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Décisions

CJCE, cour plénière, 8 avril 2003, n° C-53/01

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Linde AG, Winward Industries Inc.

Défendeur :

Rado Uhren AG

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Puissochet, Schintgen, Timmermans

Avocat général :

M. Ruiz-Jarabo Colomer

Juges :

MM. Gulmann, Edward, La Pergola, Skouris, Cunha Rodrigues, Rosas, Mme Macken

Avocats :

Mes Messer, von Mettenheim, Schaeffer, von Schultz, Alexander

CJCE n° C-53/01

8 avril 2003

LA COUR

1. Par ordonnances du 23 novembre 2000, parvenues à la Cour le 8 février 2001, le Bundesgerichtshof a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 3, paragraphe 1, sous b), c) et e), de la première directive 89-104-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la "directive").

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de trois litiges opposant respectivement Linde AG (ci-après "Linde"), Winward Industries Inc. (ci-après "Winward") et Rado Uhren AG (ci-après "Rado") au Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) au sujet du rejet par ce dernier des demandes d'enregistrement de marques desdites sociétés pour absence de caractère distinctif.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3. La directive a pour objet, selon son premier considérant, de rapprocher les législations des États membres sur les marques, afin de supprimer les disparités existantes susceptibles d'entraver la libre circulation des produits ainsi que la libre prestation des services et de fausser les conditions de concurrence dans le marché commun.

4. L'article 2 de la directive, intitulé "Signes susceptibles de constituer une marque", dispose:

"Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises."

5. L'article 3 de la directive, qui énumère les motifs de refus ou de nullité de l'enregistrement, prévoit:

"1. Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés:

a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci;

d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;

e) les signes constitués exclusivement:

- par la forme imposée par la nature même du produit,

- par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique,

- par la forme qui donne une valeur substantielle au produit;

[...]

3. Une marque n'est pas refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, n'est pas susceptible d'être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande d'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente disposition s'applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d'enregistrement ou après l'enregistrement.

[...]"

La réglementation nationale

6. Aux termes de l'article 3 du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichnungen (loi allemande sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, ci-après le "Markengesetz"), qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995 et qui a transposé la directive en droit allemand:

"1) Sont susceptibles d'être protégés en tant que marques tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, les signes sonores, les configurations tridimensionnelles, notamment la forme d'un produit ou de son emballage, et autres conditionnements, y compris les couleurs et les combinaisons de couleurs, qui permettent de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.

2) Ne peuvent être protégés en tant que marques les signes constitués exclusivement par une forme

1. qui est imposée par la nature même du produit,

2. qui est nécessaire à l'obtention d'un résultat technique,

ou

3. qui donne une valeur substantielle au produit."

7. En vertu de l'article 8, paragraphe 1, du Markengesetz, sont refusés à l'enregistrement en tant que marques les signes pouvant faire l'objet dune protection au sens de l'article 3 de celui-ci qui ne sont pas susceptibles de représentation graphique.

8. L'article 8, paragraphe 2, du Markengesetz dispose:

"Sont refusées à l'enregistrement les marques

1. qui sont dépourvues de tout caractère distinctif pour les produits ou les services,

2. qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci,

3. qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner le produit ou la prestation de service.

[...]"

9. L'article 8, paragraphe 3, du Markengesetz prévoit que les dispositions du paragraphe 2, points 1, 2 et 3, de cet article ne s'appliquent pas lorsque, avant la date de la décision relative à l'enregistrement de la marque et après l'usage qui en a été fait pour les produits ou services pour lesquels son enregistrement est demandé, celle-ci s'est imposée dans les milieux commerciaux intéressés.

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

10. Trois litiges sont à l'origine des présentes demandes de décisions préjudicielles.

11. Dans le premier litige (C-53-01), Linde a sollicité l'enregistrement d'un véhicule en tant que marque tridimensionnelle pour les produits "chariots de manutention à moteur et autres véhicules de manutention avec cabine conducteur, en particulier chariots élévateurs à fourche". Cette demande a été rejetée par le Deutsches Patent- und Markenamt pour défaut de caractère distinctif.

