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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 21 juin 2005, n° 04-00390

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

JCL Motors (SARL)

Défendeur :

Luppino, Banque Sofinco (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Littner

Conseillers :

M. Richard, Mme Roux

Avoués :

SCP Avril & Hanssen, Me Gerbay, SCP André & Gillis

Avocats :

SCP Bruno Sotty-Bertrand Martin, Me Seutet, SCP Dorey-Portalis-Pernelle

TGI Dijon, du 26 janv. 2004

26 janvier 2004

Exposé de l'affaire

Le 2 juillet 2001, M. Giuseppe Luppino a commandé à la SARL JCL Motors un véhicule Opel Astra 2.0 DTI qui devait être livré au plus tard le 20 juillet 2001, le mariage de l'acquéreur étant prévu pour le 27 juillet.

Le financement était assuré par la société Viaxel, filiale de la société Banque Sofinco, dans le cadre d'une location avec option d'achat prévoyant 72 mensualités de 319,75 euro.

La date de livraison n'a pas été respectée puisque le véhicule était arrivé au garage endommagé et devait faire l'objet de travaux de carrosserie.

Un véhicule Opel Astra break a alors été prêté gratuitement à M. Luppino, avec lequel il a parcouru 2 526 km du 26 juillet au 28 août 2001.

Le 11 septembre 2001 la société JCL Motors a informé M. Luppino que son véhicule était prêt à être livré depuis le 5 septembre mais l'intéressé, par lettre du 12 décembre 2001 a déclaré qu'il avait renoncé à cet achat en raison du non-respect de la date de livraison.

Par actes des 2 et 3 avril 2002, M. Luppino a assigné la SARL JCL Motors et la SA Banque Sofinco pour obtenir l'annulation de la vente et du contrat de leasing et le remboursement des mensualités prélevées.

Par jugement du 26 janvier 2004, le Tribunal de grande instance de Dijon a:

- prononcé la résolution du contrat de vente du véhicule,

- rejeté la demande de résolution du contrat de location avec option d'achat,

- constaté que la résiliation de ce dernier contrat était intervenue le 18 juin 2002 à l'initiative de la société Banque Sofinco et condamné en conséquence M. Luppino à payer à cette société 17 483,76 euro avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2002,

- condamné la SARL JCL Motors à verser à M. Luppino 20 000 euro à titre de dommages-intérêts et 750 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL JCL Motors a fait appel.

Dans ses dernières écritures, en date du 27 avril 2005, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, elle sollicite le rejet de la demande de résolution de la vente et de dommages intérêts et rappelle que le contrat de financement ayant été résilié le 18 juin 2002, le véhicule appartient actuellement à la société Sofinco.

Elle souhaite obtenir 1 500 euro à titre de dommages intérêts et conclut au rejet de la demande de dommages intérêts formulée subsidiairement à son encontre par l'établissement de crédit.

M. Luppino, par conclusions du 18 mai 2005, auxquelles il est pareillement fait référence, souhaite que la résolution du contrat de vente soit confirmée mais demande que la résolution du contrat de location avec option d'achat soit également prononcée et que la société Sofinco soit condamnée à lui payer 2 609,16 euro au titre des échéances prélevées indûment.

A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation des deux sociétés à lui payer 22 000 euro à titre de dommages-intérêts et considère que l'indemnité contractuelle de 8 % n'est pas due.

Il réclame 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Sofinco, par écritures du 30 mars 2005, auxquelles il est de même référé, soutient que la résolution du contrat de location avec option d'achat n'est pas possible et qu'il ne peut donc y avoir restitution des mensualités prélevées.

Elle souhaite la confirmation de la décision ayant constaté la résiliation du contrat et prononcé condamnation à son profit, à laquelle il convient d'ajouter l'indemnité de 8 %.

Elle soutient enfin qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre et demande, à titre subsidiaire, dans le cas où des dommages intérêts seraient mis à sa charge, la condamnation de la société appelante à lui verser 23 022 euro.

Elle réclame enfin 1 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision

1. Sur la demande de résolution du contrat de vente

Attendu que l'appelant considère que le contrat de vente du véhicule doit être résolu parce que la date limite de livraison a été dépassée;

Attendu qu'il est exact que le bon de commande prévoyait comme date extrême de livraison le 20 juillet 2001 et que cette date n'a pas été respectée puisque le véhicule est arrivé endommagé et que des travaux de carrosserie devaient être réalisés pour le remettre en état;

Mais attendu que M. Luppino n'a jamais notifié au garage son intention de renoncer à son acquisition;

Qu'il n'a notamment pas respecté les dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, reprises dans les conditions générales de vente, permettant au consommateur, lorsque le dépassement de la date limite de livraison excède 7 jours, de dénoncer le contrat de vente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception mais à condition d'agir dans un délai de 60 jours;

