aux fins de la détermination. Des questionnaires ont été adressés à toutes les sociétés notoirement concernées et des réponses ont été reçues des sociétés énumérées ci-dessous. Des contrôles ont été effectués dans les locaux du producteur communautaire, des importateurs non liés ayant coopéré et de deux sociétés utilisatrices dont une liée au producteur communautaire.
Toutes les parties qui l'ont demandé ont été entendues.
a) producteur communautaire
Norbrook Manufacturing Ltd (NML, Irlande);
b) producteurs/exportateurs de la République populaire de Chine
- Long March Pharmaceutical Plant,
- Shanghaï n° 4 Pharmaceutical Plant;
c) Importateurs dans la Communauté
- Helm AG (Allemagne),
- Tocelo Chemicals BV (Pays-Bas);
d) Utilisateurs communautaires
- Intervet International (Groupe Akzo-Nobel, Pays-Bas),
- Sanofi-SNA (France),
- Laboratoires Virbac (France),
- Laboratorios Syva (Espagne),
- Norbrook Laboratories Ltd (Irlande du Nord, liée à NML).
C. PRODUIT CONSIDÉRÉ ET PRODUIT SIMILAIRE
1. Produit considéré
(9) Le produit concerné par l'enquête est le même que celui couvert par l'enquête initiale, à savoir la DHS, un anti-infectieux obtenu par hydrogénation de la streptomycine et généralement combiné avec d'autres antibiotiques, comme la pénicilline-procaïne, pour la production de médicaments vétérinaires de base (doses injectables de pen-strep). Ces produits finaux sont devenus des produits de base et sont largement utilisés à titre préventif dans l'élevage des bovins, ovins et caprins. Parmi les applications mineures, on peut citer un certain nombre d'autres produits vétérinaires tels que les pommades et les suspensions huileuses.
2. Produit similaire
(10) La DHS est généralement exportée sous forme de sulfate en poudre par les exportateurs/producteurs chinois, mais elle est également produite sous forme liquide dans la Communauté. Ces deux formes sont dérivées d'une matière première unique, la streptomycine, qui est obtenue par fermentation et généralement produite en République populaire de Chine. Les deux formes sont destinées aux mêmes applications, essentiellement des formulations de pen-strep utilisées en médecine vétérinaire.
Un certain nombre d'utilisateurs ont fait valoir que le produit liquide vendu par l'industrie communautaire ne pouvait être comparé avec la DHS en poudre produite et exportée par la République populaire de Chine en raison de modes de préparation différents. Or, la Commission a établi que, bien qu'elle soit commercialisée sous forme liquide, la DHS produite et vendue par l'industrie communautaire et celle importée sous forme sèche de la République populaire de Chine ont la même formule chimique, les mêmes propriétés, exactement les mêmes utilisations (essentiellement la production de médicaments pen-strep) et sont en général interchangeables.
Ces produits sont donc considérés comme des produits similaires conformément à l'article 1er, paragraphe 4, du règlement de base aux fins de la présente enquête.
D. DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ COMMUNAUTAIRE
1. Industrie communautaire
(11) L'enquête a fait apparaître que Rhône-Poulenc, le seul producteur communautaire plaignant lors de l'enquête initiale de 1990, avait cessé sa production de DHS en mai 1994. Actuellement, Norbrook Manufacturing Ltd, en Irlande, est le seul producteur de DHS de la Communauté. La quasi-totalité de la production de Norbrook Manufacturing Ltd est cédée à sa société liée, Norbrook Laboratories Ltd (NLL) pour la fabrication de médicaments pen-strep. La part du marché communautaire total de Norbrook Manufacturing Ltd (c'est-à-dire à la fois les ventes effectuées sur le marché libre et les transferts de produits réservés au groupe Norbrook) s'élevait à 24 % en 1995 et au cours de la période d'enquête. En ce qui concerne la part du marché libre de Norbrook, moins de 1 % des ventes respectives étaient effectuées à des clients indépendants, pour la plupart en Espagne, ce qui représentait donc une part négligeable du marché libre de la Communauté.
2. Consommation
(12) Au cours de la période d'enquête, la consommation communautaire globale s'élevait, selon les estimations, à 234 tonnes. L'indice de la consommation a régressé de 100 en 1993 à 87 au cours de la période d'enquête.
3. Importations
(13) On observera qu'en dehors de Rhône-Poulenc, pour la Communauté, Meiji au Japon a cessé sa production de DHS en 1993. Les producteurs chinois semblent donc exercer une domination mondiale sur le marché de la DHS à présent que les grands groupes chimiques ont cessé de produire le sulfate de DHS. La Chine est le principal fournisseur du marché de la Communauté (98 % des importations directes dans la Communauté et 75 % de la consommation communautaire totale au cours de la période d'enquête) et pratiquement le seul fournisseur sur le marché libre de la Communauté. On observera qu'à la suite de l'institution du droit antidumping sur le code NC 2941 20 10 en 1991, les importations chinoises de DHS ont été, pour une grande part, réalisées sous d'autres codes non soumis au droit, contournant ainsi les mesures antidumping.
Les exportations chinoises vers la Communauté ont atteint 176 tonnes pour une valeur de 7,9 millions d'écus (6) au cours de la période d'enquête. Les prix moyens chinois ont enregistré une hausse de 25 % en 1994 et de 5 % en 1995. Ils ont encore augmenté de 7 % au cours de la période d'enquête. Les autres importations (de Roumanie et de Suisse) sont actuellement négligeables.
