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Décisions

CJCE, 5e ch., 18 janvier 2001, n° C-150/99

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Svenska staten

Défendeur :

Stockholm Lindöpark AB

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Edward

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

MM. Jann, Sevón

Avocat :

Me Nordh

CJCE n° C-150/99

18 janvier 2001

LA COUR (cinquième chambre),

1. Par ordonnance du 26 mars 1999, parvenue à la Cour le 23 avril suivant, le Svea hovrätt a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive").

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Svenska staten (État suédois) à Stockholm Lindöpark AB (ci-après "Lindöpark") au sujet de dommages-intérêts que cette dernière réclame à l'État suédois au motif qu'il n'aurait pas, à l'occasion de l'adhésion du Royaume de Suède à l'Union européenne, correctement mis en œuvre la sixième directive, notamment en ce qui concerne son article 13.

La réglementation communautaire

3. Aux termes de l'article 2 de la sixième directive:

"Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

2. les importations de biens."

4. L'article 6, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

"1. Est considérée comme prestation de services toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens de l'article 5.

Cette opération peut consister entre autres:

- en une cession d'un bien incorporel représenté ou non par un titre,

- en une obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation,

- en l'exécution d'un service en vertu d'une réquisition faite par l'autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi."

5. L'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive est libellé comme suit:

"1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[...]

m) certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l'éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif aux personnes qui pratiquent le sport ou l'éducation physique;

[...]"

6. Aux termes de l'article 13, B, de la sixième directive:

"Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[...]

b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception:

1. des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper;

2. des locations d'emplacement pour le stationnement des véhicules;

3. des locations d'outillages et de machines fixés à demeure;

4. des locations de coffres-forts.

Les États membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de cette exonération;

[...]"

7. L'article 17 de la sixième directive, dans sa version résultant de la directive 91-680-CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1), prévoit:

"1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l'intérieur du pays;

b) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés à l'intérieur du pays;

[...]"

La réglementation nationale

8. Selon le chapitre 1, article 1er, de la mervärdesskattelagen (1994:200) (loi suédoise sur la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après la "loi sur la TVA"), la TVA doit être payée à l'État, notamment dans le cas de transactions portant sur des marchandises ou des services imposables lorsqu'elles sont effectuées à titre commercial. Le chapitre 3, article 1er, de la loi sur la TVA dispose que les transactions portant sur des marchandises et des services ainsi que les importations sont imposables, sauf dispositions expresses contraires prévues dans le même chapitre. En contrepartie de l'assujettissement à la taxe, l'assujetti peut, selon le chapitre 8, article 3, de cette même loi, déduire la taxe en amont afférente à des acquisitions à titre onéreux ou à des importations pour les besoins de son activité.

9. Le chapitre 3 de la loi sur la TVA énonce, en ses articles 2 et 3, certaines exceptions en matière immobilière. Selon la décision de renvoi, il ressort dudit article 2, premier alinéa, que "sont exonérées les transactions relatives aux biens immeubles ainsi que la cession et la jouissance de baux à ferme, droits de location, droits d'habitation, droits de superficie, droits de servitude et autres droits immobiliers". Avant le 1er janvier 1997, ladite disposition comportait un deuxième alinéa libellé comme suit:

"L'exonération de TVA s'étend en outre à la fourniture de locaux ou autres installations ou parties de celles-ci, aux fins de la pratique du sport ou de l'éducation physique, ainsi qu'à la mise à disposition, dans ce cadre, d'éléments accessoires ou autres aménagements aux fins de la pratique du sport ou de l'éducation physique".

10. Par une modification législative entrée en vigueur le 1er janvier 1997, cette dernière disposition a été supprimée.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11. Lindöpark est une société d'exploitation qui gère un golf réservé aux entreprises. Les clients sont exclusivement des entreprises qui ont ainsi la possibilité de permettre à leur personnel ainsi qu'à leurs clients la pratique du golf sur ce site aménagé.

12. En vertu du chapitre 3, article 2, deuxième alinéa, de la loi sur la TVA, en vigueur avant le 1er janvier 1997, l'activité de golf pour les entreprises gérée par Lindöpark était exonérée de la TVA. Lindöpark n'avait donc pas le droit de déduire la TVA acquittée en amont sur les biens et les services utilisés pour les besoins de ces activités. Depuis la modification de cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, les activités de Lindöpark sont soumises à la TVA et cette société est donc en droit de déduire la TVA en amont.

13. Selon Lindöpark, la réglementation en vigueur avant le 1er janvier 1997 violait ses droits, à tout le moins depuis l'adhésion du Royaume de Suède à l'Union européenne, soit le 1er janvier 1995. Elle a donc introduit devant le Solna tingsrätt une action contre l'État suédois, tendant à la condamnation de ce dernier à lui verser une indemnité de 500 000 SEK, montant correspondant prétendument à la TVA acquittée en amont, entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1996, période au cours de laquelle elle n'avait pu opérer de déduction, ladite somme étant majorée des intérêts calculés à partir du moment où les déductions auraient théoriquement pu être opérées, soit un montant de 41 632 SEK. Selon Lindöpark, l'État suédois n'avait pas correctement mis en œuvre la sixième directive en ce qui concerne son article 13.

14. Par jugement du 29 septembre 1997, le Solna tingsrätt a fait droit aux conclusions de Lindöpark et a condamné l'État suédois à verser à cette dernière une indemnité de 500 000 SEK majorée des intérêts à compter de la date d'introduction de l'action.

15. L'État a fait appel de ce jugement devant le Svea hovrätt. Lindöpark a également interjeté appel, dans la mesure où il n'a pas été fait intégralement droit à son recours.

16. Ayant des doutes sur l'interprétation de la sixième directive et notamment de son article 13, dans les circonstances de l'espèce, le Svea hovrätt a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Les articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive TVA doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'une réglementation nationale prévoie une exonération générale de la TVA pour la fourniture d'installations sportives, dans les conditions prévues au troisième chapitre, article 2, deuxième alinéa, de la mervärdesskattelagen (1994:200) dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 1997?

2) L'article 13, combiné aux articles 2, 6 et 17, de la sixième directive TVA confère-t-il aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir à l'encontre des États membres devant le juge national?

En cas de réponse affirmative aux deux premières questions:

3) La mise en œuvre et l'application de l'exception visée au chapitre 3, article 2, deuxième alinéa, de la mervärdesskattelagen (1994:200) constituent-elles une violation suffisamment grave (caractérisée) du droit communautaire, susceptible d'engager la responsabilité de l'État membre?"

Sur la première question

17. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive s'opposent à ce qu'une réglementation nationale prévoie une exonération générale de la TVA pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, en incluant les services fournis par des organismes à but lucratif.

18. À cet égard, il convient de constater que la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport ou de l'éducation physique constituent des prestations de services au sens de l'article 6 de la sixième directive. Ces activités sont donc en principe, en vertu de l'article 2, point 1, de celle-ci, soumises à la TVA.

19. En tant qu'exception au principe énoncé audit article 2, l'article 13, A, paragraphe 1, sous m), de la sixième directive prévoit une exonération de la taxation pour les prestations de services liées à la pratique du sport et de l'éducation physique. Cette exonération est cependant explicitement limitée aux prestations fournies par des organismes sans but lucratif. Il en résulte que de telles prestations fournies par des prestataires ayant un but lucratif ne sauraient entrer dans le champ d'application de l'exonération. Le chapitre 3 de la loi sur la TVA, en tant qu'il prévoit, à son article 2, deuxième alinéa, une exonération générale pour de telles prestations, sans restreindre celle-ci aux prestataires sans but lucratif, est donc en contradiction avec le libellé des dispositions correspondantes de la sixième directive.

20. L'État suédois, pour justifier la réglementation nationale, fait valoir qu'une autre disposition est applicable dans l'affaire au principal, à savoir l'article 13, B, sous b), de la sixième directive, qui exonère les opérations d'affermage et de location de biens immeubles. En effet, les activités de Lindöpark seraient caractérisées par la location à ses clients d'un terrain de golf, lequel est un bien immeuble. Par conséquent, l'exonération des activités de Lindöpark aurait été opérée à bon droit.

21. Sur ce point, il y a lieu de relever que, dans le cadre des questions soumises à elle par la juridiction nationale, la Cour est appelée à fournir à la juridiction de renvoi des critères pour lui permettre de vérifier la conformité d'une réglementation nationale telle que celle en cause avec la sixième directive. La solution du litige au principal au vu des particularités de l'espèce revient cependant à la juridiction nationale, seule compétente à cet égard.

22. S'agissant de la réglementation nationale en cause au principal, il n'est certes pas exclu que, dans des circonstances particulières, la fourniture de locaux pour la pratique du sport ou de l'éducation physique puisse constituer une location d'un bien immeuble et tomber ainsi dans le champ d'application de l'exonération de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive. Toutefois, ladite réglementation ne vise pas un tel cas particulier, mais exonère de manière générale l'ensemble des prestations liées à la pratique du sport et de l'éducation physique, sans opérer de distinction parmi ces prestations entre celles qui constituent une location d'un bien immeuble et les autres prestations. Ce faisant, elle introduit une nouvelle catégorie d'exonérations que la sixième directive n'a pas prévue.

23. Par conséquent, il convient de répondre à la première question que les articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive s'opposent à ce qu'une réglementation nationale prévoie une exonération générale de la TVA pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, en incluant les services fournis par des organismes à but lucratif.

