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Décisions

CCE, 15 juillet 1997, n° 98-234

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Concernant l'aide financière accordée à " Lloyd Triestino Societâ di Navigazione SpA " et " Italia di Navigazione SpA "

CCE n° 98-234

15 juillet 1997

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord instituant l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions des articles susmentionnés, et compte tenu de ces observations, considérant ce qui suit :

Le 16 février 1994 (lettre enregistrée SG (94) A/3082 du 24 février 1994), la représentation permanente de l'Italie a notifié au secrétariat général de la Commission un nouveau décret-loi (DL) (1), portant le numéro 22-94 (2), qui prévoyait des mesures urgentes concernant différents secteurs de l'économie italienne. Ce décret-loi contenait une proposition d'octroi d'une aide financière au secteur maritime, plus particulièrement sous la forme d'un apport de capital à " Lloyd Triestino Società di Navigazione SpA " (" Lloyd ") et à " Italia di Navigazione SpA " (" Italia "), deux compagnies de navigation internationale de ligne appartenant au groupe Finmare (3), dans le cadre d'un plan global de restructuration. Ce décret-loi est devenu ensuite la loi 204-95 qui est encore en vigueur. C'est cette restructuration financière qui fait l'objet de la présente consultation et de la proposition de décision de la Commission.

Étant donné la publication du décret-loi 22-94 dans la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana du 15 janvier 1994 et son entrée en vigueur consécutive, le plan de restructuration financière a été enregistré par le secrétariat général comme une aide non notifiée.

Le 27 juillet 1994, la Commission a décidé d'entamer la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2 (4), considérant qu'il y avait, à ce stade, des doutes quant à la compatibilité de l'aide financière proposée avec le traité. L'association (de droit privé) des armateurs italiens (Confederazione Italiana Armatori ou " Confitarma " (5)), les autorités du Royaume-Uni et des juristes représentant un concurrent de Lloyd ont fourni des observations à ce sujet.

Les autorités italiennes ont présenté leurs observations et donné des informations complémentaires par lettres des 13 octobre et 24 novembre 1994. Un échange de correspondance régulier a eu lieu pendant l'année 1995, au moment où le plan de restructuration de Finmare commençait à prendre forme, et l'information finale demandée par la Commission en vue de prendre une décision a été transmise par les autorités Italiennes le 15 mai 1997. Il y eut également de nombreuses réunions bilatérales, à Bruxelles et à Rome, la dernière ayant eu lieu le 17 avril 1996.

DESCRIPTION DES MESURES

La proposition concerne un apport en capital de 60 milliards de lires (31 millions d'écus) payables en 1996, dont 40 milliards de lires à Lloyd et 20 milliards de lires à Italia. Les autorités italiennes ont confirmé que cette aide financière n'avait pas été versée à Lloyd ou Italia, qui sont sous-capitalisées, avant de connaître la décision de la Commission.

La proposition d'octroi d'une aide d'État visant à recapitaliser Lloyd et Italia fait partie de l'étape finale de restructuration de la flotte publique italienne. Le principal objectif du présent apport de capital est de donner à Lloyd et à Italia une base financière viable et une aide leur permettant de s'adapter à des conditions normales de marché en vue de leur privatisation, prévue pour début 1997.

L'État italien a souligné que, sans cette injection de capital, les compagnies, qui sont des employeurs importants, seraient trop faibles pour être privatisées. Le gouvernement italien souhaite par conséquent achever le processus de restructuration en cours selon le plan prévu et permettre ainsi la privatisation de ces entreprises.

La privatisation prévue suit son cours : Finmare a chargé la Citibank de rechercher de possibles acheteurs et une large publicité a été faite à l'appel de manifestation d'intérêt. Plusieurs compagnies maritimes importantes, italiennes et étrangères, ont alors manifesté leur intérêt en tant qu'éventuels acheteurs. Comme le veut la loi italienne, le gouvernement italien a élaboré un projet de législation en vue de permettre la réalisation de la vente dès que la Commission aurait pris une décision sur l'apport en capital.

