CJCE, 4 juin 2002, n° C-164/00
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Beckmann
Défendeur :
Dynamco Whicheloe Macfarlane Ltd
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodríguez Iglesias
Présidents de chambre :
Mme Colneric, M. von Bahr
Avocat général :
M. Alber
Juges :
MM. Gulmann, Edward, La Pergola, Puissochet (rapporteur), Wathelet, Schintgen, Cunha Rodrigues, Timmermans
LA COUR,
1. Par ordonnance du 1er mars 2000, parvenue à la Cour le 5 mai suivant, la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 3 de la directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (JO L 61, p. 26, ci-après la "directive").
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Mme Beckmann à son ancien employeur, Dynamco Whicheloe Macfarlane Ltd (ci-après "DWM"), au sujet d'une pension de retraite anticipée et d'autres prestations que Mme Beckmann estime lui être dues à la suite de son licenciement pour cause de sureffectifs par DWM et que cette dernière refuse de lui verser. Mme Beckmann considère avoir droit à ces prestations en tant qu'ancienne employée du National Health Service (administration nationale de la santé, ci-après le "NHS"), dont l'entreprise ou l'établissement a été transféré, au sens de la directive, à DWM.
La directive
3. La directive est applicable, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, "aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion".
4. L'article 2 de la directive précise que, au sens de celle-ci, on entend par:
"[...] a) cédant, toute personne physique ou morale qui, du fait d'un transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, perd la qualité de chef d'entreprise à l'égard de l'entreprise, de l'établissement ou de la partie d'établissement;
b) cessionnaire, toute personne physique ou morale qui, du fait d'un transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, acquiert la qualité de chef d'entreprise à l'égard de l'entreprise, de l'établissement ou de la partie d'établissement;
[...]"
5. L'article 3 de la directive est libellé comme suit:
"1. Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.
Les États membres peuvent prévoir que le cédant est, également après la date du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, et à côté du cessionnaire, responsable des obligations résultant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail.
2. Après le transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu'à la date de la résiliation ou de l'expiration de la convention collective ou de l'entrée en vigueur ou de l'application d'une autre convention collective.
Les États membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.
3. Les paragraphes 1 et 2 ne s'appliquent pas aux droits des travailleurs à des prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivants au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux de sécurité sociale des États membres.
Les États membres adoptent les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des travailleurs, ainsi que des personnes qui ont déjà quitté l'établissement du cédant au moment du transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, en ce qui concerne leurs droits acquis ou en cours d'acquisition à des prestations de vieillesse y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires visés au premier alinéa."
Le droit interne
Les Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 1981
6. La directive a été transposée en droit interne par les Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 1981 [réglementation de 1981 relative au transfert d'entreprises (protection de l'emploi), ci-après les "TUPE"]. Les passages pertinents des TUPE pour l'affaire au principal, qui transposent l'article 3 de la directive, prévoient:
"Art. 5. Effet du transfert visé sur les contrats de travail [...]
1. [...] le transfert visé n'a pas pour effet de mettre fin au contrat de travail d'une personne employée par le cédant dans l'entreprise ou la partie d'entreprise transférée; au contraire, tout contrat de ce type, auquel le transfert aurait sans cela mis fin, produit effet après le transfert comme s'il avait été conclu dès l'origine entre ce travailleur et le cessionnaire.
2. Sans préjudice du paragraphe 1 ci-dessus, [...] lorsque le transfert est réalisé
- tous les droits, pouvoirs, devoirs et obligations du cédant attachés ou relatifs à ce contrat sont transférés au cessionnaire par l'effet de la présente réglementation; et
- tout acte accompli avant la réalisation du transfert par ou pour le cédant, relativement à ce contrat ou à une personne employée dans cette entreprise ou partie d'entreprise, est censé l'avoir été par ou pour le cessionnaire [...]
