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Décisions

Conseil Conc., 12 janvier 2009, n° 09-D-01

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par le CESAM dans le secteur de l'expertise des bateaux de plaisance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mlle Nouët, par Mme Aubert, vice-présidente, présidente de séance, MM. Piot, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 09-D-01

12 janvier 2009

Le Conseil de la concurrence (Section IV),

Vu la lettre enregistrée le 7 décembre 2006, sous le numéro 06/0093 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupement d'intérêt économique CESAM, dans le secteur de l'expertise des bateaux de plaisance ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu l'évaluation préliminaire des préoccupations de concurrence en date du 22 juillet 2008 ; Vu les engagements proposés par le groupement d'intérêt économique CESAM ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, et les représentants du CESAM entendus lors de la séance du 3 décembre 2008 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. Par lettre du 7 décembre 2006, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques susceptibles d'être contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce concernant le secteur de l'expertise des bateaux de plaisance. Ces pratiques ont trait au mode de sélection des experts maritimes recommandés par le CESAM, organisme regroupant des assureurs.

A. LE SECTEUR DE L'EXPERTISE POUR LES BATEAUX DE PLAISANCE

2. Les bateaux de plaisance sont définis comme les embarcations de moins de 24 mètres, fluviales ou maritimes, quel qu'en soit le type de propulsion, utilisées à des fins sportives ou de loisirs, qu'elles fassent l'objet ou non d'une exploitation commerciale.

1. LES ACTEURS DU SECTEUR

a) Les experts

La fonction de l'expert

3. L'expert " plaisance " est un spécialiste technique qui est chargé d'effectuer des vérifications, des analyses et des évaluations concernant des bateaux de plaisance. Il peut conseiller pour décider de travaux ou de l'achat d'un bateau de plaisance, apporter un avis technique à la suite d'une avarie, d'une fortune de mer ou d'un litige, estimer une valeur de vente, d'achat ou d'assurance, jouer un rôle d'arbitre ou de maître d'œuvre pour fixer ou suivre des travaux de construction ou de réparation.

4. Les experts agissent principalement sur requête des compagnies d'assurances et des mutuelles pour expertiser un navire après sinistre (dans le cadre d'un contrat d'assurance corps c'est-à-dire pertes et avaries) ou afin d'en déterminer la valeur : les compagnies demandent généralement aux assurés ou futurs assurés de produire un rapport d'expertise avant d'accorder leur garantie ; une telle expertise est exigée pour les bateaux d'occasion et doit être réactualisée, selon les compagnies, tous les trois ou cinq ans.

5. Le nombre des experts maritimes qu'ils soient généralistes ou spécialisés pour la plaisance, la pêche ou le commerce n'a pu être précisé ; les estimations des différents acteurs du secteur allant de plus de 300 à moins de 100.

La formation

6. Il n'existe actuellement en France aucune exigence de diplôme pour exercer la profession. L'Ecole nationale de la marine marchande du Havre propose néanmoins un enseignement sous la forme de modules destinés aux élèves futurs officiers et adaptables à la formation continue des experts pratiquants. En dehors des démarches propres à la création d'une société et de celles relatives aux obligations sociales et fiscales, qui sont identiques à celles de n'importe quelle activité libérale, aucune démarche particulière n'est donc imposée pour exercer la profession.

7. Cependant, depuis février 2008, le CNPP (Centre national de prévention et de protection) a mis en place, avec le concours de différents organismes, une certification " experts Évaluateurs et d'Assurance " (ci après " EEA ") pour la plaisance (Cirières T-102-4). Le CNPP est une association loi de 1901, regroupant assureurs et professionnels techniques, créée en 1956, qui a pour objet de développer, diffuser et évaluer les connaissances et savoir-faire concernant la sécurité des personnes, du patrimoine matériel et immatériel et de l'environnement, dans toutes les activités et tous les milieux. Ses activités s'organisent autour de plusieurs métiers, dont celui d'organisme certificateur. Dans le cadre de la certification EEA "Plaisance", 55 dossiers de candidature ont jusqu'à présent été reçus par le CNPP. La recevabilité des candidatures a été examinée en juin et les premiers examens écrits et oraux ont eu lieu fin 2008.

8. Les critères de la certification du CNPP comprennent la formation initiale, la formation continue, l'expérience, les qualités personnelles et l'aptitude au management et à la conduite de projets. En matière de compétences professionnelles, l'expert doit cumuler un certain niveau de formation initiale avec une expérience d'au moins trois ans dans l'expertise maritime et une autre expérience professionnelle (1). L'expert doit aussi avoir suivi une formation continue pour développer sa compétence dans la conduite de l'expertise. Des connaissances minimales doivent être développées dans les domaines suivants : architecture navale ; gréement et équipement de pont ; propulsion, systèmes divers, électricité et électronique ; réglementation et expertise ; sinistralité. Le CNPP opère une vérification des connaissances par une épreuve écrite (QCM + questions techniques et études de cas) puis une épreuve orale. En matière de compétences personnelles, l'expert doit posséder les qualités suivantes : capacité à exprimer clairement des concepts et des idées à l'écrit et à l'oral ; diplomatie, tact et capacité à écouter, indépendance, objectivité et organisation.

9. La certification n'est donnée qu'aux personnes physiques pour une durée maximale de six ans. Chaque année, l'expert communique un état de sa situation (missions réalisées, formations, relevé des réclamations). Une surveillance annuelle est effectuée par le secrétariat du CNPP afin de s'assurer que l'expert exerce son activité et met à jour ses connaissances. Tous les trois ans, le CPPN (via le comité particulier de certification des EEA) procède à l'examen approfondi de chaque dossier.

b) Les organisations professionnelles d'experts maritimes

10. Plusieurs organisations professionnelles regroupent des experts maritimes, notamment la Fédération des industries nautiques, la Chambre nationale des experts maritime plaisance, la Fédération internationale des experts maritimes, l'Union professionnelle des experts maritimes. Il existe aussi des groupements d'experts qui constituent des bureaux d'expertise comme Texa, Seeri et Poly-experts. Parmi ces organisations, certaines sont sélectives dans le choix de leurs membres et les experts peuvent adhérer à plusieurs d'entre elles simultanément.

c) Le CESAM

11. Dès le XVIe siècle, les assureurs des navigateurs et armateurs ont éprouvé le besoin de se grouper pour mettre en commun leurs sources de renseignements et pour partager entre eux certains risques. La Chambre d'assurance et de grosse aventure de France fut instituée à Paris en 1668. En 1836, les assureurs décidèrent de se réorganiser et instituèrent la Réunion des assureurs maritimes de Paris qui prit le nom de Comité des assureurs maritimes de Paris. En 1942, le Comité de Paris fut transformé en Comité central des assureurs maritimes de France qui devint en 1988 le Comité d'études et de services des assureurs maritimes et transports (CESAM).

12. Le CESAM est un GIE. En 2004, 79 compagnies d'assurances en étaient membres. Elles sont 46 en 2008. Les expertises réalisées pour le compte des compagnies membres du CESAM pourraient donc représenter une partie importante du marché de l'expertise plaisance.

13. Le CESAM a pour mission de faciliter et de développer l'activité économique de ses membres. Il met à leur disposition des services techniques, administratifs et financiers. En matière d'expertise, le CESAM a pour mission statutaire de proposer aux assureurs et aux assurés une liste d'experts reconnus pour leur qualité technique. Les compagnies d'assurances s'appuient en particulier sur les experts pour la collecte d'informations, l'étude de risques, la prévention de sinistres et la lutte contre la fraude à l'assurance. Selon les "Conditions et modalités d'inscription sur la liste des experts CESAM - 31/01/2003" : " Le CESAM met à la disposition de ses adhérents et de leurs assurés quatre réseaux d'experts recommandés qui sont, plus particulièrement, spécialisés dans les domaines :

- du transport terrestre (routier et ferroviaire), ainsi que pour les expertises nécessitant le recours à des experts Vétérinaires ;

- de la navigation de plaisance (maritime, fluviale ou lacustre) ;

- de la pêche (industrielle ou artisanale) ;

- du transport maritime et fluvial (aussi bien en matière " Corps " que " Facultés ") ".

