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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 28 janvier 2009, n° ECEC0907334X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

EPSE Joué Club, Carrefour France (SAS), Lego (SAS), Maxi Toys France (SA), Mega Brands Europe (Sté), Puériculture de France (SAS), Hasbro France (SAS)

Défendeur :

Président du Conseil de la Concurrence, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

MM. Magendie, Pimoulle

Conseillers :

M. Remenieras, Mmes Jourdier, Mouillard

Avoués :

SCP Narrat Peytavi, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Oudinot Flauraud, SCP Hardouin, SCP Grappotte Benetreau Jumel, SCP Gerigny-Freneaux

Avocats :

Mes Boub2e, Lazarus, Rincazaux, Greffe, Thill-Tayara, Grall, Philippe

CA Paris n° ECEC0907334X

28 janvier 2009

LA COUR,

Vu les recours formés :

1°) le 14 janvier 2008, par la société Carrefour France (Carrefour),

2°) le 15 janvier 2008, par la société Maxi Toys France (Maxi Toys)

3°) le 17 janvier 2008, par la SAS Puériculture de France,

4°) le 18 janvier 2008, par la société Mega Brands Europe NV/SA (Mega Brands).

5°) le 18 janvier 2008, par la société coopérative de commerçant-détaillants EPSE Joué Club.

6°) le 18 janvier 2008, par la SAS Hasbro France (Hasbro),

7°) le 24 janvier 2008, par la SAS Lego,

tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société coopérative de commerçants-détaillants EPSE Joué Club, déposé au greffe le 18 février 2008, soutenue par son mémoire ampliatif déposé le 14 octobre 2008,

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Maxi Toys, déposé au greffe le 20 février 2008, soutenu par son mémoire déposé le 14 octobre 2008,

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Puériculture de France, déposé au greffe le 20 février 2008, soutenu par ses observations complémentaires déposées le 13 octobre 2008.

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Mega Brands, déposé au greffe le 20 février 2008, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 14 octobre 2008.

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Hasbro, déposé au greffe le 20 février 2008, soutenu par son mémoire récapitulatif déposé le 15 octobre 2008,

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Carrefour, déposé au greffe le 21 février 2008, soutenu par ses conclusions en réplique déposées le 15 octobre 2008.

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Lego, déposé au greffe le 25 février 2008, soutenu par son mémoire déposé le 15 octobre 2008.

Vu les observations écrites du ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, déposées le 28 juillet 2008.

Vu les observations du Conseil de la concurrence, déposées le 29 juillet 2008.

Vu les observations écrites du Ministère public, du 26 novembre 2008, mises à la disposition des parties avant l'audience,

Les sociétés requérantes et leurs conseils, qui ont eu la possibilité de répliquer et la parole en dernier, le représentant du Conseil de la concurrence, du ministre de l'Economie et le Ministère public entendus,

Sur quoi,

Considérant que, le 31 août 2005, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques susceptibles d'être qualifiées au regard des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité de l'Union européenne, dans le secteur de la distribution de jouets, au cours des années 2001 à 2004, pendant la campagne publicitaire de fin d'année du groupe Carrefour intitulée " Carrefour rembourse 10 fois la différence " ; qu'il signalait en particulier un contexte général d'alignement des prix par les enseignes de la grande distribution alimentaire et par les distributeurs spécialisés pendant la période de Noël, portant essentiellement sur des jouets de marque présents dans les catalogues de fin d'année, et l'organisation, par Carrefour et certains fabricants, d'actions incitant ses concurrents à relever leurs prix en s'alignant sur les siens ; qu'au vu des résultats de l'enquête au cours de laquelle ont été entendus les principaux acteurs du secteur sur les relations commerciales en vigueur, les rapporteurs ont notifié des griefs à 17 fournisseurs et 13 distributeurs : que, par la décision déférée, le Conseil a sanctionné cinq fabricants et trois distributeurs auxquels ont été infligées les sanctions suivantes:

- aux sociétés Puériculture de France (600 000 euro), Moga Brands (240 000 euro) et Goliath (25 000 euro) pour une entente avec les distributeurs de jouets en 2002,

- à la société Hasbro (5,1 millions d'euro) pour une entente avec les distributeurs de jouets en 2002 et 2003,

- à la société Lego (1,6 millions d'euro) pour une entente avec les distributeurs de jouets en 2001, 2002 et 2003,

- à la société Carrefour (27,4 millions d'euro) pour sa participation aux ententes verticales sur les prix portant sur les produits Chicco, Goliath et Mega Brands en 2002, Hasbro en 2002 et 2003 et Lego en 2001, 2002 et 2003,

- à la société EPSE Joué Club (300 000 euro) pour sa participation aux ententes verticales sur les prix des produits Goliath et Mega Brands en 2002,

- à la société Maxi Toys (1,8 millions d'euro) pour sa participation aux ententes sur les prix des produits Chicco, Goliath et Mega Brands en 2002, Hasbro en 2002 et 2003;