12. Le Bundespatentgericht (tribunal fédéral en matière de propriété industrielle) (Allemagne) a rejeté le recours de Linde contre ladite décision de rejet au motif que la marque en cause serait totalement dépourvue de caractère distinctif. Il a notamment relevé que "[l]e commerce ne voit dans une telle représentation du produit que le produit lui-même et ne lui attribue aucune fonction distinctive tant qu'elle s'inscrit dans le cadre qui lui est familier. La forme du produit ne va pas au-delà du design industriel moderne. Dans ses éléments non techniques, elle ne se distingue pas de formes habituelles en sorte que le commerce n'y voie pas seulement une variation quelconque de formes connues, mais le signe distinctif d'une entreprise".

13. Dans le deuxième litige (C-54-01), Winward a sollicité l'enregistrement d'une lampe de poche en tant que marque tridimensionnelle. Cette demande d'enregistrement a été rejetée par le Deutsches Patent- und Markenamt au motif que la marque pour laquelle l'enregistrement était sollicité serait dépourvue de caractère distinctif au sens de l'article 8, paragraphe 2, point 1, du Markengesetz.

14. Le Bundespatentgericht a également écarté la possibilité d'enregistrer ladite marque au motif que celle-ci est dépourvue de caractère distinctif. Selon lui, "[i]l s'agit d'une forme caractéristique de lampe torche qui reste courante sur le marché en dépit d'une certaine élégance. Dans ce secteur, le consommateur ne verra dans la forme du produit aucune indication en ce sens qu'il provient d'une entreprise déterminée. Eu égard aux différences minimes par rapport aux produits de la concurrence, même le consommateur attentif ne sera guère en mesure d'identifier de mémoire un fabricant déterminé".

15. Le troisième litige (C-55-01) concerne une demande d'enregistrement introduite par Rado, relative à une marque tridimensionnelle déjà enregistrée en tant que marque internationale sous le n° 640 196 et dont cette société est propriétaire, marque qui consiste dans la représentation graphique d'une montre-bracelet. Cette demande a été rejetée par le Deutsches Patent- und Markenamt pour défaut de caractère distinctif et en raison de l'existence d'un impératif de disponibilité ("Freihaltebedürfnis").

16. Le recours formé par Rado contre cette décision devant le Bundespatentgericht a été rejeté. Selon cette juridiction, la représentation tridimensionnelle du boîtier de montre avec un cadran couvert ou non et un bracelet segmenté de même largeur que le boîtier est dépourvue, dans sa présentation concrète, du caractère distinctif nécessaire. Le Bundespatentgericht a également estimé que "[l]a protection ne peut être fondée que sur un design original donnant une indication quant à son origine, qui permet de neutraliser l'impératif de disponibilité de la forme élémentaire du produit et l'absence de caractère distinctif. Pour justifier l'originalité du produit ou de ses composants, il faut retenir un critère plutôt strict, parce que le produit et ses composants constituent le moyen le plus important pour les décrire, que leur monopolisation risque d'entraver les concurrents dans la réalisation de leurs produits et que l'impératif de disponibilité est à tout le moins concevable".

17. Ces trois jugements du Bundespatentgericht ont fait l'objet de pourvois devant le Bundesgerichtshof.

18. Selon cette juridiction, le succès desdits pourvois dépend de l'interprétation de l'article 3, paragraphe 1, sous b), c) et e), de la directive.

19. Le Bundesgerichtshof considère qu'il n'existe aucun indice susceptible de justifier que le caractère distinctif abstrait prévu à l'article 2 de la directive soit refusé aux marques tridimensionnelles. Cette disposition exige que la marque soit propre à distinguer abstraitement des produits ou des services. L'exigence d'un caractère distinctif concret pour les produits ou services faisant l'objet de la demande d'enregistrement découle de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive.

