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Décisions

Conseil Conc., 21 janvier 2009, n° 09-D-03

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Mouzon, par Mme Aubert, vice-présidente, présidente de séance, , MM. Combe, Piot, membres.

Conseil Conc. n° 09-D-03

21 janvier 2009

Le Conseil de la concurrence (section IV) ;

Vu la lettre enregistrée le 9 novembre 2005 sous le numéro 05/0082 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application de l'article L. 462-5 du livre IV du Code de commerce, de pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales ; Vu la décision de secret des affaires n° 08-DSA-16 du 14 janvier 2008 ; Vu le procès-verbal du 10 juin 2008, par lequel les sociétés les Courriers catalans et Gep Vidal ont demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées par les entreprises Argelès tourisme, Asparre transports, Autocars Marteill-Rey, Autocars Rossignol, Les Transports Bec et Caball (ci-après Bec et Caball), Capeille, Cayrol Roussillon voyages, Central garage de la Côte Rocheuse, Transports Gep Vidal (ci-après Gep Vidal), Gusta Catalogne voyages, Jean Vaills, les Courriers catalans, Maillols, Many, Montagne et transports, Morat Masuaute, Société de l'exploitation de l'entreprise Ponsaty (ci-après Ponsaty), Sanz voyages, Transports Bosom, Transports cerdans, Transports Comas, Transports Pages et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des entreprises Argelès tourisme, Autocars Marteill-Rey, Autocars Rossignol, Central garage de la Côte Rocheuse, Gep Vidal, Gusta Catalogne voyages, Jean Vaills, les Courriers Catalans, Many, Montagne et transports, Ponsaty, Sanz voyages, Transports Bosom, Transports Cerdans, Transports Comas, Transports Pages entendus lors de la séance du 5 novembre 2008 ; les entreprises Arnaudies Dunyach, Asparre Transports, Bec et Caball, Corbières grand raid, Michel Taurigna, Transports Bombardo, Cars verts, Cerdagne voyages, I.C.A. taxi ambulance, Pouzens, Morat Masuaute, Cayrol Roussillon voyages, Maillols, Llabour, Capeille et Tenas ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. Selon la saisine, des entreprises de transport par autocar du département des Pyrénées-Orientales, soumissionnaires de marchés passés par une structure intercommunale et par le conseil général en 2002 et 2003, ont participé à une entente anticoncurrentielle pour répondre aux appels d'offres lancés par ces collectivités, avec le concours d'un GIE constitué par certaines de ces entreprises.

A. LE SECTEUR CONCERNÉ

1. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

2. La loi d'orientation sur le transport intérieur (LOTI) n° 82-1153 du 30 décembre 1982 organise le transport public et définit les missions des collectivités locales autres que la région Ile-de-France. Elle pose comme principes le droit au transport pour tous, le libre choix de l'usager entre les différents modes de transport et confère aux transports routiers de voyageurs un caractère de service public.

3. L'article 29 de ce texte prévoit notamment que les services publics réguliers de transports routiers non urbains de personnes, à l'exclusion des liaisons d'intérêt régional ou national, sont organisés par le département. Il précise que ces services sont assurés par le département ou, par délégation, par des entreprises publiques ou privées aux termes d'une convention passée avec lui. Ces services réguliers de transport font en principe l'objet d'un plan départemental élaboré par le conseil général après avis des communes intéressées.

4. Les départements, qui ont une large compétence pour organiser à leur niveau le transport scolaire, peuvent en déléguer tout ou partie à des communes, groupements de communes ou syndicats mixtes. Le conseil général est alors qualifié d'organisateur de premier rang tandis que la ou les autorités délégataires sont qualifiées d'organisateurs secondaires.

5. La loi Sapin n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, a imposé en la matière des obligations supplémentaires aux collectivités lorsqu'elles décident de déléguer à une entreprise un service de transport routier de voyageurs, qu'il soit régulier ou spécialisé dans le ramassage scolaire.

6. Ainsi, cette loi a prévu, dans son article 38, la mise en place d'une procédure d'appel à la concurrence qui comporte une présélection de candidats, une remise des offres et l'avis de la commission permanente préalablement à la décision du conseil général.

2. L'AUTORITÉ ORGANISATRICE DES TRANSPORTS PUBLICS PAR AUTOCAR DANS LES PYRÉNÉES-ORIENTALES

7. Dans les Pyrénées-Orientales, l'Union départementale des syndicats intercommunaux scolaires et de transports (UDSIST) a, jusqu'en avril 2003, été l'autorité organisatrice en matière de transports scolaires et interurbains. Ses missions ont ensuite été reprises par le conseil général.

8. Le marché lancé en 2002 correspondait au premier appel d'offres en matière de transport scolaire dans le département et les entreprises locales qui assuraient jusqu'alors les services en question dans le cadre de conventions conclues avec l'UDSIST ont fait part à celle-ci et au conseil général de leur crainte de perdre leur activité.

9. Comme il a été indiqué lors de l'enquête, le donneur d'ordre a " tenté de calmer les inquiétudes qui se manifestaient en déclarant qu'il ferait en sorte que personne ne soit lésé quant à l'issue de l'appel d'offres. "

3. LES PARTICULARITÉS LOCALES

10. Les entreprises de transport par autocar concernées ont insisté lors de l'instruction sur l'importance, pour le transport scolaire, d'une bonne connaissance du terrain, tout particulièrement en zones de montagne, lesquelles couvrent environ les deux-tiers du département. Certaines entreprises ont à cet égard souligné la nécessité de disposer de garages à proximité de la zone desservie, tout à la fois pour éviter les longs trajets à vide et pour assurer dans de meilleures conditions des dépannages ou des substitutions de véhicules.

4. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

11. Les entreprises auxquelles des griefs ont été notifiés dans la présente affaire sont mentionnées dans le tableau ci-après, avec l'implantation de leur siège social, leur numéro de RCS ainsi que leur effectif à l'époque des faits. Sur ces trente-deux entreprises, trois sont désormais en liquidation judiciaire (Cars verts, Corbières grand raid et Llabour).

<emplacement tableau>

12. Par ailleurs, ont également répondu aux appels d'offres en cause la société Siberbus (429 198 005 RCS. de Perpignan), entreprise détenue par des actionnaires espagnols et sa filiale, la Corporation française de transports (" CFT ", 419 510 144 RCS de Perpignan), exploitante des lignes de bus dans l'agglomération de Perpignan.

5. LE GIE CARINTER 66

13. Certaines des entreprises mentionnées étaient membres d'un groupement d'intérêt économique, le " GIE Carinter 66 ", qui avait été créé au début des années 80 pour assurer notamment la gestion de la billetterie, l'accueil du public et la vente de billets à la gare routière de Perpignan.

14. Ce GIE a été dissous en 2002. En étaient membres les dix-huit entreprises suivantes : Argelès tourisme, Autocars Cayrol, Autocars Marteill Rey, Autocars Morat Masuaute, Autocars Ponsaty, Bec et Caball, Transports Bosom, Maillols, Cars verts, Gep Vidal, Gusta Catalogne voyages, I.C.A. taxi ambulance, les Courriers Catalans, Taurigna, Tixador, Transports cerdans, Transports Llabour et Jean Vaills. M. Y..., dirigeant des Transports cerdans, exerçait les fonctions de président du GIE à l'époque des faits.

15. Le GIE a servi de relais d'informations pour les transporteurs en ce qui concerne l'appel d'offres lancé par l'UDSIST en 2002. Ceci ressort de plusieurs pièces du dossier, comme la télécopie saisie au sein de l'entreprise Gep Vidal, faisant état de la constitution des groupements (cote 300) ou la télécopie datée du 6 mars 2002, saisie dans les locaux de l'entreprise Jean Vaills (cote 188), par laquelle le GIE adresse à ses membres la liste des documents à rassembler pour l'élaboration d'un dossier de candidature.

16. Le GIE, qui rassemblait les principaux transporteurs du département, connaissait l'ensemble des transporteurs locaux et les conditions d'organisation des lignes scolaires dans les Pyrénées-Orientales.

17. La déclaration suivante de M. X..., directeur des transports dans les services du conseil général des Pyrénées-Orientales et ancien directeur des Courriers Catalans, synthétise les conditions dans lesquelles l'appel d'offres a été organisé : " Quelques mois avant le lancement officiel de l'appel d'offres des transports scolaires (le 15/03/2002), l'UDSIST a réuni les transporteurs locaux (y compris la CFT) et a présenté les formes appropriées de réponses à l'appel d'offres et notamment le groupement, qui a paru comme la forme adéquate de réponse ", (procès verbal du 29 avril 2005).

