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Décisions

CJCE, 15 septembre 1998, n° C-279/96

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ansaldo Energia SpA, Marine Insurance Consultants Srl, GMB Srl e.a.

Défendeur :

Amministrazione delle Finanze dello Stato

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Ragnemalm, Wathelet, Schintgen

Avocat général :

M. Ruiz-Jarabo Colomer

Juges :

MM. Mancini, Moitinho de Almeida, Kapteyn, Edward, Puissochet, Sevón, Ioannou

Avocats :

Mes Costanza, Centore, Kielland, Bassetto, Conte, Giacomini, Ivo, Braguglia, Paines

CJCE n° C-279/96

15 septembre 1998

LA COUR,

1. Par trois ordonnances analogues des 27 juin et 19 juillet 1996, parvenues à la Cour le 21 août suivant, le Tribunale di Genova a posé, en application de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation du droit communautaire en matière de répétition de l'indu.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant l'administration des finances italienne à Ansaldo Energia SpA (ci-après "Ansaldo Energia"), à Marine Insurance Consultants Srl (ci-après "Marine Insurance Consultants") ainsi qu'à GMB Srl et onze autres sociétés anonymes ou sociétés à responsabilité limitée (ci-après "GMB e.a.") à propos de la taxe de concession gouvernementale pour l'inscription des sociétés au registre des entreprises (ci-après la "taxe de concession").

3. La taxe de concession a été instituée par le décret n° 641 du Président de la République, du 26 octobre 1972 (GURI n° 292, du 11 novembre 1972, supplément n° 3, ci-après le "décret n° 641-72"). Elle a fait l'objet, en ce qu'elle s'applique à l'inscription au registre de l'acte constitutif des sociétés, de modifications successives concernant ses montants et sa périodicité.

4. Les montants de la taxe de concession ont tout d'abord été substantiellement augmentés par le décret-loi n° 853, du 19 décembre 1984 (GURI n° 347, du 19 décembre 1984), converti en loi par la loi n° 17, du 17 février 1985 (GURI n° 41 bis, du 17 février 1985), qui a également prévu que la taxe serait désormais due non seulement lors de l'inscription au registre de l'acte constitutif de la société, mais également le 30 juin de chaque année civile ultérieure. Les montants de la taxe ont ensuite été à nouveau modifiés en 1988 et en 1989. Cette dernière année, ils atteignaient 12 millions de LIT pour les sociétés anonymes et en commandite par actions, 3,5 millions de LIT pour les sociétés à responsabilité limitée et 500 000 LIT pour les autres sociétés.

5. Dans l'arrêt du 20 avril 1993, Ponente Carni et Cispadana Costruzioni (C-71-91 et C-178-91, Rec. p. I-1915, ci-après l'"arrêt Ponente Carni"), rendu à propos de la taxe de concession, la Cour a dit pour droit que l'article 10 de la directive 69-335-CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), doit être interprété en ce sens qu'il interdit, sous réserve des dispositions dérogatoires de l'article 12, une imposition annuelle due en raison de l'immatriculation des sociétés de capitaux, cela même si le produit de cette imposition contribue au financement du service chargé de la tenue du registre dans lequel sont immatriculées les sociétés. La Cour a également jugé que l'article 12 de la directive 69-335 doit être interprété en ce sens que les droits ayant un caractère rémunératoire, mentionnés au paragraphe 1, sous e), de cette disposition, peuvent être des rétributions perçues en contrepartie d'opérations imposées par la loi dans un but d'intérêt général, comme par exemple, l'immatriculation des sociétés de capitaux. Les montants de ces droits, qui peuvent être différents selon la forme juridique de la société, doivent être calculés sur la base du coût de l'opération, ce coût pouvant être évalué forfaitairement.

6. A la suite de cet arrêt, le décret-loi n° 331, du 30 août 1993 (GURI n° 203, du 30 août 1993), converti en loi par la loi n° 427, du 29 octobre 1993 (GURI n° 255, du 29 octobre 1993), a réduit la taxe de concession à 500 000 LIT pour toutes les sociétés et supprimé sa perception annuelle.

