CA Paris, 1re ch. H, 13 septembre 2005, n° ECECO812916X
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Demathieu & Bard (Sté)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard (faisant fonction)
Avoué :
SCP Narrat & Peytavi
Avocats :
Me Charpentier,
Nous, Agnès Mouillard, conseillère à la Cour d'appel de Paris, déléguée par le premier Président de ladite cour pour exercer les attributions résultant de l'article 8 du décret du 19 octobre 1987, assistée de Benoît Truet-Callu, greffier lors des débats, et de M. Dupont, greffier lors du prononcé de l'ordonnance,
Après avoir entendu à l'audience du 30 août 2005 : La société Demathieu & Bard prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège social est 14-16, rue Saint-Louis, 55100 Verdun, représentée par la SCP Narrat & Peytavi, avoués associés, près la cour assistée de Me G. Henri Charpentier, avocat au barreau de Paris, toque P. 150, 68, rue Pierre-Charron, 75008 Paris.
En présence du :
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, 59, boulevard Vincent-Auriol, 75703 Paris, représenté par Mme Laurence Nguyen-Nied, munie d'un pouvoir régulier ; Ministère public représenté lors des débats par M. Woirhaye, avocat général.
Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 13 septembre 2005 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Avons rendu l'ordonnance ci-après :
Saisi par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre à l'occasion des marchés de construction des ouvrages d'art de l'autoroute A84 dite " route des Estuaires " dans le département de la Manche, le Conseil de la concurrence a, par une décision n° 05-D-19 du 12 mai 2005, retenu que la société Demathieu & Bard, notamment, avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et lui a infligé une sanction pécuniaire de 1 800 000 euro.
Après avoir, le 13 juin 2005, formé un recours contre cette décision, la société Demathieu & Bard a, suivant assignation délivrée le 11 juillet 2005, saisi la cour d'une demande de sursis à exécution de cette sanction.
Le représentant du ministre et le Ministère public, entendus à l'audience, se sont opposés à cette demande, estimant que les conditions de l'article L. 464-8 du Code de commerce ne sont pas réunies.
Sur ce :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce le recours n'est pas suspensif, mais le premier Président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu postérieurement à sa notification des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;
Attendu qu'au soutien de sa demande de sursis la société Demathieu & Bard fait valoir que l'exécution de la décision entraînerait des conséquences fortement dommageables et, par là-même, manifestement excessives compte tenu de sa situation financière et de trésorerie ; qu'elle précise que les pratiques qui lui ont valu cette sanction sont imputées à son agence d'Ile-de-France, que sa dimension modeste ne lui permet pas de procéder à une filialisation par activité et par région, qui augmenterait ses charges, et souligne en conséquence " l'extrême sévérité de la sanction ", en ce qu'elle excède le montant du marché dont a bénéficié son agence (1 356 796 euro), et qui traduit, selon elle, une évidente disproportion avec les résultats de cette dernière ; qu'elle prétend enfin que l'exécution de la sanction affecterait durablement l'activité travaux publics de cette agence, en ce qu'elle réduirait sensiblement ses capacités d'autofinancement et, partant, compromettrait sa politique d'investissement et ses chances d'obtenir des cautionnements bancaires, indispensables à la soumission aux marchés ; qu'elle ajoute enfin que les intempéries de caractère exceptionnel constatées au cours de l'hiver 2004-2005 ont provoqué une baisse significative d'activité de l'entreprise ;
Mais attendu que les circonstances invoquées ne sont pas de nature à caractériser les conséquences manifestement excessives visées par l'article L. 464-8 précité ; que la société Demathieu & Bard, qui détient des filiales en France et à l'étranger et déclare employer 1597 personnes pour un chiffre d'affaires consolidé en 2004 de 373 millions d'euro, dont 29 % à l'export, n'est pas aussi modeste qu'elle le prétend et ne saurait, sous prétexte que les faits ont été commis par son agence d'Ile-de-France, rapporter la sanction aux seuls résultats enregistrés par cette dernière ; qu'elle ne verse en outre aux débats aucune pièce attestant de la baisse d'activité alléguée, alors que, au contraire, les documents soumis à la cour révèlent une entreprise florissante, le Conseil de la concurrence ayant retenu que son chiffre d'affaires pour la France s'est élevé en 2003 à 189 916 752 euro, cependant que son rapport d'activité pour l'exercice 2004 fait état d'un chiffre de 216 856 000 euro ; que, dans ces conditions, la demande ne peut être admise ;
Par ces motifs : Rejetons la demande de la société Demathieu & Bard ; La condamnons aux dépens.
(*) Décision n° 05-D-19 du Conseil de la concurrence en date du 12 mai 2005 parue dans le BOCCRF n° 9 du 28 octobre 2005.