20. Le Bundesgerichtshof considère également que les motifs de refus de l'enregistrement figurant à l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive doivent être écartés. À cet égard, il fait valoir, en ce qui concerne les marques dont l'enregistrement est demandé par Linde et Rado, que, outre les caractéristiques génériques, imputables à la technique, de la forme élémentaire des produits en cause, ces marques présentent une série de caractéristiques formelles qui ne sont imposées exclusivement ni par la nature même du produit ni par des considérations techniques ou tenant à la valeur du produit. Dans l'affaire C-54-01 (Winward), le Bundesgerichtshof constate également que la marque en cause présente des caractéristiques qui excèdent la forme élémentaire, imputable à la technique, d'une lampe de poche et qui ne sont ni imposées exclusivement par la nature même du produit ni nécessaires à l'obtention d'un résultat technique.

21. La juridiction de renvoi estime donc qu'il y a lieu de rechercher si les marques en cause dans les trois affaires sont dépourvues de tout caractère distinctif au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive ou s'il existe un motif de refus d'enregistrement en application de cette disposition, sous c).

22. Il ressort de l'ordonnance de renvoi dans l'affaire C-53-01 (Linde) que les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit sont soumises à des exigences plus strictes en matière de caractère distinctif que les autres marques, en vertu de la jurisprudence du Bundespatentgericht relative à l'article 8, paragraphe 2, point 1, du Markengesetz, à savoir la disposition nationale qui correspond à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive. Pour justifier ces critères plus stricts quant au caractère distinctif, le Bundespatentgericht se fonde sur un impératif de disponibilité des formes aisément concevable et sur la différence entre, d'une part, le droit des marques, qui a pour vocation d'indiquer la provenance, et, d'autre part, les droits protégeant les créations, en particulier la législation en matière de dessins et de modèles.

23. Le Bundesgerichtshof fait valoir, toutefois, que, quant au caractère distinctif, il ne voit aucune raison de fixer des exigences plus strictes à l'égard des marques tridimensionnelles, constituées par la forme du produit lui-même, qu'à l'égard des marques traditionnelles. Selon lui, ces exigences accrues quant au caractère distinctif de la marque ne sauraient être justifiées en recourant à des indices concrets qui témoigneraient d'un intérêt du commerce à maintenir disponible la forme du produit pour d'autres entreprises.

24. Selon la juridiction de renvoi, la Cour a également rejeté toute différenciation, lors de l'appréciation du caractère distinctif dune marque, en fonction de l'intérêt établi à maintenir disponible une dénomination géographique (voir arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C-108-97 et C-109-97, Rec. p. I-2779, point 48). L'intérêt à maintenir une disponibilité générale des formes graphiques ne devrait avoir aucune incidence sans préjudice d'une éventuelle prise en compte de cette exigence dans le cas de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive sur le caractère distinctif concret visé par cette disposition, sous b).

25. Quant à l'interprétation à donner à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, le Bundesgerichtshof considère que cette disposition s'applique de manière autonome pour tous types de marques, c'est-à-dire également pour des marques constituées par la forme du produit, et ce indépendamment de l'article 3, paragraphe 1, sous e). Ainsi, l'impératif de disponibilité des formes tridimensionnelles de produits devrait être pris en compte dans le cadre de l'article 3, paragraphe 1, sous c), et non en vertu d'une interprétation large du paragraphe 1, sous e), dudit article. Selon le Bundesgerichtshof, il ressort d'une telle approche que l'enregistrement en tant que marque ne sera possible, dans la plupart des cas, que pour les marques qui acquièrent un caractère distinctif après l'usage qui en a été fait en vertu de l'article 3, paragraphe 3, première phrase, de la directive.

26. C'est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, lesquelles sont rédigées en des termes identiques dans les trois affaires susmentionnées:

"1) Pour apprécier le caractère distinctif, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive [.], de marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit, faut-il appliquer un critère plus strict que pour d'autres types de marques?

2) Outre l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, l'article 3, paragraphe 1, sous c), du même texte a-t-il une signification autonome pour les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit? En cas de réponse affirmative, faut-il, lors de l'examen de l'article 3, paragraphe 1, sous c) et, dans le cas contraire, de l'alinéa e) tenir compte de l'intérêt du commerce à maintenir disponible la forme du produit, de sorte que l'enregistrement est en principe exclu et n'est possible, en règle générale, que pour les marques qui remplissent les conditions de l'article 3, paragraphe 3, première phrase, de la directive?"