7. Il ressort des ordonnances de renvoi que Ansaldo Energia et GMB e.a. ont saisi le Tribunale di Genova en vue d'obtenir de l'administration des finances le remboursement des montants, majorés des intérêts légaux, qu'elles avaient acquittés jusqu'en 1992 au titre du versement annuel de la taxe de concession. De son côté, l'administration des finances a demandé au Tribunale de révoquer ou d'annuler une ordonnance de son président lui enjoignant de faire droit à une demande analogue de Marine Insurance Consultants.

8. L'administration des finances a soutenu que la taxe en question revêtait un caractère rémunératoire et était donc compatible avec la directive 69-335. A titre subsidiaire, elle s'est prévalue de l'article 13 du décret n° 641-72, aux termes duquel "Le contribuable peut, sous peine de forclusion, demander la restitution des taxes payées par erreur dans le délai de trois ans à compter du jour du paiement...". Elle a en outre fait valoir qu'il y avait lieu d'appliquer, conformément à l'article 3 du décret-loi n° 307-94, du 25 mars 1994 (GURI n° 119, du 24 mai 1994), converti en loi par la loi n° 457, du 22 juillet 1994 (GURI n° 171, du 23 juillet 1994, ci-après le "décret n° 307-94"), le taux d'intérêt de 3% par semestre échu comme pour toutes les obligations de remboursement à la charge de l'État. Selon cette disposition, "A compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret, le ministre des Finances est autorisé à déterminer, par arrêté, les taux d'intérêt à appliquer aux créances et dettes fiscales à l'égard de l'État, en fonction de l'évolution du marché monétaire et financier; les dispositions visées à l'article 13 du décret-loi n° 557, du 30 décembre 1993, converti, après modifications, dans la loi n° 133, du 26 février 1994, restent inchangées".

9. Dans ses trois ordonnances de renvoi, le Tribunale di Genova relève que l'incompatibilité de la taxe de concession avec les articles 10 et 12 de la directive 69-335 ressort clairement de l'arrêt Ponente Carni. Il ajoute que la Corte Suprema di cassazione, dans l'arrêt n° 3458, du 23 février 1996, a confirmé que la taxe en question ne revêtait pas un caractère rémunératoire au sens de l'article 12 de la directive. Dans le même arrêt, la Corte Suprema di cassazione a également jugé que le remboursement de cette taxe relève de l'article 13 du décret n° 641-72.

10. Le Tribunale di Genova éprouve cependant des doutes en ce qui concerne la compatibilité de ces modalités de remboursement avec la jurisprudence de la Cour en matière de restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire, en particulier avec l'arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C-208-90, Rec. p. I-4269).

11. La juridiction de renvoi s'interroge également sur la compatibilité avec le droit communautaire de dispositions nationales qui prévoient, pour toutes les obligations de remboursement à la charge de l'État, le versement d'intérêts au taux de 3 % par semestre, à compter de l'introduction de la demande en justice si la bonne foi de l'administration est reconnue. Elle relève en effet que, selon les règles du code civil en matière de répétition de l'indu, le taux d'intérêt légal est de 10 % par an, les intérêts étant dus à compter du jour de l'introduction de la demande si la personne qui a reçu le paiement était de bonne foi.

12. C'est dans ces conditions que le Tribunale di Genova a sursis à statuer et posé à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes :

"1) Est-il compatible avec le droit communautaire que des dispositions nationales prévoient, pour l'exercice d'une action destinée à protéger un droit relevant de l'ordre juridique communautaire, un délai de forclusion commençant à courir avant la transposition correcte et complète en droit national de la directive qui a reconnu ce droit ?

2) Est-il compatible avec l'ordre juridique communautaire de prévoir, pour l'indemnisation de la personne reconnue lésée dans son droit et à laquelle est accordé le remboursement des sommes demandées, des modalités qui comportent des règles de calcul différentes et moins favorables que celles prévues pour les actions en remboursement entre particuliers, et sont déterminées en substance par acte de cette même autorité publique qui, par sa défaillance, a porté atteinte à ce droit ?"

