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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 8 novembre 2002, n° 2001-06606

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pérignon

Défendeur :

Schneider

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Canivet

Conseillers :

Mme Bernard, M. Picque

Avoués :

SCP Varin-Petit, SCP Menard-Scelle-Millet

Avocats :

Mes Segers, Dilly

TGI Meaux, 1re ch., du 13 déc. 2000

13 décembre 2000

Karl Pérignon a vendu à Alexandre Schneider le 12 mars 1998 un véhicule d'occasion Renault Clio au prix de 25 000 F.

Le véhicule est tombé en panne le 12 avril 1998 et une expertise était diligentée par le Cabinet Lombard mandaté par la SA Juridica. Les parties n'étant pas parvenues à un accord, Alexandre Schneider assignait Karl Pérignon le 22 avril 1999 devant le Président du Tribunal de grande instance de Meaux, lequel, par ordonnance de référé du 5 mai 1999, a désigné Bernard Monnerie en qualité d'expert avec pour mission d'examiner les désordres. L'expert a déposé son rapport le 3 décembre 1999.

Parallèlement, Alexandre Schneider a assigné au fond le 6 août 1999 Karl Pérignon devant le Tribunal de grande instance de Meaux, en demandant la résolution de la vente, intervenue le 12 mars 1998, avec ses conséquences légales et la condamnation de Karl Pérignon à lui payer 15 000 F à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et 1 158 F en réparation de son préjudice matériel.

Kart Pérignon, cité à domicile, n'a pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 13 décembre 2000, le Tribunal de grande instance de Meaux a prononcé la résolution de la vente du 12 mars 1998, donné acte à Alexandre Schneider de son offre de restituer le véhicule à compter du jugement contre remboursement du prix de vente et a condamné Karl Pérignon à rembourser à Alexandre Schneider 3 811,23 euro majorés des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 1998, date de la vente, ainsi que 1 067,14 euro à titre de dommages-intérêts outre 176,54 euro majorés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation datée du 6 août 1999. L'exécution provisoire a été ordonnée. Karl Pérignon a encore été condamné à payer à Alexandre Schneider 762,25 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Karl Pérignon a relevé appel de cette décision. Dans ses uniques conclusions signifiées le 28 août 2001 et auxquelles il est renvoyé, l'appelant soulève d'abord le défaut de qualité à agir d'Alexandre Schneider, le prix d'acquisition de la voiture ayant été payé par la Société Nouvelle d'Arco, ainsi que la tardiveté de l'action en garantie des vices cachés.

Karl Pérignon soutient ensuite qu'il avait, lors de la vente, expressément attiré l'attention d'Alexandre Schneider sur le changement de caisse qu'il avait opéré sur le véhicule et avait remis à ce dernier tous documents lui permettant de vérifier que le véhicule vendu était d'un type différent de la caisse qui avait été posée.

L'appelant estime donc que le vice dont se prévaut Alexandre Schneider était apparent et qu'il n'est pas tenu de le garantir.

Il sollicite, en conséquence, l'infirmation du jugement entrepris, le débouté de toutes les prétentions d'Alexandre Schneider, à défaut de leur irrecevabilité et la condamnation de l'intimé à lui payer 1 524,49 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures signifiées le 4 avril 2002, et auxquelles il est renvoyé, Alexandre Schneider fait valoir, d'une part, que sa demande est recevable. Il affirme être l'unique propriétaire du véhicule litigieux immatriculé, au demeurant, à son nom, en expliquant avoir remboursé à son employeur, la Société Nouvelle d'Arco, le prêt consenti pour l'acquisition du véhicule. L'intimé observe, d'autre part, que le tribunal n'avait pas à soulever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation du bref délai, il allègue, en outre, avoir agi dans ce bref délai prescrit par l'article 1648 du Code civil, n'ayant en une connaissance certaine du vice qu'à la réception du rapport d'expertise judiciaire. Subsidiairement, il soutient que ce bref délai n'aurait pas vocation à s'appliquer sur le fondement de la non-conformité ou de la nullité pour erreur.