Que le Conseil a en outre ordonné la transmission du dossier aux tribunaux de commerce compétents, à l'appui de l'action introduite par le Président du Conseil de la concurrence sur le fondement du III de l'article L. 442-6 du Code de commerce;

1. Sur la procédure :

1.1. Sur le caractère expéditif de l'instruction dénoncé par la société Carrefour:

Considérant que la société Carrefour, rappelant la chronologie de la procédure, dénonce le "rythme effréné" que se sont imposés les services d'instruction, inadapté, selon elle à la complexité et l'ampleur de l'affaire et estime que cette " cadence infernale a gravement impacté les droits de la défense" en ce que, d'une part, le délai supplémentaire qu'elle avait sollicité pour répondre à la notification de griefs lui a été refusé et que, d'autre part, le Conseil ne s'est pas donné le temps de tenir compte des précisions qu'elle avait apportées quant à son chiffre d'affaires, ce qui lui a valu d'être sanctionnée sur la base d'un chiffre d'affaires erroné; que le délai raisonnable exigé par l'article 6 § 1, CEDH n'ayant pas été respecté, il s'ensuit que la décision doit être annulée;

Mais considérant que la requérante, qui s'abstient de préciser la nature et l'intérêt des informations auxquelles le refus du Président du Conseil de lui accorder le délai supplémentaire sollicité l'aurait empêchée d'avoir accès dans le délai de deux mois prévu par l'article L. 463-2 du Code de commerce, n'établit pas en quoi ce refus aurait concrètement fait obstacle aux droits de la défense ; qu'en outre, sous couvert d'une critique portant sur le caractère expéditif de l'instruction, la société Carrefour conteste l'appréciation faite par le Conseil de son chiffre d'affaires, ce qui relève du débat au fond en sorte que le moyen est inopérant;

1.2. Sur le manquement au principe d'égalité de traitement invoqué par la société Carrefour :

Considérant que, seule sanctionnée parmi les grandes surfaces alimentaires auxquelles des griefs avaient été notifiés, la société Carrefour estime que cette inégalité de traitement constitue une grave méconnaissance des principes du procès équitable;

Mais considérant qu'une société sanctionnée n'est pas recevable à critiquer la décision en ce qu'elle ne sanctionne pas d'autres entreprises, cette circonstance ne lui faisant pas grief ; que le moyen n'est pas fondé;

1.3. Sur l'absence de notification de grief invoquée par la société Lego:

Considérant que la notification des griefs a été envoyée aux entreprises le 13 avril 2007 ; que, parmi les destinataires, le " groupe Smoby ", dépourvu de la personnalité juridique, n'avait pas qualité pour la recevoir ; que ce document a donc été adressé le 27 juin 2007 aux trois sociétés de ce groupe, soit Smoby SA, Majorette Solido SAS et Groupe Berchet ; que la société Lego estime que cet envoi postérieur, qu'elle assimile à une notification de grief complémentaire à laquelle elle n'a pu répondre, faute d'en avoir eu connaissance en temps utile alors qu'elle devait être communiquée à l'ensemble des parties à la procédure, constitue une violation du principe du contradictoire et une violation des droits de la défense;

Mais considérant que l'entente visée dans le grief notifié à la société Lego ne comprend aucune des trois sociétés Smoby SA, Majorette Solido SAS et Groupe Berchet; que celle reprochée à ces sociétés n'inclut pas la société Lego; que la notification de griefs adressée aux trois sociétés était identique à celle qui avait été adressée dans un premier temps au " groupe Smoby " et à la société Lego elle-même ; que la société Lego ne démontre pas concrètement en quoi l'absence de la formalité qu'elle déplore aurait nui à sa défense ; que le moyen n'est dès lors pas fondé;

1.4. Sur l'imprécision du grief notifié invoquée par la société Lego:

Considérant que le grief notifié au fabricant Lego reproche à cette société de s'être entendue, de 2001 à 2004, avec des distributeurs désignés par leur enseigne commerciale ou leur raison sociale et avec un certain nombre de magasins ; que la requérante soutient que ces indications ne lui ont permis, ni d'identifier les entreprises avec lesquelles elle se serait entendue, ni de cerner exactement la durée des pratiques alléguées et que cette insuffisance de précisions l'a empêchée de contester utilement les charges et de faire valoir ses moyens de défense;

Considérant, d'une part, qu'un grief est un ensemble de faits juridiquement qualifiés et imputés à une entreprise ; que l'imputation d'une entente verticale à un fabricant n'exige pas l'identification précise de chacun des distributeurs impliqués lorsque, comme en l'espèce, est invoquée l'application générale de prix évoqués ou conseillés;

Considérant, d'autre part, que les développements de la notification de griefs établissaient nettement que les pratiques incriminées étaient celles mises en œuvre à l'occasion des fêtes de fin d'année de 2001 à 2004; que le grief n'est pas fondé ;

