CA Paris, 5e ch. A, 21 janvier 2009, n° 06-18016
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe Volkswagen France (SA)
Défendeur :
Montélimar Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fèvre
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Monin-d'Auriac de Brons, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Henry, Bourgeon, Selas Vogel & Vogel
LA COUR,
Vu le jugement du 19 septembre 2006 par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Groupe Volkswagen France à verser à la société Montélimar Automobiles la somme de 49 757 euro à titre de dommages-intérêts, outre 4 000 euro au titre des frais et dépens;
Vu l'appel interjeté par la société Groupe Volkswagen France et ses conclusions enregistrées le 18 novembre 2008 et tendant à l'infirmation du jugement ainsi qu'au débouté de la société Montélimar Automobiles de toutes ses demandes ;
Vu, enregistrées le 24 novembre 2008, les conclusions présentées par la société Montélimar Automobiles et tendant à la réformation du jugement quant à l'indemnisation allouée et à la condamnation de l'appelante à verser à titre de dommages-intérêts les sommes de 736 414 euro et 193 562 euro ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Groupe Volkswagen France (ci-après désignée GVF) [sic] et l'importation en France des véhicules neufs et des pièces de rechange neuves de marques Seat, Volkswagen et Audi qu'elle distribuait jusqu'au 30 septembre 2003 par l'intermédiaire de plusieurs réseaux de concessionnaire, propres à chaque marque et disposant, chacun, de l'exclusivité territoriale; qu'en vertu d'un contrat de concession conclu le 1er février 1997 pour une durée déterminée et conforme au règlement d'exemption communautaire n° 1475-95, la société Montélimar Automobiles était le concessionnaire de la société GVF pour la marque Seat sur le territoire de Montélimar, que, cependant à la suite de l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2003, du nouveau règlement d'exemption, automobile n° 1400-2002 du 31 juillet 2002, la société GVF a opté pour la mise en place d'un système de distribution sélective quantitative, lequel conduit, notamment, à la suppression de la notion de territoire exclusif, tout revendeur pouvant vendre activement, autant que passivement hors de son territoire ; que dans ce contexte l'intéressé à notifié le 23 septembre 2002 à la société Montélimar Automobiles la résiliation du contrat les liant avec un délai de préavis réduit à une année au motif qu'il s'agissait d'une réorganisation substantielle de son réseau, laquelle autorisait la mise en œuvre d'un délai dérogatoire à celui de 2 ans normalement applicable ; que reprochant à son concédant le choix d'une telle modalité de résiliation la société Montélimar Automobiles l'a, par acte du 21 avril 2004, assigné devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation du préjudice qui lui avait été ainsi occasionné ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement présentement déféré, lequel a retenu la commission d'une faute de la part de la société GVF dans le choix de la procédure de résiliation ;
Considérant que la société Montélimar Automobiles fonde, en premier lieu, sa demande indemnitaire sur la réduction du délai de préavis qui lui a été consenti à un an au lieu de deux, ce délai raccourci étant, selon ses dires, injustifié du fait de " la défaillance de la société GVF dans l'administration de la preuve, dont la charge lui incombe, d'une réorganisation substantielle et nécessaire du réseau Seat à effet du 1er octobre 2003 " ; qu'elle précise, notamment, que l'intimé ne démontre pas " la nécessité impérative " dans laquelle elle aurait été de procéder à une telle résiliation ;
