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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ., 26 mai 2005, n° 03-06539

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LMC Eurocold (SA)

Défendeur :

Lalisse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martin

Conseillers :

M. Santelli, Mme Miret

Avoués :

Me Morel, SCP Dutrievoz

Avocats :

Selarl Monod-Tallent, Me Pays

T. com. Lyon, du 1er sept. 2003

1 septembre 2003

Faits, procédure et prétentions des parties

Monsieur Robert Lalisse exploite une supérette au Puy-en-Velay (Haute-Loire), sous l'enseigne Prom Services. Il a passé commande le 7 juin 2001 à la société LMC Eurocold d'un ensemble réfrigérant. Le matériel aéré livré et installé le 25 juin 2001, et une facture a été établie par la société Eurocold pour un montant de 62 550,80 F (9 535,81 euro), entièrement réglée.

Monsieur Lalisse a rencontré des problèmes de fonctionnement de l'installation frigorifique. La société Eurocold lui a envoyé un de ses techniciens, et par correspondance du 11 juillet 2001, la société Eurocold a apporté différentes précisions à Monsieur Lalisse, notamment en ce qui concerne la température d'ambiance du magasin. Par assignation du 13 décembre 2001, il a saisi le Président du Tribunal de commerce de Lyon d'une demande d'expertise en référé. Par ordonnance du 16 janvier 2002, un expert était désigné.

A la suite du dépôt du rapport, Monsieur Lalisse a saisi le Tribunal de commerce de Lyon au fond pour demander la résolution du contrat conclu avec la société Eurocold et le remboursement du prix d'acquisition du matériel outre les frais de nantissement et l'indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 1er septembre 2003, le Tribunal de commerce de Lyon a homologué les conclusions de l'expert, prononcé la résolution du contrat, donné acte à Monsieur Lalisse de ce qu'il s'engageait à restituer le matériel, condamné la société Eurocold à payer à Monsieur Lalisse la somme de 9 535,81 euro outre intérêts de retard, la somme de 42,28 euro au titre du remboursement des frais de nantissement, 2 000 euro pour les marchandises avariées, 2 000 euro à titre de dommages-intérêts et 750 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 13 novembre 2003, la société Eurocold a interjeté appel de ce jugement.

Ayant appris que Monsieur Lalisse continuerait à utiliser le matériel loué, la société Eurocold a demandé au Président du Tribunal de commerce du Puy-en-Velay de désigner un huissier aux fins de se rendre dans le magasin de Monsieur Lalisse et de vérifier s'il utilisait ou non le matériel litigieux. Le Président du tribunal de commerce ayant fait droit à la demande, un huissier s'est rendu sur les lieux le 4 décembre 2003, a constaté la présence et l'utilisation du matériel et l'absence de tout matériel de remplacement.

Vu l'article 455 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société Eurocold dans ses conclusions en date du 17 janvier 2005, tendant à obtenir le rejet de toutes les demandes de Monsieur Lalisse et sa condamnation à lui verser la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, aux motifs qu'elle n'a pas commis de faute et que Monsieur Lalisse ne justifie pas des préjudices allégués;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société Eurocold dans ses conclusions récapitulatives en date du 29 décembre 2004, tendant à obtenir la confirmation du jugement outre 32 268,10 euro à titre de dommages-intérêts et 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Motifs de la décision

Il est constant que Monsieur Lalisse et la société Eurocold étaient liés par un simple contrat de vente et non par un contrat de prestation de service consistant non seulement en la fourniture du matériel commandé mais aussi dans la conception de l'installation. Sans aller jusqu'à l'obligation de conseil, il existe même dans le cadre du contrat de vente une obligation de renseignement qui est une obligation de moyens.

Il est établi par le constat d'huissier dressé à la demande de la société Eurocold, que Monsieur Lalisse a continué à se servir du matériel litigieux et qu'il s'en servait encore à la date du 4 décembre 2003, soit deux ans et demi après l'installation. L'huissier précise qu'il n'a trouvé dans le magasin aucun matériel de remplacement. Tel n'aurait pas été le cas, si les dysfonctionnements étaient tels que le matériel pouvait être considéré comme non conforme à sa destination. Il en résulte que Monsieur Lalisse ne peut pas obtenir la résolution du contrat, et la décision entreprise sera réformée sur ce point.

Par contre, le défaut d'information sur les conditions d'emploi du matériel et les précautions à prendre qui prive l'utilisateur du moyen d'en faire un usage correct, entraîne la réparation du dommage qui a pu en résulter. La société Eurocold est un professionnel du matériel frigorifique alors que Monsieur Lalisse, commerçant utilisant certes déjà des vitrines réfrigérées, n'est pas un spécialiste. Le vendeur professionnel, tenu d'une obligation de renseignement à l'égard de son client, doit rapporter la preuve qu'il a exécuté cette obligation. La société Eurocold ne démontre pas avoir attiré l'attention de Monsieur Lalisse sur les précautions à prendre : la seule préconisation justifiée figure dans une lettre de la société Eurocold du 11 juillet 2001, donc postérieure à la livraison, adressée non pas à Monsieur Lalisse mais à l'Union Fédérale des Consommateurs, dont on peut raisonnablement penser qu'elle avait été saisie par Monsieur Lalisse. La société Eurocold affirme lui avoir recommandé l'installation d'une climatisation mais n'en justifie pas. Il n'est même pas démontré qu'une documentation détaillée avec mises en garde appropriées lui a été remise, alors qu'aucun technicien de la société Eurocold ne s'était rendu sur place avant la livraison des vitrines litigieuses. Rien ne prouve que le jour de l'installation, des réserves aient été émises par l'installateur sur les conditions d'utilisation du matériel. Or il est établi que c'est bien l'environnement des vitrines et non les vitrines elles-mêmes qui est la cause des dysfonctionnements avérés. Le rapport d'expertise judiciaire est très clair à cet égard. Il est confirmé par des attestations de clients et par un réparateur envoyé par la société Eurocold que la température est anormalement élevée dans le magasin du fait du renvoi de la chaleur par les condensateurs des vitrines frigorifiques. Il doit donc être considéré que la société Eurocold a dès lors failli à son obligation de renseignements.

Le manquement de la société Eurocold à son obligation de renseignement a privé Monsieur Lalisse de la chance de disposer d'une installation fonctionnant de façon plus satisfaisante. Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 500 euro.

L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; il sera alloué à Monsieur Lalisse une somme de 1 000 euro à ce titre.

Les parties succombant partiellement en leurs demandes, les dépens seront partagés.

Par ces motifs, LA COUR, Réforme la décision entreprise en toutes ses dispositions; Et statuant à nouveau, Déboute Monsieur Lalisse de sa demande de résolution du contrat passé avec la société Eurocold et de sa demande subséquente en restitution du prix; Condamne la société Eurocold à verser la somme de 3 500 euro à Monsieur Lalisse à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Dit que les dépens seront supportés par les parties à concurrence de moitié pour chacune d'entre elles avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause.