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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 23 mars 1999, n° 97-02434

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Caravane Expo Clavel & Cie (SA)

Défendeur :

Huleux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Falletti-Haenel

Conseillers :

Mmes Manier, Kueny

Avoués :

SCP Perret & Pougnand, Selarl Dauphin & Neyret

Avocats :

Mes Ostian, Balestas

TGI Grenoble, du 27 mars 1997

27 mars 1997

Suivant bon de commande fait à Paris dans le cadre du Salon du Bourget le 6 octobre 1995, Jacques Huleux a passé commande auprès de la SA Caravane Expo d'un camping-car pour le prix de 199 900 F sur lequel deux acomptes de 5 000 F concrétisés par la remise de deux chèques devaient être versés fin octobre 1995 et fin novembre 1995, la livraison devant intervenir fin janvier 1996 ou début février.

Par lettre en date du 29 février 1996, la société Caravane Expo faisant référence à une conversation téléphonique du même jour, confirmait à Monsieur Huleux que le véhicule commandé était à sa disposition depuis le 25 octobre 1995 et l'invitait à en prendre livraison le plus rapidement possible, un délai de 48 heures étant nécessaire pour la préparation finale.

Dans une correspondance datée du 1er mars 1996, Jacques Huleux écrivait à la société Caravane Expo qu'étant sans nouvelle de son établissement, il annulait sa commande et demandait à la société de lui retourner la somme de 10 000 F versée à titre d'acompte.

Monsieur Huleux ne s'étant pas exécuté, la société Caravane Expo a, par acte du 10 juin 1996, assigné celui-ci devant le Tribunal de grande instance de Grenoble en paiement du prix du véhicule.

Par jugement rendu le 27 mars 1997, le Tribunal de grande instance de Grenoble, considérant que la vente s'était faite dans un salon sans respect des dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation:

- a prononcé la nullité du contrat conclu entre la SA Caravane Expo et Monsieur Huleux aux torts de la société,

- a condamné la société Caravane Expo à payer à Monsieur Huleux la somme de 10 000 F avec intérêts au taux légal à compter du jugement outre la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a rejeté toute autre demande.

Suivant déclaration reçue au greffe le 2 juin 1997, la SA Caravane Expo a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour:

* de réformer le jugement déféré,

* de condamner Monsieur Huleux à lui payer le prix du véhicule qu'il a commandé soit 191 900 F,

* de lui donner acte de son engagement de livrer le véhicule à Monsieur Huleux dès l'encaissement intégral du prix,

* enfin, de condamner Monsieur Huleux à lui payer la somme de 12 060 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir que:

* les foires et salons ne sont pas soumis aux lois dites sur le démarchage,

* les pièces versées aux débats démontrent que Monsieur Huleux n'a pas voulu prendre livraison d'un véhicule disponible depuis le 25 octobre 1995.

Jacques Huleux conclut au rejet des prétentions de la société Caravane Expo, à la confirmation du jugement entrepris sauf en tant que de besoin, à substituer à la nullité du contrat la rupture de celui-ci par application des dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la consommation et à la condamnation de la société Caravane Expo au paiement de la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il maintient que les ventes faites à l'occasion de foires et de salons sont soumises aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation. A titre subsidiaire, il soutient que la société Caravane Expo ne justifiant pas l'avoir, dans le délai imparti pour la livraison, invité à prendre possession du véhicule, il avait, conformément aux dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, la possibilité de dénoncer le contrat de vente par lettre recommandée avec accusé de réception et que sa dénonciation est valable, aucune livraison n'étant intervenue entre l'envoi de sa lettre et sa réception par la société Caravane Expo.

Motifs et décision

Aux termes de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, le consommateur peut dénoncer le contrat de vente d'un bien meuble par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en cas de dépassement de la date de livraison du bien excédant 7 jours.

Il est constant que fin février 1996, Monsieur Huleux n'était pas entré en possession du véhicule dont la livraison avait été stipulée pour la fin janvier ou le début du mois de février 1996.

Les documents (lettre de voiture internationale et facture) que la société Caravane Expo verse aux débats pour faire accréditer sa thèse selon laquelle le véhicule aurait été à la disposition de Monsieur Huleux depuis le 25 octobre 1995, n'ont pas de force probante, s'agissant de documents internes dont il est impossible de vérifier la concordance avec la réalité.

En tout état de cause, la société Caravane Expo ne justifie par aucune pièce avoir, dans le délai imparti pour la livraison, invité Monsieur Huleux à prendre possession du véhicule.

Elle ne justifie pas davantage que Monsieur Huleux ait refusé de prendre possession dudit véhicule dans le délai de livraison contractuellement prévu.

Dans ces conditions, la date de livraison étant dépassée de plus de 7 jours, Monsieur Huleux était en droit de dénoncer le contrat de vente conformément aux dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la consommation.

Le courrier que la société Caravane Expo a adressé le 29 février 1996 à Monsieur Huleux à la suite de sa communication téléphonique l'avisant de la dénonciation du contrat, confirme l'absence de livraison à cette date, l'indication que le véhicule est disponible sous un délai de 48 heurs pour sa préparation, laquelle n'est justifiée par aucune pièce, ne constitue pas l'acte de livraison.

Dès lors, aucune livraison n'étant intervenue entre le moment de la lettre envoyée par Monsieur Huleux (1er mars 1996) et la réception par la société Caravane Expo, la dénonciation du contrat est ainsi valablement intervenue entre les parties, Monsieur Huleux perdant toutefois le bénéfice des 10 000 F qu'il a versés à titre d'acompte et qui restent acquis à la SA Caravane Expo conformément aux dispositions de l'article 114-1 alinéa 4 du Code de la consommation, le bon de commande ne stipulant pas de faculté de dédit.

Il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré, de débouter la société Caravane Expo de l'ensemble de ses demandes, de constater la rupture du contrat et de condamner l'appelante à payer à Monsieur Huleux contraint d'exposer des frais qu'il serait inéquitable de laisser entièrement à sa charge, la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Déboute la SA Caravane Expo de l'ensemble de ses prétentions, Constate la rupture du contrat. Dit que la somme de 10 000 F (dix mille francs) versée à titre d'acompte reste acquise à la SA Caravane, Condamne la SA Caravane Expo à payer à Monsieur Jacques Huleux la somme de 5 000 F (cinq mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens.