CJCE, 4e ch., 14 juillet 2005, n° C-142/04
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Aslanidou
Défendeur :
Ypourgos Ygeias & Pronoias
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Lenaerts
Avocat général :
M. Geelhoed
Juges :
Mme Colneric, M. Schiemann
Avocat :
Me Vagias
LA COUR (quatrième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur les conditions dans lesquelles certaines dispositions de la directive 92-51-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89-48-CEE (JO L 209, p. 25), peuvent être invoquées en l'absence de transposition de cette directive, après l'expiration de son délai de transposition, par le titulaire d'un diplôme relevant de son champ d'application. Subsidiairement, la demande porte sur l'interprétation des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE).
2 Cette demande, très similaire à celle qui a donné lieu à l'arrêt Peros (C-141-04, non encore publié au Recueil), prononcé le même jour que le présent arrêt, a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Mme Aslanidou au Ypourgos Ygeias & Pronoias (ministre de la Santé et de la Prévoyance), au sujet du rejet par ce dernier de la demande d'autorisation de Mme Aslanidou d'exercer la profession d'ergothérapeute en Grèce. La requérante avait présenté sa demande en se fondant sur son habilitation à exercer cette profession en Allemagne.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 La directive 92-51 institue un système général complémentaire de reconnaissance des formations professionnelles couvrant les niveaux de formation qui ne l'ont pas été par le système général initial mis en œuvre par la directive 89-48-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), dont l'application est limitée aux formations de niveau supérieur.
4 Selon le cinquième considérant de la directive 92-51, ce système complémentaire est fondé sur les mêmes principes et comporte, mutatis mutandis, les mêmes règles que le système général initial.
5 En vertu de l'article 1er de la directive 92-51, un titre dont il résulte que le titulaire a suivi avec succès l'un des cycles de formation figurant à l'annexe C de cette directive constitue un diplôme au sens de cette directive dès lors:
- qu'il a été délivré par une autorité compétente dans un État membre,
- que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à la profession dans l'État membre en question, et
- que la formation sanctionnée par ce titre a été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté.
6 L'une des formations figurant à l'annexe C de la directive 92-51 dans sa version applicable aux faits dans l'affaire au principal, à savoir avant sa modification par la décision 2004-108-CE de la Commission, du 28 janvier 2004 (JO L 32, p. 15), est celle d'ergothérapeute ["Beschäftigungs- und Arbeitstherapeut(in)"], mentionnée au troisième tiret relatif à l'Allemagne, sous le point 1 intitulé "Domaine paramédical et socio-pédagogique".
7 L'article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92-51 prévoit:
"Sans préjudice de l'application de la directive 89-48-CEE, lorsque, dans l'État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d'un diplôme tel que défini dans la présente directive [...], l'autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d'un État membre, pour défaut de qualifications, d'accéder à cette profession ou de l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux:
a) si le demandeur possède le diplôme, tel que défini dans la présente directive [...], qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer et qui a été obtenu dans un État membre [...]"
8 Nonobstant l'article 3 de cette directive, l'article 4 de celle-ci permet à l'État membre d'accueil d'exiger du demandeur, dans certaines conditions qui y sont définies, qu'il prouve qu'il possède une expérience professionnelle d'une durée déterminée, qu'il accomplisse un stage d'adaptation pendant trois ans au maximum ou se soumette à une épreuve d'aptitude (ci-après les "mesures de compensation"). Ce même article fixe certaines règles et conditions applicables aux mesures de compensation pouvant être exigées.
9 L'article 10 de la directive 92-51 énumère les documents relatifs à l'honorabilité, à la moralité, à l'absence de faillite ainsi qu'à la santé physique ou psychique qui peuvent être exigés à titre de preuves par l'autorité compétente de l'État membre d'accueil et contient quelques dispositions quant aux formules de serment ou de déclaration solennelle qui peuvent être imposées aux ressortissants d'autres États membres.
10 Aux termes de l'article 13, paragraphe 1, de la directive 92-51, les États membres désignent, dans le délai prévu à l'article 17 de celle-ci, à savoir avant le 18 juin 1994, les autorités compétentes habilitées à recevoir les demandes ainsi qu'à prendre les décisions visées dans cette même directive et ils en informent les autres États membres et la Commission des Communautés européennes.
La réglementation nationale
11 En Grèce, la profession d'ergothérapeute est réglementée par le décret présidentiel nº 83-1989 intitulé "Droits professionnels des titulaires de diplômes des sections: [...] c) Ergothérapie des établissements d'enseignement technique (TEI)" (FEK A' 37).
12 Selon l'article 3, paragraphe 4, de ce décret, l'exercice de cette profession est subordonné à une autorisation délivrée par le ministère de la Santé, de la Prévoyance et des Assurances sociales (ci-après le "ministère de la Santé").
13 L'arrêté A4b/251, du 23 janvier 1990 (FEK B' 94), du ministre de la Santé et de la Prévoyance exigeait, au moment de la demande de Mme Aslanidou, que les demandes d'autorisation d'exercice de la profession d'ergothérapeute fussent accompagnées d'une copie du diplôme et, "s'agissant des titulaires de diplômes de l'étranger, [de] la décision de reconnaissance de l'équivalence du diplôme, émanant du ministère de l'Éducation nationale et des Cultes".
14 Par la loi nº 1404-1983, du 22-24 novembre 1983 (FEK A' 173), telle qu'en vigueur au moment des faits dans l'affaire au principal, un service public dénommé "Institut d'enseignement technique" (ci-après l'"ITE") avait été instauré sous la tutelle du ministère de l'Éducation nationale et des Cultes afin de conseiller celui-ci sur des sujets pédagogiques et scientifiques relatifs à l'enseignement technique supérieur.
15 En vertu de l'article 14, II, paragraphe 2, de la loi n° 1404-1983, tel que remplacé par l'article 71, paragraphe 5, de la loi nº 1566-1985, du 30 septembre 1985 (FEK A' 167), l'ITE avait, notamment, pour mission de se prononcer sur l'équivalence des écoles ou départements d'enseignement supérieur non universitaire de l'étranger ainsi que des titres d'études que ces derniers délivrent par rapport aux établissements d'enseignement technique grecs et des titres délivrés par ces derniers.
16 L'article 2 du décret présidentiel nº 567-1984, du 3 août/17 décembre 1984 (FEK A' 204) relatif au fonctionnement de l'ITE prévoyait l'établissement au sein de l'ITE d'un conseil scientifique et disposait que "la reconnaissance de l'équivalence d'un titre d'études ou de l'école ont lieu par acte du conseil scientifique, qui est porté, sous forme résumée, à la connaissance de l'intéressé par le président du conseil scientifique. Cette information constitue la preuve de l'équivalence du titre d'études".
17 Postérieurement aux faits qui ont donné lieu au litige au principal, le décret présidentiel nº 231-1998, du 29 juillet 1998 (FEK A' 178), visant à transposer cette directive dans l'ordre juridique grec, a été adopté.
18 L'article 14 de ce décret attribue une compétence exclusive au conseil chargé de la reconnaissance de l'équivalence des titres d'enseignement et de formation (Symvoulio Epangelmatikis Anagnorisis Titlon Ekpaidefsis kai Katartisis), organe étatique ad hoc, à l'effet de reconnaître au titulaire d'un diplôme relevant du champ d'application de la directive le droit d'exercer en Grèce la profession réglementée correspondante. Cet organe est seul compétent en la matière et son avis lie le ministère compétent pour octroyer l'autorisation d'exercice de la profession.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
19 Mme Aslanidou, ressortissante grecque, a, à l'issue d'un programme d'études de trois ans, réussi l'examen national des ergothérapeutes ("Zeugnis über die Staatliche Prüfung für Beschäftigungs- und Arbeitstherapeuten") à l'école homologuée d'ergothérapeutes de Stuttgart (Allemagne) lui permettant d'accéder à la profession d'ergothérapeute en Allemagne.
20 Souhaitant exercer cette profession en Grèce, Mme Aslanidou a, le 1er septembre 1997, introduit une demande d'autorisation auprès de la direction de la Santé de la préfecture de Thessalonique sur le fondement de la directive 89-48. Cette demande a été transmise au ministère de la Santé pour vérification des conditions requises par le conseil chargé de la reconnaissance des titres professionnels des ergothérapeutes (Symvoulio Anagnorisis Epaggelmatikon Titlon Ergotherapeuton, ci-après le "SAETE").
21 Celui-ci a sursis à statuer et demandé à l'ITE si l'école dans laquelle Mme Aslanidou avait étudié en Allemagne "relevait de ce qui correspond à l'enseignement supérieur en Grèce". À la suite de la réponse de l'ITE, selon laquelle le diplôme de la requérante n'était pas équivalent aux titres d'études délivrés par les établissements d'enseignement technique grecs, le SAETE a estimé que les pièces justificatives déposées par Mme Aslanidou ne correspondaient pas à celles prévues par la directive 89-48 et que, de ce fait, il ne pouvait pas délivrer à la requérante une autorisation d'exercice de la profession d'ergothérapeute sur le fondement de la directive 89-48. En conséquence, il lui a proposé de soumettre une nouvelle demande après la transposition de la directive 92-51 en droit grec.
22 Par sa décision nº 1, du 12 mai 1998, le SAETE a enfin formellement rejeté la demande d'autorisation de Mme Aslanidou au motif que le titre d'études invoqué par cette dernière n'était pas un diplôme d'enseignement supérieur puisque, pour pouvoir intégrer l'école allemande en question, une formation de base de huit à dix années, et non de douze années, était exigée, de sorte que les conditions prévues par la directive 89-48 n'étaient pas remplies.
23 Mme Aslanidou a introduit un recours contre cette décision de rejet devant le Symvoulio tis Epikrateias le 21 juillet 1998.
24 Dans le litige au principal, il est selon la juridiction de renvoi constant que même si Mme Aslanidou avait demandé que lui soit délivrée l'autorisation d'exercer la profession d'ergothérapeute en application de la directive 89-48, l'autorité compétente était obligée d'examiner d'office la demande et les faits invoqués par la requérante au regard de la règle de droit appropriée, à savoir la directive 92-51.
25 À cet égard, le Symvoulio tis Epikrateias se demande si, entre l'expiration du délai de transposition de la directive 92-51 et sa transposition tardive dans l'ordre juridique national, un particulier qui se prévaut d'un diplôme obtenu dans un autre État membre et qui relève du champ d'application de cette directive, pouvait, en se fondant sur les dispositions pertinentes de celle-ci, demander aux autorités de l'État membre d'accueil de l'autoriser à accéder à la profession réglementée correspondante dans l'État membre d'accueil.
26 Dans le litige au principal, une majorité au sein du Symvoulio tis Epikrateias estime que les dispositions substantielles des articles 3, 4 et 10 de la directive 92-51 sont inconditionnelles et suffisamment précises quant aux conditions dans lesquelles les autorités de l'État membre d'accueil sont tenues d'autoriser le titulaire d'un diplôme obtenu dans un autre État membre à accéder à une profession réglementée dans l'État membre d'accueil et que, par conséquent, elles peuvent être invoquées par le titulaire d'un tel diplôme après l'expiration du délai de transposition de cette directive.
27 Selon cet avis majoritaire, le défaut de désignation d'une autorité compétente en vertu de l'article 13, paragraphe 1, de la directive 92-51 ne fait pas obstacle à l'invocabilité de ces dispositions dès lors que la législation de l'État membre, telle qu'elle était en vigueur avant la transposition de cette directive, confiait à un organe administratif identifié le soin de constater que les conditions d'accès à la profession en cause étaient réunies et, le cas échéant, de délivrer à l'intéressé l'autorisation d'exercer cette profession.
28 Toutefois, selon l'avis d'une minorité au sein du Symvoulio tis Epikrateias, le rejet de la demande d'autorisation était justifié au motif, d'une part, que les dispositions pertinentes de la directive 92-51 ne pouvaient pas être invoquées par un particulier au moment où la demande litigieuse a été présentée et, d'autre part, parce que l'autorité compétente pour traiter des demandes n'avait pas encore été désignée en vertu de l'article 13, paragraphe 1, de cette directive.
29 Le Symvoulio tis Epikrateias se demande en outre si, dans la mesure où les dispositions de la directive 92-51 ne pouvaient pas être invoquées devant le ministère de la Santé, ce dernier aurait été néanmoins obligé, en vertu des articles 48 et 52 du traité, de rechercher si le titre obtenu par la requérante en Allemagne était équivalent aux diplômes grecs.
30 Dans ces conditions, le Symvoulio tis Epikrateias a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Les dispositions de l'article 3, de l'article 4, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, ainsi que de l'article 10, paragraphes 1 à 4, de la directive 92-51 [...], sont-elles inconditionnelles et suffisamment précises, de telle sorte que, entre la date d'expiration du délai de transposition de la directive et celle de sa transposition tardive dans l'ordre juridique interne (de l'État membre d'accueil), un particulier pouvait - sur la base d'un diplôme obtenu dans un autre État membre et relevant du champ d'application des dispositions précitées - se prévaloir desdites dispositions devant un organe administratif compétent en vertu de la législation nationale, pour obtenir de cet organe l'autorisation d'accéder à une profession réglementée et d'exercer cette profession dans l'État membre d'accueil ?
2) Dans l'hypothèse où, entre la date d'expiration du délai de transposition et celle de la transposition tardive dans l'ordre juridique national, un particulier ne pouvait se prévaloir des dispositions de la directive 92-51 [...] devant un organe administratif de l'État d'accueil chargé par la législation nationale de délivrer les autorisations d'exercer une profession aux diplômés d'un établissement national d'enseignement technique (TEI) ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu comme équivalent dans le cadre de la procédure générale d'homologation décrite dans l'exposé des motifs, l'organe administratif précité pouvait-il - eu égard aux articles [48 et 52 du traité] [...] - subordonner l'autorisation d'accès à la profession en question et d'exercice de cette profession demandée au cours de la période susmentionnée par le titulaire d'un diplôme obtenu dans un autre État membre à la reconnaissance préalable, selon la procédure générale visée ci-dessus, de l'équivalence de ce diplôme ou cet organe devait-il lui-même procéder à un examen comparatif des qualifications attestées par le diplôme en cause d'une part et des connaissances et qualifications exigées par la législation nationale d'autre part, avant de statuer en conséquence ?"
Sur les questions préjudicielles
31 L'article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92-51 dispose que l'autorité compétente de l'État membre d'accueil ne peut refuser à un ressortissant d'un État membre, pour défaut de qualification, d'accéder à une profession réglementée, ou de l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux, si le demandeur possède le diplôme, tel que défini dans cette directive, qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession ou l'exercer sur son territoire et si ce diplôme a été obtenu dans un État membre.
32 Mme Aslanidou est titulaire d'un diplôme au sens de l'article 1er de la directive 92-51, lu en combinaison avec le point 1 de l'annexe C de celle-ci. La situation de la requérante relève donc du champ d'application de l'article 3, premier alinéa, sous a), de cette directive. Il n'y a, par conséquent, pas lieu pour la Cour de se prononcer sur l'interprétation de l'article 3, premier alinéa, sous b), de cette même directive, qui est d'application seulement si la profession en cause n'est pas réglementée dans l'État membre d'origine.
33 En ce qui concerne l'article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 89-48, dont les termes sont en substance identiques à ceux de l'article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92-51, la Cour a déjà jugé qu'il constitue une disposition dont le contenu est inconditionnel et suffisamment précis pour que les particuliers soient fondés à l'invoquer devant le juge national à l'encontre de l'État lorsque celui-ci s'est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national (arrêt du 29 avril 2004, Beuttenmüller, C-102-02, Rec. p. I-5405, point 55). La même constatation s'applique à l'article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92-51, étant donné que, aux termes du cinquième considérant de cette directive, le système complémentaire instauré par celle-ci est expressément fondé sur les mêmes principes et comporte, mutatis mutandis, les mêmes règles que le système général initial instauré par la directive 89-48.
34 S'agissant de la possibilité de subordonner l'accès à une profession réglementée à la condition que le demandeur satisfasse préalablement à des mesures de compensation énoncées à l'article 4 de la directive 92-51, la Cour a jugé dans le contexte de la directive 89-48 que, en principe, si cela est prévu par la législation nationale en vigueur lors du traitement de la demande en question, l'autorité compétente est en droit d'imposer à un intéressé les mesures de compensation visées par son article 4, paragraphe 1, si les conditions qui y sont prévues à cet effet sont remplies (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2003, Burbaud, C-285-01, Rec. p. I-8219, point 55).
35 En revanche, si l'imposition de telles mesures compensatoires n'est pas prévue par la législation nationale en vigueur, il résulte de la jurisprudence qu'un État membre qui a manqué à l'obligation qui lui incombe de transposer dans son ordre juridique national les dispositions d'une directive ne peut pas opposer aux citoyens communautaires les limitations qui découlent de ces dispositions, pas plus qu'il ne peut exiger d'eux l'exécution d'obligations prévues par cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6-90 et C-9-90, Rec. p. I-5357, point 21, et Beuttenmüller, précité, point 63).
36 Il appartient, le cas échéant, à la juridiction nationale de déterminer dans quelle mesure la législation nationale en vigueur lors du traitement de la demande en question permettait l'imposition de mesures de compensation telles que prévues à l'article 4, paragraphe 1, de la directive applicable. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, lorsqu'une situation relève du champ d'application d'une directive, la juridiction nationale est tenue, en appliquant son droit national, de prendre en considération l'ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive en cause pour aboutir à une solution conforme à l'objectif poursuivi par celle-ci (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C-397-01 à C-403-01, non encore publié au Recueil, point 119).
37 En tout état de cause, la Cour a déjà jugé que lorsque l'une ou l'autre des directives 89-48 et 92-51 est applicable, un organisme public d'un État membre, tenu de respecter les normes prévues par la directive concernée, ne peut plus exiger l'homologation des titres d'un intéressé par les autorités nationales compétentes (arrêt du 8 juillet 1999, Fernández de Bobadilla, C-234-97, Rec. p. I-4773, point 27).