18. M. X... a également déclaré : " Les entreprises, avant 2002, ne vivaient que des contrats proposés par l'UDSIST. L'esprit qui a prévalu lors du lancement de ce marché était, pour l'UDSIST, de ne défavoriser aucun transporteur. L'autorité organisatrice avait établi un détail estimatif quantitatif dans lequel étaient mentionnées les lignes scolaires avec les horaires, le type et la capacité des véhicules requis. Dès lors que l'UDSIST avait défini des lots, le principe d'une offre par lot est devenu comme une évidence. C'était dans l'esprit des transporteurs de l'époque. Dans l'appel à candidature et dans le cahier des charges, la constitution de groupements était explicitement suggérée. C'est le fil conducteur de cet appel d'offres ", (procès-verbal du 5 mars 2008).

B. LES MARCHÉS PUBLICS EN CAUSE

1. LE MARCHÉ LANCÉ EN MARS 2002

19. Ce marché avait pour objet l'exécution de services publics routiers réguliers créés pour assurer, à titre principal, à l'intention des élèves, la desserte des établissements d'enseignement. Il concernait le transport quotidien de 24 000 enfants par 500 cars environ, tous services confondus.

20. Ce marché, lancé par voie d'appel d'offres restreint le 15 mars 2002, était subdivisé en neuf lots attribués chacun pour une durée maximale de neuf ans, avec possibilité de résiliation unilatérale tous les trois ans.

21. Le tableau suivant identifie les lots et indique le parc de véhicules requis :

<emplacement tableau>

22. L'objet du lot n° 9 était la desserte des établissements de Perpignan à partir de la gare routière, les offres pouvant se faire avec des autobus ou des autocars. Il était possible de réutiliser des véhicules arrivant à la gare routière pour assurer le service. Une quinzaine de bus (100 places) a en définitive été affectée à ce lot, auquel ont été ajoutés entre trente et quarante véhicules en " réutilisation ".

23. Il était précisé dans l'appel d'offres qu'en ce qui concerne l'appréciation des moyens matériels des entreprises candidates, seraient pris en compte les installations fixes (dépôts, garages, ateliers d'entretien) et le parc de véhicules susceptibles d'être affectés au service. Néanmoins, si les entreprises ne disposaient pas immédiatement du parc nécessaire, elles avaient la faculté de démontrer leur capacité à satisfaire les besoins requis en produisant par exemple des déclarations d'intention d'ouverture de crédit par des organismes bailleurs pour l'achat des véhicules.

24. La date limite de réception des candidatures était fixée au 22 avril 2002 et celle de réception des offres au 4 juin 2002. La commission d'appel d'offres a retenu dix candidatures (quatre ont été rejetées) qui ont ensuite donné lieu aux offres détaillées ci-après :

<emplacement tableau>

25. L'estimation hors taxes de l'UDSIST, établie à partir de la grille tarifaire en vigueur au 1er janvier 2002, s'élevait au total à 13 205 816,87 euro. La somme des offres les moins-disantes s'élevait quant à elle à 16 944 384,82 euro, soit une différence de + 28,31 %. Enfin, la somme des offres des groupements s'élevait à 18 853 562,64 euro, soit une différence de + 42,7 % par rapport à l'estimation.

26. Outre les soumissions des groupements d'entreprises précités, d'autres offres d'entreprises individuelles ont été présentées :

- la société Siberbus a présenté, seule, des offres sur les lots 2, 5, 6 et 7 pour un montant total de 7 483 274 euro HT contre 8 208 165,71 euro HT pour les groupements sur les mêmes lots, soit une différence de 9,68 %. Par rapport à l'estimation administrative, la somme des offres de Siberbus s'établissait à + 23,18 % et celle des groupements pour les mêmes lots à + 35,12 % ;

- la CFT a présenté une offre sur le lot 9 ;

- la société Sadap, dont le siège social est situé à Neufchâteau (Vosges) et qui appartient au groupe Piot, s'est présentée sur les lots 1, 2, et 3 avec des offres très largement supérieures aux estimations de l'administration ;

- enfin, la société Progesud, dont le siège social est à Castelnau le Lez (Hérault), s'est présentée sur les lots 6 et 7 avec des offres aussi très supérieures aux estimations de l'administration.

27. Au vu des offres déposées, l'appel d'offres a été déclaré infructueux. Le rapport de présentation du 24 novembre 2002, rédigé par l'UDSIST dans le cadre de la procédure négociée qui est ensuite intervenue, indique à ce titre : " A l'examen des offres présentées, il apparaît à la Commission d'appel d'offres que les prétentions financières des candidats sont incompatibles avec l'orientation de la politique publique de maîtrise du budget des transports scolaires.

Tirant les conséquences de ce critère préalablement défini, la Commission d'appel d'offres a pour ce motif légitime déclaré infructueuse la procédure d'appel d'offres. La Commission d'appel d'offres a alors donné un avis favorable à la mise en place d'une procédure négociée de passation du marché public, étant donné que l'infructuosité n'apparaît nullement imputable au cahier des charges en lui-même, mais plutôt à la qualité des offres présentées. "

28. L'UDSIST a dès lors relancé la procédure, le 16 juillet 2002.

2. LA RELANCE SOUS FORME DE MARCHÉ NÉGOCIÉ LANCÉE EN JUILLET 2002

29. La date limite de réception des candidatures pour ce marché a été fixée au 23 août 2002 et celle de réception des offres au 15 octobre 2002.

30. A l'issue de la phase de négociation, ont été retenus tous les groupements d'entreprises candidats à l'appel d'offres précédent, déclaré infructueux. Dans le tableau qui suit, sont également mentionnés les autres candidats qui ont présenté des offres :

<emplacement tableau>

31. Siberbus a fait l'offre la moins-disante sur le lot 5 " Thuir-Aspres ". Cependant, la décision d'attribution de ce lot a fait l'objet d'un référé pré-contractuel de l'entreprise Rossignol auprès du tribunal administratif de Montpellier. Le juge des référés a enjoint à l'UDSlST de différer la signature du marché pour ce lot (ordonnance du 10 décembre 2002). Dans son ordonnance, le juge a notamment relevé que certaines règles de publicité de l'appel d'offres négocié n'avaient pas été respectées et que " la Société Siberbus doit être regardée comme n'ayant pas produit à son dossier de candidature les documents de nature à établir qu'elle pourrait, si nécessaire, disposer dès l'entrée en vigueur du marché des "installations fixes" nécessaires exigées par l'avis d'appel à candidatures ".

32. Les nouvelles estimations administratives aboutissaient à un total de 15 508 313,96 euro alors que la somme des offres des groupements s'élevait à 15 538 854,46 euro, soit une différence de + 0,2 %. Par comparaison, les soumissions des groupements à l'appel d'offres infructueux marquent un écart de + 21,3 % par rapport à ces nouvelles estimations.

3. LA RELANCE POUR LE LOT N° 5 DE MARS 2003

33. A la suite de l'ordonnance du juge des référés concernant le lot 5, l'UDSIST a lancé une consultation le 28 mars 2003 en vue de pourvoir à l'exécution des services pour assurer à titre principal la desserte des établissements d'enseignement concernés par ce lot.

34. Ce marché a suivi la procédure de l'appel d'offres ouvert. Réunie le 22 mai 2003, la commission d'appel d'offres a reçu quatre candidatures, dont une a été rejetée, et le 26 mai 2003 elle a classé les offres selon le critère de l'offre économiquement la plus avantageuse dans l'ordre décroissant suivant : 1°) GME Thuir Aspres ; 2°) CFT ; 3°) Sadap.

35. Le marché a été attribué au groupement " Thuir Aspres ", dont le mandataire était l'entreprise Capeille, pour un montant de 1 584 266 euro HT. Les autres membres du groupement sont les entreprises : Ponsaty, les Courriers catalans, Jean Vaills, Gep Vidal, Les Cars verts, Autocars Cayrol et Autocars Rossignol. L'estimation ressortait à 1 560 000 euro HT.

C. LES PRATIQUES RELEVÉES

1. LES PRINCIPAUX DOCUMENTS SAISIS

36. En application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, des opérations de visites et de saisies ont eu lieu le 1er avril 2005 pendant l'enquête dans les locaux des entreprises Bec et Caball, Capeille, Cars verts, les Courriers Catalans, Gep Vidal, Jean Vaills, Pages, Ponsaty et Transports Cerdans. Aucun document n'a été saisi au sein des entreprises Capeille et Pages, cette dernière ayant cependant fourni aux enquêteurs quelques pièces.

a) Les pièces saisies au sein des Courriers Catalans

37. Un document manuscrit intitulé " Répartition des lots " et faisant mention d'une réunion de transporteurs tenue le 18 janvier 2000 (cotes 157 et 158) énumère pour sept secteurs scolaires des entreprises de transport avec mention de la lettre L qui signifie ligne régulière ou/et de la lettre S qui veut dire transport scolaire, en indiquant si ces entreprises sont membres du GIE Carinter.

38. Cette pièce est un document préparatoire à l'appel d'offres annoncé pour l'exécution des transports scolaires. M. X..., directeur des Courriers Catalans et auteur du document, a déclaré :

" Concernant [cette pièce], je suis au préalable informé des intentions de l'autorité organisatrice (l'UDSIST) de lancer pour la première fois un appel d'offres en matière de transports scolaires. A mon sens, j'effectue un état des lieux par bassins scolaires. "

39. Un document intitulé " Réunion club ", daté du 5 avril 2000, dont M. X... est aussi l'auteur (cote 159), fait état de travaux préparatoires relatifs à la constitution de groupements. Il indique : " compte rendu visites membres GIE.