24. En ce qui concerne l'application de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive à l'affaire au principal, la Cour ne peut que se limiter à fournir certaines indications, découlant de la jurisprudence établie, à la juridiction nationale à laquelle il incombe, sur ce point, de résoudre le litige dont elle est saisie.

25. À cet égard, il convient tout d'abord de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, notamment, arrêts du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348-87, Rec. p. 1737, point 13, ainsi que du 12 septembre 2000, Commission/Irlande, C-358-97, point 52, et Commission/Royaume-Uni, C-359-97, point 64, non encore publiés au Recueil).

26. Ensuite, il importe de relever que les prestations liées à la pratique du sport et de l'éducation physique doivent dans la mesure du possible être considérées dans leur ensemble. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour déterminer le caractère d'une opération taxable, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l'opération en question pour en rechercher les éléments caractéristiques (voir arrêt du 2 mai 1996, Faaborg-Gelting Linien, C-231-94, Rec. p. I-2395, point 12). En effet, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, l'activité de gestion d'un golf implique en général non seulement une mise à disposition passive d'un terrain, mais également un grand nombre d'activités commerciales, telles qu'une supervision, une gestion et une maintenance constante de la part du prestataire, une mise à disposition d'autres installations, etc. À défaut de circonstances tout à fait particulières, la location du terrain de golf ne saurait donc constituer la prestation prépondérante.

27. Enfin, il convient de prendre en considération le fait que la mise à disposition d'un terrain de golf peut normalement être limitée dans son objet ainsi que dans la durée de la période d'utilisation. À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la durée de la jouissance d'un bien immeuble constitue un élément essentiel d'un contrat de location (arrêts précités Commission/Irlande, point 56, et Commission/Royaume-Uni, point 68).

28. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer, au vu de ces éléments, si l'activité en cause au principal peut être considérée comme exonérée de la TVA en vertu de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive.

Sur la deuxième question

29. Par sa deuxième question, la juridiction nationale demande en substance si les dispositions de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, lues conjointement avec celles de ses articles 2, 6 et 13, sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles pour qu'un particulier puisse s'en prévaloir à l'encontre d'un État membre devant une juridiction nationale.

30. Pour répondre à cette question, il suffit de renvoyer à la jurisprudence constante de la Cour relative à l'invocabilité des directives (voir arrêt du 19 janvier 1982, Becker, 8-81, Rec. p. 53, points 17 à 25).

31. Il résulte de cette jurisprudence que, malgré la marge de manœuvre relativement importante des États membres pour la mise en œuvre de certaines dispositions de la sixième directive, les particuliers peuvent faire valoir utilement devant le juge national les dispositions de la directive qui sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles (voir arrêts du 20 octobre 1993, Balocchi, C-10-92, Rec. p. I-5105, point 34, et du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62-93, Rec. p. I-1883, point 34).

32. La Cour a déjà explicitement reconnu un tel caractère aux articles 17, paragraphes 1 et 2 (arrêt BP Soupergaz, précité, point 36), et 13, B, sous d), point 1 (arrêt Becker, précité, point 49), de la sixième directive. Quant à ses articles 2, 6, paragraphe 1, qui est seul pertinent au principal, et 13, B, sous b), ils répondent également aux critères établis par la jurisprudence citée au point précédent, ainsi que le relève M. l'Avocat général aux points 45 et 46 de ses conclusions.

33. Il convient donc de répondre à la deuxième question que les dispositions de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, lues conjointement avec celles de ses articles 2, 6, paragraphe 1, et 13, B, sous b), sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles pour qu'un particulier puisse s'en prévaloir à l'encontre d'un État membre devant une juridiction nationale.

Sur la troisième question

34. Par sa troisième question, la juridiction nationale demande en substance si la mise en œuvre d'une exonération générale de la TVA pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, sans qu'une telle exonération générale figure à la sixième directive, constitue une violation caractérisée du droit communautaire susceptible d'engager la responsabilité de l'État membre.

35. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en réponse à la deuxième question, la Cour a constaté que les dispositions de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, lues conjointement avec celles de ses articles 2, 6, paragraphe 1, et 13, B), sous b), confèrent aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir à l'encontre de l'État membre concerné devant une juridiction nationale. Il en résulte que Lindöpark peut valablement faire valoir les créances dont elle prétend être titulaire à l'encontre de l'État suédois de façon rétroactive en se fondant directement sur les dispositions de la sixième directive qui lui sont favorables. Un recours en indemnité sur le fondement de la jurisprudence de la Cour relative à la responsabilité des États membres pour violation du droit communautaire ne semble donc pas nécessaire à première vue.