1.5. Sur la modification ou la confusion des griefs:

Considérant que la notification de griefs, en se référant à l'ensemble des déclarations, messages, courriers et autres pièces recueillies au cours de l'enquête, vise les pratiques commerciales en vigueur dans le secteur du jouet, les politiques de fixation des prix de vente aux consommateurs, l'application de prix de détail identiques alignés sur le seuil de revente à perte des grandes surfaces alimentaires et spécialement l'application des prix catalogues, la préconisation des prix de vente au détail et la surveillance/police des prix ; que tous les griefs notifiés trouvent leur source dans ce même ensemble de faits;

Que, dans les développements relatifs à la qualification des pratiques, la notification des griefs, rappelant que le Conseil a identifié deux types de preuves démontrant l'existence d'ententes verticales, distingue:

- d'une part, l'application des prix préconisés, laquelle se prouve par le faisceau d'indices établissant la connaissance par les distributeurs des prix de détail souhaités par les fabricants, l'exercice d'une police des prix et l'application significative de ces prix par les distributeurs,

- d'autre part, la négociation d'un seuil de revente à perte artificiellement élevé qui se démontre par le caractère faussement conditionnel de certaines remises ou de faux accords de coopération commerciale;

Que cette distinction se reflète dans le libellé des griefs notifiés, d'une part à la société Lego et à ses distributeurs d'autre part aux sociétés Puériculture de France, Hasbro et Mega Brands et aux sociétés Carrefour et EPSE Joué Club auxquelles il était reproché de s'être entendues, entre fabricants et distributeurs, " en négociant un système de ristournes artificiellement conditionnelles et de fausses prestations de coopération commerciale conduisant à un seuil de revente à porte artificiellement élevé et empêchant la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence " pratique prohibée par les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE;

Considérant que les sociétés Puériculture de France, Hasbro, Mega Brands, Carrefour et EPSE Joué Club soutiennent que la différence ainsi retenue par les rapporteurs les a conduites à se défendre seulement sur le caractère prétendument faussement conditionnel des remises et la réalité du contenu des accords de coopération commerciale; que, dès lors, le Conseil les ayant sanctionnées sur le fondement d'une pratique d'entente verticale prouvée par les trois indices d'évocation des prix, de surveillance ou de police des prix et d'application significative des prix évoqués, le principe du droit à un double degré de juridiction et celui du contradictoire ont été violés et les droits de la défense méconnus ;

Mais considérant qu'un grief doit être analysé par référence aux développements préalables du rapporteur dans l'acte de notification de celui-ci ; qu'en l'espèce, les rapporteurs ont notifié aux requérantes un grief d'entente entre fournisseurs et distributeurs sur les prix de revente aux consommateurs ; qu'il résulte des explications qui précèdent l'énoncé formel de ce grief pour chacune des entreprises poursuivies ; qu'en visant la négociation " d'un système de ristournes artificiellement conditionnelles et de fausses prestations de coopération commerciale conduisant à un seuil de revente à perte artificiellement élevé et empêchant la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence " les rapporteurs ont seulement entendu préciser comment l'entente en question était démontrée; qu'il suit de là que le Conseil, qui n'était pas tenu par l'analyse des rapporteurs, n'a pas porté atteinte aux droits des requérantes en retenant pour apprécier si le grief notifié était établi, un mode de preuve différent, plus favorable en définitive aux parties poursuivies en ce qu'il suppose la réunion de plusieurs éléments - évocation des prix par les fournisseurs à l'intention des distributeurs, police des prix et application généralisée de ces prix par les distributeurs - dès lors qu'il ne s'est fondé pour ce faire sur aucun élément qui n'eut été soumis au débat contradictoire;

Qu'au demeurant, contrairement à leurs allégations, les parties se sont défendues, non pas seulement sur les faits analysés sous l'angle des fausses marges arrière, mais sur l'ensemble des faits relevés au titre du faisceau d'indices, comme le montrent leurs observations opposées à la notification de griefs;

Que c'est ainsi que la société Carrefour, dans ses observations en réponse à la notification de griefs (p. 36) " croit ainsi comprendre de la lecture des points 299 et suivants que la notification de griefs déduit l'existence d'un tel accord de volonté des 3 éléments suivants : (i) l'alignement des prix catalogues des distributeurs concernés au seuil de revente à perte, (ii) la prétendue préconisation des prix de vente, (iii) la prétendue surveillance/police des prix de vente " que, quoiqu'elle formule une appréciation critique de la méthode suivie par les rapporteurs, elle n'en développe pas moins jusqu'à la page 53 du même document son argumentaire tendant à démontrer que les trois points ainsi énoncés, qui correspondent aux trois indices du faisceau, ne sont pas établis en ce qui la concerne ;

Que la société Puériculture de France (p. 28 et suivantes de ses observations) invoque la puissance d'achat des distributeurs pour contester la " prétendue préconisation des prix de revente au consommateur " - qui équivaut en fait au premier indice de l'évocation des prix - et discute les éléments retenus à son encontre au titre d'une participation à " une prétendue police des prix";