14. Le CESAM a donc développé un réseau européen d'experts recommandés qui représentait, en 2006, 276 experts, dont 105 pour la plaisance, réalisant plus de 24 000 interventions pour compte des assureurs du marché français.

2. LA RECOMMANDATION DES EXPERTS PLAISANCE PAR LE CESAM

15. L'importance relativement réduite du marché de l'expertise plaisance et l'absence de normes ou cadre réglementaire et, jusqu'à très récemment, de certification spécifique à cette profession, ont conduit les compagnies d'assurances regroupées au sein du CESAM à procéder à une sélection d'experts qui leur est propre. Selon une note du 14 mars 2006 du CESAM adressée à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : " La constitution d'une liste commune par les assureurs membres du CESAM est née de l'intérêt de concentrer les besoins afin de faciliter la mise à disposition d'experts reconnus comme étant techniquement compétents. Financièrement, il est moins intéressant pour les assureurs de constituer leur propre liste en raison du temps à y consacrer par chacun d'eux et du "turnover" existant chez eux. Le fait de réunir les personnes compétentes au sein de chaque compagnie d'assurances donne à la liste établie un caractère d'objectivité qu'elle n'aurait probablement pas si chacune d'elle établissait sa propre liste. Ainsi, tant la différence de coût que l'objectivité permet d'offrir aux assurés la qualité de services qu'ils sont en droit d'attendre ".

16. Le CESAM recommande ainsi chaque année des experts, figurant sur une liste publique. Le CESAM n'a cependant pas établi de liste d'experts pour 2008, du fait du mécanisme de certification mis en place par le CNPP. Le directeur des relations extérieures du CESAM a précisé lors de son audition du 25 juin 2008 que " celle qui est présente sur le site internet du CESAM est celle de 2007 ". Une nouvelle liste sera cependant établie pour 2009 : " nous allons continuer à faire des recommandations. Les candidatures ne seront examinées par le CESAM que [si les candidats] ont la qualification CNPP. La certification sera le critère montrant que l'expert a les qualifications requises pour conduire une expertise ".

17. Les listes des experts recommandés de 1999 à 2005 diffusées par courrier portent un avis à l'attention des assurés sur les démarches et les obligations qui, conformément aux dispositions de leur police d'assurances, leur incombent lorsque survient un sinistre matériel à leur bateau " L'assuré...doit provoquer immédiatement la constatation des avaries par l'expert recommandé nommément désigné dans sa police d'assurance ou ses annexes ". En 2006 et 2007, l'avis porté sur la liste des experts recommandés indique que " L'assuré...doit prendre contact avec eux [son assureur ou son représentant] pour fixer les dispositions à arrêter quant à l'expertise à diligenter. En cas d'urgence, ou s'il ne peut pas joindre ces derniers, il doit provoquer immédiatement la constatation des avaries par l'expert recommandé nommément désigné dans sa police d'assurance ou ses annexes ".

18. De 1999 à 2008, le nombre d'experts plaisance recommandés pour la France métropolitaine a varié entre 73 et 83.

a) Le statut d'expert recommandé par le CESAM et les modalités d'inscription

19. Selon le CESAM, la recommandation correspond à un simple référencement, c'est-à-dire que l'expert peut s'en prévaloir mais l'assureur conserve une totale liberté de choix de l'expert. Ainsi, l'article 2 des "Conditions et modalités d'inscription sur la liste des experts CESAM - 31/01/2003" précise que :

a) Les experts inscrits sur une liste d'experts recommandés du CESAM ne sont en aucun cas " agréés" mais " recommandés " aux sociétés d'assurances Membres du Groupement et à leurs mandataires.

c) L'inscription sur une liste d'experts recommandés ainsi que les missions qui leur sont confiées ne créent aucun lien juridique entre ces experts, les sociétés d'assurances ou leurs mandataires ainsi que le CESAM.

20. Le règlement intérieur du CESAM du 29 juin 1998 précise que : " Les conditions et modalités d'inscription sur les listes d'experts recommandés du CESAM sont arrêtées par le conseil d'administration du groupement ". Selon l'article 1 des "Conditions et modalités d'inscription sur la liste des experts CESAM - 31/01/2003" :

" En application de l'article II du règlement intérieur du groupement, le Conseil d'Administration a arrêté les conditions et les modalités d'inscription sur les listes d'experts recommandés du CESAM comme suit :

Art. 1 - Examen des candidatures

Les candidatures des experts à l'inscription sur une liste d'experts recommandés sont adressées par écrit au CESAM, accompagnées d'un dossier comportant, notamment, la justification de leurs compétences techniques et de leur expérience pour l'inscription sur la liste à laquelle ils postulent, ainsi qu'une fiche confidentielle de renseignements.

Après étude par les services du groupement, les dossiers de candidatures, pouvant être retenus, sont examinés par les commissions d'assureurs compétentes qui arrêtent les listes annuelles des experts recommandés. Ces commissions sont seules habilitées, en liaison avec la commission technique consultative du CESAM, à retenir les candidatures présentées et à renouveler les inscriptions des experts recommandés après accord des membres du conseil d'administration du CESAM ".

21. Selon les articles 2 et 3 des "Conditions et modalités d'inscription sur la liste des experts CESAM - 31/01/2003", " L'inscription d'un expert sur une liste d'experts recommandés est attribuée à titre personnel " et " L'inscription sur une liste d'experts recommandés est effectuée pour une période d'un an renouvelable "

b) Les critères d'admission

22. Par procès-verbal du 17 décembre 2004, le directeur des relations extérieures du CESAM déclarait : " Ces experts sont choisis et retenus en fonction de leurs qualités et des besoins des assureurs [...]. Si l'expert semble avoir une compétence technique et qu'il existe un besoin dans la région où il souhaite intervenir, son dossier est constitué puis soumis à la commission technique ad hoc, qui décide ou non de retenir sa candidature technique. [...] Nos critères pour retenir un expert correspondent à l'expérience technique de cet expert et le besoin de développer ou non localement le nombre d'experts. Nous avons une liste établie du nombre d'experts nécessaires par région. Plutôt, ce sont les assureurs qui savent ce nombre d'experts nécessaires. Lors des commissions techniques de recommandation d'experts, les assureurs considèrent que le nombre d'experts est suffisant ou non, en fonction de leur portefeuille. Il n'est pas écrit le nombre d'experts nécessaires par région. Le nombre des experts recommandés CESAM évolue en fonction des besoins, de l'activité des assureurs ".

23. Par procès-verbal du 15 décembre 2005, il précisait : " Les critères de recommandation sont :

- l'expérience professionnelle

- le non-mélange des activités

[...] Pour l'instant, nos critères de sélection ne sont pas formalisés par écrit. Seule la fiche confidentielle de renseignements permet de déterminer les axes de choix ".

24. Selon cette fiche confidentielle de renseignements, sont demandés :

1. des renseignements généraux : nom, prénom ; date et lieu de naissance...

2. des renseignements relatifs aux études et à l'expérience professionnelle : études ; diplômes ; langues étrangères ; expérience professionnelle ; expérience en marine de plaisance (construction, réparation, activités commerciales, activités de services).

3. des renseignements relatifs à l'activité d'expert : agrément éventuel par les tribunaux ; spécialisation éventuelle ; exercice d'une autre activité ; appartenance à une organisation professionnelle ou syndicale ; nombre d'interventions annuelles (coque, moteur, propulsion, électronique, accastillage, autres...) ; montant moyen des honoraires en pré- assurance et sinistre ; sociétés d'assurances pour lesquelles l'expert intervient déjà...

