CA Paris, 8e ch. A, 21 janvier 1997, n° 95-08945
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ameubl'Eco (SA)
Défendeur :
Antolini
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sauteraud
Conseillers :
MM. Remond, Anquetil
Avoués :
SCP Lagourgue, Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau
Avocats :
Me Afferiat, SCP Soulie Coste Floret
La société Ameubl'Eco a fait citer M. Patrick Antolini au paiement de la somme de 24 000 F outre intérêts, au titre de solde resté dû des causes d'un contrat de vente portant sur des meubles ainsi que de la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 13 septembre 1994 le Tribunal d'instance de Bobigny a :
- constaté la résiliation du contrat de vente conclu entre les parties,
- débouté la société Ameubl'Eco de ses demandes,
- condamné la société Ameubl'Eco aux dépens;
Par jugement du 25 avril 1995 le Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois a condamné la société Ameubl'Eco à payer à M. Antolini la somme de 9 000 F outre intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 1995, à titre de restitution d'acompte ainsi qu'aux dépens.
La société Ameubl'Eco a interjeté appel de ces deux jugements.
Les instances nées de ces appels ont été jointes par ordonnance du 17 juin 1996.
La société Ameubl'Eco soutient que le Tribunal d'instance de Bobigny a détourné de leur sens les dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la consommation en estimant que l'erreur du fabricant ne permettait pas de proroger, en faveur du vendeur, la date de livraison contractuellement prévue alors qu'une livraison était intervenue dans les délais et que son refus par l'acheteur ne repose que sur le défaut de conformité d'une partie de la marchandise.
Elle se prévaut en outre de la force majeure que représente pour elle l'erreur du fabricant.
Elle invoque l'absence de bonne foi de M. Antolini qui, depuis le 7 janvier 1994 a refusé toute nouvelle livraison alors que le fabricant a livré à la venderesse la pièce conforme à la commande qui manquait précédemment.
La société Ameubl'Eco conclut à l'infirmation du jugement du 13 septembre 1994 et demande à la cour de :
- condamner M. Antolini à lui payer la somme de 24 000 F avec intérêts de droit à compter du 7 janvier 1994, outre les sommes de 10 000 F à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- lui donner acte de ce qu'elle met à la disposition de M. Antolini la marchandise, objet du bon de commande.
Elle soutient d'autre part qu'il appartenait au Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois de renvoyer l'affaire dont il était saisi devant la cour d'appel compte tenu de ce que celle-ci avait à connaître du recours formé contre le jugement du Tribunal d'instance de Bobigny qui avait statué sur une demande contenant implicitement mais nécessairement la demande formulée devant ledit Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois par M. Antolini.
Elle conclut, sur l'appel du jugement du Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois, au débouté des demandes de M. Antolini.
M. Antolini soutient que la vente litigieuse n'a pu qu'être rompue conformément à l'article L. 114-1 du Code de la consommation puisque la société Ameubl'Eco n'a pas été en mesure de lui livrer les biens commandés à la date contractuellement prévue du 15 décembre 1993 ni même à la date du 23 décembre 1993 à laquelle le vendeur a reçu le courrier dénonçant le contrat conclu entre les parties.
Il fait également valoir que la défaillance du fabricant choisi par le vendeur ne peut être regardée comme un cas de force majeure exonérant ledit vendeur de ses obligations envers l'acheteur alors qu'il a le libre choix de ses contractants et qu'il est responsable de la mauvaise organisation de sa gestion des commandes et des livraisons.
Il soutient encore que le Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois était fondé à connaître de sa demande de restitution d'acompte qu'il n'avait pas formulée devant le Tribunal d'Instance de Bobigny.
M. Antolini conclut à la confirmation des jugements entrepris ainsi qu'à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de chacun des deux appels.
La société Ameubl'Eco réplique que la date de livraison n'était pas une condition déterminante de l'engagement de M. Antolini et que c'est celui-ci qui a fait obstacle à l'exécution du contrat de vente par son refus injustifié de la livraison de l'intégralité de sa commande au plus tard fin janvier 1994 telle que promise par courrier du 16 décembre 1993.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 1996.
Sur ce, LA COUR
Considérant que M. Antolini a passé commande au magasin Ameubl'Eco de Bondy le 10 septembre 1993 de divers meubles au prix de 33 000 F, après remise, dont une " table ovale dessus bois rectangulaire teinté ivoire en rotin " ;
Considérant qu'il a versé, lors de la commande, un acompte de 9 000 F ;
Considérant qu'il était précisé, au bon de commande, que la livraison devrait intervenir "au plus tard le 15 décembre 1993" ;
Considérant que M. Antolini a refusé la marchandise livrée le 8 décembre 1993 en raison d'une erreur concernant la table dont le dessus était ovale et en verre alors que sa commande portait sur une table au dessus rectangulaire et en bois ;
Considérant que la société Ameubl'Eco expose que cette erreur est le fait du fabricant et justifie avoir avisé M. Antolini, par courrier du 16 décembre 1993, de ce que ledit fabricant l'avait assurée de l'échange du plateau de table dans un délai de trois à quatre semaines ;
Considérant toutefois que l'erreur du fabricant, fournisseur et cocontractant de la société Ameubl'Eco, ne peut être regardée comme un événement extérieur, imprévisible, irrésistible et insurmontable et ne saurait constituer un cas de force majeure opposable à l'acquéreur de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 114-1 alinéa 2 du Code de la consommation dont M. Antolini, qui a dénoncé le contrat de vente par lettre recommandée avec avis de réception du 23 décembre 1993 pour dépassement de la date de livraison excédant sept jours, se prévaut ;
Considérant que c'est, donc, à bon droit, quelqu'aient été les offres désormais tardives de la société Ameubl'Eco de procéder à la livraison de marchandises conformes, que le Tribunal d'instance de Bobigny a constaté la résiliation du contrat de vente pour non-respect de la date de livraison, qui concerne la totalité des marchandises commandées, et que le Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois, qui était fondé à connaître d'une demande dont la première de ces juridictions n'avait pas été saisie, a condamné le vendeur à restituer l'acompte de 9 000 F, perçu lors de la commande, outre intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 1995, date de réception de la convocation à l'audience du premier juge ;
Considérant qu'il convient dès lors de confirmer les jugements entrepris ;
Considérant enfin qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Antolini ses frais irrépétibles exposés en appel à concurrence de la somme globale de 5 000 F au titre des deux instances jointes ;
Par ces motifs, Statuant contradictoirement. Confirme les jugements entrepris rendus le 13 septembre 1994 par le Tribunal d'instance de Bobigny et le 25 avril 1995 par le Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois. Condamne la société Ameubl'Eco à payer à M. Patrick Antolini la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions. Condamne la société Ameubl'Eco aux dépens d'appel. Admet la SCP Gibou Pignot & Grappotte Benetreau, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.