Cass. com., 13 janvier 2009, n° 07-19.056
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Parfums Givenchy (SA)
Défendeur :
SPA Monopole NV (SA), Trianon Palace Hôtel de Versailles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Pezard
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
Me Spinosi, SCP Boullez, SCP Thomas-Raquin, Bénabent
LA COUR : - Joints les pourvois n° 07-19.056 et n° 07-19.571, qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 avril 2007), que la société SPA Monopole NV, filiale du groupe Spadel, dont l'activité est centrée sur le soutirage et la commercialisation d'eaux minérales naturelles, est titulaire de plusieurs marques incluant la dénomination SPA : SPA, marque internationale visant la France, déposée le 2 septembre 1981 sous priorité Benelux du 11 mars 1981, enregistrée le 30 novembre 1981 sous le n° 453 912 et renouvelée le 2 septembre 2001 dans la classe 3 pour désigner notamment les " savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux " et SPA Thermes, marque internationale visant la France, déposée le 25 janvier 1995 sous priorité Benelux du 26 juillet 1994, enregistrée le 21 avril 1995 sous le n° 632 500, dans les classes 3 pour désigner notamment les " savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ", 11 pour désigner notamment " les appareils d'éclairage, ...de production de vapeur, de distribution d'eau et installations sanitaires ", et 42 pour désigner notamment les " services rendus dans le cadre des activités d'un établissement thermal, y compris la prestation de services de soins de santé, bains, douches, massages " ; que le 1er octobre 1991, la société SPA Monopole NV a conclu avec la société Elisabeth Arden, faisant partie du groupe Unilever, un contrat de licence exclusive, portant notamment sur la marque SPA précitée, couvrant la France ; qu'une ligne de cosmétiques haut de gamme, Elisabeth Arden-SPA, dont les produits contiennent tous de l'eau minérale naturelle SPA, a été développée dans le cadre de cet accord, et distribuée en France ; que poursuivant sa politique de licences, la société SPA Monopole NV a également conclu de tels contrats avec la société Laboratoires Yves Rocher et avec la société Sothys, relatifs à la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques sous la marque SPA ; que courant 1996, la société SPA Monopole NV a appris que la société Trianon Palace Hôtel (la société Trianon Palace), sise à Versailles, offrait à sa clientèle un espace de détente, remise en forme, soins de beauté sous la dénomination SPA Givenchy ; qu'après mise en demeure de cesser l'utilisation de la dénomination SPA, notamment dans l'expression SPA Givenchy, la société Monopole NV a assigné la société Trianon Palace et la société Parfums Givenchy en contrefaçon des marques internationales SPA et SPA Thermes et concurrence déloyale ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 07-19.056 : - Attendu que la société Parfums Givenchy fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de déchéance de la partie française de la marque internationale SPA Thermes pour les produits et services de la classe 11, alors, selon le moyen : 1°) que la recevabilité de l'action en déchéance ne suppose pas une identité d'activités entre les parties en cause ; qu'en déclarant l'action irrecevable, faute d'intérêt, au seul motif qu'il n'était pas établi que les produits visés à la classe 11 faisaient partie du secteur d'activité de la société demanderesse à l'action, la cour d'appel a violé l'article L. 714-5, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) qu'en jugeant, d'un côté, que la société Parfums Givenchy n'était pas recevable à agir en déchéance des droits sur la marque SPA Thermes faute d'établir que les produits visés à la classe 11 faisaient partie de son secteur d'activité professionnelle tout en décidant, d'un autre côté, que les services qu'elle proposait sous la désignation SPA Givenchy étaient, sinon identiques, du moins similaires aux produits visés en classe 11 dans l'enregistrement de la marque SPA Thermes et en constituaient une contrefaçon, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 714-5, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que la société Parfums Givenchy ne démontre ni même n'allègue, que les produits visés à la classe 11 font partie de son secteur d'activités professionnelles ; qu'ayant ainsi fait ressortir que cette société n'avait pas été empêchée de commercialiser cette catégorie de produits, à défaut d'exercer dans un secteur d'activité qui ressort du domaine des produits ou services de la marque dont la déchéance est sollicitée, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte invoqué ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que l'utilisation du signe SPA Givenchy dans les locaux de l'hôtel de Versailles est de nature à avoir entraîné un risque de confusion auprès de la clientèle du SPA du Trianon Palace, laquelle a pu légitimement croire que les prestations d'hydrothérapie et de soins de santé qui étaient proposés dans le cadre du SPA Givenchy avaient une origine identique à celles offertes par la société SPA Monopole NV dans le cadre de l'exploitation du célèbre centre thermal belge ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a retenu le risque de confusion qu'à l'égard des services relevant de la classe 42, a justement appliqué le texte invoqué ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 07-19.571 et le cinquième moyen du pourvoi n° 07-19.056, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que les sociétés Parfums Givenchy et Trianon Palace font encore grief à l'arrêt de dire qu'elles avaient commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société SPA Monopole NV, alors, selon le moyen : 1°) qu'en retenant que la référence faite dans la brochure en cause aux eaux thermales de la ville belge de SPA était de nature à laisser croire à tort à la clientèle du Trianon Palace à l'existence de liens économiques ou commerciaux entre le SPA Givenchy et l'établissement thermal sis à SPA exploité par la société SPA Monopole NV, sans constater que la brochure faisait d'une manière ou d'une autre référence à la société SPA Monopole NV ou à l'un de ses signes non couvert par le droit de marque, cependant qu'il y était seulement fait état du nom de la ville belge réputée pour ses eaux thermales et de la signification aujourd'hui donnée à ce nom, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un acte de concurrence déloyale ou parasitaire et a violé, par fausse application, l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en jugeant que l'évocation des eaux de la ville de SPA dans un document destiné à faire la promotion des produits et services dispensés dans le cadre du SPA Givenchy générait un risque de confusion pour la clientèle pouvant légitimement supposer que les produits et services offerts étaient à base d'eau naturelle des sources de SPA et qu'une telle présentation était trompeuse pour les personnes fréquentant ce spa dès lors que les produits mis en vente par la société Elisabeth Arden sous licence de la société SPA Monopole NV étaient les seuls produits cosmétiques commercialisés en France contenant de l'eau naturelle de SPA, cependant que ces constatations ne pouvaient caractériser un acte de concurrence déloyale qu'à l'égard de la société Elisabeth Arden ne causant de préjudice qu'à celle-ci, la cour d'appel a violé derechef l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement caractérisé l'existence d'un risque de confusion résultant du comportement parasitaire de la société Parfums Givenchy en retenant que cette société, par ses brochures commerciales, a voulu profiter de la notoriété de la ville de SPA dont la société SPA Monopole NV avait le monopole d'exploitation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen du pourvoi n° 07-19.056, pris en sa deuxième branche et le deuxième moyen du pourvoi n° 07-19.571, pris en sa deuxième branche, rédigés en termes identiques : - Attendu que les sociétés Parfums Givenchy et Trianon Palace font grief à l'arrêt de dire que la société Trianon Palace a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société SPA Monopole NV et de la condamner en conséquence à verser à celle-ci des dommages-intérêts et d'ordonner la publication de son dispositif ;
Mais attendu que ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 07-19.571 : - Vu l'article 2 du Code civil et la loi du 31 décembre 1964 ; - Attendu que la validité du droit attaché à une marque s'apprécie à la date à laquelle est né ce droit selon la loi applicable à cette date ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt apprécie la validité de la partie française de la marque internationale SPA n° 463.912 déposée en 1981 au regard de l'article L. 711-2-b) du Code de la propriété intellectuelle issu de la loi n° 91-7 du 4 janvier 1991 et non de la loi du 31 décembre 1964 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la marque SPA n° 463 912, l'arrêt rendu le 5 avril 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.