Art. 6. Effet du transfert visé sur les conventions collectives
Les règles suivantes s'appliquent s'il existe, au moment du transfert visé, une convention collective conclue par ou pour le cédant avec un syndicat agréé par lui relativement à un travailleur dont le contrat de travail est protégé par l'article 5, paragraphe 1, ci-dessus:
(a) [...] après le transfert, cette convention produit effet, pour son application au travailleur, comme si elle avait été conclue par ou pour le cessionnaire avec ce syndicat; par conséquent, tout acte accompli avant la réalisation du transfert par ou pour le cédant en vertu ou dans le cadre de cette convention, pour l'application susdite, est censé, après le transfert, l'avoir été par ou pour le cessionnaire [...]
Art. 7. Exclusion des régimes de retraite professionnels
1. Les articles 5 et 6 ci-dessus ne s'appliquent pas:
a) aux aspects d'un contrat de travail ou d'une convention collective qui sont relatifs à un régime de retraite professionnel au sens du Social Security Pensions Act 1975 (loi de 1975 relative aux pensions de sécurité sociale) ou du Social Security Pensions (Northern Ireland) Order 1975 [ordonnance de 1975 relative aux pensions de sécurité sociale (Irlande du Nord)]; ou
b) aux droits, pouvoirs, devoirs ou obligations attachés ou relatifs à un tel contrat ou existant en vertu d'une telle convention et portant sur semblable régime, ou trouvant d'une autre façon leur origine dans la relation de travail de cette personne et portant sur semblable régime.
2. Pour l'application du paragraphe 1 ci-dessus, toutes les dispositions d'un régime de retraite professionnel qui ne concernent pas des prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivants sont censées ne pas faire partie du régime."
7. La juridiction de renvoi précise que le régime de retraite du NHS est un régime de retraite professionnel, tel que défini à l'article 7, paragraphe 1, des TUPE.
Les conditions d'emploi du General Whitley Council
8. Le système des Whitley Councils est un système de détermination des conditions d'emploi dans le secteur public par la voie de négociations paritaires entre les employeurs et les employés.
9. L'article 45 des General Whitley Council Conditions of Service (ci-après les "conditions d'emploi du GWC") reprend les dispositions d'accords prévoyant des indemnités forfaitaires de licenciement pour les employés des différentes structures du NHS lorsqu'ils sont licenciés pour cause de sureffectifs. Les indemnités de licenciement sont alors versées par l'employeur.
10. L'article 46 des conditions d'emploi du GWC reprend pour sa part les dispositions de la collective agreement on Premature Payment of Superannuation and Compensation Benefits (convention collective sur le paiement anticipé de prestations de retraite et d'indemnités) qui a été conclue entre les différents employeurs du NHS et les syndicats agréés. Pour les travailleurs ayant entre 50 ans et l'âge de la retraite et ayant été affiliés 5 ans au moins au "NHS Superannuation Scheme" (régime de retraite du NHS), ledit article prévoit une retraite anticipée avec paiement immédiat de la pension et des indemnités compensatoires dans trois cas, à savoir le licenciement pour cause de sureffectifs, la retraite dans l'intérêt de l'efficacité du service et la retraite anticipée en cas de réorganisation. Une majoration du nombre d'annuités prises en compte est en outre prévue en faveur de ces travailleurs.
11. Les dispositions d'application pertinentes pour l'affaire au principal de l'article 46 des conditions d'emploi du GWC résultent des NHS Pension Scheme Regulations 1995 (réglementation de 1995 relative au régime de retraite du NHS) et des NHS (Compensation for Premature Retirement) Regulations 1981 (réglementation de 1981 relative aux indemnités compensatoires pour retraite anticipée - non volontaire - du NHS). Elles prévoient:
- le paiement d'une pension de retraite anticipée ("early retirement pension"), basée sur les années de service effectives et payée à partir de la date du licenciement pour motifs économiques jusqu'à l'âge normal de la retraite;
- le versement anticipé d'une prime forfaitaire de retraite ("lump sum on retirement") normalement versée lors du départ à la retraite, dont le montant est équivalent à trois fois le montant annuel de la pension de retraite anticipée;
- une compensation sous forme d'allocations annuelles ("annual allowance"), visant à majorer la pension de retraite anticipée, et
- une indemnité forfaitaire ("lump sum compensation"), égale à trois fois l'allocation annuelle.
12. Ces diverses prestations sont payées par le ministre compétent, à partir du régime de retraite du NHS pour les deux premières. Toutefois, leur coût doit être remboursé au ministre par l'administration du NHS.
