CA Nancy, ch. soc., 24 novembre 2003, n° 02-01783
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Id'ées Intérim (SA)
Défendeur :
Roques
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Greff
Conseillers :
M. Carbonnel, Mlle Steckler
Avocats :
Mes Defosse, Languille
M. Roques a été embauché par la société Id'ées Intérim, par contrat à durée indéterminée du 4.10.1999 à effet du 1er novembre suivant, en qualité de chef d'agence, son ancienneté dans la société Ecco devenue Adecco ayant été reprise par le nouvel employeur.
M. Roques a été licencié pour faute grave le 18.04.2000; il a saisi le Conseil de prud'hommes de Saint-Dié qui, le 11.03.2002, a considéré le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes;
6 403 euro d'indemnité de préavis,
640 euro d'indemnité de congés payés
5 400 euro d'indemnité conventionnelle de licenciement,
40 000 euro de dommages-intérêts pour rupture abusive,
6 952 euro d'indemnité conventionnelle pour la clause de non-concurrence,
2 287 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ce jugement notifié le 26.04.2002 à la société Id'ées Intérim a été régulièrement, frappé d'appel par cette dernière le 3.05.2002.
La société Id'ées Intérim demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement déféré de dire que le licenciement repose sur une faute grave, de condamner M. Roques, d'une part, à lui rembourser la somme de 19 206 euro réglée en raison de l'exécution provisoire de la décision du Conseil de prud'hommes, d'autre part, à lui payer la somme de 2 400 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
M. Roques conclut à la confirmation du jugement entrepris ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Sur quoi,
Vu les conclusions développées oralement par les parties et auxquelles il est référé pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties;
Attendu que la lettre de licenciement datée du 18.04.2000 à M. Roques comporte les termes suivants;
"nous avons à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave : vous refusez d'exécuter le travail relevant de vos obligations, malgré nos injonctions, alors que votre lettre de mission mentionne:
- le développement économique de votre agence, aucune activité n'a été enregistrée à ce jour,
- des travaux de recrutement et d'accompagnement social : aucune offre d'emploi n'a été déposée auprès des partenaires et aucun suivi de personnel vers l'emploi n'a été effectué,
- un partenariat avec les prescripteurs sociaux; aucune mise en réseau n'a été engagée sur votre bassin d'emploi,
- une gestion administrative courante et une tenue d'agence qualitative : l'ensemble des collaborateurs Id'ées Intérim ne peuvent toujours pas vous joindre et enregistrer les procédures...
par ailleurs vous n'avez toujours pas passé de visite médicale d'embauche ou de reprise. Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise...
Le licenciement prend donc effet immédiatement..."
Attendu que pour contester son licenciement M. Roques fait valoir qu'en réalité la société Id'ées Intérim n'a jamais entendu développer l'activité de cette agence de Saint-Dié, que le partenariat avec la société Adecco n'a jamais été concrètement mis en place, et que l'employeur est forclos pour sanctionner son salarié, en l'absence, dans le délai de deux mois, de poursuites disciplinaires engagées contre lui en raison des faits dénoncés dans les courriers antérieures au licenciement;
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier et notamment des courriers envoyés à M. Roques les 24 janvier, 10 février, 28 février, 21 mars 2000 que M. Roques n'a justifié depuis son embauche d'aucune activité malgré plusieurs interpellations, demandes d'explication, de compte rendu et de production d'engagement contractuel ;
que, contrairement à ce que soutient le salarié, la société Id'ées Intérim a bien mis à la disposition de l'intéressé les moyens matériels et humains destinés à lui permettre de remplir sa tâche (installation d'équipement mobilier, informatique, recrutement d'une assistante);
que cependant M. Roques par son inertie et l'absence de tout travail n'a pu établir aucune facturation pendant 6 mois;
que les rares rapports d'activité hebdomadaires rédigés par lui au mois de février 2000 témoignent d'une indigence certaine;
Attendu que les correspondances litigieuses ne constituent nullement des sanctions disciplinaires mais le rappel des obligations contractuelles du salarié;
que, partant, aucune forclusion ne peut, sur ce fondement, être opposée à l'employeur;
Attendu que la lettre de licenciement est parfaitement motivée;
que les griefs allégués, de carence totale du salarié, sont établis et caractérisent la faute grave; que dans ces conditions, il échet d'infirmer le jugement déféré et de débouter M. Roques de toutes ses prétentions;
qu'en effet, en vertu de la convention collective, la rupture pour faute grave prive le salarié du bénéfice d'une compensation à la clause de non-concurrence;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Id'ées Intérim les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens;
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Saint-Dié en date du 11.03.2002, Déclare le licenciement de M. Roques fondé sur une faute grave, Déboute M. Roques de toutes ses prétentions, Condamne M. Roques à rembourser à la société Id'ées Intérim la somme de 19 206 euro versée au titre de l'exécution provisoire de la décision prud'homale, Déboute la société Id'ées Intérim de sa demande formée en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. Roques aux dépens.