25. Le 14 mars 2006, le directeur des relations extérieures du CESAM a communiqué à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes une note du 13 mars 2006 indiquant que " l'inscription sur la liste du CESAM tient compte des critères suivants :

a) l'âge du candidat (limite maximum d'inscription sur la liste : 65 ans)

b) l'expert ne doit avoir aucune autre activité que celle d'expert [...]

c) numerus clausus sur la zone : la zone définie doit permettre une réduction des coûts globaux d'expertise et des délais d'intervention mais doit assurer aux experts un volume d'affaires suffisant pour maintenir à un haut niveau leur qualité d'expertise. Sauf à prendre en compte une activité connexe telle que commissaire d'avaries ou expert pêche, le nombre d'interventions d'un expert ne doit pas être inférieur à 150 par an.

d) qualités relationnelles : la nature même du travail de l'expert suppose une capacité particulière au contact avec les assureurs, les courtiers, les agents, les fournisseurs mais aussi et surtout les assurés.

e) expérience en matière d'expertise (3 à 5 ans minimum)

f) expérience maritime générale et plaisance en particulier (techniques de conception, de construction, de réparation, d'entretien, de navigation de plaisance).

g) maîtrise de langues étrangères (anglais, italien) ".

Toutefois cette note n'a pas été portée à la connaissance des candidats potentiels.

26. Le directeur des relations extérieures du CESAM a également déclaré : " Nous considérons que pour être un bon expert, il faut effectuer par année un certain nombre d'expertises. Nous avons estimé ce nombre à 150 [par an], correspondant au chiffre minimum pour le maintien du niveau technique de l'expert ".

c) La pratique d'inscription sur la liste des experts recommandés par le CESAM

Les nouvelles recommandations

27. L'examen des documents fournis par le CESAM concernant des candidatures évaluées entre 2002 et 2007 montre que les critères précédemment exposés n'ont pas toujours été respectés. Il révèle aussi que, bien que des candidatures paraissent de qualité équivalente, certaines ont été accueillies et d'autres non, voire que certaines candidatures, a priori meilleures que d'autres acceptées, n'ont pas reçu de suite favorable.

Les renouvellements de recommandation

28. Selon l'article 6 des " Conditions et modalités d'inscription sur la liste des experts CESAM - 31/01/2003 ", " Les experts inscrits sur les listes des experts recommandés sont tenus d'adresser au Groupement un compte rendu annuel de leurs activités ".

29. Pour 2003, il apparaît que 16 experts n'ont pas fourni le compte rendu annuel de leurs activités et 15 experts ont effectué moins de 150 interventions. Tous figurent sur la liste 2004 du CESAM.

30. Pour 2004, il apparaît que 4 experts n'ont pas fourni le compte rendu annuel de leurs activités et 25 experts ont effectué moins de 150 interventions. 24 d'entre eux figurent sur la liste 2005 du CESAM.

31. Pour 2006, il apparaît que 21 experts n'ont pas fourni le compte rendu annuel de leurs activités et 63 experts ont effectué moins de 150 interventions. Tous figurent sur la liste 2007 du CESAM.

32. Pour 2007, il apparaît que 16 experts n'ont pas fourni le compte rendu annuel de leurs activités et 66 experts ont effectué moins de 150 interventions. Tous figurent sur la liste 2007/2008 du CESAM.

B. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENTS

33. Le CESAM s'étant déclaré prêt à apporter des modifications à son système de recommandation d'experts, et les circonstances de l'espèce s'y prêtant, il a été décidé de recourir à la procédure d'engagements prévue au I de l'article L. 462-4 du Code de commerce. A cet effet, la rapporteure a exprimé des préoccupations de concurrence au CESAM par note du 22 juillet 2008, en exposant notamment les éléments qui suivent.

1. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE

34. Dans la décision n° 01-D-32 du 27 juin 2001 relative à la saisine de M. Henri X... dirigée contre des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Saint-Laurent-du-Var, le Conseil a indiqué " qu'un groupement d'intérêt économique, créé en vue d'améliorer les conditions d'exploitation de ses membres, ne constitue pas en soi une entente prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; que, toutefois, le recours à une telle structure ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions, lorsqu'il est établi qu'elle a été utilisée pour mettre en œuvre des pratiques concertées ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de limiter le libre exercice de la concurrence ".

35. En l'espèce, le CESAM est un GIE au service des assureurs maritimes et transports. Il a pour mission statutaire de proposer aux assureurs et aux assurés une liste d'experts reconnus pour leur qualité technique. Cette liste d'experts recommandés est établie pour la plaisance par une commission technique "Plaisance" constituée de représentants d'assureurs ainsi que des agents et des courtiers ("Conditions et modalités d'inscription sur la liste des experts CESAM - 31/01/2003"). Le règlement intérieur du CESAM du 29 juin 1998 précise que " Les conditions et modalités d'inscription sur les listes d'experts recommandés du CESAM sont arrêtées par le conseil d'administration du groupement ".