13. Lorsque ces prestations atteignent un certain niveau, les indemnités forfaitaires de licenciement pour cause de sureffectifs visées à l'article 45 des conditions d'emploi du GWC sont réduites ou supprimées.
Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles
14. Mme Beckmann a travaillé au sein du NHS pour la North West Regional Health Authority (ci-après la "NWRHA"), conformément aux conditions d'emploi du GWC. Elle cotisait au régime de retraite du NHS. L'entité pour laquelle elle travaillait a fait l'objet d'un transfert, au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive et au sens des TUPE, à DWM, le 1er juin 1995. Mme Beckmann a continué à travailler pour DWM jusqu'à son licenciement pour cause de sureffectifs, le 6 mai 1997.
15. À l'occasion de ce licenciement, DWM a payé à Mme Beckmann des indemnités forfaitaires de licenciement, calculées conformément à l'article 45 des conditions d'emploi du GWC, sans aucune réduction correspondant à des prestations découlant de l'article 46 desdites conditions. Bien que Mme Beckmann ait rempli les conditions fixées par cette dernière disposition, puisqu'elle était âgée de 50 ans et affiliée depuis plus de 5 ans au régime de retraite du NHS, elle n'a reçu aucune prestation à ce titre.
16. Mme Beckmann a intenté une action en justice afin de faire confirmer son droit à ces prestations et d'obtenir une ordonnance obligeant DWM à en effectuer le paiement.
17. C'est dans ces conditions que la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, a déféré à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes :
"1) Le droit du travailleur au paiement anticipé d'une pension et d'une prime forfaitaire de retraite et/ou à la rente annuelle et à l'indemnité forfaitaire constitue-t-il un droit à une prestation de vieillesse, d'invalidité ou de survivants, au sens de l'article 3, paragraphe 3, de la directive 77-187-CEE du Conseil ?
2) Si et dans la mesure où la réponse à la première question est négative, existe-t-il une obligation du cédant résultant du contrat de travail, de la relation de travail ou de la convention collective au sens de l'article 3, paragraphe 1, et/ou de l'article 3, paragraphe 2, obligation qui est transférée en raison du transfert de l'entreprise et qui contraint le cessionnaire à verser ces prestations au travailleur en cas de licenciement ?"
Sur la première question
18. Mme Beckmann ainsi que le Gouvernement du Royaume-Uni considèrent que les prestations prévues à l'article 46 des conditions d'emploi du GWC n'entrent pas dans le champ d'application de l'exception prévue à l'article 3, paragraphe 3, de la directive et que, par conséquent, elles font partie des droits transférés au profit du travailleur. Elles ne seraient pas liées au risque vieillesse, même si elles ne sont versées qu'à partir d'un certain âge. Elles découleraient d'un dispositif spécifique applicable à une situation de licenciement dans des circonstances précises.
19. Or, pour apprécier si des prestations relèvent ou non de l'exception prévue à l'article 3, paragraphe 3, de la directive, qui devrait être appliquée de manière restrictive au regard des objectifs généraux du texte, il faudrait uniquement s'attacher aux finalités de ces prestations. Le Gouvernement du Royaume-Uni soutient que cette approche a été retenue par la Cour dans l'arrêt du 26 février 1986, Roberts (151-84, Rec. p. 703), où il aurait été jugé que des conditions d'octroi de pensions de retraite anticipée, dans le cadre de procédures collectives de licenciement économique, ne sont pas assimilables à des conditions d'octroi de pensions de vieillesse normales. Pour sa part, Mme Beckmann fait état de ce que, dans l'arrêt du 17 mai 1990, Barber (C-262-88, Rec. p. I-1889), la Cour n'aurait fait aucune différence entre des indemnités de retraite anticipée versées en cas de licenciement et d'autres types d'indemnités versées dans les mêmes circonstances pour les qualifier de rémunération des travailleurs au sens de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE).