27. Par ordonnance du président de la Cour du 15 mars 2001, les trois affaires ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt.

Sur la première question

28. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si, pour apprécier le caractère distinctif, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, d'une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit, il y a lieu d'appliquer un critère plus strict que celui utilisé pour d'autres types de marques.

Observations soumises à la Cour

29. Winward et Linde considèrent que, au regard du caractère distinctif, la protection des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit ne saurait être subordonnée à des conditions plus sévères que celles applicables à d'autres types de marque.

30. Selon Winward, la Cour aurait déjà refusé de déduire de l'impératif de disponibilité des conditions supplémentaires en matière de caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 48).

31. Winward et Rado font valoir qu'il convient d'utiliser un critère d'analyse uniforme pour tous les types de marques pour déterminer si un signe est propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. Seul l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive contiendrait une disposition dérogatoire expresse pour les marques tridimensionnelles. En revanche, le paragraphe 1, sous b), dudit article ne ferait aucune distinction entre, d'une part, les marques constituées d'une forme et, d'autre part, les autres types de marque. Pour apprécier le caractère distinctif concret d'une marque constituée d'une forme, il n'y aurait donc pas lieu d'appliquer des critères plus sévères que lorsqu'il s'agit d'autres types de marques.

32. Le gouvernement autrichien estime que, lorsque la forme d'un signe tridimensionnel demeure conforme à l'attente du consommateur quant à la forme donnée au produit ou à l'emballage, il y a lieu de considérer que les milieux intéressés ne verront pas dans cette forme d'indication permettant d'identifier le produit comme provenant d'une entreprise déterminée. Selon ce gouvernement, il ne s'agit pas, à cet égard, de définir un critère plus strict pour apprécier le caractère distinctif des marques tridimensionnelles, mais il convient de tenir compte du fait que la variété des formes que l'on peut donner aux produits et à leurs conditionnements est susceptible, dans certains secteurs du commerce, de rendre plus difficile la tâche desdits milieux pour reconnaître la forme d'un produit ou d'un conditionnement comme marque.

33. Le gouvernement du Royaume-Uni considère que l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive ne distingue pas entre les marques constituées par la forme du produit et les autres signes susceptibles de constituer une marque au sens de l'article 2 de cette directive. L'article 3, paragraphe 1, sous e), de celle-ci serait le seul texte portant spécifiquement sur l'enregistrement des signes tridimensionnels. Correctement interprétée, ladite directive tiendrait pleinement compte de l'intérêt que représente pour le commerce le fait que les formes des produits eux-mêmes sont maintenues disponibles pour l'usage des concurrents.

34. Toutefois, tant le gouvernement du Royaume-Uni que le gouvernement autrichien font valoir que, bien que le critère d'appréciation du caractère distinctif soit identique pour toutes les marques, dans la pratique, une entreprise éprouvera vraisemblablement plus de difficultés pour démontrer le caractère distinctif, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, lorsqu'il s'agira dune marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit que lorsque sera en cause une marque verbale ou figurative.

35. Or, s'agissant des marques verbales ou figuratives, le consommateur moyen serait habitué à ce que des mots, logos et signes similaires soient susceptibles de jouer un rôle important dans l'indication d'origine commerciale des produits sur lesquels ils sont apposés. En revanche, pour nombre de produits, les principaux traits de ceux-ci seraient influencés par leur fonction et des produits d'un même type présenteraient pour cette raison de nombreuses similitudes, de sorte qu'aucune forme ne se singulariserait en particulier. En outre, le caractère distinctif de la forme devrait également être apprécié au regard des variations normales du produit en cause. Si les différents traits de la forme relèvent des variations normales de ce produit, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir qu'il est improbable que le consommateur moyen attribue à celui-ci la signification d'une marque.