- Annie relance les transporteurs semaine 15 pour récupérer les conventions de coopération.

(...)

Lots.

- débroussaillage interne par entreprise.

- consolider les travaux.

12/04 préparation lots. "

40. M. X... a déclaré :

" ...S'agissant de [cette pièce], une réunion des transporteurs locaux a arrêté le principe de la mise en place de conventions de groupements. Je pense que le 12/04/2000 une réunion est prévue pendant laquelle nous allons discuter de la mise en place des groupements au sein des lots. C'est le sens du terme "préparation des lots". Toutefois, le lancement de cet appel d'offres a été encore retardé de deux années. "

41. Les pièces décrites ci-dessus montrent que, dès 2000, des réunions entre transporteurs ont été organisées à l'initiative du dirigeant des Courriers Catalans, qui dit avoir été informé des intentions de l'UDSIST d'organiser le premier appel d'offres. Ces réunions " Club " ou " visites membres GIE " ont eu pour objet la préparation en commun de réponses sur différents lots du marché des circuits scolaires et de conventions de groupement. Ainsi dès l'annonce de l'éventualité d'un appel d'offres qui n'a, finalement, été lancé que deux ans plus tard, des entreprises de transport ont éprouvé le besoin de s'organiser en vue de répondre à cet appel à la concurrence.

b) Les pièces saisies au sein des entreprises Gep Vidal et Jean Vaills

Gep Vidal (cote 300)

<emplacement tableau>

42. Cette télécopie a été envoyée du GIE Carinter. Datée du 26 mars 2002, elle est antérieure à la réception des candidatures (22 avril) et au dépôt des offres (4 juin).

43. Y figure une liste de vingt-neuf transporteurs du département, ainsi que leurs coordonnées. Les lots auxquels sont censés souscrire les différents transporteurs sont précisés.

44. Par rapport à ce document, les groupements qui ont remis effectivement une offre ne comportaient pas les transporteurs suivants : Tixador (lot 1) ; Cayrol, Corbières Grand Raid et Tixador (lot 2) ; Cayrol et Corbières Grand Raid (lot 3) ; Gusta (lot 4) ; Corbières Grand Faid, Mirous et Pages (lot 5) ; Cayrol (lot 6) ainsi que Corbières Grand Raid et Tixador (lot 9).

45. En revanche, par rapport aux groupements retenus, ce document ne comporte pas les transporteurs suivants : Arnaudies Dunyach et Pouzens (lot 4) ; Cayrol, Ponsaty et Vaills Jean (lot 5) ainsi que Cerdagne voyages, Comas, Many et Montagne et transport (lot 7).

46. Le 12 mars 2008, M. Z..., directeur des Courriers Ctalans et de Gep Vidal, a déclaré à propos de ce document :

" Ce document doit faire suite à la réunion de l'UDSIST de février 2002. Il y a aussi des différences dans la composition des groupements entre ce document de mars 2002 et les GME [groupement momentané d'entreprises] ayant effectivement déposé des offres. "

47. M. A..., gérant des Cars verts (procès-verbal du 19 mai 2005) a également indiqué : " J'ai également reçu le document saisi le 01/04/2005 au sein de l'entreprise Gep Vidal, (cote 11 - scellé 1) en provenance du GIE Carinter 66. "

Jean Vaills - (cote 185)

<emplacement tableau>

48. Ce document indique la composition des groupements pour chacun des neuf lots constitués aux fins de répondre à l'appel d'offres lancé en 2002. Les mandataires des lots 1, 2, 4, 7 et 8 y sont également désignés. Quoique non daté, il apparaît comme un document de travail élaboré antérieurement au dépôt des candidatures, car si les renseignements qu'il comporte sur la composition des groupements sont très proches de la réalité des offres finalement déposées, ils en diffèrent légèrement. Par exemple, les Autocars Rossignol ne sont pas mentionnés pour le lot 2, et inversement Tixador et Corbières Grand Raid le sont alors qu'il non pas fait partie du groupement candidat pour ce lot. De même, ces renseignements diffèrent légèrement de ceux figurant sur le document saisi au sein de la société Gep Vidal. Par rapport à ce dernier, ne figurent pas les noms des entreprises Pages, pour le lot 5, ainsi que Rossignol, pour les lots 2 et 9. En revanche, figurent les noms des entreprises Marteill Rey (lot 4) ainsi que Montagne et transports (lot 5).

Jean Vaills (cotes 198 et 199)

<emplacement tableau>

49. Ce document manuscrit est daté du 25 mars 2002 et donc également antérieur au dépôt des candidatures (22 avril).

50. A son propos, M. Jean B... a indiqué :

" (...) il s'agit de la liste des groupements de transporteurs constitués et élaborée à l'occasion d'une réunion organisée par le GIE Carinter 66 le 25/03/2002 en vue de répondre à l'appel d'offres des transports scolaires lancé le 15/03/2002. Je pense qu'était présent un représentant au minimum de chaque lot, dont quelques futurs mandataires ".

51. Comme le précédent, le document en question indique la composition de neuf groupements pour le marché de transport scolaire lancé en 2002. Il en diffère sur deux points : il fait mention, pour le lot 3, d'une société, Corbières Grand Rraid, qui n'apparaît pas dans l'autre document. A l'inverse, ce dernier fait mention, pour le lot 4, d'une société, Cars verts, qui n'apparaît pas dans l'autre document. Il y a aussi quelques divergences avec la liste des entreprises formant les groupements finalement constitués.

52. Les documents ci-dessus décrits montrent :

- qu'ils ont été établis à la suite de réunions auxquelles ont pris part des entreprises intéressées, notamment les membres du GIE Carinter, et que découverts dans deux entreprises et connus d'une troisième entreprise (Cars verts), plusieurs entreprises étaient informées des projets de réponse à l'ensemble de l'appel d'offres ;

- que manifestement des contacts ont eu lieu entre les entreprises pour la répartition entre elles des lots et la constitution de groupements sur le principe d'un seul groupement par lot, principe qui était déjà concrétisé presqu'un mois avant le dépôt des candidatures.

c) Les pièces saisies au sein des Transports Cerdans

Cotes 240 et 241

53. Une lettre manuscrite émanant de l'entreprise Bosom, adressée à Charles Bonis, un des dirigeants des Transports Cerdans, a été saisie au sein de cette dernière société. Elle est datée du 24 mars 2002 et contient notamment les éléments suivants :

" Réflexions philosophiques sur un Crack annoncé. Sous l'impulsion naturelle des transports cerdans représentés par Claude Y..., une réunion préparatoire a eu lieu le 01.02.02. Dès le départ des divergences sont apparues entre transporteurs sur la représentativité des entreprises au sein du futur groupement et la difficulté de nommer le futur mandataire. Les autres réunions du 1.02.02, du 22.02.02, du 07.03.02 ont connu le même blocage, malgré les concessions de Claude Y... et de toi-même pour avancer malgré tout. A la même période, des transporteurs représentés par Comas ont contracté une grosse entreprise perpignanaise, la CTP, pour créer un groupement concurrent sur le même lot n° 7. Des réunions, repas au restaurant, fax de remerciements etc. sont autant de preuves. Il y a eu aussi des pressions sur des collègues pour venir renforcer leur ébauche de groupement, en espérant isoler les entreprises fidèles à leur parole. La plupart des entreprises contactées a refusé de participer aux manœuvres. Reste deux entreprises (Comas et Llanas) désavouées de fait par toutes les autres entreprises. C'est pourquoi à la dernière réunion du 15.03.02, ils ont refusé de participer à la discussion sachant leurs manœuvres dévoilées. A la lumière des évènements, il est évident que Comas avait tout prémédité dès les premières réunions et retardé la création du groupement par personne interposée afin de continuer à mettre en place un groupement concurrent, où sa position aurait été plus avantageuse pour l'obtention du marché public. Si ces manœuvres déloyales avaient abouti, les conséquences auraient été très graves. Afin de préserver la bonne marche du groupement, le comportement des entreprises Comas et Llanas doit être sanctionné par une exclusion définitive. Ils ont fait un choix contraire à l'intérêt général, en recherchant leurs propres intérêts, sans aucun sentiment pour les collègues de Cerdagne-Capcir. Depuis toujours, les transports cerdans ont participé et fait participé les collègues transporteurs dans des opérations de transports - GIE - aéroports - Bouillouses etc. avec un rôle fédérateur, malgré des divergences qui ont toujours été réglées dans de bonnes conditions pour chaque partenaire. Mais pour le cas présent, il n'est plus possible de laisser rentrer des gens qui ont pour but par bêtise, jalousie et méchanceté, une volonté de nuire afin de prendre une place qu'ils ne méritent pas. L'honnêteté, les bons sentiments, la confiance, et la volonté de réunir sont de notre côté, on ne peut pas se permettre d'affaiblir ses valeurs en travaillant avec des gens qui sont le contraire de tout cela ".

