CA Nouméa, ch. civ., 17 avril 2003, n° 302-2002
NOUMÉA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société générale d'importation automobiles
Défendeur :
Mai Van Y
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Fontaine
Conseillers :
MM. Stoltz, Mesière
Avocats :
Selarl Tehio, Me Bernut
Procédure de première instance
Par requête déposée au greffe le 1er août 2000, Rose-Marie Mai Van Y a demandé au Tribunal de première instance de Nouméa de dire que la Société générale d'importation automobiles (SGIA) devait lui délivrer un véhicule Honda Prélude VTEC 2,2 Vtl conforme à sa commande et à l'objet de la vente conclue entre les parties, notamment aux caractéristiques dudit modèle mentionnées dans la notice en considération desquelles la vente ayant été conclue et ce sous peine d'une astreinte de 20 000 FCFP par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir et, subsidiairement, condamner ladite société à lui payer la somme d'un million de FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de son inexécution fautive, outre lui verser la somme de 100 000 FCFP au titre des frais irrépétibles.
Au soutien de sa demande, elle a exposé qu'elle s'était rendue au siège de la SGIA de façon à obtenir des renseignements sur un véhicule de marque Honda type Prélude 2.2 Vti et en particulier sur les équipements spécifiques présentés par celui-ci, à savoir un moteur VTEC et quatre roues directrices; que la directrice de la société lui avait confirmé que ces équipements étaient bien présents sur ce modèle, conformément à la notice qu'elle leur avait remise. Elle a soutenu que ce sont ces équipements spéciaux qui avaient déterminé son choix d'acquérir ce véhicule au mois d'août 1999, mais qu'elle s'est rendue compte par la suite que ce véhicule ne présentait pas lesdits équipements et donc qu'il n'était pas conforme à celui prévu. Elle a donc conclu que la société venderesse avait manqué à l'obligation de délivrance à laquelle elle était tenue, le véhicule livré n'étant pas conforme à celui promis dans le cadre de la vente.
Par conclusions en réponse, la SGIA a demandé au tribunal de débouter Rose-Marie Mai Van Y de toutes ses demandes outre la condamner à lui verser la somme de 500 000 FCFP à titre de dommages et intérêts et 120 000 FCFP au titre des frais irrépétibles.
Au soutien de sa demande, elle a exposé que le 30 juillet 1999, la demanderesse avait fait l'acquisition d'un véhicule Honda Prélude 2.2 Vti, que les éléments de publicité versés n'évoquaient nullement un véhicule équipé de quatre roues directrices, que d'ailleurs la SGIA ne pouvait vendre de tels véhicules puisque ceux-ci ne pouvaient être exportés du Japon. Enfin, elle a soutenu qu'aucun des documents contractuels versés ne mentionnait un modèle bénéficiant de quatre roues directrices, que d'ailleurs Rose-Marie Mai Van Y n'en a jamais formulé la demande.
Elle a estimé que Madame Mai Van Y ne rapportait donc pas la preuve d'une inexécution de ses engagements.
Elle a souligné en outre que la demanderesse avait procédé à des essais dudit véhicule à deux reprise et l'avait donc acquis en toute connaissance de cause. Enfin, elle a soutenu que la demanderesse était de mauvaise fol en particulier eu égard au laps de temps écoulé entre l'achat et la contestation.
En réponse, Rose-Marie Mai Van Y a soutenu que le seul document qui lui avait été remis au moment de la vente était le prospectus versé aux débats dont il ressortait que le véhicule était équipé de quatre roues directrices, que cet équipement était standard sur ce type de véhicule et que celui qui lui avait été livré ne correspondait pas aux engagements pris par le vendeur; que celui-ci, en application de la jurisprudence, devait délivrer une chose conforme à ce qui avait été convenu et que, de plus, ce dernier était tenu par une obligation de résultat en application des termes de l'article 1315 du Code civil de telle sorte, qu'en cas de contestation, la preuve de la conformité s'imposait à lui. Elle a ajouté par ailleurs que le litige portait sur le fait que le véhicule n'était pas équipé du système de " 4 roues directrices ".