36. La Commission soutient que, outre l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, qui exclut l'enregistrement de la forme d'un produit si l'entreprise peut monopoliser cette forme au détriment de ses concurrents ou des consommateurs, la directive ne comporte pas de critères spécifiques concernant les formes faisant l'objet d'une demande d'enregistrement. Pour apprécier le caractère distinctif d'une marque, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, il n'y aurait donc pas lieu d'appliquer un critère plus strict aux marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit que celui utilisé pour d'autres types de marques.

Appréciation de la Cour

37. Il convient d'abord de rappeler que l'article 2 de la directive prévoit que tous les signes peuvent constituer des marques à condition qu'ils soient, d'une part, susceptibles d'une représentation graphique et, d'autre part, propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.

38. Il s'ensuit qu'un signe tridimensionnel représentant la forme d'un produit peut, en principe, constituer une marque à condition que ces deux critères soient réunis (voir arrêt du 18 juin 2002, Philips, C-299-99, Rec. p. I-5475, point 73).

39. Ensuite, en vertu de la règle prévue à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, sont refusées à l'enregistrement, ou susceptibles d'être déclarées nulles si elles sont enregistrées, les marques dépourvues de caractère distinctif.

40. Le caractère distinctif d'une marque au sens de ladite disposition signifie que cette marque est apte à identifier le produit pour lequel est demandé l'enregistrement comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises (voir arrêt Philips, précité, point 35).

41. En outre, le caractère distinctif d'une marque doit être apprécié par rapport, dune part, aux produits ou aux services pour lesquels son enregistrement a été demandé et, d'autre part, à la perception des milieux intéressés, qui sont constitués par les consommateurs de ces produits ou services. Il s'agit, selon la jurisprudence de la Cour, de la perception présumée d'un consommateur moyen de la catégorie de produits ou services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêts du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C-210-96, Rec. p. I-4657, point 31, et Philips, précité, point 63).

42. Enfin, la Cour a relevé, au point 48 de l'arrêt Philips, précité, que les critères d'appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. En effet, l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive ne fait aucune distinction entre différentes catégories de marques lors de l'appréciation de leur caractère distinctif.

43. Seul l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive individualise explicitement certains signes constitués par la forme du produit en énumérant les motifs spécifiques de refus d'enregistrement de tels signes. En vertu de cette disposition, sont refusés à l'enregistrement, ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés, les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature même du produit ou par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique ou par la forme qui donne une valeur substantielle au produit.

44. L'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive étant un obstacle préliminaire susceptible d'empêcher qu'un signe constitué exclusivement par la forme d'un produit puisse être enregistré, il s'ensuit que, si un seul des critères mentionnés à cette disposition est rempli, un tel signe ne peut être enregistré en tant que marque. En outre, celui-ci ne peut jamais acquérir un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait aux fins du paragraphe 3 de ladite disposition (voir arrêt Philips, précité, points 74 à 76).

45. Toutefois, dans l'hypothèse où cet obstacle préliminaire aurait été écarté, il demeure nécessaire de vérifier si le signe tridimensionnel constitué par la forme d'un produit doit être refusé à l'enregistrement en vertu d'un ou de plusieurs des motifs de refus mentionnés à ladite disposition, sous b) à d).

46. S'agissant de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, il convient de relever que ni l'économie de la directive ni le libellé de ladite disposition n'indiquent que des critères plus stricts que ceux utilisés pour d'autres catégories de marques devraient être appliqués lors de l'appréciation du caractère distinctif d'une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit lui-même.

47. En effet, ainsi qu'il ressort du point 40 du présent arrêt, le critère du caractère distinctif exige que, à l'égard de toute marque, celle-ci soit apte à identifier le produit comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à le distinguer de ceux d'autres entreprises.

