CA Colmar, 2e ch. civ. A, 16 octobre 2003, n° 02-01134
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Senger
Défendeur :
Koejac Yachting (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Samson
Conseillers :
MM. Cuenot, Allard
Avocats :
SCP Rosenblieh, Welschinger, Wiesel & Dubois, SCP Heichelbech, Richard-Frick & Chevallier-Gaschy
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 mars 2002, Monsieur Senger a interjeté appel d'un jugement rendu le 13 février 2002 par le Tribunal de grande instance de Strasbourg, à qui il fait grief de l'avoir débouté de sa demande tendant à la résolution de la vente d'un bateau, avec toutes conséquences de droit et allocation de dommages et intérêts, et de l'avoir condamné à payer le reliquat du prix de vente soit 1 888,26 euro, alors que la société Koejac Yachting, vendeur, n'a rempli ni son obligation de délivrance, le bateau, ayant été livré avec retard et affecté d'un enfoncement de la coque mettant en cause sa longévité, ni son obligation de renseignement et de conseil, dès lors qu'elle lui a vendu un bateau mal adapté à la circulation sur les canaux et sur le Rhin.
Il estime que sur ce point, le bateau est affecté d'un vice caché.
Il souligne aussi que la pose d'une couche d'entretien a été mal faite.
Il demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à ses prétentions initiales.
Il prie également la cour de rejeter la demande reconventionnelle de la société Koejac Yachting.
Celle-ci demande au contraire la confirmation du jugement entrepris.
Elle rappelle que la livraison était prévue à titre indicatif pour fin avril, que le bateau était disponible dès le 26 de ce mois, qu'il a été porté remède à une légère éraflure alors constatée, que le traitement demandé a été appliqué conformément aux règles de l'art, et que Monsieur Senger refuse sans motif de prendre livraison.
Elle relève qu'aucun élément n'est produit en ce qui concerne la tenue du cap à petite vitesse, et fait observer que le système de propulsion choisi par Monsieur Senger, qui souhaitait un bateau puissant et sportif, n'est pas destiné à cela.
Elle demande par voie incidente à la cour de condamner Monsieur Senger à lui payer 864,38 euro au titre des frais de gardiennage et d'occupation d'un emplacement.
Sur quoi, LA COUR,
Vu les pièces et les écrits des parties, auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation;
Attendu, en la forme, que l'appel a été interjeté suivant les formalités légales, que la date de signification du jugement ne résulte pas du dossier;
Attendu, quant au fond, que le 21 octobre 1999 Monsieur Senger a commandé à la société Koejac Yachting un bateau de marque Byliner, équipé d'un moteur Mercury de 4,3 litres, ainsi qu'un armement complet pour le navigation sur le Rhin, la livraison étant prévue pour fin avril 2000;
que le 26 avril 2000, le bateau, livré dans les locaux de la société Koejac Yachting, a été déballé en présence de Monsieur Senger; qu'il a été essayé le surlendemain, et immatriculé le 10 mai 2000;
que le contrat précisant que le délai de livraison était donné à titre indicatif, et l'immatriculation étant tributaire de renseignements à donner par Monsieur Senger, aucun retard de livraison ne peut en l'espèce être constaté;
Attendu que rien ne vient contredire l'affirmation de la société Koejac Yachting quant au fait que l'éraflure de la coque, constatée lors du déballage, n'avait qu'un caractère bénin, a été couverte et ne laisse aucune trace, ce qui peut être constaté sur les photographies produites aux débats, en sorte que ce défaut n'est, en l'état des preuves produites, pas suffisant pour autoriser Monsieur Senger à refuser la livraison;
que la pose sur la coque d'un produit d'entretien n'étant pas prévue sur le bon de commande, son défaut éventuel ne peut avoir d'incidence sur la validité de la vente;
Attendu qu'après l'essai sur l'eau le 28 avril, Monsieur Senger s'est plaint de l'incapacité du bateau à maintenir une trajectoire rectiligne à faible vitesse;
que la société Koejac Yachting ne conteste pas ce fait et explique que le bateau commandé par Monsieur Senger, dépourvu de quille et de gouvernail, est propulsé par un système dit " Z drive " dans lequel la direction est donnée par l'orientation de l'hélice;
qu'elle indique que ce bateau n'est de ce fait pas destiné à tracer des caps à faible vitesse;
qu'elle avait précisé, devant le premier juge, que le constructeur avait mis au point des stabilisateurs pour remédier à cet inconvénient, mais que ce dispositif induisait d'autres inconvénients, à pleine vitesse, et n'était plus disponible;
Attendu que l'existence du défaut constaté par Monsieur Senger est ainsi avérée;
que s'agissant d'un inconvénient inhérent aux caractéristiques techniques du bateau, il ne constitue pas un vice caché;
Attendu que la société Koejac Yachting, vendeur professionnel est à ce titre redevable envers son client d'une obligation de renseignement, incluse dans l'obligation de délivrer à celui-ci une chose comportant, aux termes de l'article 1615 du Code civil, "tout ce qui est destiné à son usage perpétuel";
que pour l'exécution de cette obligation, il lui appartient de rechercher les besoins que son client entend satisfaire;
que la preuve de cette recherche lui incombe et ne résulte pas "de plano" des caractéristiques de l'objet commandé;
qu'il ne résulte d'aucun élément de preuve que Monsieur Senger souhaitait acquérir un bateau puissant et sportif;
qu'il ne peut être déduit de l'absence de quille et de gouvernail, et du mode de propulsion, que Monsieur Senger a entendu acquérir un bateau tenant difficilement un cap sur les canaux où il est pourtant amené à naviguer, compte tenu de la situation du port de Colmar, et de l'immatriculation du bateau pour la navigation intérieure;
Attendu que le défaut dont le bateau est affecté le rend inapte à la circulation sur les canaux et, en conséquence, non conforme à l'usage auquel il était destiné;
Attendu que Monsieur Senger ne justifie pas du préjudice qu'il invoque;
Par ces motifs, Reçoit l'appel en la forme, Y faisant droit quant au fond, Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Prononce la résolution de la vente du 21 octobre 1999, Condamne la société Koejac Yachting à rembourser à Monsieur Senger 23 900,96 euro (vingt-trois mille neuf cent euro et quatre-vingt seize centimes) avec l'intérêt au taux légal à compter du 22 octobre 1999 sur la somme de 15 245 euro (quinze mille deux cent quarante cinq euro) et à compter du 28 février 2000 sur la somme de 8 656,06 euro (huit mille six cent cinquante six euro et six centimes). Déboute Monsieur Senger de sa demande de dommages et intérêts et la société Koejac Yachting de ses demandes incidentes, Condamne la société Koejac Yachting en tous les frais et dépens et à verser à Monsieur Senger 3 000 (trois mille euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.