Qu'il a au contraire accepté sans réserves la mise à sa disposition gratuite pendant un délai d'un mois d'un véhicule de remplacement, ce qui n'aurait évidemment pas été possible s'il avait exprimé son intention de renoncer à la vente; que l'acceptation de cette opération manifestait au contraire son intention de ne pas mettre fin au contrat, malgré le retard de livraison, l'impossibilité de disposer du véhicule neuf à la date prévue étant alors compensée par la mise à disposition d'un véhicule de courtoisie;

Attendu que l'intention de M. Luppino de ne pas renoncer au contrat de vente du 2 juillet 2001 est encore manifestée par le fait que les mensualités prévues dans le contrat de financement ont été prélevées depuis le 30 août 2001 et qu'elles le seront jusqu'au mois d'avril 2002 sans susciter aucune protestation de sa part avant le mois de décembre;

Attendu que, lorsqu'il a restitué le véhicule prêté, le 26 août 2001, M. Luppino n'a pas exprimé son intention de renoncer au contrat, alors qu'il était encore dans les délais, ce qui a conduit la société JCL Motors à poursuivre les démarches administratives et notamment à l'établissement de la carte grise, ainsi qu'en atteste la secrétaire, Mme Annick Roche;

Attendu que ces éléments démontrent suffisamment que M. Luppino n'a pas considéré le non-respect de la date de livraison comme constituant un manquement suffisamment grave pour entraîner la résolution du contrat;

Que cette volonté, manifestée tardivement, le 12 décembre 2001, ne pouvait plus avoir aucun effet en raison de l'acceptation exprimée précédemment de poursuivre le contrat nonobstant le dépassement du délai de livraison initialement prévu;

Qu'il n'y a donc pas lieu à résolution du contrat de vente, ce qui entraîne sur ce point l'infirmation du jugement;

2. Sur la demande de résolution du contrat de location avec option d'achat

Attendu que le contrat de vente n'étant pas résolu, il ne peut en toute hypothèse être fait droit à la demande résolution de M. Luppino, qui fait valoir, à l'appui de cette réclamation que ce contrat est l'accessoire du contrat principal ; que d'ailleurs seule la résiliation aurait pu être obtenue;

Mais attendu surtout que ce contrat de financement avait été résilié par l'établissement de crédit le 18 juin 2002, ce qui a été constaté par le tribunal, qui a en conséquence condamné M. Luppino à verser la somme de 17 483,76 euro, calculée conformément aux dispositions du contrat et non contestée et qui, comme l'indique l'établissement de crédit dans sa lettre de résiliation, sera diminuée de la valeur vénale du véhicule après vente;

Attendu que le tribunal a encore exactement jugé que l'indemnité de 8 % réclamée n'était pas due puisque le contrat prévoit qu'elle peut être demandée lorsque le loueur ne prononce pas la résiliation du contrat, ce qui n'est pas le cas;

3. Sur la demande de dommages intérêts

Attendu que M. Luppino invoque tout d'abord les dispositions de l'article L. 311-20 du Code de la consommation prévoyant que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien;

Mais attendu qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société Sofinco, qui a versé les fonds au vendeur et procédé aux prélèvements après avoir reçu un procès-verbal de livraison daté du 12 juillet 2001, signé du vendeur et du locataire, ce dernier reconnaissant avoir réceptionné un véhicule conforme à la commande et en bon état, document qu'elle n'avait aucune raison de suspecter;

Attendu ensuite que le préjudice dont se plaint M. Luppino résulte de sa propre faute puisqu'il a signé ce procès-verbal de livraison avant d'avoir pris possession du véhicule;

Attendu que, s'il peut être admis que la société JCL Motors a commis une faute en signant et en faisant signer ce document avant la date de la livraison effective, cette faute n'est pas à l'origine du préjudice invoqué puisque, ainsi que cela a été développé précédemment, M. Luppino avait renoncé à invoquer la livraison tardive, a commencé à rembourser puis a changé d'avis pour des motifs qui ne sont pas connus;

Que sa demande de dommages intérêts doit en conséquence être rejetée;

Que la demande de garantie de la société Sofinco contre la société appelante est dès lors sans objet;

4. Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application aux parties des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de résolution du contrat de location avec option d'achat, constaté la résiliation de ce contrat au 18 juin 2002 et condamné M. Luppino à payer à la SA Banque Sofinco la somme de 17 483,76 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2002, Réformant pour le surplus et ajoutant, Rejette la demande de résolution de la vente du véhicule Opel Astra 2.0 DTI commandé par M. Luppino le 2 juillet 2001 à la SARL JCL Motors, Rejette également la demande de dommages-intérêts de M. Luppino et celle de remboursement des échéances prélevées, Dit que le montant de 17 483,76 euro sera diminué de la valeur vénale du véhicule après vente, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. Luppino aux dépens d'instance et d'appel et dit pour ces derniers, que la SCP Avril Hanssen et la SCP André Gillis, avoués, pourront les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.