Quant aux désordres affectant le véhicule Renault Clio acheté à Karl Pérignon, Alexandre Schneider rappelle que l'expert judiciaire a estimé que le véhicule était impropre à sa destination, dans la mesure où il n'était pas conforme à la réglementation et où son homologation ne serait jamais possible, la caisse actuelle étant d'un millésime antérieur au véhicule. L'intimé relève que l'expert a également conclu que le véhicule avait été "rafistolé" et n'avait pas été contrôlé après travaux pour pouvoir reprendre la circulation dans des conditions normales de sécurité.

Alexandre Schneider déduit de l'existence de ces défauts que la résolution de la vente est fondée, que ce soit dans le cadre de la garantie des vices cachés ou au motif d'une non-conformité du type et du millésime du véhicule, soit des caractéristiques spécifiées dans la carte grise. L'intimé déclare même que la nullité de la vente pourrait être prononcée pour erreur sur une qualité substantielle du véhicule vendu, en l'espèce son aptitude à la circulation.

Alexandre Schneider réclame ainsi la confirmation du jugement entrepris sur l'un quelconque de ces fondements, hormis du chef des dommages-intérêts qui lui ont été alloués. Il est appelant incident pour demander la condamnation de Karl Pérignon à lui payer 2 286,74 euro à titre de dommages-intérêts, le véhicule litigieux étant immobilisé depuis juillet 1998. Alexandre Schneider requiert, au surplus, 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi,

Considérant que l'obligation peut être valablement payée par un tiers pourvu que ce dernier ne soit pas subrogé aux droits du créancier, s'il agit en son nom propre ; qu'en l'espèce, si le véhicule Renault Clio a été payé à Karl Pérignon au moyen d'un chèque émis par la Société Nouvelle d'Arco, Alexandre Schneider justifie que ce paiement a été fait à titre de prêt et qu'il a remboursé le prix de la vente à son employeur, la Société Nouvelle d'Arco;

Qu'ainsi Alexandre Schneider a toujours été propriétaire du véhicule litigieux, immatriculé d'ailleurs à son nom, qu'il est donc recevable à agir;

Considérant au fond que, répondant à Karl Pérignon dans une note datée du 18 octobre 1999, l'expert judiciaire Bernard Monnerie indique tout d'abord qu'au moment de la vente conclue le 12 mars 1998 entre Karl Pérignon et Alexandre Schneider, tous deux particuliers, Alexandre Schneider a été informé par son vendeur qu'il achetait un véhicule d'occasion, antérieurement accidenté, et dont la caisse avait été remplacée par une caisse d'occasion ; que l'expert rapporte que le vendeur lui a affirmé avoir procédé lui-même au remplacement de la caisse par une caisse provenant d'un véhicule détruit, dont il a produit une photocopie de carte grise; que l'expert précise néanmoins n'avoir pu obtenir du vendeur, qui se retranche derrière sa qualité de particulier, aucun justificatif factuel des diligences précédant la vente (réparations, achat de la caisse);

Considérant ensuite, qu'en conclusion de son rapport déposé le 3 décembre 1999, Bernard Monnerie déclare que le véhicule litigieux se présente en état moyen, en correspondance à son âge (1re mise en circulation le 23 décembre 1992) et à son kilométrage (126 755 km) ; qu'il dit avoir constaté, en levant le capot moteur, que l'identification du véhicule n'est pas conforme puisque celle-ci comporte deux numéros gravés à froid et que le gravage à froid du second numéro ne comporte pas les logos du constructeur, attestant ainsi que ce marquage n'a pas été réalisé conformément à la réglementation en vigueur;

Que l'expert judiciaire relève que de fait les deux numéros divergent quant au " Type mines " ; que la voiture sur laquelle la caisse aurait été prélevée, porte le " Type mines " C 57 104 tandis que le véhicule, objet de la transaction, est de "Type mines" C 57 605;

Qu'il estime que ces différences entrent dans la définition de "transformations notables" dans la mesure où le constructeur a fait homologuer ces deux voitures sous des types différents, en raison des caractéristiques techniques différentes, et notamment de leur puissance fiscale, de leur puissance réelle, de leur poids et de la dimension des pneumatiques ; qu'il précise que ces transformations ne permettent pas l'immatriculation régulière du véhicule vendu;

Que l'expert ajoute encore que la caisse, dont la photocopie de carte grise est produite, est d'un millésime antérieur au véhicule en cause, de telle sorte que son homologation ou/et sa réception à titre isolé par le service des mines ne sera jamais possible;

Considérant qu'il ressort suffisamment de ces éléments donnés par l'expert, qui met au surplus en cause la qualité d'exécution du remplacement de la caisse, que le véhicule litigieux n'était pas affecté d'un vice caché, contrairement à ce que le tribunal a retenu, mais n'était pas conforme aux caractéristiques spécifiées sur la carte grise, ni à l'usage auquel l'acheteur le destinait;

Qu'en matière de non-conformité, aucune fin de non-recevoir résultant de l'expiration du bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil ne peut être invoquée, étant rappelé en outre que cette fin de non-recevoir n'est pas d'ordre public et qu'elle ne pouvait être soulevée d'office par le tribunal;

Considérant que l'expert judiciaire a émis l'avis que les éléments de non-conformité étaient "facilement contrôlables par un acheteur normalement diligent" ;

Mais considérant qu'Alexandre Schneider était un jeune homme non averti, sans compétence technique, tandis que le vendeur avait réalisé, selon l'expert, des opérations techniques " rivalisant avec les meilleurs professionnels " ; que le véhicule avait un but utilitaire pour l'acheteur;

Que par ailleurs, il est constant que le vendeur a l'obligation d'informer loyalement le futur acquéreur; qu'il n'est pas établi que Karl Pérignon ait attiré l'attention d'Alexandre Schneider sur le millésime de la caisse changée et encore moins sur l'absence d'homologation du véhicule par le service des mines après la modification de la caisse;

Qu'un particulier n'est pas obligé, au surplus, de se faire assister d'un professionnel pour acheter un véhicule d'occasion; qu'il est très improbable, dans ces conditions, qu'Alexandre Schneider ait été renseigné de bonne foi sur les conséquences de la présence de deux numéros gravés à froid sur la caisse, dont l'un n'avait pas les logos du constructeur alors que Karl Pérignon ne lui avait pas remis, lors de la vente, la facture d'achat de la nouvelle caisse et que l'expert judiciaire n'a pu obtenir de Karl Pérignon aucune justification factuelle des réparations faites;

Qu'il convient de remarquer enfin que même l'expert amiable Lombard, dans son rapport du 24 juillet 1998, ne tire aucune déduction de non-conformité de sa constatation d'un ancien et d'un nouveau numéro sur la caisse du véhicule litigieux;

Qu'ainsi la négligence, dont a fait preuve Alexandre Schneider, au motif de l'urgence de l'acquisition, constitue une faute légère du fait du comportement peu loyal de son vendeur; que les conditions de la résolution de la vente du 12 mars 1998 sont réunies, le défaut de conformité, invoqué à titre subsidiaire par Alexandre Schneider, étant substitué à celui des vices cachés comme fondement de la demande de résolution;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, avec restitution du prix, soit 3 811,23 euro majorés des intérêts au taux légal à compter du 6 août 1999 et du véhicule et a condamné Karl Pérignon à payer à Alexandre Schneider 176,54 euro majorés des intérêts au taux légal à compter du 6 août 1999 correspondant au prix d'une nouvelle carte grise;

Qu'il sera fait droit partiellement à l'appel incident d'Alexandre Schneider ; que son trouble de jouissance sera réparé par l'octroi de 1 525 euro à titre de dommages-intérêts;

Considérant enfin qu'il sera alloué à Alexandre Schneider 1 525 euro supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel;

Par ces motifs, se substituant à ceux du tribunal, LA COUR, Contradictoirement, Déclare Alexandre Schneider recevable à agir ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt, L'infirmant de ces seuls chefs et statuant à nouveau: Dit que le véhicule vendu le 12 mars 1998 par Karl Perignon à Alexandre Schneider n'était pas conforme, Condamne Karl Pérignon à payer à Alexandre Schneider 1 525 euro à titre de dommages-intérêts, Condamne Karl Pérignon à verser à Alexandre Schneider 1 525 euro supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à s'acquitter des entiers dépens, inclus les frais de l'expertise judiciaire. Admet la SCP Menard-Scelle-Millet, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.