54. Ce document révèle que plusieurs réunions se sont tenues entre certains transporteurs, mais ne mentionne cependant pas si les discussions qui ont eu lieu avaient trait à plusieurs lots ou seulement au seul lot 7. Il donne néanmoins un éclairage sur le comportement de certains transporteurs très hostiles à l'existence d'une concurrence entre transporteurs locaux.

Cote 243

55. Ce document manuscrit, rédigé par M. Y..., gérant des Transports cerdans, non daté, contient les annotations suivantes : " les risques pour l'avenir, ... esprit de groupe, ... tous ensemble, ... possibilité de concurrence sur le marché scolaire. Pour quelle raison ? ".

56. M. Y... a déclaré, le 4 mai 2005 :

" ... Concernant [ces mentions] la question qui se pose, pour moi, est concrètement l'éventualité d'une association d'un transporteur local de Cerdagne avec un concurrent, en l'espèce Siberbus.

Sur ce document, la colonne de gauche représente les transporteurs ouverts à d'autres propositions, associations et la colonne de droite concerne mes alliés sûrs. Ce document est rédigé avant de déposer l'acte de candidature. "

57. Sur les intentions de l'entreprise Siberbus, M. Y... a déclaré :

" ... Nous avons su que l'entreprise Siberbus s'intéressait à l'appel d'offres et tentait d'obtenir le concours de transporteurs locaux dont des membres du groupement de Cerdagne Capcir. Nous avons appris après le résultat de l'appel d'offres que Siberbus n'avait pu obtenir le concours de qui que ce soit ".

Ce document illustre aussi l'état d'esprit de transporteurs locaux pour ce marché du transport scolaire.

2. LES DÉCLARATIONS DES ENTREPRISES RELATIVES A L'APPEL D'OFFRES ET LES RÉUNIONS PRÉPARATOIRES AU DÉPÔT DES OFFRES

58. Différents représentants de sociétés ont fait les déclarations suivantes à propos de la préparation de la réponse à l'appel d'offres par des groupements.

59. M. C..., dirigeant de Bec et Caball, a indiqué (procès-verbal du 3 mai 2005) : " ...au sein du GIE Carinter 66, des réunions entre transporteurs ont abouti à la constitution de groupements momentanés d'entreprises, sur le principe d'un groupement par lot. Pour ma part, je me suis proposé pour être le mandataire du lot n° 2. Les co-traitants sont venus naturellement en raison de la configuration géographique du lot... "

60. M. A..., gérant de Cars verts (procès-verbal du 19 mai 2005), a relevé : " L'état d'esprit des transporteurs locaux, qu'ils soient membres ou pas du GIE Carinter 66, était de conserver les services que chaque entreprise possédait par secteur géographique. Nous avons pris la décision de constituer des GME au nombre de 9, soit un par lot géographique. Pour ce qui me concerne, je n'ai pas postulé pour être membre du lot 8 ; ce sont les membres du GIE Carinter 66 qui me l'ont préconisé. Étant donné la taille du lot 8, j'aurai pu, si je l'avais voulu, déposer une offre en individuel. Mais ce n'était pas l'état d'esprit des transporteurs. "

61. M. X..., directeur des transports au conseil général des Pyrénées-Orientales et ancien directeur des Courriers Catalans, a déclaré (procès-verbal du 29 avril 2005) : " Quelques mois avant le lancement officiel de l'appel d'offres des transports scolaires (le 15/03/2002), l'UDSIST a réuni les transporteurs locaux (y compris la CFT) et a présenté les formes appropriées de réponses à l'appel d'offres et notamment le groupement, qui a paru comme la forme adéquate de réponse.

Une réunion postérieure sous l'égide du GIE Carinter 66 (créé pour être le contact entre l'UDSIST et les transporteurs) a eu lieu avant le lancement de l'appel d'offres. A cette occasion, est arrêté le principe de la mise en place d'un groupement de transporteurs par lot géographique. D'autres réunions, en particulier avec le cabinet conseil Global, ont déterminé avec précision le contenu des contrats de GME ".

62. Mme D..., gérante de l'entreprise Ponsaty, a déclaré (procès-verbal du 4 mai 2005) : " Afin de préparer l'appel d'offres annoncé en matière de transports scolaires au début de l'année 2002 dans le département des Pyrénées-Orientales, j'ai suivi comme beaucoup d'autres transporteurs de voyageurs du département une formation effectuée par l'AFT (Association Formation Transport). A cette occasion, nous avons, nous transporteurs, appris que nous avions la possibilité de répondre à cet appel d'offres sous la forme de " groupements momentanés d'entreprises " (GME). Par la suite, nous avons décidé de nous grouper par secteurs géographiques, en présentant un groupement par lot. Ces groupements se sont constitués sur une base historique en ce sens que chaque entreprise rejoignait le lot géographique qui correspondait à ses services antérieurs (système de conventions renouvelées d'année en année par l'UDSIST). "

63. M. Y..., des Transports Cerdans, a indiqué (procès-verbal du 4 mai 2005) : " Les membres de ce GIE étaient convenus de mettre en place une ébauche de groupements momentanés d'entreprises pour répondre à l'appel d'offres annoncé des transports scolaires 2002. Peu avant le lancement de l'appel d'offres (15/03/2002), un grand nombre de transporteurs ont décidé de suivre une formation au sein de l'Association Formation Transport qui avait pour objet de prendre connaissance des procédures en matière d'appel d'offres. A cette occasion, des questions ont été posées sur la constitution de groupements ou autre. La réponse sous forme de groupements momentanés d'entreprises apparaît rapidement comme la solution appropriée. L'esprit de la démarche suivie par les transporteurs concernés allait dans le sens de la constitution de GME et plus précisément d'un groupement par lot. "

64. Enfin, le 5 mars 2008, M. X... a précisé :

" En 2002, il s'agissait du premier appel d'offres lancé pour le transport scolaire dans le département. A l'époque, il n'y avait qu'une seule autorité organisatrice de transport : l'UDSIST. Les entreprises, avant 2002, ne vivaient que des contrats proposés par l'UDSIST. L'esprit qui a prévalu lors du lancement de ce marché était, pour l'UDSIST, de ne défavoriser aucun transporteur. Il convient à ce titre de préciser que la plupart des transporteurs n'ont qu'un seul client : à l'heure actuelle, soit le conseil général, soit l'agglomération de Perpignan. De plus, les entreprises de transport qui sont pour leur grande majorité de petite dimension n'avaient donc pas la capacité de répondre seules et, avant, elles étaient propriétaires de leurs lignes. Il était ainsi, dans l'esprit des transporteurs locaux, impensable de voir leurs marchés "historiques" leur échapper au profit de concurrents et pour elles de se positionner sur des territoires sur lesquels elles n'étaient pas historiquement implantées. L'autorité organisatrice avait établi un détail estimatif quantitatif dans lequel étaient mentionnées les lignes scolaires avec les horaires, le type et la capacité des véhicules requis. Chaque entreprise qui avait auparavant réalisé des services était de facto conviée dans le groupement. A priori, toutes les entreprises membres des groupements 1 à 8, étaient antérieurement attributaires de services sur les territoires concernés. Pour les nouveaux services en revanche, il y avait discussion au sein des groupements pour savoir qui les prendrait. Il faut savoir que certains services sont peu rentables et que les groupements permettent de "lisser" les plans de charge ".

65. M. X... a également déclaré :

" Dès lors que l'UDSIST avait défini des lots, le principe d'une offre par lot est devenu comme une évidence. C'était dans l'esprit des transporteurs de l'époque. Dans l'appel à candidature et dans le cahier des charges, la constitution de groupement était explicitement suggérée. C'est le fil conducteur de cet appel d'offres ".

66. Ainsi que :

" Tous les acteurs avaient connaissance, préalablement au dépôt des offres, de la constitution de tous les groupements. La répartition des groupements a été faite quasiment "en séance plénière" ".

67. Il ressort de ces déclarations :

- que, afin de surmonter les réticences devant le premier appel d'offres lancé pour les services de transport scolaire, l'UDSIST a probablement conçu les lots de telle façon que chaque entreprise de transport puisse conserver les services dont elle était précédemment attributaire en adhérant à un groupement candidat au lot approprié et qu'elle l'a fait savoir. Dès lors, un certain nombre de transporteurs locaux se sont placés dans cette perspective, notamment en suivant la formation assurée par l'AFT ;

- que l'état d'esprit des transporteurs locaux n'était pas d'envisager de répondre seuls à un lot même s'ils en avaient la capacité, mais de participer à un groupement ;

- que le principe d'un seul groupement candidat pour un lot a été décidé par un certain nombre de transporteurs au cours de réunions et plus spécialement au cours d'une réunion sous l'égide du GIE Carinter, qui disposait d'une position privilégiée pour transmettre et relayer les informations entre les opérateurs. Que de plus, la plupart des participants à ces réunions devaient largement savoir qui participerait à chaque groupement, ce que confirment les pièces préalablement analysées.

3. LES DIFFICULTÉS À S'ÉCARTER DU SCHÉMA ANTICONCURRENTIEL DOMINANT

68. Comme l'expose le rapport d'enquête, les projets de l'entreprise Siberbus étaient de se présenter sur la totalité des lots. Pour déposer des candidatures appropriées, elle avait néanmoins besoin du concours de transporteurs implantés localement.

69. M. E..., directeur général de la CFT, associé aux travaux d'études de Siberbus pour la préparation de l'appel d'offres, a déclaré :

" En tant que prestataire de services pour l'UDSIST pour les transports scolaires et au même titre que les autres transporteurs locaux, la CFT a été convoquée à une réunion organisée, le 6 février 2002, par l'UDSIST dans ses locaux à Thuir.

A cette occasion, le vice-président de l'UDSIST a tenté de calmer les inquiétudes qui se manifestaient en déclarant qu'il ferait en sorte que personne ne soit lésé quant à l'issue de l'appel d'offres.

A ce moment là, nous avons décidé de nous porter candidats sur l'ensemble des lots, la CFT sur le lot 9 et Siberbus sur les autres. Nous avons estimé judicieux dans cette optique de nous présenter en association avec des transporteurs locaux ".

70. Lors de son audition le 4 mars 2008, M. F..., de la CFT, a précisé :

" La stratégie de Siberbus, à l'époque, était de se positionner sur un ensemble de lots qui pouvaient constituer un "continuum" de la mer à la montagne. L'avantage aurait été de pouvoir utiliser ces lignes touristiques hors période scolaire pour maximiser la flotte. Nous avons donc répondu à un ensemble de lots qui présentaient potentiellement une synergie importante entre eux "

71. Siberbus a communiqué plusieurs documents illustrant ses recherches afin de trouver des partenaires pour répondre en groupements, ses difficultés progressives et finalement l'impossibilité de collaborer avec aucun transporteur local.

72. A l'issue des procédures d'appels d'offres, Siberbus et la CFT n'ont été déclarées attributaires d'aucun lot.

73. Même s'il n'est pas prouvé que cette situation résulte de comportements qui sont répréhensibles au titre des règles de concurrence, elle montre que l'impossibilité de nouer des accords avec les entreprises implantées localement a manifestement handicapé la candidature de ces deux entreprises " extérieures ", qui disposaient pourtant de moyens financiers importants.

4. LE CARACTÈRE ARTIFICIEL DE CERTAINES CANDIDATURES

74. Les éléments qui précèdent montrent que la concurrence n'a pas joué normalement. Certaines entreprises étaient parfaitement au courant des candidatures qui seraient présentées sur l'ensemble des lots. La constitution d'un seul groupement par lot et la possibilité pour chaque transporteur de conserver les circuits qu'il exploitait jusqu'alors étaient réclamés par de nombreux transporteurs. L'état d'esprit général et les pressions exercées ont fait obstacle à la présentation d'offres indépendantes des groupements prévus, en particulier en association avec des entreprises " extérieures ". Ces circonstances ont conduit à des anomalies dans la présentation de certaines candidatures dont le constat permet de confirmer que la concurrence était faussée.

75. Le tableau suivant récapitule les entreprises qui ont déposé une offre dans le cadre des groupements, les affectations effectives des entreprises sur chaque lot dont elles étaient attributaires en groupement (1), le nombre total des véhicules appartenant à l'entreprise (dans la dernière colonne), le nombre total des véhicules finalement affectés aux différents lots (dans l'avant-dernière ligne), ainsi que le rappel du nombre de véhicules requis dans les appels d'offres (dans la dernière ligne).

<emplacement tableau>

76. Il ressort de ce tableau que seize entreprises, pour la plupart de petites structures implantées localement, ont soumissionné en groupement sur un seul lot. Six entreprises ont soumissionné en groupement sur deux lots (Morat Masuaute, Maillols, Corbières Grand Raid, Montagne et transports, Transports Cerdans et Pages), quatre sur trois lots (Bec et Caball, Capeille, Marteill-Rey et Rossignol), deux sur quatre lots (Gep Vidal et Cayrol), deux sur cinq lots (Ponsaty et Vaills Jean), une sur six lots (Cars verts) et, enfin, une, les Courriers Catalans, sur huit des neuf lots.

77. Mais on peut s'interroger sur les situations dans lesquelles, après avoir soumissionné dans un groupement pour un lot, des entreprises n'affectent finalement aucun autocar à ce lot. Ces situations dénotent le caractère artificiel de certaines candidatures, montrant ainsi que les groupements retenus étaient surdimensionnés par rapport aux nécessités. Ceci peut s'expliquer à la fois comme le résultat d'une " neutralisation " de certaines entreprises qui auraient pu participer à des offres concurrentes et par le souci de " faire croire ", au moment de l'appel d'offres, que des groupements réunissant toutes les entreprises présentes sur un secteur étaient nécessaires pour l'ensemble des lots.

D. LES GRIEFS NOTIFIÉS

78. Sur la base des éléments qui précèdent, il a été fait grief aux entreprises Argelès tourisme, Arnaudies Dunyach, Asparre transports, Autocars Cayrol, Autocars Marteill Rey, Autocars Morat Masuaute, Ponsaty, Autocars Rossignol, Bec et Caball, Bosom, Capeille, Cars Maillols, Cars verts, Central garage de la Côte Rocheuse, Cerdagne voyages, Corbières Grand Raid, Gep Vidal, Gusta Catalogne voyages, Ica taxi ambulances, les Courriers catalans, Many, Montagne et transports, Pouzens, Sanz, Taurigna, Forestière Pierre Tenas, Transports Bombardo, Transports Cerdans, Transports Comas, Transports Llabour, Transports Pages et Jean Vaills, de s'être réparti avant le dépôt des offres les lots du marché de transport scolaire lancé en mars 2002 dans le département des Pyrénées- Orientales, qui a donné lieu à une relance en juillet 2002, puis en mars 2003 sur un lot, et d'avoir empêché l'un des candidats à l'appel d'offres, la société Siberbus ou sa filiale CFT, de pouvoir normalement soumissionner en constituant des groupements.

F. LA MISE EN OEUVRE DU III DE L'ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE

79. Les sociétés les Courriers Catalans et Gep Vidal, qui étaient destinataires de la notification de griefs, ont sollicité le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, selon lesquelles : " lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ".

80. La mise en œuvre de ces dispositions a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal établi par le rapporteur général adjoint, signé le 10 juin 2008 par le représentant des deux sociétés.

81. Celles-ci ont déclaré :

" En raison de circonstances qui leur sont propres, les sociétés Les Courriers Catalans et Gep Vidal ne contestent ni la réalité des griefs qui leur ont été notifiés, ni leur qualification, ni leur imputation.

Les sociétés Les Courriers Catalans et Gep Vidal demandent au rapporteur général le bénéfice de l'application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

A cet effet, elles s'engagent à modifier dans l'avenir leur comportement à l'occasion de leurs soumissions à des marchés publics. Elles proposent les engagements qui suivent :

1. Elles s'abstiendront de participer à des groupements momentanés d'entreprises (GME) dont la composition et/ou l'addition des moyens matériels outrepasseront manifestement ce qui est justifié par les besoins de l'autorité organisatrice ou le cahier des charges ;

2. Elles s'abstiendront de participer à toute réunion dont l'ordre du jour comporterait une concertation sur un marché public à venir ;

3. Au cas où des questions relatives aux prix à soumettre à l'occasion d'un appel à concurrence ou à une répartition du marché objet de cet appel seraient abordées au cours d'une réunion sans que ces questions soient mentionnées dans l'ordre du jour accompagnant la convocation, elles se distancieraient de toute position commune et se retireraient après avoir déclaré le motif de leur retrait et demandé son inscription au compte-rendu de la réunion ;

4. Elles s'interdiront tout échange d'informations sensibles sur leur intérêt à répondre ou à ne pas répondre à un appel à concurrence, le montant d'offres à soumettre ou une répartition entre entreprises des services mis en concurrence, sauf entre membres d'un seul et même GME dont elles feraient partie.

5. Elles organiseront dans les trois mois suivant la décision du Conseil deux séances de sensibilisation et de formation aux règles de la concurrence, en particulier en matière de marchés publics. Ces séances, auxquelles il sera obligatoire de participer, seront destinées aux cadres des deux entreprises. Les cadres recrutés après ces séances initiales participeront à des formations similaires dans les meilleurs délais.

6. Elles mettront en place un système de sanction appropriée des personnels qui ne respecteraient pas un ou plusieurs des engagements qui précèdent ".

82. Pour tenir compte de la non-contestation des griefs et des engagements souscrits, le rapporteur général adjoint a proposé que la sanction éventuellement encourue soit réduite dans une proportion allant de 10 % à 20 % du montant qui aurait normalement été infligé.

II. Discussion

A. SUR LA PROCÉDURE

1. EN CE QUI CONCERNE L'IRRÉGULARITÉ ALLÉGUÉE DE L'ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS

83. La société Pages a avancé que l'ordonnance rendue le 22 mars 2005 par le juge des libertés autorisant les opérations de visites et saisies, notamment au sein de ses locaux, omettait de préciser en quoi de telles opérations étaient justifiées en ce qui la concerne. Elle a néanmoins admis qu'elle n'avait pas suivi la procédure prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce pour contester cette ordonnance en formant un pourvoi en cassation.

84. Il y a toutefois lieu de relever qu'à l'occasion de la modification du régime de recours contre les ordonnances judiciaires autorisant des visites et saisies introduite à l'article L. 450-4 du Code de commerce par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, des dispositions transitoires ont été prévues par cette même ordonnance (IV de l'article 5), qui offrent aux entreprises, notamment dans les cas où, comme en l'espèce, elles n'ont pas formé un pourvoi en cassation contre une autorisation de visite et saisie délivrée antérieurement à ladite modification, la possibilité de contester cette autorisation devant la cour d'appel de Paris si celle-ci est saisie d'un recours au fond contre la décision du Conseil de la concurrence ou de l'Autorité de la concurrence statuant sur les pratiques concernées par cette autorisation.

2. EN CE QUI CONCERNE L'IRRÉGULARITÉ ALLÉGUÉE D'UN PROCÈS-VERBAL D'AUDITION

85. Les entreprises Marteill Rey et Jean Vaills font valoir que M. B..., entendu par les enquêteurs le jeudi 28 avril 2005, n'a pas été informé du droit qu'il avait de se faire assister par un avocat, de sorte que le procès-verbal de cette audition, qui ne mentionne pas le respect de cette obligation, serait irrégulier et devrait donc être écarté du débat.

86. Comme l'a rappelé à de nombreuses reprises la cour d'appel de Paris, notamment dans un arrêt du 16 décembre 1994, Sté Kangourou déménagements, " aucune disposition législative ou réglementaire n'énonce que les personnes entendues par les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (L. 450-1 du Code de commerce) peuvent être assistés d'un conseil à l'occasion des enquêtes auxquelles il est procédé sur le fondement de l'article 47 ". En revanche, après la notification des griefs, l'exercice effectif de ce droit à l'assistance d'un conseil, garantie fondamentale des droits de la défense, impose que les intéressés en soient informés.

3. EN CE QUI CONCERNE L'IMPRÉCISION ALLÉGUÉE DE LA NOTIFICATION DE GRIEFS

87. Les sociétés Central garage de la Côte Rocheuse, Gusta, Pages, Ponsaty, Rossignol et Sanz ont évoqué l'imprécision de la notification de griefs.

88. L'importance de la notification de griefs a été rappelée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 29 mars 2005 (Filmdis Cinésogar) : " Les garanties fondamentales de la procédure devant être impérativement respectées, la notification des griefs doit informer précisément les entreprises poursuivies des pratiques reprochées et le Conseil ne saurait - sauf notification de griefs complémentaires à laquelle il lui est loisible de procéder- sanctionner une pratique qui n'a pas été visée dans la notification des griefs, peu important à cet égard qu'elle ait été dénoncée dans le rapport et que les parties s'en soient expliquées devant lui. " La notification de griefs est donc un document synthétique qui doit décrire les faits reprochés, leur qualification juridique et leur imputabilité aux entreprises destinataires.

89. Par ailleurs, ainsi que l'a rappelé à de nombreuses reprises le Conseil de la concurrence, " un grief au sens de la procédure devant le Conseil de la concurrence est un ensemble de faits, qualifiés juridiquement et imputés à une ou plusieurs entreprises. La notification de griefs doit donc informer les parties des pratiques reprochées, de leur qualification juridique au regard du droit applicable - national ou communautaire - et des personnes auxquelles sont imputées ces pratiques, afin de les mettre en mesure de contester utilement, au cours de la procédure contradictoire, soit la réalité des faits, soit leur qualification, soit leur imputation " (voir notamment la décision n° 06-D-18 du 26 juin 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité cinématographique).

90. En l'espèce, dans la notification de griefs, sont précisés les faits reprochés, leur qualification juridique et les entreprises mises en cause pour leur comportement à l'occasion de l'appel d'offres lancé en mars 2002 par l'UDSIST.

91. Plus particulièrement, les sociétés Central garage, Gusta, Sanz, Ponsaty, Pages et Rossignol sont citées à de nombreuses reprises dans la notification de griefs sur la base des informations figurant dans les documents ou les déclarations dont il est fait état et des indications sont données sur leur positionnement au sein des différents groupements ainsi que sur leurs moyens respectifs en matériel et en personnel.

92. La notification de griefs répond de ce fait aux exigences rappelées par la cour d'appel de Paris et a permis aux entreprises mises en cause de connaître les pratiques qui leur sont reprochées et d'exercer leur défense utilement.

B. SUR LE FOND

93. Ainsi que le Conseil l'a maintes fois relevé : " En matière de marchés publics ou privés sur appel d'offres, une entente anticoncurrentielle peut prendre la forme, notamment d'une coordination des offres ou d'échanges d'informations entre entreprises antérieures à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être, qu'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur absence d'intérêt pour le marché considéré, ou des prix qu'ils envisagent de proposer ; (...) la preuve de l'existence de telles pratiques qui sont de nature à limiter l'indépendance des offres, condition normale du jeu de la concurrence peut résulter en particulier d'un faisceau d'indices constitué par le rapprochement de diverses pièces recueillies au cours de l'instruction, même si chacune de ces pièces prise isolément n'a pas un caractère suffisamment probant. "

94. Il en découle, comme rappelé notamment dans les décisions n° 89-D-42 relative à des pratiques d'entente dans le secteur de la production électrique et n° 01-D-17 relative à des pratiques anticoncurrentielles dans les marchés d'électrification de la région du Havre, que tout échange d'informations préalablement au dépôt des offres est anticoncurrentiel s'il est de nature à diminuer l'incertitude dans laquelle toutes les entreprises doivent se trouver placées, relativement au comportement de leurs concurrentes. Cette incertitude est en effet la seule contrainte de nature à pousser des opérateurs concurrents à faire le maximum d'efforts en terme de qualité et de prix pour obtenir le marché. A l'inverse, toute limitation de cette incertitude affaiblit la concurrence entre les offreurs et pénalise l'acheteur public, obligé à payer un prix plus élevé que celui qui aurait résulté d'une concurrence non faussée.

95. En l'occurrence, l'entente anticoncurrentielle est prouvée par un faisceau d'indices graves, précis et concordants constitué par les pièces analysées ci-dessus aux paragraphes 42 à 52 et par les déclarations reproduites aux paragraphes 59 à 66.

96. En effet, les documents découverts chez Gep Vidal et chez Jean Vaills, qui sont convergents, indiquent avec un important degré de précision presqu'un mois et demi avant le dépôt des offres, les lots pour lesquels chacune des entreprises répertoriées est admise comme membre de l'unique groupement " local " constitué pour chaque lot. Cette répartition est le fruit de discussions, d'échanges et de réunions qui remontent à plus de deux ans avant le lancement de l'appel d'offres plusieurs fois reporté, ainsi que le montrent les documents saisis au sein des Courriers Catalans (paragraphes 37 à 41). L'entente s'est concrétisée lors des dernières réunions organisées par le GIE Carinter qui ont débouché sur l'établissement des documents découverts chez Gep Vidal et chez Jean Vaills.

97. Les déclarations confirment pleinement la concertation qui peut être déduite de ces documents. Ainsi qu'exposé au paragraphe 67, il en ressort que le principe d'un seul groupement candidat pour un lot a été décidé par un certain nombre de transporteurs au cours de réunions et plus spécialement au cours d'une réunion sous l'égide du GIE Carinter et que la plupart des participants à ces réunions devaient dans une large mesure savoir qui participerait à chaque groupement. Cependant, l'instruction n'a pas permis d'établir une liste exhaustive des transporteurs qui se sont réunis dans ce but.

98. A cet égard, ainsi que l'ont fait valoir en substance plusieurs entreprises mises en cause, le seul fait d'être citées dans des documents comme membres de groupements ne prouve pas qu'elles ont elles-mêmes participé aux réunions et autres échanges anticoncurrentiels ayant débouché sur la constitution de ces groupements. Ces sociétés exposent qu'elles ont parfaitement pu rejoindre des groupements au regard de leur seul intérêt pour tel au tel service, compte tenu de leurs moyens propres et de la disponibilité qu'elles avaient à travailler avec certains partenaires (mais non avec d'autres), sans être aucunement associées aux démarches anticoncurrentielles qui ont pu intervenir.

99. Il y a lieu de rappeler qu'un document régulièrement saisi, quel que soit le lieu où il l'a été, est opposable à l'entreprise qui l'a rédigé, à celle qui l'a reçu et à celles qui y sont mentionnées et peut être utilisé comme preuve d'une concertation ou d'un échange d'informations entre entreprises, le cas échéant par le rapprochement avec d'autres indices concordants (cour d'appel de Paris, 18 décembre 2001, SA Bajus Transport ; Cour de cassation, 12 janvier 1993, société Sogea).

100. La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 décembre 1992, a également relevé que " l'existence et l'effectivité d'une entente ne sont normalement pas établies par des documents formalisés, datés et signés, émanant des entreprises auxquelles ils sont opposés ; que la preuve ne peut résulter que d'indices variés, dans la mesure où après recoupement, ils constituent un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes ".

101. De même, le Conseil de la concurrence s'est déjà prononcé sur la valeur probante d'un document unilatéral dans la décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile : " La double circonstance qu'il s'agisse de documents unilatéraux évoquant l'accord et non de documents établis en commun ou échangés entre les opérateurs et qu'aucun document n'émane de la société Bouygues n'enlève rien, comme l'a estimé le Conseil dans la décision n° 00-D-28 confirmée par la cour d'appel dans son arrêt du 27 novembre 2001, à la valeur d'indice de ces pièces. "

102. Il est toutefois en l'espèce exact que la preuve de la participation de certaines entreprises mises en cause à la concertation anticoncurrentielle identifiée est insuffisante. Néanmoins, cette preuve est établie pour les sociétés qui suivent.

103. Elle l'est d'abord pour les sociétés Gep Vidal et Cars verts (la première ne conteste d'ailleurs pas le grief) qui ont reçu le document analysé aux paragraphes 42 et suivants. A tout le moins, ces sociétés ont participé à un échange d'informations faussant la concurrence préalablement au dépôt des offres, puisqu'elles ont eu connaissance de l'essentiel des candidatures projetées sur l'ensemble des lots. Il en est de même pour l'entreprise Jean Vaills chez laquelle les documents de même nature, analysés aux paragraphes 48 à 52, ont été saisis.

104. Par ailleurs, dans leurs déclarations analysées aux paragraphes 59 et suivants, les dirigeants des entreprises Bec et Caball, Cars verts, les Courriers catalans (celle-ci ne conteste pas le grief), Ponsaty et Transports cerdans ont admis avoir participé à la ou aux réunions au cours desquelles il a été décidé en commun de ne constituer qu'un groupement " local " par lot.

105. Sur ce point, le Conseil de la concurrence a plusieurs fois eu l'occasion de rappeler que la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, de groupements, en vue de répondre à un appel d'offres, n'est pas illicite en soi. De tels groupements peuvent avoir un effet " pro-concurrentiel " s'ils permettent à des entreprises, ainsi regroupées, de concourir, alors qu'elles n'auraient pas été en état de le faire isolément, ou de concourir sur la base d'une offre plus compétitive.

106. Ainsi que le Conseil l'a relevé dans de récentes décisions (n° 08-D-22 du 9 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin ou n° 08-D-15 du 2 juillet 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de rénovation de chaufferies en Saône-et-Loire), ils peuvent, à l'inverse, avoir un effet anticoncurrentiel s'ils provoquent une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates ou dissimulent une entente de prix ou de répartition des marchés. L'objet anticoncurrentiel d'un groupement est notamment révélé lorsque le groupement a été constitué entre des entreprises qui se sont réunies en vue de reconduire à l'identique les conditions d'exécution de prestations que la collectivité publique, antérieurement à l'appel d'offres, répartissait déjà entre ces entreprises (voir les décisions n° 92-D-08 du 4 février 1992 relative à des pratiques d'entreprises de transports sanitaires lors d'appel d'offres des hospice civils de Lyon et n° 95-D-56 du 12 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par des entreprises de transports sanitaires lors de la passation d'un marché avec le centre hospitalier de Tourcoing).

107. En l'occurrence, il n'est pas reproché aux entreprises, en particulier celles de petite dimension, d'avoir participé à des groupements alors qu'elles n'auraient pas pu concourir isolément et d'avoir voulu se positionner sur des lots sur lesquels elles étaient déjà actives, mais aux transporteurs qui ont pris part à la concertation anticoncurrentielle d'avoir utilisé la constitution d'un seul groupement par lot pour procéder à une répartition du marché des transports scolaires du département. Il résulte, en effet, des circonstances rapportées que les entreprises étaient en général informées de l'identité des entreprises qui participaient aux différents groupements et se sont entendues sur les modalités de cette participation au cours des différentes réunions. Elles ont ainsi empêché que s'instaure une concurrence non faussée qui implique que les entreprises qui déposent une offre concernant un lot en groupement ou à titre individuel ne soient pas au courant des autres offres qui seront déposées sur ce lot et sur les autres lots. La constitution d'un seul groupement par lot a en particulier empêché le dépôt d'offres par des entreprises individuelles ou des groupements concurrents de dimension plus réduite concernant un même lot. Cette situation était concevable, mais a été proscrite par le groupement convenu de toutes les entreprises intéressées par un même lot.

108. Certes, la quasi totalité des sociétés ayant déposé des observations ont mis en avant le rôle joué par le donneur d'ordre, l'UDSIST, dans cette affaire, qui aurait suggéré la formation de groupements pour répondre à l'appel d'offres.

109. Cependant, ainsi que le Conseil de la concurrence l'a relevé dans sa décision n° 05-D-19 du 12 mai 2005 (route des estuaires), " selon la jurisprudence, les pratiques utilisées par le maître de l'ouvrage à l'occasion d'un appel d'offres, même si elles facilitent les pratiques irrégulières des entreprises, ne peuvent pas faire échec à l'application des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 420-1 du Code du commerce, dès lors que sont établies à l'encontre des sociétés des pratiques tendant à fausser le jeu de la concurrence (chambre commerciale de la Cour de cassation, 12 janvier 1993, SA Sogea) ".

110. Ainsi, selon la pratique décisionnelle constante, le comportement, ou l'inexpérience, du maître de l'ouvrage à l'occasion d'un appel d'offres, même s'il est susceptible de faciliter les pratiques irrégulières des entreprises, ce qui semble être le cas en l'espèce, ne peut faire échec à l'application des règles de concurrence.

111. Il résulte de ce qui précède que le grief est établi en ce qui concerne les entreprises Gep Vidal, Cars verts, Jean Vaills, les Courriers catalans, Bec et Caball, Ponsaty, et Transports Cerdans, mais non en ce qui concerne les autres sociétés qui en ont été destinataires et à l'égard desquelles les indices qui ont été réunis ne sont pas suffisamment probants.

C. SUR LES SUITES À DONNER

112. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose notamment :

" [le Conseil de la concurrence] peut infliger une sanction pécuniaire (...).

Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée par chaque sanction.

(...) Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante.

Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise. "

113. En l'espèce, il doit aussi être tenu compte de la circonstance que les Courriers catalans et Gep Vidal n'ont pas contesté les griefs dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

1. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES

114. Ainsi que le rappelle régulièrement le Conseil dans sa pratique décisionnelle, les ententes commises à l'occasion d'appels d'offres, ce qui est le cas en l'espèce, sont d'une nature particulièrement grave puisqu'elles limitent l'intensité de la pression concurrentielle à laquelle auraient été soumises les entreprises, si elles s'étaient déterminées de manière indépendante.

115. L'entente a porté préjudice à des collectivités publiques et, de jurisprudence constante, la tromperie de l'acheteur public porte une atteinte grave à l'ordre public économique. L'attitude de l'autorité organisatrice a peut-être facilité l'organisation de la pratique anticoncurrentielle, mais, aucun élément ne montre que les entreprises aient été obligées d'y recourir.

2. SUR L'IMPORTANCE DU DOMMAGE À L'ÉCONOMIE

116. Ainsi qu'il est rappelé dans un arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 janvier 1998 (Fougerolle Ballot), " le dommage causé à l'économie est indépendant du dommage souffert par le maître d'ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires et s'apprécie en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence ".

117. Dans un arrêt du 12 décembre 2000 (Sogea Sud est), la cour d'appel a encore relevé que " ces pratiques anticoncurrentielles qui caractérisent un dommage à l'économie sont répréhensibles du seul fait de leur existence, en ce qu'elles constituent une tromperie sur la réalité de la concurrence dont elles faussent le libre jeu, nonobstant la circonstance que l'échange d'informations entre entreprises sur les prix a été suivi d'une adjudication inférieure aux estimations du maître d'œuvre (...) ".

118. Enfin, dans un arrêt du 8 octobre 2008 (SNEF), elle a souligné que " le dommage à l'économie visé par les dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 462-4 du Code de commerce ne se réduit pas au préjudice éventuellement subi par le maître de l'ouvrage et s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marchés par les pratiques en cause (...) ". Dans cet arrêt, la cour d'appel a approuvé le Conseil de la concurrence d'avoir infligé à une entreprise qui s'était concertée avec une autre pour répondre à un appel d'offres une sanction pécuniaire nettement supérieure au montant du marché, alors même que ce dernier avait été attribué à une entreprise tierce ayant proposé un prix inférieur à celui proposé par l'entreprise sanctionnée.