Sur la première question

13. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si le droit communautaire interdit à un État membre d'opposer aux actions en remboursement d'impositions perçues en violation d'une directive un délai national de forclusion qui court à compter de la date du paiement des impositions en cause, alors que, à cette date, cette directive n'avait pas encore été correctement transposée en droit national.

14. Les trois gouvernements qui ont déposé des observations proposent, contrairement aux sociétés requérantes, de répondre par la négative à cette question. Ils considèrent en effet qu'un État membre est en droit de se prévaloir d'un délai national de forclusion comme le délai en cause dès lors que celui-ci s'applique indistinctement aux actions fondées sur le droit interne et le droit communautaire et qu'il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (arrêts du 16 décembre 1976, Rewe, 33-76, Rec. p. 1989, et Comet, 45-76, Rec. p. 2043). D'après ces gouvernements, l'arrêt Emmott, précité, doit être replacé dans le cadre des circonstances tout à fait particulières de cette affaire, ce que la Cour aurait d'ailleurs confirmé dans les arrêts du 27 octobre 1993, Steenhorst-Neerings (C-338-91, Rec. p. I-5475), et du 6 décembre 1994, Johnson (C-410-92, Rec. p. I-5483).

15. Dans un premier temps, la Commission a d'abord soutenu que les arrêts Steenhorst-Neerings et Johnson, précités, avaient trait à des réclamations portant sur des prestations sociales indûment refusées et étaient donc sans pertinence en l'espèce. Elle considérait ainsi que la solution de l'arrêt Emmott devait s'appliquer aux actions en remboursement des taxes perçues en violation du droit communautaire, sauf à permettre à l'État membre défaillant de tirer avantage de la violation qu'il a commise. Toutefois, lors de l'audience, la Commission a renoncé à défendre cette thèse en reconnaissant que celle-ci avait été infirmée par l'arrêt du 2 décembre 1997, Fantask e.a. (C-188-95, Rec. p. I-6783).

16. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il appartient, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et qu'elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (arrêts précités Rewe, point 5, et Comet, points 13 et 16, et, plus récemment, arrêt du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312-93, Rec. p. I-4599, point 12).

17. La Cour a ainsi reconnu la compatibilité avec le droit communautaire de la fixation de délais de recours raisonnables à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l'administration concernés (arrêts précités Rewe, point 5, et Comet, points 17 et 18; voir également arrêts du 27 mars 1980, Denkavit italiana, 61-79, Rec. p. 1205, point 23; du 10 juillet 1997, Palmisani, C-261-95, Rec. p. I-4025, point 28, et du 17 juillet 1997, Haahr Petroleum, C-90-94, Rec. p. I-4085, point 48).

18. Comme la Cour l'a relevé dans les arrêts de ce jour, Edis (C-231-96, non encore publié au recueil, point 44), et Spac (C-260-96, non encore publié au recueil, point 27), le droit communautaire n'interdit donc pas en principe à un État membre d'opposer aux actions en remboursement d'impositions perçues en violation du droit communautaire un délai national de forclusion de trois ans.

19. Certes, il est vrai que, dans l'arrêt Emmott, précité, point 23, la Cour a jugé que, jusqu'au moment de la transposition correcte d'une directive, l'État membre défaillant ne peut exciper de la tardiveté d'une action judiciaire introduite à son encontre par un particulier en vue de la protection des droits que lui reconnaissent les dispositions d'une directive et qu'un délai de recours de droit national ne peut commencer à courir qu'à partir de ce moment.

20. Toutefois, comme l'a confirmé l'arrêt Johnson, précité, point 26, il découle de l'arrêt Steenhorst-Neerings, précité, que la solution dégagée dans l'arrêt Emmott était justifiée par les circonstances propres à cette affaire, dans lesquelles la forclusion aboutissait à priver totalement la requérante au principal de la possibilité de faire valoir son droit à l'égalité de traitement en vertu d'une directive communautaire (voir, également, arrêts Haahr Petroleum, précité, point 52, et du 17 juillet 1997, Texaco et Olieselskabet Danmark, C-114-95 et C-115-95, Rec. p. I-4263, point 48).