20. Mme Beckmann ajoute que considérer comme une prestation de vieillesse l'octroi d'une retraite anticipée en cas de licenciement reviendrait à instaurer une inégalité de traitement entre les travailleurs licenciés après un transfert d'entreprises. En effet, certains de ces travailleurs pourraient toujours prétendre à des prestations liées au licenciement, issues des engagements de leur précédent employeur, tandis que d'autres ne pourraient plus prétendre à la retraite anticipée que leur précédent employeur aurait pourtant été tenu de leur accorder dans les mêmes circonstances. Mme Beckmann soutient encore qu'il ne faut s'attacher ni à l'apparence du dispositif mis en œuvre à l'occasion d'un licenciement - qui peut être qualifié de retraite anticipée ou recevoir une autre qualification, sachant qu'individuellement les travailleurs n'ont, en fonction de leur situation individuelle, pas de véritable choix entre les différentes formules - ni à l'entité qui assure matériellement le paiement des prestations aux intéressés. Ce qui importerait en l'espèce serait que les prestations sont finalement supportées par l'employeur, à savoir le NHS si Mme Beckmann avait continué d'être employée par lui jusqu'à son licenciement, et non par le régime de retraite proprement dit.
21. DWM soutient au contraire que les prestations en cause au principal sont des prestations de vieillesse couvertes par l'exception prévue à l'article 3, paragraphe 3, de la directive. Le paiement anticipé de prestations qui sont par nature des prestations de vieillesse ne changerait rien à leur caractère. DWM fait valoir à cet égard qu'il est constant que le régime de retraite du NHS est un régime complémentaire de prévoyance professionnel visé à cette disposition. Les prestations en cause au principal seraient calculées exactement comme les prestations de vieillesse normales du NHS, en recourant à un mécanisme particulier destiné à compenser le moindre nombre d'années d'affiliation des intéressés. DWM ajoute que les prestations visées à l'article 46 des conditions d'emploi du GWC ne sont pas versées pour compenser la perte d'un poste ou d'un emploi, ce qui serait en revanche le rôle de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 45 desdites conditions, qui a d'ailleurs été accordée à Mme Beckmann.
22. La Commission considère quant à elle qu'il convient de vérifier si les éléments constitutifs et les autres particularités des prestations en cause au principal permettent de les rattacher aux prestations dont le maintien dans le chef du travailleur n'est pas obligatoire en cas de transfert d'entreprise compte tenu des dispositions de l'article 3, paragraphe 3, de la directive. Le critère déterminant serait à cet égard la nature du régime de prévoyance auquel les prestations se rattachent le cas échéant.
23. La Commission expose que l'exception prévue à l'article 3, paragraphe 3, de la directive est liée aux caractéristiques des régimes de prévoyance complémentaires professionnels et interprofessionnels qu'elle concerne, ainsi qu'il résulterait des travaux préparatoires de la directive. L'économie et, en même temps, la diversité de ces régimes seraient telles qu'il aurait été impossible d'imposer de manière générale aux cessionnaires d'assumer les obligations issues de régimes ayant leurs propres équilibres et auxquels ils ne participent souvent pas.
24. La Commission propose l'examen des critères suivants pour déterminer si les prestations en cause au principal relèvent de l'exception prévue à l'article 3, paragraphe 3, de la directive: le mode de financement, la nature et l'objet, les conditions d'octroi ainsi que le mode de calcul.
25. S'agissant de la pension de retraite anticipée et de la prime forfaitaire de retraite en cause au principal, la Commission déduit des informations données par la juridiction de renvoi qu'elles sont versées au titre d'un régime de pension professionnel tel que visé à l'article 3, paragraphe 3, de la directive. Elle note en particulier que DWM ne peut sans doute pas participer au régime de retraite du NHS, alors que les conditions d'octroi et les finalités de ces deux prestations semblent s'apparenter à celles des prestations de retraite normale dudit régime. La Commission relève toutefois que l'employeur du NHS doit reverser au ministre une contribution destinée à couvrir les coûts des deux prestations, mais s'interroge sur la source de financement de cette contribution. La Commission se demande également si, en cas de décès de l'intéressé, ses ayants droit conserveront le bénéfice de ces deux prestations, comme pour une pension de retraite. La Commission conclut néanmoins que celles-ci semblent relever de l'exception prévue à l'article 3, paragraphe 3, de la directive.