HISTORIQUE

Le groupe Finmare se trouve depuis les années 1970 confronté à de graves difficultés financières, qui ont poussé les autorités italiennes à proposer au groupe un plan de restructuration. La deuxième phase de cette restructuration, mise en œuvre en application de la loi du 5 décembre 1986, institue une division du groupe en plusieurs secteurs d'activité. De ces différents secteurs, c'est celui du transport régulier de marchandises (conteneurs) qui sera le premier à être privatisé.

En dépit de ces efforts, Lloyd et Italia continuèrent à enregistrer des pertes : les comptes consolidés pour l'année 1991 font apparaitre des pertes combinées de 53 milliards de lires (27 millions d'écus). Pour couvrir ces pertes, les deux entreprises Ont libéré des moyens financiers par la vente d'actifs dans le cadre du récent processus de restructuration. En outre, au cours des années, les deux entreprises ont reçu des aides accordées conformément à la loi-cadre 234-89, qui avait été notifiée à la Commission. Cette dernière a vérifié que l'aide accordée relevait bien du régime des aides d'État établi par la loi-cadre 234-89 (approuvée par la Commission) (6) et qu'elle était conforme aux conditions imposées pour l'approbation de ce régime. Il s'agit donc bien d'une aide existante. Au cours des dernières années, les deux entreprises ont fonctionné, d'une manière générale, à budget équilibré.

Néanmoins, vers 1991, l'IRI (7), société-mère du groupe Finmare, commença à avoir des doutes sur l'importance stratégique des entreprises et sur les capacités des holdings publics à gérer leurs afffaires. C'est pourquoi, à partir du printemps 1992, le groupe Finmare a consacré des efforts et un temps considérables à l'élaboration et à la mise en œuvre d'un plan de restructuration.

En janvier 1994, un plan de restructuration générale du groupe a été présenté au gouvernement. Ce plan prévoyait :

- une privatisation rapide du secteur de transport en vrac,

- la reprise des compagnies assurant des liaisons avec les îles par les chemins de fer de l'État,

- une fusion des deux compagnies opérant dans le secteur des lignes régulières internationales.

Toutefois, la solution finalement retenue n'a pas été de fusionner Lloyd et Italia, mais de privatiser chacune de ces entreprises séparément. En outre, certaines activités et certains actifs ont été transférés ou vendus avant la fusion d'entreprises afin d'améliorer l'équilibre financier des entreprises du groupe Finmare.

Alors que le plan détaillé portant sur la phase finale de la restructuration du groupe était en cours d'élaboration, le gouvernement arrêta le 13 janvier 1994 un décret-loi 22. Ce dernier prévoyait la disposition suivante : " Afin d'assainir la situation financière et de permettre une privatisation profitable du groupe Finmare, le Trésor est autorisé, sous réserve de l'approbation par le ministre des transports et de la navigation et le ministre du Trésor d'un plan de restructuration adéquat du groupe, à procéder à la restructuration financière pour les entreprises assurant des services de transports maritimes dans le cadre du commerce international..

En septembre 1995, le gouvernement présentait le plan de restructuration final du groupe Finmare, plan dont l'objectif était la consolidation financière des entreprises avant leur privatisation. Après discussion avec les commissions compétentes de la Chambre des députés et du Sénat, le plan fut définitivement arrêté et transmis à la Commission en janvier 1996.

Comme il a été signalé plus haut, un certain nombre de fusions, de transferts et de ventes d'actifs a eu lieu dans le groupe Finmare après juillet 1996. De ces opérations, les seules qui aient concerné les deux entreprises en question sont les suivantes :

- la compagnie de transports côtiers Sidermar, filiale à 100 % de Finmare, a cessé ses activités en septembre 1995, à la suite de la vente de sa flotte de quatorze navires à des exploitants privés; l'actif et le passif restants ont été transférés à la Lloyd par fusion du 1er septembre 1996. Il en résulta une augmentation de l'actif de la compagnie Lloyd d'environ 50 milliards de lires (25 millions d'écus),

- de même, deux navires appartenant à Viamare, une autre compagnie du groupe Finmare, furent revendus à Tirrenia la principale entreprise de cabotage groupe Finmare opérant sur la côte Ouest de l'Italie. Le navire restant de Viamare fut vendu à une compagnie grecque. A la suite de ces opérations, Viamare cessa ses activités et les actifs et passifs restants furent transférés à Italia par fusion. Après acquittement des dettes de Viamare, Italia en retira un bénéfice de 16 milliards de lires (8 millions d'écus).