Considérant, toutefois, qu'il convient tout d'abord d'indiquer qu'aux termes de l'article 19 du contrat litigieux " le fournisseur est en droit de résilier le contrat par lettre recommandée adressée à l'autre partie, avec un préavis de 12 mois, en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau " ; que, par ailleurs, s'il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier l'opportunité d'une décision de gestion ou de stratégie économique et commerciale prise par la société GVF comme par toute autre société privée, il se doit, en revanche, de rechercher la réalité objective de la réorganisation invoquée en l'espèce ainsi que de l'éventuel caractère substantiel de celle-ci ; qu'il ressort à cet effet des pièces du dossier qu'à compter du 1er octobre 2003, l'appelante a pris la décision de cesser de procéder à la distribution des véhicules et produits portant sa marque par l'intermédiaire d'un réseau de concession exclusive, les concessionnaires bénéficiant alors d'une exclusivité territoriale et d'une protection contre les autres membres du réseau et s'interdisant de revendre les véhicules neufs et les pièces de rechange hors réseau, pour y substituer la mise en place d'un réseau de distribution sélective qualitative dans lequel elle ne peut désormais agréer que des opérateurs respectant les critères de sélection définis uniformément sans pour autant bénéficier de la protection liée à l'existence de territoires ; que cette réorganisation d'ensemble fut induite par l'obligation faite aux constructeurs automobiles de se mettre en conformité, au plus tard au 1er octobre 2003, avec le nouveau règlement communautaire susmentionné n° 1400-2002, celui-ci instaurant une séparation entre les activités de vente et d'après-vente des véhicules neufs et celles de réparation et supprimant le modèle de contrat unique antérieur comportant à la fois une exclusivité de revente et une sélectivité des distributeurs et obligeant, de ce fait même, à une nécessaire modification du système de distribution précédent où les concessionnaires exerçaient leurs activités sur une territoire déterminé préalablement ; que la circonstance que la réorganisation litigieuse porte directement sur les accords mêmes de distribution qui régissent le réseau est sans influence sur l'appréciation du caractère substantiel de celle-ci, les motifs juridiques de mise en conformité avec le règlement communautaire étant, tout comme les motifs économiques, de nature à justifier la restructuration prononcée ; que, de la même façon est inopérante l'identité ou la différence entre le nombre des nouveaux distributeurs et celui des anciens concessionnaires exclusifs ; qu'ainsi qu'il a été ci-dessus énoncé, la modification du mode de distribution et la suppression de la concession de territoires exclusifs sont en elles-mêmes et indépendamment du nombre d'agents concernés, révélatrices du caractère substantiel de la novation intervenue ; que si la société, C2A [sic] excipe, néanmoins, de la brochure explicative émise par la direction générale de la Concurrence de la Commission européenne quant aux nouvelles règles applicables à la distribution automobile et au service après-vente et indiquant que l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002 n'impliquerait pas que " le réseau doive de facto être [réorganisé] " il échet de souligner que ce document, qui n'a pas d'effet juridique contraignant, ne saurait ajouter à la réglementation existante ou en modifier le sens ou la portée ; qu'il ne saurait, par ailleurs, être reproché à l'intimée une quelconque absence d'anticipation de l'expiration du règlement n° 1475-95 dès lors qu'il ne s'agit nullement d'une condition de mise en œuvre du préavis litigieux et qu'en tout état de cause les concédants ne pouvaient se mettre en conformité avec une réglementation non encore intervenue dont ils ne pouvaient connaître avec certitude la teneur ;
Considérant, enfin, que si l'intimée invoque également l'article 25 § 1 et 3 du contrat initial, qui permettrait, selon elle, de procéder à son adaptation sans devoir procéder à sa résiliation et si ledit article dispose effectivement qu' " au cas où une ou plusieurs dispositions du présent contrat seraient ou deviendraient nulles ou ne pourraient être mises en œuvre pour des raisons de droit ou de fait, la validité des autres dispositions n'en serait pas affectée ", il ne s'agit pas, en l'occurrence, de constater la nullité de telle ou telle clause du contrat de concession litigieux mais la modification de l'objet même de celui-ci du fait de l'existence de nouvelles règles régissant la distribution automobile ;