36. Ainsi, définissant les critères d'inscription des experts plaisance sur les listes annuelles d'experts recommandés, le GIE CESAM est susceptible de mettre en œuvre des pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet de limiter le libre exercice de la concurrence auxquelles est applicable l'article L. 420-1 du Code de commerce. Il est de même possible que l'article 420-2 du Code de commerce s'applique au CESAM dans l'hypothèse où le marché de la "labellisation" des experts plaisance recouperait largement le champ de la "recommandation" des experts plaisance par le CESAM.

37. Dans sa pratique décisionnelle, le Conseil de la concurrence a déjà à plusieurs reprises sanctionné des pratiques collectives ayant pour objet ou pour effet de restreindre l'accès d'opérateurs économiques à un marché. Tel a notamment été le cas de pratiques d'un organisme représentant des assureurs, agréé par le ministère de l'industrie pour certifier des matériels de sécurité contre l'incendie et le vol, qui excluait a priori du bénéfice de cette qualification certaines catégories d'opérateurs sans utiliser des critères objectifs (décision n° 95-D-50 du 4 juillet 1995, confirmé par la Cour d'appel de Paris le 12 avril 1996) : " s'il était loisible à l'APSAD de soumettre l'obtention de la qualification APSAD à des critères techniques objectifs et justifiés par des raisons de sécurité, elle ne pouvait exclure a priori du bénéfice de cette qualifications une ou plusieurs catégories d'opérateurs indépendamment de tels critères sans mettre en œuvre une pratique susceptible d'être prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " ; " le fait pour une entreprise d'installation ou de maintenance d'extincteurs de ne pas bénéficier de la qualification APSAD peut constituer un désavantage dans la concurrence. "

38. En l'espèce, s'il est loisible au CESAM de soumettre l'obtention de sa recommandation à des critères objectifs, ceux-ci ne sont en l'occurrence pas écrits, pas connus des experts, ni même toujours appliqués par le CESAM. En particulier, la fiche de renseignements mentionnée au paragraphe 24 de la présente décision ne permet pas aux experts candidats de connaître les critères qui leur seront appliqués puisqu'il n'y est par exemple pas fait mention d'une durée minimale d'exercice de la profession, ni d'un nombre minimal d'interventions annuelles, ni des langues dont la maîtrise est nécessaire. De plus, le " numerus clausus " appliqué est en lui-même restrictif de concurrence, sans que les raisons avancées pour le justifier paraissent convaincantes.

2. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LE CESAM

39. Les engagements proposés par le CESAM le 8 septembre 2008 sont les suivants :

- édicter et formaliser une liste de critères objectifs d'admission sur la liste des experts plaisance qu'il recommande ;

- porter ces critères à la connaissance des experts plaisance sur son site internet ;

- appliquer ces critères.

40. Concrètement, le CESAM propose de publier sur son site internet un texte reprenant : (i) les critères d'admission sur la liste des experts plaisance recommandés, (ii) la procédure d'admission sur cette liste et (iii) les termes de la charte que les experts recommandés doivent s'engager à respecter.

41. Les critères cumulatifs d'admission seraient : (i) l'aptitude professionnelle : le candidat devrait être titulaire de la certification EEA désormais délivrés par le CNPP, (ii) l'âge : sauf dérogation, il ne pourrait être supérieur à 65 ans, (iii) l'indépendance : le candidat ne devrait exercer aucune activité pouvant mettre en cause son impartialité et ne détenir aucune participation financière dans une entreprise liée à la plaisance, (iv) la maîtrise de l'anglais et/ou de l'italien, et (v) le nombre d'experts recommandés : il resterait limité pour une zone géographique donnée.