Ces arrangements eurent des effets sur la situation financière générale de Lloyd et d'Italia, dont les bases d'actif enregistrèrent une augmentation. S'agissant d'un arrangement au sein du groupe Finmare, les autorités italiennes considérèrent qu'il ne s'agissait pas d'une aide d'État au sens des articles 92 et 93 du traité.

Toutefois, les sommes dont ont bénéficié Lloyd et Italia à la suite de la restructuration représentent de toute évidence un avantage financier susceptible de constituer une aide d'État. C'est pourquoi la Commission a pris en considération ces sommes dans l'évaluation de l'aide financière accordée à ces entreprises.

ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE LE 27 JUILLET 1994

Par décision du 27 juillet 1994, la Commission décida d'entamer la procédure prévue à l'article 92, paragraphe 3, du traité, l'apport de capital proposé ne pouvant, à ce stade, être justifié comme présentant un intérêt commun pour la Communauté.

Un État membre et deux parties intéressées ont présenté des observations sur l'apport en capital proposé pour Lloyd et Italia dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2.

i) Le Gouvernement du Royaume-Uni

Le Gouvernement du Royaume-Uni a accueilli avec satisfaction la décision d'ouvrir la procédure. Il considère, en effet, de manière générale, qu'aucune aide d'État ne devrait être accordée lorsqu'elle risque d'entraîner, entre armateurs communautaires, des distorsions de la concurrence susceptibles de nuire aux intérêts des opérateurs économiques et des consommateurs. Le Gouvernement du Royaume-Uni a fait remarquer, en particulier, qu'il y avait un grand nombre d'entreprises communautaires assurant des services de ligne et que l'octroi d'une aide financière aux deux entreprises italiennes risquait de compromettre le développement commercial d'entreprises plus efficaces (1).

Le Gouvernement du Royaume-Uni considérait en outre que la Commission ne pouvait approuver une aide financière destinée à une restructuration, alors qu'elle ne disposait d'aucun détail sur le processus de restructuration et d'aucune preuve de progrès réalisés vers le rétablissement de la viabilité, que l'objectif de la privatisation n'était pas clair et qu'il y avait de nombreux doutes quant aux effets de cette privatisation, qui pouvait donner lieu à des coûts estimait qu'on ne pouvait invoquer le principe d'un investissement rationnel aux conditions du marché puisque les conséquences de différentes stratégies n'avaient pas été quantifiées.

Le Gouvernement du Royaume-Uni appréciait l'intention des autorités italiennes de privatiser les deux compagnies et admit que l'apport de capital proposé pouvait être approuvé, s'il garantissait un retour à une viabilité économique grâce à un plan solidement documenté, doté d'un calendrier et réaliste du point de vue économique, conduisant à la privatisation. Dans ces circonstances, l'aide pouvait présenter un intérêt pour la Communauté, en promouvant la concurrence et en faisant cesser les subventions aux deux compagnies, tout en évitant les répercussions politiques de la liquidation. Les autorités britanniques proposèrent que les mesures de soutien financier et le plan économique puissent être vérifiés et qu'ils soient surveillés par la Commission pendant la période de retour à la viabilité financière. Les autorités du Royaume-Uni considérèrent en outre que les États membres et les parties intéressées devaient avoir accès à ces informations et devaient avoir l'occasion de faire des observations.

ii) Un concurrent de Lloyd

Un concurrent de Lloyd a affirmé que cette dernière a abusé de as position dominante sur les lignes maritimes Italie-pays méditerranéens et Italie-Afrique du Sud; Lloyd aurait augmenté son tonnage et appliqué des prix inférieurs aux coûts et aurait, par ailleurs, signé des contrats de liant à des armateurs. La Commission n'a trouvé aucun élément permettant de fonder cette plainte.