Que la société Mega Brands et la société EPSE Joué Club font valoir que l'absence de démonstration, dans la notification de griefs, de l'existence des trois indices ne saurait justifier la réduction du standard de preuve au seul caractère fictif des remises et des services de coopération commerciale;

Considérant, enfin, que la société Hasbro, de la page 61 à la page 72 de ses observations en réponse à la notification de griefs, entend " démontrer, pour chacune des parties cumulatives du faisceau d'indices qui aurait dû être appliqué [...] que les éléments évoqués de façon éparse dans la notification ne sont ni assez nombreux, ni assez précis, ni assez probants " et discute " l'absence d'indices graves, précis et concordants susceptibles d'établir l'existence de prix de vente au détail souhaités par le fournisseur et connus des distributeurs " (point 3.3.2.1.), " l'application significative des prix souhaités par le fournisseur et connus des distributeurs " (point 3.3.2.2.) et " la mise en œuvre d'une police des prix " (point 3.3.2.3.);

Considérant, en définitive, que le moyen n'est pas fondé;

1.6. Sur le moyen tiré par la société Lego de ce qu'elle aurait été sanctionnée pour une pratique qui ne lui a jamais été notifiée :

Considérant que le grief notifié à Lego reprochait à cette société une entente avec un nombre déterminé de distributeurs nommément désignés ; que la requérante soutient que la décision doit être annulée en ce qu'elle a retenu à sa charge une entente avec " l'ensemble de ses distributeurs " ;

Mais considérant, outre qu'il a déjà été indiqué que la démonstration d'une entente verticale reprochée à un fournisseur n'exigeait pas l'identification de tous ses distributeurs, que l'ensemble des distributeurs tel que retenu dans la décision ne peut s'analyser autrement que comme l'ensemble de ceux désignés dans la notification des griefs, en sorte que le moyen n'est pas fondé;

1.7. Sur le moyen tiré par la société EPSE Joué Club de ce qu'elle aurait été sanctionnée pour une pratique qui ne lui a jamais été notifiée :

Considérant que le grief notifié à la société EPSE Joué Club vise une entente avec quatorze fournisseurs nommément désignés au nombre desquels ne figure pas la société Mega Brands ; qu'elle a cependant été sanctionnée pour avoir " participé à l'entente verticale portant sur les prix des produits Goliath et Mega Brands en 2002 " (§ 708 de la décision);

Considérant que le Conseil observe que, dans la partie descriptive de la notification des griefs, la société EPSE Joué Club est citée comme distributeur des produits Mega Brands;

Mais considérant que cette seule circonstance ne permettait pas à la société EPSE Joué Club de se défendre utilement sur le grief d'entente avec Mega Brands ne lui avait pas été notifié ; que la décision sera annulée de ce chef;

2. Sur le fond :

Considérant que la preuve d'une entente verticale requiert la démonstration de l'accord de volonté des parties à l'entente, c'est-à-dire l'invitation d'une partie à l'accord à mettre en œuvre une pratique illicite et l'acquiescement de l'autre à cette invitation ; que, s'agissant d'une entente sur les prix, cette démonstration résulte soit de la signature de clauses contractuelles claires, soit de la réunion d'un faisceau d'indices précis, graves et concordants, généralement constituée par l'évocation entre fournisseurs et distributeurs, des prix de revente au public, la mise en œuvre d'une police ou au moins d'une surveillance des prix et le constat que les prix évoqués ont été effectivement appliqués, la preuve de chacun de ces indices étant elle-même libre et pouvant être établie par tout moyen;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de rechercher si certaines clauses contractuelles, négociées en vue d'accorder des marges arrière aux distributeurs, parce qu'elles seraient anticoncurrentielles par elles-mêmes, constitueraient une preuve suffisante des ententes, ce mode de preuve proposé par les rapporteurs pour certaines des sociétés poursuivies, contesté par le commissaire du Gouvernement, ayant été délaissé par le Conseil au profit du faisceau d'indices, plus exigeant puisque, s'il retient de telles clauses pour sa démonstration, il les appréhende, non comme anticoncurrentielles en elles-mêmes, mais seulement comme étant de nature à établir le premier indice, relatif à l'évocation des prix, appelant nécessairement l'examen des deux autres, police ou surveillance des prix et application dans une proportion significative des prix évoqués;

Qu'il en résulte que la cour doit, dès lors, examiner les preuves de chacun des trois indices à la charge de chacune des entreprises ;

2.1. Sur l'évocation des prix :

Considérant, s'agissant de rechercher si les fabricants de jouets ont pu faire connaître aux distributeurs les prix auxquels ils souhaitaient voir leurs produits vendus aux consommateurs - étant souligné qu'une telle évocation n'est pas illicite en soi mais n'est envisagée qu'au titre du premier indice d'une entente verticale sur les prix, amenant nécessairement la vérification de l'existence du deuxième, puis du troisième indice - que le Conseil a d'abord examiné la négociation des conditions commerciales puis étudié certains aspects des relations entre fournisseurs et grandes surfaces spécialisées, enfin constaté dans certains cas la diffusion directe de prix conseillés;