36. En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence également constante, le principe de la responsabilité de l'État membre pour des dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire qui lui sont imputables est inhérent au système du traité (voir, notamment, arrêts du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46-93 et C-48-93, Rec. p. I-1029, point 31; du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a., C-178-94, C-179-94 et C-188-94 à C-190-94, Rec. p. I-4845, point 20; du 17 octobre 1996, Denkavit e.a., C-283-94, C-291-94 et C-292-94, Rec. p. I-5063, point 47, et du 24 septembre 1998, Brinkmann, C-319-96, Rec. p. I-5255, point 24).

37. De même, la Cour, eu égard aux circonstances de l'espèce, a jugé que le droit communautaire reconnaît l'existence d'un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par les personnes lésées (arrêts précités Brasserie du pêcheur et Factortame, point 51; Dillenkofer e.a., points 21 et 23; Denkavit e.a., point 48, et Brinkmann, point 25; voir également arrêts du 15 juin 1999, Rechberger e.a., C-140-97, Rec. p. I-3499, point 21, et du 4 juillet 2000, Haim, C-424-97, non encore publié au Recueil, point 36).

38. S'il appartient, en principe, aux juridictions nationales de déterminer si les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l'État membre pour violation du droit communautaire sont réunies, la Cour peut néanmoins préciser certaines circonstances dont les juridictions nationales sont susceptibles de tenir compte dans leur appréciation. Dans l'affaire au principal, la juridiction nationale interroge la Cour sur les conditions d'une violation caractérisée du droit communautaire.

39. En réponse à cette question, il y a lieu de relever qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour qu'une violation est suffisamment caractérisée lorsqu'un État membre, dans l'exercice de son pouvoir normatif, a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs. À cet égard, parmi les éléments que la juridiction compétente peut être amenée à prendre en considération, figure notamment le degré de clarté et de précision de la règle violée (arrêt Rechberger e.a., précité, point 50).

40. Ainsi qu'il a été constaté dans le cadre des réponses données aux première et deuxième questions, il ressort à l'évidence des dispositions de la loi sur la TVA en cause au principal que l'exonération générale adoptée par le législateur suédois n'a pas de fondement dans la sixième directive et s'est donc avérée être incompatible avec celle-ci, à compter de la date de l'adhésion du Royaume de Suède à l'Union européenne. Eu égard au libellé clair des dispositions de ladite directive, l'État membre concerné n'était pas en situation d'opérer un choix normatif et ne disposait que d'une marge d'appréciation considérablement réduite, voire inexistante. Dans ces circonstances, la seule infraction au droit communautaire peut suffire à établir l'existence d'une violation suffisamment caractérisée (voir arrêts du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C-5-94, Rec. p. I-2553, point 28, et Dillenkofer e.a., précité, point 25). Par ailleurs, la circonstance que la réglementation nationale en cause au principal a été abrogée à compter du 1er janvier 1997, soit deux années après la date de ladite adhésion, indique que le législateur suédois avait pris connaissance de cette situation d'incompatibilité.

41. En ce qui concerne les allégations de l'État suédois selon lesquelles la violation communautaire, à supposer qu'elle existât, était à tout le moins excusable, dans la mesure où, d'une part, la Cour n'avait pas encore clarifié les dispositions applicables de la sixième directive et, d'autre part, la Commission n'avait pas entamé de procédure en manquement, ce qui l'aurait laissé sans aucun repère fiable quant à la portée du droit communautaire en cause, il y a lieu de les rejeter. En effet, tel qu'il a été explicité aux points 73 et 74 des conclusions de M. l'Avocat général, il n'y avait aucun doute raisonnable sur la portée des dispositions en cause susceptible d'excuser la violation alléguée.

42. Il convient donc de répondre à la troisième question que la mise en œuvre d'une exonération générale de la TVA pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, sans qu'une telle exonération générale figure à l'article 13 de la sixième directive, constitue une violation caractérisée du droit communautaire susceptible d'engager la responsabilité de l'État membre.

Sur les dépens

43. Les frais exposés par le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Svea hovrätt, par ordonnance du 26 mars 1999, dit pour droit:

1) Les articles 13, A, paragraphe 1, sous m), et 13, B, sous b), de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, s'opposent à ce qu'une réglementation nationale prévoie une exonération générale de la taxe sur la valeur ajoutée pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, en incluant les services fournis par des organismes à but lucratif.

2) Les dispositions de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77-388, lues conjointement avec celles de ses articles 2, 6, paragraphe 1, et 13, B, sous b), sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles pour qu'un particulier puisse s'en prévaloir à l'encontre d'un État membre devant une juridiction nationale.

3) La mise en œuvre d'une exonération générale de la taxe sur la valeur ajoutée pour la fourniture de locaux et d'autres installations ainsi que la mise à disposition d'éléments accessoires ou d'autres aménagements aux fins de la pratique du sport et de l'éducation physique, sans qu'une telle exonération générale figure à l'article 13 de la sixième directive 77-388, constitue une violation caractérisée du droit communautaire susceptible d'engager la responsabilité de l'État membre.