iii) Confitarma

Confitarma a attiré à plusieurs reprises l'attention de la Commission sur les mesures d'aide financière proposées, en lui fournissant des copies des nouveaux décrets-lois et en indiquant les sections relatives à cette aide. En général, Confitarma exprimait son inquiétude quant à l'aide financière devant être accordée à la flotte des lignes publiques et en particulier quant à la recapitalisation, dont elle pensait qu'elles pouvaient conduire à une distorsion de la concurrence et nuire au développement de stratégies commerciales normales. Cette opinion a reçu l'appui de l'autorité compétente en matière de concurrence et de commerce en Italie dans une décision rendue le 26 janvier 1993 et adressée aux autorités italiennes.

iv) La réponse des autorités italiennes

Les autorités italiennes ont fourni des détails spécifiques (confidentiels au niveau commercial) sur le développement de Lloyd et d'Italia au cours de la période de restructuration. Ces informations font apparaître une amélioration considérable de la productivité, qui se manifeste par une augmentation du nombre de conteneurs transportés en dépit d'une réduction des effectifs et des navires. Les entreprises ont adopté une nouvelle stratégie commerciale reposant sur la coopération avec d'autres opérateurs du marché, la location d'emplacements (slots), etc. Elles ont également réussi à réduire leurs dettes, à augmenter leurs recettes et elles opèrent toutes deux maintenant dans une situation financière plus saine. Toutefois, en dépit de ces progrès, en particulier en matière de productivité et de réduction des coûts d'exploitation, une injection supplémentaire de capital reste nécessaire pour permettre aux entreprises actuellement sous-capitalisées de devenir financièrement saines et aptes à la privatisation.

La Commission a aussi demandé des détails supplémentaires sur la position financière de Lloyd et d'Italia, informations qui furent fournies par les autorités italiennes lors des réunions qui se sont tenues à Bruxelles le 12 novembre 1996 et le 17 avril 1997, ainsi que dans la correspondance qui s'ensuivit.

Pour les autorités italiennes, les montants proposés ou accordés aux deux entreprises ne dépassaient pas ceux que tout propriétaire raisonnable investirait dans ses entreprises dont il aurait l'intention de se défaire. En toute hypothèse, le produit de la vente en vue de la privatisation dépassera tous les montants investis dans les entreprises par les propriétaires pour les préparer à cette privatisation. La Commission exigea que lui soit fournie la preuve de l'exactitude de cette information, ce que les autorités italiennes s'engagèrent à faire.

ÉVALUATION DE LA VALEUR DES COMPAGNIES

Un expert indépendant jouissant d'une réputation internationale fut engagé en vue de réaliser une évaluation détaillée des entreprises.

Cet expert évalua la valeur des compagnies selon deux méthodes. La principale méthode utilisée était la méthode du bénéfice actualisé (Déscounted Cash Flows - DCF), reposant sur l'hypothèse que la valeur d'une entreprise est fonction des flux nets de trésorerie attendus à l'avenir.

Une deuxième méthode de contrôle a été utilisée: il s'agit de la méthode des recettes excédentaires (Excess Earnings EE) qui consiste à supposer que la valeur de l'entreprise dépend de la valeur de ses actifs et des bénéfices escomptés de la société.

La méthode DCF utilisée par l'expert est largement considérée comme la méthode la plus adaptée pour évaluer objectivement une entreprise. Pour que cette méthode donne des résultats fiables, il faut disposer d'un certain niveau d'information sur les performances passées et futures de l'entreprise. Dans le présent cas d'espèce, l'information ayant servi à cette évaluation est la suivante:

- les rapports financiers préliminaires de Lloyd et d'Italia pour l'année 1996,

- les rapports financiers vérifiés de Lloyd et d'Italia pour les années 1992, 1993, 1994 et 1995,

- les extraits des rapports financiers 1997 de Lloyd et d'Italia,

- les plans financiers de Lloyd et d'Italia pour les années 1997-1999.