2.1.1. Sur les conditions commerciales négociées entre fournisseur et grandes surfaces alimentaires :

Considérant qu'il ressort des éléments de l'enquête repris dans la décision et non contestés que la société Puériculture de France n'accorde aucune remise sur facture et que ses tarifs sont identiques pour tous ses distributeurs, que, pour la société Hasbro les négociations se font essentiellement par le biais de marges arrière, que les conditions de vente de Mega Brands ne prévoient aucune remise sur factures pour les grandes surfaces alimentaires, que, dans le secteur des jouets, les fabricants négocient principalement des marges arrières avec les distributeurs et que les grandes surfaces alimentaires adoptent toutes une politique de marge avant nulle sur les jouets présents dans leur catalogue de fin d'année;

Considérant qu'il en résulte, étant rappelé que la législation en vigueur à l'époque des faits interdisait aux distributeurs de revendre à un prix inférieur au prix d'achat déduction faite des seules remises sur factures, que, dans le cas d'absence systématique de telles remises déductibles, le prix d'achat, augmenté de la TVA, équivalait nécessairement au prix de revente minimum;

Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des éléments de l'enquête repris aux § 56 et 64 à 165 de la décision que la renonciation générale des grandes surfaces alimentaires à réaliser des marges avant était connue des fournisseurs qui acceptaient de laisser ces distributeurs trouver leur profit dans la seule rémunération, globalement négociée au moyen d'instruments contractuels génériques tels que des contrats-cadre ou des contrats-types imposés par les distributeurs, de divers services commerciaux, aussi variés que parfois difficiles à appréhender ; que cette fonction réelle des marges arrières, révélée par l'enquête, consistant non pas seulement à payer des services commerciaux, réels ou non, mais à suppléer l'absence convenue de toute marge avant, conduit nécessairement à la conclusion que les fournisseurs comme les distributeurs ne pouvaient ignorer que les prix de revente au public seraient fixés au seuil de revente à perte, ce qui suffit à démontrer que, dans la mesure où le profit du distributeur, assuré par les seules marges arrière, ne dépendait pas du niveau du prix de revente, les prix de vente fixés par les fournisseurs étaient regardés par toutes les parties comme des prix de revente minima souhaités par les unes et acceptés par les autres ; que de multiples déclarations des représentants des entreprises en cause confirment que tous les professionnels savaient que les produits étaient, en période de fin d'année, revendus " à la planche ", c'est-à-dire au prix plancher déterminé par l'interdiction de vendre à un prix inférieur au seuil de revente à perte identique pour toutes les grandes surfaces alimentaires;

Considérant qu'il en résulte que les moyens des sociétés Carrefour, Puériculture de France, Mega Brands et Hasbro tirés de l'absence d'examen détaillé de chacune des dispositions contractuelles relatives aux marges arrière, du défaut de démonstration du caractère faussement conditionnel de certaines remises, de l'absence de légitimité du Conseil pour apprécier la proportionnalité de la rémunération d'un service, de la réalité de certains autres, ne constituent pas des critiques pertinentes de l'analyse de ce système par le Conseil qui en a exactement déduit qu'il permettait que le prix de vente minimum aux consommateurs souhaité par les fournisseurs fût connu de distributeurs ; que ces moyens sont inopérants;

2.1.2 Sur les relations entre fournisseurs et grandes surfaces spécialisées :

Considérant qu'il est constant que, à la différence des grandes surfaces alimentaires qui, comme il a été précédemment indiqué, étaient toutes tenues de respecter un prix de revente minimum par l'effet conjugué de l'absence systématique de remise déductible et de la loi interdisant la revente à perte, les grandes surfaces spécialisées obtenaient de certains fabricants, notamment des sociétés Mega Brands et Hasbro, des remises déductibles qui leur permettaient, parce qu'elles déterminaient pour elles un seuil de revente à perte inférieur, de revendre les mêmes produits moins chers que les grandes surfaces alimentaires;

Considérant, néanmoins, qu'il ressort des déclarations du directeur général de la société Mega Brands que : " les spécialistes ne retiennent pas les remises sur factures dans le calcul du seuil de revente à perte. Aussi le SRP sera identique au niveau de l'ensemble de la distribution. Lors de la sortie des catalogues de Noël, tous les professionnels vérifient les prix pratiqués par la concurrence. Ils se rapprochent de notre société afin de connaître les produits qui figureront sur les catalogues des concurrents. Tous les clients nous confirment les prix auxquels ils vont vendre les produits. Je sais à l'avance le prix auxquels ils vont vendre les produits car il s'agit du tarif plus la TVA à savoir le seuil de revente à perte " ; que, parmi les pièces saisies, figurent des contrats de partenariat entra la société Mega Brands et la société Pick Wick, pour Noël 2002 et 2003, sur lesquels la dénomination, la référence et le prix de vente conseillé des jouets sont mentionnés, des télécopies transmises par Mega Brands à Joué Club les 18 et 29 mars 2002, confirmant des prix publics catalogue, égaux au prix tarif plus TVA, ainsi qu'un message électronique de Mega Brands à la société La Grande Récré, du 26 février 2003, dans lequel apparaissent des préconisations de prix sur quelques références;