48. Il n'en demeure pas moins, comme les gouvernements autrichien et du Royaume-Uni ainsi que la Commission le font valoir à juste titre, que, en pratique, le caractère distinctif d'une marque constituée par la forme d'un produit peut, au vu des critères rappelés aux points 40 et 41 du présent arrêt, s'avérer plus difficile à établir que celui d'une marque verbale ou figurative. Cette difficulté, qui peut être à l'origine de refus d'enregistrement de marques de cette nature, n'exclut pas, cependant, que celles-ci puissent acquérir un caractère distinctif après l'usage qui en serait fait et être, en conséquence, enregistrées comme marques sur le fondement de l'article 3, paragraphe 3, de la directive.

49. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que, pour apprécier le caractère distinctif, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, d'une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit, il n'y a pas lieu d'appliquer un critère plus strict que celui utilisé pour d'autres types de marques.

Sur la seconde question

50. Par la première branche de la seconde question, la juridiction de renvoi demande si, outre l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, l'article 3, paragraphe 1, sous c), de cette dernière a aussi une signification pour les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit.

51. S'agissant de la seconde branche de la seconde question, il convient d'observer que celle-ci se réfère à deux hypothèses distinctes selon la réponse que la Cour entend donner à la première branche de cette question.

52. Au cas où, outre l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, cette disposition sous c) aurait aussi une signification pour les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit, la juridiction de renvoi demande si, aux fins d'interpréter cette dernière disposition, il y a lieu de tenir compte de l'intérêt général du commerce à maintenir disponible la forme du produit, de sorte que l'enregistrement est en principe exclu et n'est possible, en règle générale, que pour les marques qui remplissent les conditions de l'article 3, paragraphe 3, première phrase, de la directive.

53. En cas de réponse négative à la première branche de la seconde question, à savoir au cas où ce serait uniquement l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive qui s'appliquerait aux marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit, la juridiction de renvoi demande néanmoins si, aux fins d'interpréter cette disposition, il y a lieu de tenir compte également de l'intérêt général du commerce à maintenir disponible la forme du produit.

Observations soumises à la Cour

54. Linde soutient que, outre l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, le paragraphe 1, sous c), de cette même disposition conserve une signification autonome pour les marques tridimensionnelles. Un impératif de disponibilité tenant compte des besoins concrètement constatés de la concurrence devrait être examiné au regard de cette dernière disposition, après vérification du fait que l'impératif absolu de disponibilité résultant dudit article 3, paragraphe 1, sous e), ne fait pas obstacle à l'enregistrement de la marque tridimensionnelle déposée.

55. Linde estime qu'il y a lieu de ne retenir l'existence d'un tel impératif de disponibilité que pour certaines formes, imposées par des contraintes techniques ou esthétiques liées à la nature du produit ou à son emballage, à savoir dans le domaine d'application de l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive. S'agissant d'autres formes de produits et d'emballages, il suffirait d'examiner au cas par cas le caractère distinctif et l'impératif de disponibilité.

56. Winward considère que les obstacles absolus à l'enregistrement qui sont énumérés à l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive s'appliquent uniquement lorsqu'il existe un impératif absolu de disponibilité de la forme déposée. Ladite disposition n'énoncerait pas de manière exhaustive les règles relatives à l'impossibilité de s'approprier des signes tridimensionnels constitués par la forme d'un produit et ne devrait pas s'appliquer lorsquil existe, outre la forme dont l'enregistrement est demandé, d'autres formes permettant d'atteindre le résultat technique escompté.

57. Selon Winward, l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive est applicable indépendamment de cette même disposition, sous e), y compris pour les marques qui représentent la forme du produit, mais ce serait dans le cadre de cette dernière disposition qu'il conviendrait de vérifier s'il existe un impératif de disponibilité.

58. Quant à Rado, elle fait valoir que, même si l'article 3, paragraphe 1, sous c) et e), de la directive poursuit des objectifs similaires, à savoir empêcher l'appropriation exclusive de formes dont le commerce a besoin pour le design de produits identiques, ces deux dispositions s'appliquent indépendamment lune de l'autre. Toutefois, selon elle, le domaine d'application dudit article, sous c), s'étend au-delà de celui de la même disposition, sous e).