Depuis 1992, Lloyd s'efforce d'améliorer ses résultats financiers : il commença par fusionner certains de ses services, ce qui permit une réduction générale radicale de la capacité et une réduction des pertes nettes, pratiquant ensuite une politique de coopération poussée avec d'autres partenaires. La compagnie a évolué vers l'affrètement de ses navires à des partenaires et a loué ensuite un nombre fixe d'emplacements de conteneurs (slots). Ces modifications ont conduit à une augmentation générale des activités et des recettes de l'entreprise (ces dernières passant de 291,6 milliards en 1992 à 666,3 milliards en 1996), en même temps qu'à une diminution des coûts d'exploitation. Depuis 1992, Lloyd a réussi à réduire ses pertes annuelles de 29,3 milliards de lires en 1992 à 1,4 milliard de lires en 1996.

Quant à Italie, elle a aussi réussi à améliorer ses performances pendant ces dernières années, principalement en se concentrant sur certaines lignes spécifiques. Ses recettes sont passées de 186,9 milliards de lires en 1992 à 329,9 milliards de lires en 1996. Toutefois, la compagnie reste vulnérable à la concurrence croissante et à l'augmentation de la capacité sur le marché mondial, et elle reste gravement sous-capitalisée. Italia a réussi à réduire as perte nette de 18,7 milliards de lires en 1992 jusqu'à parvenir à une situation de budget équilibré en 1996.

Comme il est normal dans de tels cas, une méthode de contrôle a été utilisée. La méthode de contrôle habituelle est la comparaison avec des entreprises comparables : les principales données financières d'entreprises comparables, dont les actions sont vendues sur les marchés financiers ou qui ont fait récemment l'objet d'une fusion ou d'une acquisition, servent de référence pour obtenir la valeur de l'entreprise. Toutefois, en raison du nombre insuffisant d'entreprises comparables et d'opérations de fusion et d'acquisition, cette méthode n'a pas pu être appliquée et elle a été remplacée par celle des recettes excédentaires.

L'application des méthodes susmentionnées a abouti à une gamme de valeurs pour les deux entreprises. Cette gamme de valeurs prend en considération un certain nombre de variables, sur la base desquelles l'expert détermine, à l'aide de techniques particulières, une fourchette de valeurs réaliste pour les entreprises. Ces chiffres ne peuvent être révélés pour des raisons de confidentialité commerciale, leur publication risquant d'avoir une incidence sur le prix de vente des entreprises.

Pour chacune des deux entreprises, toutes les valeurs indiquées dans ces gammes de valeurs, y compris les plus basses, étaient substantiellement supérieures au montant total de l'aide financière qui leur a été donnée. Par conséquent, même dans l'hypothèse de la valeur la plus basse évaluée pour les deux entreprises, le prix de vente escompté dépassera l'apport en capital proposé de 60 milliards de lires (31 millions d'écus) majoré de la valeur des actifs transférés à la suite de la restructuration du groupe Finmare (liquidation de Sidermar et Viamare), soit 66 milliards de lires (33 millions d'écus).

ANALYSE JURIDIQUE

Conformément à l'article 92, paragraphe 1, du traité, toute aide octroyée par un État membre ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui entraîne ou risque d'entraîner une distorsion de la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, affecte les échanges entre les États membres et est donc incompatible avec le marché commun.

Conformément à l'article 222 du traité, la législation communautaire ne préjuge en rien le régime de la propriété, publique ou privée, des entreprises dans les États membres. Par conséquent, une aide financière facilitant la privatisation d'entreprises appartenant à l'État ne peut en tant que telle bénéficier d'une dérogation au principe de base de l'incompatibilité de l'aide d'État avec le marché commun énoncé à l'article 92, paragraphe 1.

Toutefois, quand la privatisation est effectuée par la vente d'actions en bourse, il est généralement présumé que cette vente se fait aux conditions du marché et que l'opération ne comporte aucun élément d'aide.