21. La Cour a ainsi jugé, dans l'arrêt Fantask e.a., précité, que le droit communautaire n'interdit pas à un État membre, qui n'a pas correctement transposé la directive 69-335, d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de cette directive un délai de prescription national de cinq ans qui court à compter de la date d'exigibilité de ces droits (voir, également, arrêts précités Edis, point 47, et Spac, point 30).

22. En outre, à la lumière des dossiers et des débats qui ont eu lieu lors de la procédure orale, il n'apparaît pas que le comportement des autorités italiennes combiné avec l'existence du délai litigieux ait abouti en l'espèce au principal, comme dans l'affaire Emmott, à priver totalement les sociétés requérantes de la possibilité de faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales.

23. Il y a lieu dès lors de répondre à la première question que, dans des circonstances telles que celles des affaires au principal, le droit communautaire n'interdit pas à un État membre d'opposer aux actions en remboursement d'impositions perçues en violation d'une directive un délai national de forclusion qui court à compter de la date du paiement des impositions en cause, même si, à cette date, cette directive n'avait pas encore été correctement transposée en droit national.

Sur la seconde question

24. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si, en cas de remboursement d'impositions perçues en violation du droit communautaire, ce dernier s'oppose au versement d'intérêts selon des modalités de calcul moins favorables que celles en vigueur dans le cadre du régime commun de l'action en répétition de l'indu et qui, de surcroît, auraient été déterminées par l'autorité nationale à l'origine de la violation en cause.

25. Les sociétés requérantes au principal ainsi que la Commission font valoir, sur le fondement de l'arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal (106-77, Rec. p. 629), qu'un État membre n'est pas compétent pour adopter une disposition fiscale incompatible avec le droit communautaire et qu'une telle disposition et l'obligation fiscale correspondante doivent être considérées comme inexistantes. Dans ces conditions, le droit communautaire s'opposerait en l'espèce à l'application, en lieu et place du délai de prescription décennale du droit commun, d'un délai de forclusion comme celui du droit italien qui présuppose l'existence d'un pouvoir d'imposition et d'une créance fiscale dans le chef de l'État. Pour les mêmes raisons, les intérêts devraient être déterminés selon les modalités applicables à l'action en répétition de l'indu du code civil.

26. En revanche, selon les trois gouvernements qui ont déposé des observations, un État membre est en droit de prévoir, en matière fiscale, des modalités de calcul des intérêts qui sont différentes de celles du droit commun, dès lors que ces modalités s'appliquent de la même manière en cas de remboursement de taxes perçues en violation du droit communautaire et du droit interne. Les gouvernements français et du Royaume-Uni considèrent, par ailleurs, que la circonstance que le taux d'intérêt applicable relève de la compétence de l'autorité nationale responsable de la violation du droit communautaire commise par l'État membre est indifférente à cet égard. Le gouvernement italien soutient, quant à lui, que cette partie de la question est sans pertinence dans la mesure où le ministre compétent ne s'est pas prévalu de la faculté de déterminer par décret le taux d'intérêt en question et que celui-ci reste fixé par la loi.

27. Comme il a été rappelé au point 16 du présent arrêt, il appartient, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions nationales compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde que les justiciables tirent du droit communautaire. Toutefois, ces modalités ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) ni rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité).

28. La Cour a ainsi jugé que, à défaut de dispositions communautaires en matière de restitution de redevances indûment perçues sur la base de règlements communautaires déclarés invalides, il appartient aux autorités nationales de régler toutes questions accessoires ayant trait à cette restitution, telles que le versement d'intérêts, en appliquant leurs règles internes concernant le taux d'intérêt et la date à partir de laquelle les intérêts doivent être calculés (arrêt du 12 juin 1980, Express Dairy Foods, 130-79, Rec. p. 1887, points 16 et 17; voir, également, arrêt du 21 mai 1976, Roquette/Commission, 26-74, Rec. p. 677, points 11 et 12).

