Cass. soc., 10 décembre 2008, n° 07-44.087
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Sofop Taliaplast (SAS)
Défendeur :
Nong
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mazars (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Chollet
Avocat général :
M. Allix
Avocats :
SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 juin 2007), qu'engagé le 5 octobre 1999, en qualité de VRP exclusif, par la société Sofop Taliaplast, M. Nong a, à la suite de son refus d'une modification de son contrat de travail, été licencié le 31 décembre 2004 pour réorganisation du service commercial afin de sauvegarder la pérennité de l'entreprise ; que le salarié a demandé la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes ;
Sur le premier moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au salarié une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, si elle faisait état de l'existence de clients et prospects peu ou pas visités sur le secteur de M. Nong, précisait immédiatement que " ce problème étant commun à l'ensemble des VRP de la société " et rappelait d'ailleurs " les remarques de plus en plus pressantes des VRP sur le manque de temps pour visiter l'ensemble de la clientèle et les prospects " ; qu'était donc invoquée un motif non inhérent à la personne du salarié pris d'une insuffisance de visite et de prospection de leur clientèle par les VRP de la société et non par M. Nong seulement ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que le motif invoqué dans la lettre de licenciement était l'" insuffisance de prospection ou de visite de la clientèle par le VRP ", pour en déduire qu'il s'agissait d'" un motif personnel de licenciement et non d'un motif économique " et qu'il " ne peut justifier une réorganisation générale du service commercial pas plus qu'un redécoupage des secteurs des VRP ", la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, et violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ; 2°) que subsidiairement l'insuffisance de prospection et de visites par les VRP de leur clientèle, ayant pour origine leur manque de temps pour visiter l'ensemble de la clientèle et les prospects, constitue un motif économique et non personnel de licenciement et justifie la réorganisation du service commercial consistant à redécouper les secteurs de prospection et notamment à en réduire l'étendue ; qu'à supposer qu'elle ait considéré que le motif d'insuffisance de prospection ou de visite de la clientèle par les VRP était un motif personnel de licenciement et non un motif économique et qu'il ne pouvait justifier une réorganisation générale du service commercial pas plus qu'un redécoupage des secteurs des VRP, la cour d'appel a alors violé les articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ; 3°) que par ailleurs l'employeur, afin de démontrer que son objectif n'était nullement la réduction des rémunérations de ses commerciaux, soulignait, preuves à l'appui, que la masse salariale avait augmenté de 14 % en 2005 et que le chiffre d'affaires et donc la rémunération des VRP ayant accepté la réduction de leur secteur de prospection avaient également augmenté en 2005 et en 2006 ; qu'il rappelait par ailleurs que le nouveau découpage des secteurs avait conduit à l'augmentation du nombre de VRP (passant de treize à dix-huit) ainsi qu'à l'embauche d'un cadre commercial et de trois assistantes commerciales ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que " trois VRP (...) témoignent de ce que ce que le motif principal qui a été invoqué par la direction lors de l'assemblée générale des 7 et 8 octobre 2004 était le salaire trop élevé de certains VRP (...) ce motif étant confirmé par le fait que le pourcentage de commissionnement sur la nouvelle gamme de produits allait être réduit ", sans s'expliquer sur les éléments susvisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ; 4°) que l'employeur soulignait qu'il était confronté depuis le début de l'année 2004 à une flambée du prix des matières premières (plastique, acier, inox et bois) en raison de la demande croissante des pays émergents, à une concentration de ses clients revendeurs (rachats de dépôts par des groupes tels que Point P, Réseau Pro, Loxam ...) ainsi qu'au regroupement d'indépendants sous des enseignes nationales (telles que Tout Faire, Big Mat, Gedimat ...) qui mettent les fournisseurs de plus en plus en concurrence, quand ils ne font pas du sourcing à l'étranger et en particulier en Asie ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cette menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ; 5°) qu'une réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ; que répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'en affirmant, pour dire le motif économique non établi, que la restructuration de la société ne peut être la cause de licenciement pour motif économique que si l'entreprise connaît des difficultés économiques réelles et que le chiffre d'affaires réalisé par le salarié ne mettait pas en péril la société, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le motif du licenciement était " une réorganisation du service commercial nécessitée par la sauvegarde de la pérennité de l'entreprise ", la cour d'appel qui a, sans dénaturer la lettre de licenciement, ni devoir suivre les parties dans le détail de leur argumentation retenu, au vu des pièces produites devant elle, l'absence de menace pesant sur la compétitivité et la pérennité de l'entreprise, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de complément d'indemnité de clientèle, l'arrêt retient que seuls les éléments de calcul de cette indemnité sont discutés ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions d'appel de l'employeur qui soutenaient qu'au regard de pièces versées aux débats, le salarié avait, à la suite de la rupture de son contrat de travail, démarché la même clientèle pour le compte de la société Roger Mondelin, entreprise concurrente, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la Société française d'outils professionnels Sofop Taliaplast à payer à M. Nong la somme de 91 505, 26 euro à titre d'indemnité de clientèle, l'arrêt rendu le 26 juin 2007, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.