En ultime réponse, la SGIA a avancé que la demanderesse avait confondu la technologie des roues directrices et des roues motrices, qu'elle n'avait jamais commandé un véhicule avec quatre roues directrices, que par ailleurs, elle-même n'avait jamais importé de tel véhicule et n'avait donc pu le proposer à la vente ; que la demanderesse ne rapportait aucune preuve au soutien de ses prétentions.
Par jugement du 10 juin 2002, le Tribunal de première instance de Nouméa a:
- condamné la SGIA à verser à Rose-Marie Mai Van Y la somme d'un million de FCFP à titre de dommages et intérêts, outre celle de 50 000 FCFP au titre des frais irrépétibles,
- débouté les parties pour le surplus,
- condamné la SGIA aux dépens.
Procédure d'appel
Par requête déposée le 15 juillet 2002, la SGIA a interjeté appel de ce jugement signifié le 21 juin 2002.
A l'appui de son recours, reprenant son argumentaire de première instance, la SGIA fait valoir:
- que Madame Mai Van Y et son compagnon ont effectué des essais préalables avec le véhicule Honda Prélude 2.2-00707 et en ont été satisfaits,
- que le paiement du véhicule s'est effectué et que la livraison s'est faite sans difficultés les 29 et 30 juillet 1999 ; qu'il y a donc eu achat en connaissance de cause,
- qu'aucune réclamation n'a été faite jusqu'au 31 mai 2000, ceci établissant la satisfaction de la cliente,
- que le prospectus produit par Madame Mai Van Y porte bien, de la main de la directrice de la SGIA, différentes mentions sur les caractéristiques du véhicule ; qu'elle a respecté cette commande laquelle ne précise nullement l'existence de quatre roues directrices,
- qu'au demeurant, ce prospectus n'est pas un document ayant valeur contractuelle ainsi que le rappelle la mention en dernière page,
- que le type de véhicule avec quatre roues directrices n'étant pas exporté du Japon, elle ne pouvait donc le proposer à la vente,
- que les publicités qu'elle a fait paraître n'ont d'ailleurs jamais indiqué cette caractéristique technique.
Estimant en conséquence que Madame Mai Van Y ne rapporte pas la preuve qu'elle a commandé un véhicule " 4 roue directrices ", la SGIA conclut à la réformation et au débouté de Madame Mai Van Y de l'ensemble de ses demandes outre condamnation à lui payer la somme de 120 000 FCFP au titre de l'article 129 du décret du 7 avril 1928 modifié.
Par conclusions en réponse, Madame Mai Van Y, après avoir rappelé les conditions dans lesquelles elle avait acquis son véhicule, fait valoir:
- que c'est l'ensemble des spécifications techniques et notamment celles relatives au moteur et au quatre roues motrices qui a déterminé son choix,
- que les publicités parues dans la presse ne concernaient pas ce véhicule et n'ont, au demeurant, aucune valeur contractuelle,
- que la notice technique que la directrice lui a remise comportant la description, les caractéristiques et l'équipement du véhicule a, à l'inverse, valeur contractuelle ; que la SGIA qui n'a cessé en première instance de s'y référer pour prétendre que la voiture était conforme, ne saurait désormais l'écarter,
- que cette notice précise que le moteur VTEC et le système à quatre roues directrices font partie de l'équipement standard ; qu'il ne s'agit pas d'une option,
- qu'il appartenait dès lors au vendeur, dans le cadre de son obligation d'information, de lui spécifier expressément que le modèle vendu ne possédait pas ces équipements ou de les biffer sur la notice,
- qu'elle a, dès la découverte de la non-conformité, entrepris une démarche amiable puis judiciaire, par le dépôt d'une plainte.
L'intimée rappelle enfin que la charge de la preuve d'une délivrance conforme pèse sur le vendeur et que le vendeur professionnel est débiteur d'une obligation d'information qui passe généralement par une notice fournie avec le produit vendu.
Elle conclut à la confirmation outre condamnation de la SGIA à lui payer la somme de 100 000 FCFP au titre des frais irrépétibles,
Motifs de la décision
Attendu que le vendeur est tenu de délivrer à l'acheteur une chose conforme à celle commandée;
Que le vendeur est tenu d'expliquer clairement à quoi il s'oblige à défaut de quoi tout engagement obscur ou ambigu s'interprète contre lui;
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que Madame Rose-Marie Mai Van Y a commandé à la SGIA un véhicule Honda Prélude 2.2 Vti;
Qu'aucun bon de commande décrivant le type du véhicule ou ses caractéristiques n'a été apparemment établi par le vendeur en dépit du prix important;
Que le seul document remis par le vendeur - sur lequel il a, au demeurant, rajouté des mentions manuscrites - est un document technique descriptif établi par Honda et qui, après une première partie faisant le panégyrique du modèle, présente les équipements précis et les spécifications techniques (pages 20 et 21);
Attendu que la SGIA, vendeur professionnel, sur lequel pèse une obligation renforcée d'information et qui n'a pas pris de dispositions pour établir un bon de commande détaillé, ne peut sérieusement soutenir que le document technique descriptif qu'il remet les jours précédant la commande ne l'engage pas quant aux caractéristiques mentionnées;
Que la SGIA, qui n'a cessé d'utiliser ce document en première instance pour relever que la mention "4 roues directrices" n'avait pas été ajoutée manuscritement par la directrice et lui a donc donné une portée contractuelle, est mal fondée à ne voir dans cette pièce qu'un simple prospectus qui ne l'engage pas;
Attendu qu'il est évident, à la lecture de ce document, que le véhicule Honda Prélude modèle 2.2 Vti est équipé d'un "système à quatre roues directrices" et que cet équipement est standard et non en option;
Que cette indication se retrouve tant dans la comparaison des équipements entre les modèles 2.0i et 2.2 Vti que dans la partie "spécifications techniques" où il est mentionné sous la rubrique "Direction" : "4 roues motrices sur 2.2 Vti";
Attendu qu'il n'est pas discuté par la SGIA que le modèle livré n'est pas conforme;
Que l'explication selon laquelle ce modèle ne serait pas importable en Nouvelle-Calédonie n'est pas opposable à l'acquéreur, qu'il incombait en ce cas à la SGIA de modifier en conséquence ses documents techniques ou d'informer le client, ce qu'elle n'établit pas avoir fait;
Attendu de même que l'argument selon lequel les publicités par voie de presse n'auraient pas mentionné cette spécificité technique n'est pas sérieux; que ces publicités n'ont aucune valeur contractuelle ;
Que c'est au moment du contrat qu'il convient d'apprécier les engagements réciproques des parties;
Attendu enfin que le moyen selon lequel le client n'aurait rien réclamé pendant plusieurs mois, ce qui tendrait à prouver sa satisfaction, ne saurait davantage retirer son fondement à l'action entreprise qui n'est pas engagée sur le terrain des vices cachés mais sur celui de la non-conformité; qu'au surplus, il apparaît des explications de l'acheteur à laquelle aucune contradiction n'est apportée, qu'elle ne s'est rendue compte de cette non-conformité, pas forcément apparente, que le jour où un cousin, lui-même possesseur d'un tel modèle, le lui a fait remarquer;
Attendu que l'action de Madame Mai Van Y est donc bien fondée ;
Attendu que la persistance de la SGIA depuis 3 ans dans un comportement de mauvaise foi justifie totalement le montant des dommages et intérêts alloués;
Qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions;
Qu'il sera alloué en sus à Madame Mai Van Y la somme de 100 000 FCFP au titre de l'article 129 du décret du 7 avril 1928 modifié.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire; Dit l'appel recevable mais mat fondé; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré; Condamne en outre la Société générale d'importation automobiles à payer à Madame Rose-Marie Mai Van Y la somme de cent mille (100 000) FCFP au titre de l'article 129 du décret du 7 avril 1928 modifié; La condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marc Bernut, avocat aux offres de droit.