E. DUMPING
1. Pays analogue
(14) La République populaire de Chine étant considérée comme un pays dépourvu d'économie de marché, la Commission s'est efforcée de trouver un pays tiers à économie de marché qui produisait de la DHS en quantité suffisante au cours de la période d'enquête afin d'établir la valeur normale pour les exportations chinoises. Des producteurs du produit concerné, au Brésil, en Inde, en Roumanie et aux États-Unis d'Amérique avaient été envisagés, mais aucun d'eux n'a été désireux ou en mesure de coopérer à l'enquête de la Commission. À défaut de tout pays tiers, il n'y avait plus d'autre choix que de recourir à la Communauté en tant que marché analogue pour l'établissement de la valeur normale, conformément à l'article 2, paragraphe 7, du règlement de base.
2. Valeur normale
(15) Étant donné que le seul producteur de la Communauté ne vendait pas le produit concerné en quantités suffisantes à des clients indépendants sur le marché de la Communauté, la valeur normale a dû être construite sur la base de ses coûts de production majorés d'une marge raisonnable au titre des frais de vente, dépenses administratives, frais généraux et de la marge bénéficiaire.
Cependant, dans la mesure où les ventes du produit similaire ou de la même catégorie générale de produits de ce producteur n'étaient pas effectuées en quantités suffisantes et en l'absence de toute autre source fiable d'information, les services de la Commission ont examiné s'il n'était pas possible de déterminer les montants des frais de vente, dépenses administratives et frais généraux et la marge bénéficiaire sur la même base que dans l'enquête initiale.
Dans l'enquête initiale, le Japon avait été utilisé comme pays analogue et les frais généraux, dépenses administratives et frais de vente avaient été déterminés par référence à ceux supportés par le seul producteur japonais ayant coopéré. En ce qui concerne la marge bénéficiaire, un taux de 5 % avait été appliqué lors de l'enquête initiale, le produit en question étant une matière première utilisée pour la fabrication d'un produit pharmaceutique générique destiné au secteur agricole. Rien n'indiquant que cette méthode n'était plus appropriée, il a été décidé de déterminer les dépenses administratives, frais généraux et frais de ventes, de même que le bénéfice de la même manière.
3. Prix à l'exportation
(16) Les deux producteurs/exportateurs chinois qui ont répondu au questionnaire représentaient la quasi-totalité des exportations chinoises du produit concerné vers la Communauté. Les exportateurs chinois ayant coopéré destinant leurs exportations vers la Communauté directement à des importateurs indépendants, les prix à l'exportation ont été établis sur la base des prix effectivement payés ou à payer par des importateurs indépendants, conformément à l'article 2, paragraphe 8, du règlement de base, tels qu'ils avaient été communiqués par les exportateurs ayant coopéré.
4. Comparaison
(17) Aux fins d'une comparaison équitable, le prix à l'exportation a été ajusté au niveau FOB port chinois et la valeur normale a été ajustée de même au niveau FOB frontière nationale.
La comparaison entre le prix à l'exportation et la valeur normale, sur la base d'une moyenne pondérée, a mis en évidence une marge de dumping de minimis de 1,5 %.
F. RÉCURRENCE DU DUMPING
(18) Afin de déterminer la probabilité d'une récurrence du dumping, il faut observer que les prix unitaires chinois pour la DHS ont augmenté depuis 1993, la hausse générale atteignant 40 % à la fin de la période d'enquête. Au cours de cette période, le volume des importations a également augmenté au point de représenter à présent 98 % des importations directes dans la Communauté.
Tous ces développements sont essentiellement dus au fait que la Chine est à présent pratiquement la seule source d'approvisionnement pour le marché libre de la Communauté. Ces circonstances impliquent que la concurrence sur le marché en ce qui concerne la DHS est désormais limitée. Rien n'indique que cette situation changera, ce qui a amené la Commission à estimer que la récurrence du dumping par les importations chinoises était improbable. Aucun argument contraire n'a été avancé.
G. PRÉJUDICE ET INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ
(19) Compte tenu des conclusions en ce qui concerne le dumping, on a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'approfondir les aspects liés au préjudice et à l'intérêt de la Communauté dans la mesure où cela n'était pas de nature à modifier lesdites conclusions. Le producteur de la Communauté a été informé des conclusions de la Commission et a contesté les chiffres utilisés pour retracer l'évolution des prix chinois que la Commission avait établis sur la base d'Eurostat. Toutefois, aucune autre information fondée n'a été présentée qui serait de nature à modifier les conclusions de la Commission à ce sujet.
H. CONCLUSION
(20) Compte tenu de ce qui précède, on a conclu que la procédure concernant les importations de DHS originaires de la République populaire de Chine devait être clôturée et que le droit antidumping en vigueur devait être abrogé,
Décide :
Article unique
La procédure antidumping concernant les importations de dihydrostreptomycine relevant des codes NC 2941 20 10 et 2941 20 20, originaires de la République populaire de Chine, est close.
Notes :
(1) JO L 56 du 6. 3. 1996, p. 1.
(2) JO L 317 du 6. 12. 1996, p. 1.
(3) JO L 362 du 31. 12. 1991, p. 1.
(4) JO C 1 du 4. 1. 1996, p. 4.
(5) JO C 386 du 20. 12. 1996, p. 9.
(6) Estimation fondée sur Eurostat, codes NC 2941 20 10 et 2941 20 20.