59. Rado soutient, au regard de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, que les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit sont soumises aux mêmes critères d'appréciation que d'autres types de marques et qu'il n'y a pas lieu de retenir une interprétation restrictive, en ce sens que l'intérêt à préserver la disponibilité de telles marques tridimensionnelles ferait en principe obstacle à l'enregistrement de celles-ci.

60. Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive constitue la "première ligne de défense" dans la lutte pour empêcher la monopolisation injustifiée, par le biais du droit des marques, des formes des produits eux-mêmes. L'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive aurait une signification autonome par rapport à cette disposition, sous e), en excluant l'enregistrement de signes qui pourraient ne pas être exclus par celle-ci. Toutefois, le gouvernement du Royaume-Uni soutient que, si l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive est interprété de manière suffisamment utile, il est probable que la même disposition, sous c), ne sera appelée à s'appliquer que de manière limitée. En tout état de cause, l'intérêt du commerce à maintenir les formes des produits disponibles pour l'usage serait sauvegardé par l'application de ces deux dispositions de la directive.

61. La Commission fait valoir que le libellé de la directive n'indique en aucune manière que seul son article 3, paragraphe 1, sous e), serait applicable aux marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit. Selon elle, si de telles marques ne sont pas refusées à l'enregistrement en vertu de cette disposition, elles restent néanmoins subordonnées aux motifs de refus mentionnés à l'article 3, paragraphe 1, sous c). Cette dernière disposition devrait être appliquée de manière autonome lors de l'examen d'une demande d'enregistrement des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit.

62. La Commission rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, l'application de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive ne dépend pas de l'existence d'un impératif de disponibilité concret, actuel ou sérieux au sens de la jurisprudence allemande (voir, en ce sens, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 35). Au-delà de l'examen des conditions précises énumérées à cette disposition, il ne serait pas question de prendre en considération un impératif de disponibilité plus large. En effet, selon la Commission, l'intérêt du commerce à maintenir disponibles certaines formes figure déjà à l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive.

Appréciation de la Cour

63. S'agissant de la première branche de la seconde question, il convient de relever que, selon l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, sont refusées à l'enregistrement les marques descriptives, à savoir celles composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner les caractéristiques des produits ou des services pour lesquelles cet enregistrement est demandé.

64. En vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, sont refusés à l'enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature même du produit ou par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique ou par la forme qui donne une valeur substantielle au produit.

65. Ces motifs spécifiques de refus d'enregistrement de certains signes constitués par la forme du produit, qui sont explicitement mentionnés à l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, constituent, ainsi qu'il ressort du point 44 du présent arrêt, un obstacle préliminaire susceptible d'empêcher que de tels signes puissent être enregistrés (voir arrêt Philips, précité, points 74 et 76).

66. Toutefois, alors même que cet obstacle préliminaire aurait été écarté, il ne ressort ni du libellé de l'article 3, paragraphe 1, de la directive ni de l'économie de celle-ci que les autres motifs de refus d'enregistrement figurant à cette disposition, y compris à son paragraphe 1, sous c), ne puissent s'appliquer également aux demandes d'enregistrement de marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit.

67. En effet, il ressort clairement de l'article 3, paragraphe 1, de la directive que chacun des motifs de refus d'enregistrement mentionnés par cette disposition est indépendant des autres et exige un examen séparé.

68. Il s'ensuit que, si l'enregistrement d'un signe tridimensionnel constitué par la forme du produit n'est pas refusé en application de l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, un refus peut néanmoins être opposé si un tel signe relève d'une seule ou de plusieurs des catégories mentionnées par cette même disposition, sous b) à d).

69. S'agissant, en particulier, de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, rien, en principe, ne s'oppose à l'applicabilité de cette disposition à une demande d'enregistrement d'une marque tridimensionnelle constituée par la forme d'un produit. En effet, la référence aux marques composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir pour désigner des caractéristiques du produit ou de la prestation de service autres que celles expressément énumérées à cette disposition est suffisamment large pour couvrir une grande variété de marques, y compris des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit.

70. Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première branche de la seconde question que, outre l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, l'article 3, paragraphe 1, sous c), de cette dernière a aussi une signification pour les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit.