Que le représentant de la société Maxi Toys a par ailleurs indiqué que Hasbro avait commis une erreur en 2002 en communiquant ses prix, ayant oublié d'y ajouter la TVA;

Considérant que ces éléments illustrent le constat que les prix des jouets de ces fabricants dans les catalogues des grandes surfaces spécialisées étaient alignés sur ceux des grandes surfaces alimentaires et correspondaient au seuil de revente à perte de ces dernières, égal au prix d'achat négocié avec les fournisseurs, un tel constat confirmant que les distributeurs spécialisés avaient été mis en mesure de connaitre le prix de revente souhaité par leurs fournisseurs;

2.1.3. Sur la diffusion de prix conseillés par les fournisseurs aux distributeurs:

Considérant que le représentant de la société Maxi Toys, société belge qui s'approvisionne, non pas auprès de fournisseurs français, mais sur le marché belge, a pourtant expliqué que les fabricants de jouets français communiquaient leurs tarifs à Maxi Toys, en lui demandant, " pour ne pas perturber le marché ", de s'aligner sur le seuil de revente à perte français; que certaines pièces du dossier confirment que les sociétés Mega Brands, Puériculture de France et Hasbro étaient très attentives à la connaissance par la société Maxi Toys de leurs tarifs respectifs;

Considérant que le Conseil a constaté que de nombreux éléments du dossier établissaient que la société Lego préconisait les prix de revente aux consommateurs à l'ensemble de ses distributeurs durant les années 2001, 2002, 2003 et 2004;

Que la société Lego ne discute pas ce constat, se bornant à rappeler que les prix conseillés ne sont interdits que s'ils sont, de fait, des prix fixes ou minima imposés;

Considérant que telle a été précisément la démarche du Conseil, de vérifier d'abord que les prix de revente avaient été évoqués entre fournisseurs et distributeurs ; que ce premier indice est évidemment caractérisé dès lors que, comme c'est le cas de Lego, le fournisseur conseille à ses distributeurs les prix de revente, un tel constat impliquant de rechercher ensuite dans quelle mesure les prix ainsi conseillés sont imposés et appliqués;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est au terme d'une analyse exacte des éléments du dossier et par des motifs pertinents que la cour adopte que le Conseil a retenu que la première branche du faisceau d'indices était caractérisée notamment:

- pour l'ensemble des fournisseurs en cause avec l'ensemble des grandes surfaces alimentaires en 2001, 2002, 2003 et 2004.

- pour la société Mega Brands avec les sociétés EPSE Joué Club en 2002, Pick Wick au 2002 et 2003 et La Grande Récré en 2003,

- pour l'ensemble des fournisseurs de Maxi Toys en 2001, 2002, 2003 et 2004,

- pour la société Lego avec l'ensemble de ses distributeurs en 2001, 2002, 2003 et 2004;

2.2. Sur les mesures de police ou de surveillance des prix:

Considérant que la saisine du Conseil dans le cadre de la présente procédure trouve principalement son origine dans une opération mise en œuvre par la société Carrefour intitulée " Carrefour rembourse 10 fois la différence ", analysée comme une mesure de surveillance ou de police des prix ; qu'en effet, en promettant à ses clients de leur payer dix fois la différence, pour un produit déterminé, entre le prix payé à Carrefour et le prix de vente appliqué par un concurrent dans un rayon de trente kilomètres, cette société rémunérait d'éventuels indicateurs chargés de la renseigner sur le comportement de ses concurrents;

Considérant que les conditions de mise en œuvre de cette opération, reconduite de 2001 à 2004, l'exploitation des renseignements ainsi obtenus, et d'autres indices, tirés d'éléments de preuve de toute nature, tels que dénonciations, rappels à l'ordre, pressions ou menaces, ont révélé que des actions de police des prix dans le secteur objet de l'enquête avaient été menées à l'initiative de certains fournisseurs et avec la participation de divers distributeurs dont il convient de préciser, pour chacun d'eux, la nature des agissements;

2.2.1. Sur l'opération mise en œuvre par la société Carrefour :

Considérant que la décision, se référant aux éléments recueillis lors de l'enquête, expose, aux § 237 et suivants, que la société Carrefour a centralisé, au moyen de cette opération, les informations relatives aux demandes de remboursement révélatrices de prix pratiqués par la concurrence inférieurs aux siens dans des documents décrivant, pour chaque cas, la réponse à apporter à l'écart de prix constaté, laquelle pouvait être, soit de baisser ses propres prix dans l'hypothèse où elle-même avait commis une erreur dans le calcul du seuil de revente à perte, soit d'agir auprès du fournisseur pour obtenir un nouveau prix d'achat ou pour que celui-ci intervienne à son tour auprès du concurrent pour que celui-ci relève ses prix ; que cette pratique, démontrée par l'élaboration, en 2001, de tableaux intitulés " alignements concurrents du jouet de Noël ", a été reconduite et systématisée en 2002 et 2003 par la création d'une note diffusée auprès de tous les magasins, intitulée " info du Père Noël ", ayant pour objet de diminuer le nombre des demandes de remboursement en avisant les responsables des " informations telles que les errata de nos concurrents ou les alignements de prix que nous aurons négociés ";