42. Sur ce dernier critère, le CESAM considère que pour maintenir l'excellence de leur art, les experts doivent être en mesure de réaliser un nombre significatif d'expertises par an. De ce fait, pour les zones ayant atteint un certain nombre d'experts recommandés, l'admission de nouvelles candidatures serait conditionnée à l'augmentation constatée ou raisonnablement prévisible de la demande d'expertise sur la zone concernée ou à l'absence de renouvellement de recommandations existantes.

43. La procédure d'admission impliquerait un acte de candidature de l'expert dans le mois qui suit l'obtention de la certification EEA. Les candidatures seraient ensuite examinées, dans les deux mois qui suivent la certification, par la sous-commission plaisance du CESAM dont les membres sont nommés et révoqués par la commission technique consultative des réseaux de commissaires d'avaries et d'experts recommandés du CESAM. La sous-commission plaisance informerait ladite commission technique de ses décisions, cette dernière pouvant émettre un avis pour des cas particuliers. Les candidats seraient ensuite informés par courrier motivé de la décision.

44. La charte des experts plaisance recommandés par le CESAM insiste notamment sur le caractère nominatif de la recommandation, sur la liberté des sociétés d'assurance membres du CESAM de choisir leurs experts en dehors de la liste des experts recommandés, sur le secret professionnel, sur la nécessité pour les experts d'adresser au CESAM un compte rendu annuel de leurs activités et sur le fait que l'inscription sur la liste est effectuée pour une période d'un an renouvelable.

45. Par un communiqué de procédure du 10 septembre 2008, le Conseil a publié la proposition d'engagements du CESAM sur son site Internet à l'attention des tiers potentiellement intéressés susceptibles de présenter des observations. Aucune observation n'a été soumise au Conseil dans le délai imparti.

46. Parallèlement à la consultation du marché, la proposition d'engagements a été adressée au commissaire du Gouvernement qui a adressé au Conseil ses observations écrites, communiquées ensuite au CESAM.

II. Discussion

47. Selon les dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence " peut accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles ".

48. Dans la mesure où la recommandation du CESAM peut constituer un avantage concurrentiel pour des experts plaisance, les conditions d'obtention de cette recommandation doivent être objectives, transparentes et non discriminatoires et ne pas limiter indûment l'accès à cet avantage. Les engagements proposés par le CESAM doivent donc être examinés au regard de ces principes.

49. Le CESAM propose de s'engager sur des critères d'admission sur sa liste d'experts plaisance recommandés, sur des critères d'exercice de l'activité par ces experts (la charte) et sur la procédure d'admission et de maintien sur ladite liste.

Les critères d'admission

50. Comme indiqué précédemment, les critères cumulatifs d'admission prévus sont liés à : (i) l'aptitude professionnelle, (ii) l'âge, (iii) l'indépendance, (iv) la maîtrise de langues étrangères et (v) le nombre d'experts recommandés, limité pour une zone géographique donnée.

51. Le critère de l'aptitude professionnelle, sanctionnée par la certification EEA délivrée par le CNPP, paraît justifié, en l'absence de diplôme d'Etat. L'exigence d'une certification par un organisme indépendant du CESAM doit à cet égard être considérée comme objective et transparente.

52. Le critère de l'âge du candidat (au maximum 65 ans, sauf dérogation particulière) doit lui aussi être considéré comme un critère objectif et transparent. La dérogation envisagée est justifiée dans la mesure où elle peut permettre de pallier une insuffisance d'offre dans une zone géographique. Il serait néanmoins préférable de préciser à cet égard que l'appréciation du recours à la dérogation doit tenir compte des candidatures de nouveaux experts remplissant les conditions d'admission.

53. L'indépendance du candidat vis-à-vis de divers intérêts apparaît certes comme une garantie d'impartialité. Cependant, les activités susceptibles de porter atteinte à l'indépendance devraient être précisées afin d'éviter autant que possible les appréciations discriminatoires.

54. La maîtrise de langues étrangères est justifiée par le type d'activité en cause.

55. Le critère relatif à la limitation du nombre d'experts recommandés par zone géographique n'est en revanche pas acceptable. En effet, il instaure un numerus clausus par zone sans être fondé sur la nécessité de rentabiliser des investissements spécifiques ou des sujétions particulières ; de plus, la nécessité d'entretenir une pratique professionnelle suffisante peut être assurée par d'autres moyens. A lui seul, le souci de réserver un volant d'activité économique significatif à chaque expert recommandé par le CESAM, évoqué sans plus de précisions, ne peut pas être accueilli au regard des règles de concurrence.

La procédure d'admission

56. La proposition du CESAM formalise la procédure de recommandation des experts et vise à apporter des garanties d'objectivité. Cependant, elle devrait préciser par qui les membres de la sous-commission plaisance du CESAM, qui représentent les assureurs et se prononcent sur les candidatures, sont nommés et rien n'est prévu quant à leur nombre, au quorum pour prendre les décisions ou aux motifs de révocation desdits membres.

57. Selon la proposition, les décisions de la sous-commission seront motivées et notamment les décisions de refus de recommandation indiqueront le ou les critères d'admission qui ne sont pas remplis par le candidat. La motivation des décisions apporte à cet égard des garanties d'objectivité, de transparence et de non discrimination. Cependant, la possibilité pour la commission technique consultative des réseaux de commissaires d'avaries et d'experts recommandés d'émettre un avis sur des cas particuliers introduit une certaine opacité, dans la mesure où la nature de ces cas particuliers n'est pas précisée et où de tels avis, dont les conditions d'obtention ne sont pas précisées, ne constituent pas un moyen de recours transparent contre les décisions de la sous-commission plaisance.

La charte des experts plaisance recommandés

58. La charte des experts plaisance recommandés par le CESAM insiste notamment sur le caractère nominatif de la recommandation, sur l'obligation faite aux experts d'appliquer strictement les recommandations diffusées par le CESAM, sur la liberté des sociétés d'assurance membres du CESAM de choisir leurs experts en dehors de la liste des experts recommandés, sur le secret professionnel, sur la nécessité pour les experts d'adresser au CESAM un compte rendu annuel de leurs activités, sur le fait que l'inscription sur la liste est effectuée pour une période d'un an renouvelable et que tout manquement à la Charte entraîne une exclusion automatique de la liste.

59. Cette charte permet ainsi une meilleure information des droits et obligations des experts.

60. Cependant, la portée de l'obligation faite aux experts d'appliquer strictement les recommandations diffusées par le CESAM n'est pas claire et elle pourrait être interprétée d'une façon jetant un doute sur l'impartialité des experts.

61. L'obligation, pour les experts recommandés, de fournir un compte rendu annuel de leurs activités permet pour sa part à la sous-commission plaisance de se prononcer de manière non discriminatoire sur le renouvellement des recommandations. Cependant, alors que cette obligation existe déjà actuellement, le Conseil constate que de nombreux experts ne fournissent pas de compte rendu annuel d'activité. Il conviendrait de prévoir que le défaut de fourniture de ce compte rendu annuel peut être sanctionné pas le non-renouvellement de l'inscription.

62. Compte tenu des remarques exposées précédemment (paragraphes 52, 53, 56, 57, 60 et 61), le CESAM a modifié en séance ses propositions d'engagements. Il a notamment décidé de renoncer au " numerus clausus " par zone géographique. En définitive, le CESAM a pris les engagements qui sont reproduits en annexe à la présente décision.

63. Le Conseil considère que les engagements du CESAM, corrigés ou précisés par les modifications qu'il a proposées à l'issue des débats, répondent aux préoccupations de concurrence soulevées dans cette affaire et présentent un caractère crédible et vérifiable. Il y a donc lieu d'accepter les engagements du CESAM et de clore la procédure.

Décision

Article 1er : Le Conseil accepte les engagements pris par le CESAM, qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires dès la notification de cette décision et ils devront faire l'objet dans les plus brefs délais d'une information aux experts plaisance opérant sur le marché national, notamment dans la presse spécialisée dans les activités nautiques.

Article 2 : La saisine enregistrée sous le numéro 06/0093 F est close.

1 Si l'expert a un niveau Bac +5, son expérience hors expertise devra être d'au moins deux ans ; elle devra être d'au moins 8 ans pour un niveau Bac +3 et d'au moins 14 ans pour un niveau Bac.