71. S'agissant de la seconde branche de la seconde question, il convient de rappeler à titre liminaire que, selon la jurisprudence de la Cour, il y a lieu d'interpréter les différents motifs de refus d'enregistrement énumérés à l'article 3 de la directive à la lumière de l'intérêt général qui sous-tend chacun d'entre eux (voir arrêts précités Windsurfing Chiemsee, points 25 à 27, et Philips, point 77).

72. S'agissant, plus précisément, de la seconde hypothèse envisagée par la juridiction de renvoi relative à l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive, il convient de relever que, pour certains signes tridimensionnels constitués par la forme d'un produit, la Cour a déjà jugé que la ratio des motifs de refus d'enregistrement prévus à cette disposition consiste à éviter que la protection du droit de la marque aboutisse à conférer à son titulaire un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d'un produit, susceptibles d'être recherchées par l'utilisateur dans les produits des concurrents (voir arrêt Philips, précité, points 78 à 80).

73. Selon la jurisprudence de la Cour, l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive poursuit un but d'intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquelles l'enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous, y compris en tant que marques collectives ou dans des marques complexes ou graphiques. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 25).

74. L'intérêt général qui sous-tend l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive implique que toutes les marques composées exclusivement de signes ou d'indications qui peuvent servir à désigner les caractéristiques d'un produit ou d'un service au sens de cette disposition soient librement à la disposition de tous et ne puissent faire l'objet d'un enregistrement, sous réserve de l'application du paragraphe 3 de la même disposition.

75. L'autorité compétente appelée à appliquer l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive auxdites marques est tenue de déterminer, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement est demandé, au vu d'un examen concret de tous les éléments pertinents caractérisant ladite demande et, notamment, à la lumière de l'intérêt général susmentionné, si le motif de refus d'enregistrement que prévoit cette disposition s'applique dans le cas d'espèce. Un tel examen concret est également requis en présence dune demande d'enregistrement dune marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit. Ladite autorité ne saurait, en revanche, opposer à une telle demande un refus de principe.

76. Il s'ensuit qu'une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit doit, comme toute autre catégorie de marques, être soumise à un examen de sa conformité avec l'ensemble des critères énumérés à l'article 3, paragraphe 1, sous b) à e), de la directive et que ceux-ci doivent être interprétés et appliqués, dans chaque cas d'espèce, à la lumière de l'intérêt général qui sous-tend chacun d'entre eux.

77. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre, quant à la seconde branche de la seconde question, que, lors de l'examen, dans chaque cas concret, du motif de refus d'enregistrement prévu à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, il faut tenir compte de l'intérêt général qui sous-tend cette disposition, à savoir que toutes les marques tridimensionnelles constituées par la forme d'un produit composées exclusivement de signes ou d'indications qui peuvent servir à désigner les caractéristiques d'un produit ou d'un service au sens de cette disposition soient librement à la disposition de tous et ne puissent faire l'objet d'un enregistrement, sous réserve de l'application de l'article 3, paragraphe 3, de ladite directive.

Sur les dépens

78. Les frais exposés par les gouvernements autrichien et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesgerichtshof, par ordonnances du 23 novembre 2000, dit pour droit:

1) Pour apprécier le caractère distinctif, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89-104-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, dune marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit, il n'y a pas lieu d'appliquer un critère plus strict que celui utilisé pour d'autres types de marques.

2) Outre l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la première directive 89-104, l'article 3, paragraphe 1, sous c), de cette dernière a aussi une signification pour les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit.

Lors de l'examen, dans chaque cas concret, du motif de refus d'enregistrement prévu à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89-104, il faut tenir compte de l'intérêt général qui sous-tend cette disposition, à savoir que toutes les marques tridimensionnelles constituées par la forme d'un produit composées exclusivement de signes ou d'indications qui peuvent servir à désigner les caractéristiques d'un produit ou d'un service au sens de cette disposition soient librement à la disposition de tous et ne puissent faire l'objet d'un enregistrement, sous réserve de l'application de l'article 3, paragraphe 3, de ladite directive.