119. Pour apprécier le dommage à l'économie, le Conseil tient néanmoins compte du montant du marché attribué, mais aussi de la " malheureuse valeur d'exemple que ce type de comportements peut susciter pour d'autres marchés publics ".

120. En l'occurrence, la somme des offres des groupements s'élevait, pour les neuf lots à l'issue de la remise des offres au 4 juin 2002, à environ 18 850 000 euro, et à l'issue de la remise des offres du 15 octobre 2002 à 15 540 000 euro. Les dépenses en matière de transports scolaires du conseil général des Pyrénées-Orientales ont évolué comme suit pendant l'exécution du marché de 2002 qui courait jusqu'à la fin de l'année scolaire 2004/2005 (cote 1965) :

Années scolaires / Dépenses TTC

2002-2003 / 17 500 000

2003-2004 / 18 500 000

2004-2005 / 19 400 000

121. Sans entrer dans un débat sur la pertinence des évaluations de prix faites initialement par le donneur d'ordres et sur le caractère raisonnable ou non des prix effectivement proposés par les entreprises en cause, il suffit de souligner qu'une concurrence faussée par des ententes de répartition de marchés entraîne nécessairement une pression moindre sur les entreprises pour qu'elles fassent des efforts de prix.

122. Lors de son audition par le rapporteur le 5 mars 2008, M. X..., directeur des transports au conseil général des Pyrénées-Orientales (et ancien directeur des Courriers catalans) a déclaré : " Le marché de transport scolaire lancé en 2002 n'a pas été reconduit tacitement 3 ans plus tard. En 2005, un nouveau marché a donc été lancé, qui comprenait également

le transport de voyageurs. Deux procédures de référé (CFT et Cars verts) ont été intentées mais n'ont pas eu de suite. Il y a eu pour ce marché une concurrence très forte, la CFT ayant notamment fédéré un certain nombre de transporteurs. Les prix ont baissé de 30 %. Je pense qu'on est dorénavant à un prix de marché en-deçà duquel il serait "dangereux" d'aller : beaucoup de petits transporteurs sont en effet en difficulté. Le conseil général envisage d'ailleurs la mise en place d'une régie départementale ".

123. Les pratiques en cause ont eu des effets pendant trois ans, mais elles auraient pu en avoir pendant neuf ans. Il faut aussi tenir compte du caractère infructueux du premier marché, pour cause de prix trop élevés, qui a dû être relancé sous forme négociée, ce qui a engendré des coûts.

3. SUR LES SANCTIONS

a) Bec et Caball

124. Durant l'exercice s'achevant au 31 août 2007, dernier exercice clos connu, la société Bec et Caball a réalisé un chiffre d'affaires de 1 118 712 euro. Son chiffre d'affaires le plus important, s'élevant à 2 436 986 euro, a été réalisé durant l'exercice s'achevant le 31 août 2006, de sorte que le plafond de la sanction s'élève à 243 700 euro. Sa situation financière est toutefois fragile. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Bec et Caball une sanction pécuniaire de 11 000 euro.

b) Cars verts

125. Par jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 6 septembre 2006, la liquidation judiciaire de cette société a été prononcée. Cette liquidation a fait l'objet d'un jugement de clôture pour insuffisance d'actifs le 25 juin 2008. Il n'y a pas lieu, compte tenu de ces circonstances, d'infliger de sanction.

c) Les Courriers Catalans

126. Cette société du groupe Kéolis n'a pas contesté le grief et a pris les engagements mentionnés au paragraphe 81. Lorsqu'est mise en œuvre la procédure prévue au III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la décision du Conseil qui examine la proposition du rapporteur général de réduire la sanction pécuniaire éventuellement encourue, tient compte à la fois de la non contestation des griefs et des engagements pris pour l'avenir.

127. Les engagements souscrits comportent, outre un dispositif de formation aux règles de concurrence à l'égard des cadres, des principes de conduite visant à éviter à l'entreprise de se retrouver partie prenante à une pratique anticoncurrentielle. Ces engagements sont susceptibles, à l'échelle de l'entreprise en cause, d'améliorer le fonctionnement concurrentiel des marchés sur lesquels elle intervient ; toutefois, ils donnent à l'autorité de concurrence peu de moyens de vérifier leur mise en œuvre.

128. Compte tenu du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce et de la non-contestation des griefs prévue au III du même article, le plafond de la sanction qui peut être prononcé à l'égard de la société Les Courriers Catalans s'élève à 5 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé du groupe Kéolis réalisé entre 2001 et 2007. Sans qu'il soit besoin de déterminer en l'espèce précisément ce plafond, il est de l'ordre de 140 millions d'euro, Kéolis ayant réalisé un chiffre d'affaires consolidé d'environ 2,8 milliards d'euro en 2007 (rapport annuel 2007).

129. Durant l'exercice 2007, dernier exercice clos, la société les Courriers Catalans a réalisé un chiffre d'affaires de 8 336 314 euro. Bien que ses résultats soient négatifs en 2006 et 2007, elle appartient à un grand groupe. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, la sanction pécuniaire infligée à la société les Courriers Catalans aurait été de 208 000 euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation du grief et des engagements pris, ce montant est ramené à 183 000 euro.

d) GEP Vidal

130. Comme la précédente, cette autre société du groupe Kéolis n'a pas contesté le grief et a pris les engagements mentionnés au paragraphe 81. Les considérations exprimées aux paragraphes 127 et 128 lui sont applicables.

131. Durant l'exercice 2007, dernier exercice clos, la société Gep Vidal a réalisé un chiffre d'affaires de 3 753 652 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, la sanction pécuniaire infligée à la société les Courriers Catalans aurait été de 93 000 euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation du grief et des engagements pris, ce montant est ramené à 82 000 euro.

e) Entreprise Jean Vaills

132. Durant l'exercice 2007, dernier exercice clos, l'entreprise Jean Vaills a réalisé un chiffre d'affaires de 1 692 021 euro. En 2006, année de son chiffre d'affaires le plus important, il était de 1 736 448 euro de sorte que le plafond de la sanction s'élève à 173 600 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à l'entreprise Jean Vaills une sanction pécuniaire de 25 000 euro.

f) Ponsaty

133. Durant l'exercice s'achevant au 30 septembre 2007, dernier exercice clos connu, la société Ponsaty a réalisé un chiffre d'affaires de 2 203 585 euro. Son chiffre d'affaires le plus important, s'élevant à 2 384 012 euro, a été réalisé durant l'exercice s'achevant le 30 septembre 2006, de sorte que le plafond de la sanction s'élève à 238 400 euro. Ces dernières années, ses résultats sont irréguliers. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Ponsaty une sanction pécuniaire de 28 000 euro.

g) Transports Cerdans

134. Durant l'exercice 2007, dernier exercice clos, la société Transports Cerdans a réalisé un chiffre d'affaires de 1 903 944 euro. C'est également cette année qu'a été réalisé son chiffre d'affaires le plus important, de sorte que le plafond de la sanction s'élève à 190 400 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Transports Cerdans une sanction pécuniaire de 28 000 euro.

Décision

Article 1er : Il n'est pas établi que les entreprises Argelès tourisme, Arnaudies Dunyach, Asparre transports, Autocars Marteill-Rey, Autocars Rossignol, Capeille, Cayrol Roussillon voyages, Central garage de la Côte Rocheuse, Cerdagne voyages, Corbières grand raid, Gusta Catalogne voyages, I.C.A. taxi ambulance, Llabour, Maillols, Many, Michel Taurigna, Montagne et transports, Morat Masuaute, Pouzens, Sanz voyages, Tenas et Fils, Transports Bombardo, Transports Bosom, Transports Comas et Transports Pages ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Il est établi que les entreprises Les Transports Bec et Caball, Cars verts, Les Courriers Catalans, Transports Gep Vidal, Entreprise Jean Vaills, Société d'Exploitation de l'entreprise Ponsaty, et Transports Cerdans ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Les Transports Bec et Caball une sanction de 11 000 euro ;

- à la société les Courriers Catalans une sanction de 183 000 euro ;

- à la société Transports Gep Vidal une sanction de 82 000 euro ;

- à l'entreprise Jean Vaills une sanction de 25 000 euro ;

- à la société d'Exploitation de l'entreprise Ponsaty une sanction de 28 000 euro ;

- à la société Transports Cerdans une sanction de 28 000 euro ;

Article 4 : Aucune sanction pécuniaire n'est infligée à la société Cars verts.

Note

1 Ces données sont celles recueillies lors de l'instruction. Cependant, s'agissant de Cars verts et de Corbières Grand Raid, deux sociétés en liquidation, parti a été pris de ventiler le nombre de véhicules affectés à parts égales entre les lots. Cette affectation artificielle des véhicules de ces deux sociétés entraîne inévitablement dans le tableau ci-après des différences entre le nombre total des véhicules effectivement utilisés et le nombre total de véhicules requis.