26. S'agissant des allocations annuelles et de l'indemnité forfaitaire en cause au principal, la Commission expose que l'ordonnance de renvoi ne permet pas de déterminer avec certitude si ces prestations sont servies au titre du régime de retraite du NHS ni si elles ont pour finalité d'assurer un revenu suffisant durant une préretraite ou de verser une indemnité de licenciement. La Commission note que leur montant ne semble pas proportionnel au nombre d'années durant lesquelles l'intéressé a versé des cotisations audit régime et que l'employeur doit également verser au ministre une contribution destinée à couvrir les coûts de ces prestations. La Commission se demande encore ce qu'il advient en cas de décès de l'intéressé. Elle réserve finalement sa position sur ces deux prestations.
27. Il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu'il est constant entre les parties au principal et le Gouvernement du Royaume-Uni que les employés du NHS, en dépit de l'appartenance de ce dernier au secteur public, relèvent de la législation nationale en matière de droit du travail et qu'ils sont donc susceptibles de bénéficier des dispositions de la directive (voir, à cet égard, arrêt du 14 septembre 2000, Collino et Chiappero, C-343-98, Rec. p. I-6659, point 41).
28. Un dispositif tel que celui découlant de l'article 46 des conditions d'emploi du GWC prévoit, notamment en cas de survenance d'une certaine forme de licenciement, une retraite anticipée, ainsi que des versements visant à améliorer cette prestation.
29. Compte tenu de l'objectif général de protection des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises que poursuit la directive en prévoyant, à son article 3, paragraphes 1 et 2, le transfert au cessionnaire des droits et obligations qui résultaient pour le cédant du contrat de travail, de la relation de travail ou de conventions collectives, l'exception à cette règle prévue au paragraphe 3 du même article doit être interprétée de manière stricte.
30. Cette exception ne peut donc s'appliquer qu'à l'égard des seules prestations qui y sont limitativement énumérées et celles-ci doivent être comprises dans une acception étroite.
31. Dans ce contexte ne doivent être qualifiées de prestations de vieillesse que les prestations versées à partir du moment où le travailleur arrive au terme normal de sa carrière tel que prévu par l'économie générale du régime de retraite en cause et non des prestations versées dans des conditions telles que celles de l'affaire au principal, à savoir en cas de licenciement en raison de sureffectifs, même si elles sont calculées par référence aux modalités de calcul des prestations de retraite normale.
32. Il convient donc de répondre à la première question que des prestations de retraite anticipée, ainsi que des prestations visant à améliorer les conditions d'une telle retraite, versées en cas de licenciement à des travailleurs ayant atteint un certain âge, telles que celles en cause dans l'affaire au principal, ne constituent pas des prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivants au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels visées à l'article 3, paragraphe 3, de la directive.
Sur la seconde question
33. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir, dans la mesure où des prestations telles que les prestations en cause au principal ne seraient pas couvertes par l'exception prévue à l'article 3, paragraphe 3, de la directive, si des obligations applicables en cas de licenciement d'un travailleur, résultant d'un contrat de travail, d'une relation de travail ou d'une convention collective liant le cédant à l'égard de ce travailleur sont transférées au cessionnaire dans les conditions et limites de l'article 3 de la directive, même si ces obligations trouvent leur origine dans des actes de l'autorité publique ou sont mises en œuvre par de tels actes selon des modalités pratiques telles que celles retenues pour les prestations en cause au principal.
34. Mme Beckmann, confortée dans son argumentation par le Gouvernement du Royaume-Uni et la Commission, soutient que le droit aux prestations en cause au principal résultait de son contrat de travail ou de sa relation de travail avec le NHS et qu'il était expressément prévu dans son contrat qu'elle pourrait bénéficier des dispositions de l'article 46 des conditions d'emploi du GWC. En outre, cet article résultant d'une convention collective, l'obligation correspondant audit droit aurait été transférée au cessionnaire non seulement au titre de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, mais aussi au titre de l'article 3, paragraphe 2, de celle-ci. Le fait que divers actes de l'autorité publique sont intervenus pour l'instauration de ce droit, compte tenu de l'appartenance de la NWRHA au secteur public, n'aurait aucune incidence, pas plus que la circonstance d'un paiement des prestations par le ministre compétent avant remboursement par la NWRHA, qui ne constituerait qu'une modalité d'exécution.
