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Décisions

CA Paris, 8e ch. B, 13 novembre 1997, n° 95-09970

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat de copropriété 27 rue de Ménilmontant à Paris 20e

Défendeur :

Elitem (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Anquetil

Conseillers :

Mmes Prevost, Baland

Avoués :

SCP Jobin, SCP Narrat-Peytavi

Avocats :

Mes Bouctot, Sulli, Gottscheck

TI Paris, du 14 mars 1995

14 mars 1995

Rappel de la procédure antérieure:

Par jugement contradictoire rendu le 14 mars 1995, le Tribunal d'instance de Paris 20e, statuant sur la demande du Syndicat des copropriétaires du 27 rue de Ménilmontant à Paris 20e (ci-après le syndicat) à l'encontre de la société Elitem en résolution d'un contrat de fourniture d'une porte cochère et en restitution de la somme de 7 000 F versée à titre d'acompte, a débouté le syndicat de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Elitem 8 418 F;

La procédure devant la cour:

C'est de ce jugement que le syndicat est appelant; il rappelle qu'il a demandé à la société Elitem un devis pour remplacer la porte cochère de l'immeuble, devis accepté le 7 janvier 1994; que le délai de livraison convenu était de six semaines; qu'en avril suivant, sommation a été faite à la société de livrer la porte; que faute d'exécution, le contrat s'est donc trouvé annulé; il critique les motifs du premier juge; il soutient qu'en tout état de cause, en application de l'article 3-1 de la loi du 18 janvier 1992 (art L. 114-1 du Code de la consommation), le professionnel doit indiquer sur le bon de commande le délai de livraison maximal et qu'en l'espèce cette règle n'a pas été respectée; il demande application de la sanction prévue; il ajoute que les mesures prises par la société Elitem n'étaient pas exactes et que la porte commandée par ses soins à un sous-traitant n'aurait de toute façon pas convenu; il demande la résolution du contrat et la restitution de la somme de 7 000 F avec intérêts de droit à compter du 7 avril 1994, outre 7 000 F pour ses frais irrépétibles;

La société Elitem, intimée, considère que les textes relatifs à la protection du consommateur ne s'appliquent pas s'agissant d'un syndicat de copropriété; qu'en effet, le syndic agit à titre professionnel et le contrat de fourniture litigieux a un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant; elle soutient qu'aucun délai de six semaines n'avait été prévu et que celui de treize semaines pour la fabrication en usine de la porte était raisonnable; elle conclut au débouté de la demande;

Elle conteste que la porte n'ait pas été aux dimensions utile et, celle-ci ayant été refusée, elle conclut à un important préjudice subi;

Elle demande la confirmation du jugement et 7 000 F pour ses frais irrépétibles ;

Le syndicat persiste à considérer qu'il est un consommateur, d'autant qu'en l'espèce le syndic était bénévole; que la porte ne pouvait convenir;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que le contrat entre les parties a été parfait le 7 janvier 1994, date de l'acceptation du devis proposé; que le fournisseur, la société Elitem, est sans conteste un professionnel; que l'acheteur est le syndicat (et non le syndic qui le représente); qu'un syndicat de copropriété qui, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, a pour objet la conservation de l'immeuble bâti en copropriété et l'administration des parties communes, n'a pas d'activité professionnelle à proprement parler; qu'il est donc un consommateur; qu'ainsi, la porte ayant été achetée par un consommateur à un professionnel et pour un usage non professionnel, le Code de la consommation s'applique à l'espèce;

Considérant que l'article L. 114-1 du Code de la consommation stipule que dans tout contrat ayant pour objet la vente d'un bien meuble ou la fourniture d'une prestation de services à un consommateur, le professionnel doit, lorsque la livraison du bien ou la fourniture de la prestation n'est pas immédiate et si le prix convenu excède le seuil fixé par voie réglementaire (3 000 F selon décret n° 92-1156 du 13 octobre 1992), indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation; que le consommateur peut dénoncer le contrat de vente d'un bien meuble ou de fourniture d'une prestation de services par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en cas de dépassement de la date de livraison du bien ou d'exécution de la prestation excédant sept jours et non dû à un cas de force majeure; que le contrat est le cas échéant considéré comme rompu à la réception par le vendeur ou par le prestataire de services de cette lettre, si la livraison n'est pas intervenue ou la prestation exécutée entre son envoi et sa réception;

Considérant en l'espèce que le bon de commande ne porte aucune indication de délai de livraison; que le syndicat soutient sans pouvoir l'établir qu'un délai de six semaines avait été convenu; mais qu'il a par lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 avril 1994, mis en demeure le fournisseur de livrer la porte commandée et qu'à défaut de livraison pour le 19 avril 1994, la commande serait considérée comme annulée; qu'une lettre recommandée avec avis de réception en date du 18 avril 1994 puis une autre du 3 mai 1994 ont confirmé la rupture; que ce n'est que le 7 mai 1994 que la société Elitem a fait connaître au syndicat que la porte était disponible;

Considérant que le syndicat justifie qu'une commande de même type pouvait être obtenue dans le délai de quatre mois en période estivale (cf. commande passée à la " société Les Belles portes de France " le 10 mai pour une livraison le 15 septembre); que l'exigence d'une livraison pour le 19 avril 1994 de la porte commandée le 7 janvier précédent (et donc hors période estivale) n'apparaît donc pas déraisonnable;

Considérant que la livraison n'étant pas intervenue à la réception de ces lettres, il convient de considérer le contrat comme résolu par application du texte susvisé; que la société Elitem ne peut faire valoir les délais imposés par son sous-traitant comme un cas de force majeure, d'autant que la commande du syndicat date du 7 janvier alors que la commande au sous-traitant n'a été passée que le 25 janvier suivant;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la restitution des sommes versées à la commande soit 7 000 F;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant ses frais irrépétibles d'appel, à hauteur de 5 000 F;

Par ce motifs, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Dit que le contrat conclu est résolu; Condamne la société Elitem à restituer au syndicat de copropriété du 27 rue de Ménilmontant à Paris 20e la somme de 7 000 F qui lui avait été versée à titre d'acompte sur le prix, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, et à lui payer en outre la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toutes autres demandes des parties; Condamne la société Elitem aux dépens d'instance et d'appel, et dit que le montant de ces derniers pourra être recouvré directement par la SCP Jobin, avoué, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.