Considérant que le processus mis en œuvre à l'occasion de cette campagne a été décrit précisément par le " leader métier jouet " de la société Carrefour qui a expliqué : " nous avons contacté les différents producteurs de jouets de marque en France suite aux différents litiges consommateurs afin de comprendre comment des concurrents qui s'approvisionnent aux mêmes conditions que Carrefour (en France à des tarifs uniques et sans remises avant) peuvent pratiquer des prix inférieurs aux nôtres alors que nous sommes au seuil de revente à perte [...] Dès que nous ne comprenons pas comment un concurrent peut pratiquer des prix inférieurs aux nôtres par rapport au seuil de revente à perte, nous contactons les fabricants qui contactent les concurrents ; nous sommes destinataires des errata publiés par ces derniers. Si un fabricant n'a pas d'explication à nous fournir, nous nous efforçons de renégocier le prix d'achat du produit à la baisse dans l'intérêt des consommateurs ";

Considérant que le mécanisme ainsi décrit est illustré par plusieurs exemples, mentionnés dans la décision, d'interventions auprès de fabricants, mais aussi auprès de distributeurs concurrents, suivies, soit de corrections à la hausse des prix de ces concurrents, soit de compensations financières obtenues des fabricants, soit encore du retrait des rayons des articles litigieux;

Considérant que cet ensemble d'éléments caractérise la mise en œuvre d'une surveillance des prix suivie d'actions menées aux fins d'obtenir de la part des fournisseurs qu'ils exercent une police des prix sur les distributeurs concurrents;

2.2.2. Sur les actions de surveillance ou de police des prix mises en œuvre par les fournisseurs :

Considérant que divers documents analysés aux § 271 à 274 de la décision montrent que la société Puériculture de France, en novembre 2002, est intervenue à la demande de la société Carrefour auprès de distributeurs tels que les sociétés Picwick et Auchan pour que ces derniers remontent à 49,99 euro, prix de vente pratiqué par la société Carrefour, le prix d'un produit qu'elles vendaient elle-même à 44,99 euro ; qu'une intervention de même nature a été effectuée auprès de Maxi Toys; que d'ailleurs, un message de la société Puériculture de France adressé à la société Carrefour le 8 novembre 2002 indique : " nous vous confirmons que notre force de vente contrôle au quotidien les prix pratiqués par cette enseigne " (i.e. Maxi Toys);

Considérant que la circonstance que la société Puériculture de France ait été conduite à participer ainsi à la police des prix sous la pression de la société Carrefour, qui était son plus gros acheteur, n'est pas de nature à l'exonérer de toute responsabilité au titre de ce deuxième indice;

Considérant, s'agissant de la société Hasbro, que les déclarations du représentant de la société Carrefour, citées au § 285 de la décision, complétées par celles du représentant de la société Maxi Toys, reprises au § 291, selon lesquelles "Hasbro est le fournisseur qui tente le plus d'obtenir des errata afin que nous nous alignions sur les prix français ", témoignent de ses efforts pour obtenir l'homogénéité des prix de revente de ses produits par les distributeurs; qu'il résulte d'un message électronique interne de la société Carrefour du 13 novembre 2002 que, suite au constat d'un prix de revente jugé trop faible par cette société dans un magasin de Saint-Malo d'un produit de la société Hasbro, cette dernière " s'est engagée à envoyer sa force de vente sur place pour faire retirer les produits de la vente chez ce revendeur " ; que ces éléments démontrent l'implication de la société Hasbro dans un système de police des prix, comme la décision l'a retenu au § 564;

Considérant que plusieurs documents analysés aux § 321 à 328 de la décision montrent l'influence déterminante de la société Mega Brands auprès de la société Maxi Toys en matière de fixation des prix de revente ; que c'est ainsi que, dans une télécopie envoyée le 23 octobre 2002 par le siège de Maxi Toys à ses magasins, il est précisé, s'agissant de Mega Brands, " il est très important que tous les produits concernés soient bien ré-étiquetés au prix correct (prix le plus élevé). Nous vous demandons d'être particulièrement attentifs car les fournisseurs vont effectuer des contrôles dans nos magasins" ; que le représentant de la société Mega Brands a lui-même déclaré : "dès qu'une erreur de prix s'est glissée dans le catalogue de l'un de nos clients, cela ne s'est produit qu'une seule fois avec Maxi Toys à Noël 2002, l'ensemble des concurrents me contacte afin de connaître l'origine de cette erreur. Je dois trouver une solution commerciale pour contenter le concurrent mécontent " ; que, en 2003, un message envoyé par la société Mega Brands à la société Carrefour indique : "faisant suite à ton intervention téléphonique [...] à propos des marges négatives développées sur les ventes de certains produits Mega Blocks, nous avons lancé une opération commando avec nos représentants hier soir et avons effectué des relevés de prix dans 14 magasins entre 18 heures et 22 heures dans toute la France ";