Considérant que par la suite et au regard des éléments de fait et de droit sus énumérés, la société GVF dont la réorganisation de son réseau était justifiée d'une manière plausible par des motifs juridiques de conformité au nouveau règlement afin de relever de l'exemption par catégorie prévue par ce texte doit être regardée comme rapportant la preuve tant de la régularité que du bien fondé des conditions de mise en œuvre de l'article 19 précité ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société Montélimar Automobiles impute à la société GVF un traitement discriminatoire en "s'abstenant de s'engager à lui proposer la conclusion de nouveaux contrats conformes au règlement 1400-2002 dès fin septembre, début octobre 2002 au même titre qu'à l'ensemble des autres entreprises membres du réseau Seat signataires de contrats de concession conclus dans le cadre du règlement 1475-95 également résiliés avec préavis d'un an" ; qu'elle ajoute que "l'offre tardive de conclure de nouveaux contrats faite par la société Groupe Volkswagen France par ses courriers des 27 août et 5 septembre 2003 est en contradiction avec le comportement adopté" de septembre 2002 à août 2003;
Considérant, cependant, qu'il sera observé que, dès le 11 juillet 2000 M. David, dirigeant social de la société Montélimar Automobiles, avait fait part à la société GVF de [sa] "décision irrévocable de mettre fin aux vingt-cinq années de partenariat" qu'il avait passées avec cette dernière et indiqué être à sa disposition " pour examiner les conséquences de cette décision et la nécessaire transmission des concessions concernées " ; qu'eu égard à cette décision et à son caractère " irrévocable ", expressément manifesté par son auteur, ce dernier ne saurait, dès lors, utilement se prévaloir d'un prétendu " traitement discriminatoire " par rapport aux autres concessionnaires, lesquels ne s'étaient pas inscrits dans une telle démarche de rupture affichée et proclamée par rapport à la société GVF ; que, surtout, si l'intimée ne peut sauf précisément à méconnaître les articles L. 442-6 et L. 420-1 du Code du commerce, refuser la conclusion d'un contrat de concession à un candidat qui le sollicite s'il remplit les critères qualitatifs et quantitatifs exigés par le nouveau règlement d'exemption pour la distribution des véhicules neufs, la société Montélimar Automobiles n'avait, en revanche, nul droit acquis à la poursuite des relations contractuelles avec la société GVF à l'issue du préavis de résiliation d'un précédent contrat de concession auquel il a été régulièrement mis fin ainsi qu'il a été ci-dessus démontré ; qu'il appartient, en effet, à tout opérateur économique, conformément aux principes de la liberté de commerce et de l'industrie ainsi que de l'autonomie contractuelle, de choisir en toute indépendance les partenaires commerciaux ; que l'importance des investissements auparavant effectués par l'appelante au profit de la marque Seat ne saurait davantage être de nature à priver le concédant de ce droit au libre choix de ses futurs contractants ; qu'enfin la société Montélimar Automobiles ne peut non plus reprocher à la société GVF de s'être " contredite " à son détriment et d'avoir ainsi manqué à la loyauté contractuelle en lui offrant de conclure un nouveau contrat après s'être initialement abstenue de le faire dès lors que l'offre litigieuse, n'a été faite qu'à son seul bénéfice et résultait du seul constat de l'absence de repreneur pour la concession exploitée jusqu'alors par l'intimée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'aucune faute de nature à engager sa responsabilité ne pouvant être retenue à l'encontre de la société GVF dans le prononcé de la résiliation litigieuse et les conditions de la proposition d'un nouveau contrat la société Montélimar Automobiles ne peut, par infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, qu'être déboutée de ses demandes indemnitaires et ce sans qu'il y ait lieu de rechercher la réalité du préjudice invoqué ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de condamner la société Montélimar Automobiles à verser à l'appelante la somme de 2 000 euro au titre des frais hors dépens ;
Par ces motifs, Infirme le jugement en toutes dispositions. Et statuant à nouveau, Déboute la SA Montélimar Automobiles de l'ensemble de ses prétentions. La condamne aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. La condamne également à payer à la SA Groupe Volkswagen France la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.