Si la société est privatisée non par émission d'actions en bourse, mais par vente de gré à gré (vente de la totalité ou de parties d'une société à d'autres sociétés), un certain nombre de conditions, fixées par la Commission dans son XXIIIe rapport annuel sur la concurrence (1993) (9), doivent être respectées:

- un appel d'offres ouvert, transparent et inconditionnel doit être lancé, sans que la participation à cet appel d'offres soit subordonnée à la réalisation d'autres actes, tels que l'acquisition d'actifs autres que ceux qui font l'objet de l'appel d'offres ou la poursuite de certaines activités,

- la société doit être vendue au plus offrant,

- les candidats repreneurs doivent disposer du temps et de l'information nécessaires pour procéder à une évaluation appropriée des éléments d'actif, afin d'avoir une base pour formuler leur offre.

Si les conditions mentionnées ci-dessus sont respectées, il est présumé, sans autre examen, que l'opération ne comporte aucun élément d'aide.

Avant l'émission des actions, les dettes peuvent être annulées ou réduites sans qu'il y ait présomption d'aide tant que le produit de la vente en bourse (ou de la vente de gré à gré) est supérieur à la réduction de la dette.

En l'espèce, même l'évaluation la plus basse de l'échelle de valeurs obtenue pour la valeur en vente escomptée des deux entreprises en question dépasse substantiellement le montant de l'apport en capital proposé de 60 milliards de lires, majoré de la valeur des actifs transférés en conséquence de la restructuration du groupe Finmare (liquidation de Sidermar et Viamare), soit 66 milliards de lires (33 millions d'écus).

De plus, l'aide financière qui est l'objet de la présente consultation doit, à titre d'investissement et conformément à la théorie financière générale, bénéficier d'une prime de risque et le temps nécessaire au rendement des capitaux investis doit être pris en considération. Il convient de noter dans ce contexte que la fourchette des valeurs à la vente est de l'ordre de 20-25 % et que c'est la valeur la plus basse qui a été choisie comme base pour l'évaluation. Par ce choix, il est tenu compte de la prime de risque. En ce qui concerne la durée, le laps de temps prévu entre le paiement des fonds et la vente est très bref (la vente est prévue vers la fin de 1997); aussi la plus basse des valeurs de ventes escomptées sera-t-elle de toute façon largement supérieure à tout rendement possible des intérêts que l'on aurait pu obtenir si ces sommes investies dans les entreprises avaient été placées ou déposées dans une banque pour la même durée.

Par conséquent, pour les raisons exposées ci-dessus, l'aide financière peut être considérée comme ne constituant pas une aide d'État.

CONCLUSIONS

En conclusion, l'apport de capital de 60 milliards de lires (31 millions d'écus) envisagé dans la notification, joint à l'aide financière qui a résulté de la restructuration du groupe Finmare, a placé les deux entreprises dans une position leur permettant d'être privatisées dans des conditions raisonnables. Les experts indépendants ont également conclu de leur analyse que les deux entreprises étaient désormais en mesure de pouvoir fonctionner de manière rentable. Les autorités italiennes se sont engagées à ne plus accorder d'autres aides à ces deux entreprises dans le cadre de leur privatisation.

Les autorités italiennes ont entrepris de procéder rapidement à la privatisation de Lloyd et d'Italia d'une manière transparente, par appel d'offres, et ont confirmé, par notification d'engagements du 4 juillet 1997, le calendrier suivant :

- un consultant indépendant a été nommé récemment pour conseiller le gouvernement sur la préparation de la privatisation,

- cette préparation devrait être achevée d'ici à la fin octobre 1997 au plus tard,

- la publication de l'appel d'offres sera faite d'ici à la fin novembre 1997 au plus tard,

- la date limite pour soumettre les offres sera la fin décembre 1997.

Le Gouvernement italien a confirmé par ailleurs sors intention de conclure la vente des deux entreprises dans les trois mois suivant l'expiration du délai de délai de soumission des offres.

En donnant son accord sur ce plan, la Commission a tenu compte de ces engagements et elle surveillera la mise en œuvre du calendrier.

Les autorités italiennes se sont engagées à présenter, dans les trois mois suivant la signature du contrat de vente, un rapport mettant en évidence les résultats obtenus grâce à l'aide financière et indiquant l'état d'avancement de la privatisation.