35. DWM soutient au contraire que le fait que les droits aux prestations en cause au principal ont été consacrés par des actes de l'autorité publique et que les paiements y relatifs sont effectués par le ministre écarte l'application de l'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive, qui viserait seulement les droits que les travailleurs détiennent envers l'employeur lui-même en vertu du contrat de travail ou de la relation de travail et des conventions collectives. Or, en l'espèce au principal, le système serait tel que l'employeur cédant, à savoir la NWRHA, aurait eu des obligations envers le ministre et non envers les travailleurs. En outre, DWM n'aurait elle-même aucune obligation envers le ministre.
36. À cet égard, il convient de rappeler que l'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose que le cessionnaire est tenu par les droits et obligations résultant du contrat de travail ou de la relation de travail existant entre le travailleur et le cédant à la date du transfert d'entreprise, ainsi que par les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu'à la date de la résiliation ou de l'expiration de la convention collective ou de l'entrée en vigueur ou de l'application d'une autre convention collective, sous réserve que l'État membre concerné n'ait pas limité la période de maintien de ces conditions de travail, en application de l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, de la directive.
37. Or, en dehors des exceptions résultant de l'article 3, paragraphe 3, de la directive pour ce qui concerne les prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivants qui y sont visées, aucune exception à ces règles n'est prévue par la directive et l'existence d'une telle clause spécifique amène à conclure que l'article 3, paragraphes 1 et 2, englobe l'ensemble des droits des travailleurs qui y sont mentionnés et qui ne sont pas couverts par ces exceptions (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 1985, Abels, 135-83, Rec. p. 469, point 37).
38. Par conséquent, ni le fait que des droits ou des obligations résultant du contrat de travail, de la relation de travail ou d'une convention collective liant le cédant dans les conditions rappelées au point 36 du présent arrêt trouvent leur origine dans des actes de l'autorité publique ou ont été mis en œuvre par de tels actes ni les modalités pratiques retenues pour cette mise en œuvre ne sauraient avoir pour effet que ces droits ou ces obligations ne sont pas transférés au cessionnaire.
39. En l'espèce au principal, il appartient le cas échéant à la juridiction de renvoi de vérifier si les prestations dont Mme Beckmann demande le bénéfice résultaient de son contrat de travail ou de sa relation de travail avec l'employeur cédant à la date du transfert, ou d'une convention collective qui liait le cédant et qui lierait également le cessionnaire dans les conditions de l'article 3, paragraphe 2, de la directive, pour déterminer si Mme Beckmann peut exiger de DWM en tant que cessionnaire le versement de ces prestations.
40. Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que l'article 3 de la directive doit être interprété en ce sens que des obligations applicables en cas de licenciement d'un travailleur, résultant d'un contrat de travail, d'une relation de travail ou d'une convention collective liant le cédant à l'égard de ce travailleur, sont transférées au cessionnaire dans les conditions et les limites définies par ledit article, indépendamment du fait que ces obligations trouvent leur origine dans des actes de l'autorité publique ou sont mises en œuvre par de tels actes et indépendamment des modalités pratiques retenues pour cette mise en œuvre.
Sur les dépens
41. Les frais exposés par le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, par ordonnance du 1er mars 2000, dit pour droit:
1) Des prestations de retraite anticipée, ainsi que des prestations visant à améliorer les conditions d'une telle retraite, versées en cas de licenciement à des travailleurs ayant atteint un certain âge, telles que celles en cause dans l'affaire au principal, ne constituent pas des prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivants au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels visées à l'article 3, paragraphe 3, de la directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements.
2) L'article 3 de la directive 77-187 doit être interprété en ce sens que des obligations applicables en cas de licenciement d'un travailleur, résultant d'un contrat de travail, d'une relation de travail ou d'une convention collective liant le cédant à l'égard de ce travailleur, sont transférées au cessionnaire dans les conditions et les limites définies par ledit article, indépendamment du fait que ces obligations trouvent leur origine dans des actes de l'autorité publique ou sont mises en œuvre par de tels actes et indépendamment des modalités pratiques retenues pour cette mise en œuvre.