38 L'article 10 de la directive 92-51 ne fait qu'énumérer les documents relatifs à l'honorabilité, à la moralité, à l'absence de faillite ainsi qu'à la santé physique ou psychique qui peuvent être exigés à titre de preuves par l'autorité compétente et contient quelques dispositions quant aux formules de serment ou de déclaration solennelle qui peuvent être imposées aux ressortissants d'autres États membres. Étant donné que, dans l'affaire au principal, aucune de ces preuves ou déclarations n'a été exigée par l'autorité compétente de l'État membre d'accueil, la Cour n'est pas tenue de se prononcer sur l'interprétation de cette disposition, laquelle, en tout état de cause, ne pourrait influer sur la possibilité d'invoquer l'article 3, premier alinéa, sous a), de cette directive.
39 L'obligation pour les États membres de désigner, en vertu de l'article 13, paragraphe 1, de la directive 92-51, les autorités compétentes habilitées à recevoir les demandes et à prendre les décisions visées dans cette directive ne fait pas non plus obstacle à la possibilité d'invoquer l'article 3, premier alinéa, sous a), de cette même directive. En effet, il ressort de la lecture de l'article 13, paragraphe 1, à la lumière des autres paragraphes du même article que l'objectif visé par cette disposition est de faciliter l'application du régime de reconnaissance des diplômes instauré par la directive 92-51 en rendant plus transparent le processus décisionnel applicable au sein d'un État membre. En revanche, une désignation en vertu de cet article 13, paragraphe 1, n'est pas nécessaire afin de pouvoir identifier les autorités compétentes visées audit article 3, qui sont les autorités contrôlant l'accès aux professions réglementées.
40 Il ressort de la jurisprudence qu'un État membre ne saurait opposer à un individu le défaut d'avoir pris les dispositions destinées, précisément, à faciliter l'application d'un régime établi par la directive en cause (voir en ce sens, notamment, arrêts du 10 septembre 2002, Kügler, C-141-00, Rec. p. I-6833, point 52, et du 6 novembre 2003, Dornier, C-45-01, Rec. p. I-12911, point 79). L'absence de désignation d'une autorité compétente en vertu de l'article 13, paragraphe 1, de la directive 92-51 ne fait donc pas obstacle à ce que l'article 3, premier alinéa, sous a), de cette directive soit invoqué à l'encontre de l'autorité en fait compétente pour réglementer l'accès à une profession déterminée en vertu de la législation nationale applicable.
41 Dans le litige au principal, il apparaît que le ministère de la Santé, sous l'égide duquel opérait le SAETE, est une autorité compétente au sens de l'article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92-51, l'exercice de la profession d'ergothérapeute étant, en vertu de la législation nationale, subordonné à une autorisation délivrée par ce ministère. Partant, le ministère de la Santé ne saurait refuser à une personne dans la position de Mme Aslanidou l'accès à la profession d'ergothérapeute en se fondant sur un défaut de qualification sous la seule réserve d'une application éventuelle de mesures compensatoires dans le sens de l'article 4, paragraphe 1, de cette directive, si de telles mesures compensatoires étaient prévues par la législation nationale.
42 Il convient donc de répondre à la première question que, à défaut de mesures de transposition adoptées dans le délai prescrit à l'article 17 de la directive 92-51, un ressortissant d'un État membre peut se fonder sur l'article 3, premier alinéa, sous a), de cette directive pour obtenir, dans l'État membre d'accueil, l'autorisation d'exercer une profession réglementée telle que celle d'ergothérapeute. Cette possibilité ne peut pas être subordonnée à l'homologation des titres de l'intéressé par les autorités nationales compétentes. Les mesures de compensation visées à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 92-51 peuvent être imposées à l'intéressé seulement dans la mesure où elles sont prévues par la législation nationale en vigueur lors du traitement de la demande en cause.
43 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la seconde.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (quatrième chambre) dit pour droit:
À défaut de mesures de transposition adoptées dans le délai prescrit à l'article 17 de la directive 92-51-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89-48-CEE, un ressortissant d'un État membre peut se fonder sur l'article 3, premier alinéa, sous a), de cette directive pour obtenir, dans l'État membre d'accueil, l'autorisation d'exercer une profession réglementée telle que celle d'ergothérapeute.
Cette possibilité ne peut pas être subordonnée à l'homologation des titres de l'intéressé par les autorités nationales compétentes.
Les mesures de compensation visées à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 92-51 peuvent être imposées à l'intéressé seulement dans la mesure où elles sont prévues par la législation nationale en vigueur lors du traitement de la demande en cause.