Par conséquent, il est proposé à la Commission de ne pas émettre d'objections à l'aide financière accordée par les autorités italiennes aux deux entreprises,

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide financière fournie aux compagnies Lloyd Triestino et Italia di Navigazione sous la forme d'un apport en capital de 60 milliards de lires (31 millions d'écus) et d'un transfert d'actifs résultant de la liquidation des compagnies maritimes Sidermar et Viamare du groupe Finmare, s'élevant à 66 milliards de lires (33 millions d'écus), soit une aide totale s'élevant à 126 milliards de lires (64 millions d'écus), ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

Article 2

La Commission arrête la présente décision compte tenu des engagements suivants pris par les autorités italiennes :

- outre les sommes mentionnées à l'article 1er, aucune autre aide ne sera accordée aux entreprises Lloyd ou Italia en vue de leur privatisation. Les autorités italiennes procéderont à la privatisation prévue de Lloyd et d'Italia d'une manière transparente et par voie d'appel d'offres, conformément aux conditions susmentionnées dans le XXIIIe rapport sur la concurrence,

- le Gouvernement italien confirme en outre son intention de conclure la vente des deux entreprises dans les trois mois suivant l'expiration du délai de soumission des offres. L'avis d'appel d'offres sera publié pour la vente des entreprises susmentionnées au plus tard à la fin de novembre 1997 et le délai de soumission des offres sera la fin de décembre 1997. Les autorités fourniront à la Commission un rapport faisant apparaître les résultats de la privatisation, y compris le prix de vente, dans les trois mois à dater de la signature du contrat de vente.

Article 3

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Notes

(1) En vertu de la Constitution italienne (article 77), le gouvernement est habilité, en cas de nécessité ou d'urgence extraordinaire, à prendre des mesures provisoires ayant force de loi. Ces décrets-lois entrent en vigueur automatiquement dès leur publication dans la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana et restent en vigueur pendant une durée maximale de soixante jours. Les décrets-lois doivent être présentés par le gouvernement au Parlement en vue d'être entérinés par ce dernier, et dans les cas où dans les soixante jours suivant leur publication dans la Gazzetta ufficiale, ils n'ont pas été entérinés par le Parlement, ils deviennent caducs. Dans de nombreux cas, les décrets-lois Ont été remplacés, après leur expiration, par d'autres décrets-lois et, même ai quelques dispositions ont été modifiées, certaines mesures peuvent rester en vigueur pendant des mois, voire des années, sans avoir été entérinées par le Parlement. Toutefois, la Cour constitutionnelle italienne a rendu en 1996 un arrêt selon lequel les décrets-lois ne peuvent être renouvelés après soixante jours, ce renouvellement sapant les bases mêmes du principe de l'urgence qui justifie l'adoption de ces mesures.

(2) Décret-loi 22-94 du 13 janvier 1994, publié dans la Gazzetta ufficïale della Repubblica italiana n° 11 du 15 janvier 1994.

(3) Pinmare est un holding d'État contrôlant directement douze compagnies de navigation opérant dans différents secteurs, y compris les services réguliers internationaux (conteneurs) (Italia et Lloyd), la navigation côtière, ainsi que le cabotage local et en Méditerranée. Finmare assure le transport de 45 % du fret italien en vrac, de 9 % des conteneurs, de 18 % des transports côtiers de fret et de 65 % du trafic de passagers transitant par des ports italiens (Rapport annuel 1992/1993 du groupe IRI).

(4) JO C 333 du 29. 11. 1994, p. 6.

(5) Confitarma représente 83 % des armateurs privés en Italie.

(6) JO C 239 du 25. 9. 1990, p. 10.

(7) L'IRI (Istituto per la ricostruzione industriale) est un organisme public créé en 1933 pour coordonner et soutenir par des participations financières les activités économiques considérées comme présentant un intérêt national (telles que la RAI, Alitalia, Stet, Fincantieri, Finmare).

(8) Les lignes desservies sone pour Lloyd, l'Afrique, l'Asie et l'Océanie; pour Italia, l'Amérique du Nord et du Sud. La liberté d'assurer des services sur ces lignes est totale et la concurrence y est rude.

(9) XXIIP rapport sur la concurrence, points 402-403.