29. Il convient encore de rappeler que, dans deux arrêts de ce jour (Edis, point 36, et Spac, point 20, précités), la Cour a jugé qu'une modalité de remboursement nationale respecte le principe d'équivalence dès lors qu'elle s'applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit communautaire et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne, s'agissant d'un même type de taxes ou redevances. Ce principe ne saurait en revanche être interprété comme obligeant un État membre à étendre à l'ensemble des actions en restitution de taxes ou redevances perçues en violation du droit communautaire son régime de répétition interne le plus favorable.

30. Il en résulte que le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que la législation d'un État membre prévoie, en matière d'intérêts, des modalités de calcul moins favorables pour la restitution d'impositions indûment perçues que pour la répétition de l'indu entre particuliers, pourvu que les modalités en cause s'appliquent indifféremment aux actions fondées sur le droit interne et à celles fondées sur le droit communautaire. Or, en l'espèce, il ne ressort pas du libellé de la règle litigieuse qu'elle vise seulement cette dernière catégorie de recours.

31. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi s'interroge également sur l'incidence que peut avoir sur l'interprétation qui précède la circonstance que les modalités de calcul des intérêts auraient été déterminées par l'autorité nationale responsable de la violation du droit communautaire sur le fondement de laquelle les demandes de remboursement ont été introduites.

32. La juridiction de renvoi se réfère, à cet égard, à l'article 3 du décret-loi n° 307-94 qui autorise le ministre des Finances à déterminer, par décret ad hoc, les taux d'intérêts à appliquer aux créances et dettes fiscales de l'État, en fonction de l'évolution du marché monétaire et financier.

33. Conformément à une jurisprudence constante, la Cour n'est pas compétente pour fournir une réponse à la juridiction de renvoi dès lors que les questions préjudicielles qui lui sont soumises ne portent pas sur une interprétation du droit communautaire qui réponde à un besoin objectif pour la solution du litige au principal (ordonnances du 26 janvier 1990, Falciola, C-286-88, Rec. p. I-191, points 9 et 10, et du 16 mai 1994, Monin Automobiles, C-428-93, Rec. p. I-1707, points 15 et 16).

34. Or, il ressort de l'ordonnance de renvoi comme des observations du gouvernement italien et de la Commission que le ministre des Finances n'a pas encore fait usage de la faculté ouverte par l'article 3 du décret-loi n° 307-94. Ainsi que l'ont souligné le gouvernement italien et la Commission, le taux d'intérêt applicable est ainsi demeuré celui fixé par le décret-loi n° 557, du 30 décembre 1993 (GURI n° 305, du30 décembre 1993), lui-même converti en loi, auquel l'article 3 du décret-loi n° 307-94 fait expressément référence.

35. Dans ces conditions, cette partie de la seconde question de la juridiction de renvoi porte sur un problème de nature hypothétique et il n'y a pas lieu d'y répondre.

36. Il convient dès lors de répondre à la seconde question que, en cas de remboursement d'impositions perçues en violation du droit communautaire, ce dernier ne s'oppose pas au versement d'intérêts selon des modalités de calcul moins favorables que celles en vigueur dans le cadre du régime commun de l'action en répétition de l'indu entre particuliers, dès lors que ces modalités s'appliquent de la même manière aux recours formés contre ces impositions qui sont fondés sur le droit communautaire et à ceux qui sont fondés sur le droit interne.

Sur les dépens

37. Les frais exposés par les Gouvernements italien, français et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale di Genova, par ordonnances des 27 juin et 19 juillet 1996, dit pour droit:

1) Dans des circonstances telles que celles des affaires au principal, le droit communautaire n'interdit pas à un État membre d'opposer aux actions en remboursement d'impositions perçues en violation d'une directive un délai national de forclusion qui court à compter de la date du paiement des impositions en cause, même si, à cette date, cette directive n'avait pas encore été correctement transposée en droit national.

2) En cas de remboursement d'impositions perçues en violation du droit communautaire, ce dernier ne s'oppose pas au versement d'intérêts selon des modalités de calcul moins favorables que celles en vigueur dans le cadre du régime commun de l'action en répétition de l'indu entre particuliers, dès lors que ces modalités s'appliquent de la même manière aux recours formés contre ces impositions qui sont fondés sur le droit communautaire et à ceux qui sont fondés sur le droit interne.