Considérant enfin que les éléments de l'enquête exposés aux § 299 à 316 et analysés aux § 566 à 571 de la décision démontrent que la société Lego a conduit une police des prix en 2001, 2002 et 2003 ; que les compte rendus des forces de vente montrent que celles-ci exerçaient une surveillance méticuleuse et systématique de l'application de ses prix conseillés par les distributeurs, distinguant les secteurs sous contrôle de ceux où une action était à mener; que d'autres documents font état d'actions " contre les dérapages des prix " ou en faveur de " l'alignement des prix " ou encore " pour les faire remonter ";

2.2.3. Sur la participation des distributeurs à la police des prix :

Considérant qu'il a déjà été indiqué que, par l'opération mise en œuvre par la société Carrefour, précédemment examinée, cette société était intervenue auprès de fournisseurs pour leur dénoncer les distributeurs concurrents qui n'appliquaient pas les prix fixés au seuil de revente à perte ou les prix conseillés ; que les pièces du dossier portent ainsi la trace d'interventions auprès des sociétés Puériculture de France, Hasbro, Mega Brands, Lego et d'autres fournisseurs ; que la participation de la société Carrefour à la police des prix des fournisseurs est établie, comme il a déjà été indiqué;

Considérant qu'il est également démontré par de nombreux documents que la société Maxi Toys, pourtant bénéficiaire de prix d'achats inférieurs à ceux de ses concurrents dans la mesure où elle se fournissait sur le marché belge, s'est refusée avec constance à pratiquer des prix de vente inférieurs à ses concurrents français, son représentant ayant même benoîtement expliqué " afin que Maxi Toys ne perturbe pas (souligné par la cour) le marché français, les fabricants de jouets français nous présentent les tarifs d'achat en France et nous demandent d'obtenir des marges supérieures et par conséquent de gagner de l'argent " ;

Considérant enfin que, comme le démontrent les courriers adressés par la société EPSE Joué Club le 18 octobre 2002 au fournisseur Goliath et le 17 octobre 2002 à la société Mega Brands, ainsi que d'autres éléments rappelée aux § 600 et suivants de la décision, le Conseil a retenu à juste titre que cette société avait non seulement obtempéré aux demandes des fabricants de relever ses prix mais est aussi intervenue directement auprès de fournisseurs pour dénoncer des concurrents déviants en 2002;

Considérant que la preuve, comme l'a retenu le Conseil à juste titre, est ainsi apportée de la mise en œuvre d'une police des prix par les sociétés Puériculture de France en 2002, Hasbro et Mega Brands en 2002 et 2003, Lego en 2001, 2002 et 2003 et de la participation à celle-ci des sociétés Carrefour en 2001, 2002 et 2003, Maxi Toys en 2002 et 2003 et EPSE Joué Club en 2002;

2.3. Sur l'application significative des prix évoqués :

Considérant que, de même que l'évocation des prix de revente entre fournisseurs et distributeurs peut s'interpréter comme une invitation des premiers aux seconds à s'entendre sur ces prix, de même l'application par les distributeurs, dans une proportion significative, des prix évoqués peut être regardée comme l'adhésion de ces derniers à l'entente, laquelle est définitivement établie si, comme en l'espèce, ces deux indices se trouvent reliés par la mise en œuvre d'une police des prix;

Considérant que l'application significative des prix évoqués est une donnée de fait qui se prouve par tout moyen, notamment par des éléments quantitatifs, tels que des relevés de prix, mais aussi par des éléments qualitatifs, tels que des déclarations du distributeur ou par des pièces établissant sans conteste cette application;

Considérant, s'agissant des éléments qualitatifs, que les déclarations du représentant de la société Carrefour, à la lumière des documents cités en § 347 de la décision, montrent que les produits en catalogue de fin d'année sont vendus sans marge alors que les conditions générales de vente sont les mêmes pour toute la grande distribution et aboutissent au même seuil de revente à perte; que le représentant de la société EPSE Joué Club a déclaré : " notre savoir-faire et notre expérience nous permettent d'anticiper les produits qui seront en GSA et nous incitent à mettre les produits au prix tarif + TVA. Les remises, qu'elles soient sur facture ou non, ne sont jamais réintégrées dans les prix de vente en raison des coûts que nous devons supporter et des frais d'activités des magasins dans le jouet" ; que de multiples messages, courriers ou déclarations de distributeurs analysés aux § 356 et suivants de la décision ne laissent aucun doute quant à l'application généralisée par la distribution des prix de vente conseillés par la société Lego pour ses produits, comme Le révèlent des formules telles que : "Le respect des PVC est aujourd'hui relativement bien maitrisé dans l'ensemble des enseignes ", ou " j'ai contrôlé la zone de chalandise [...] la concurrence est au bon prix ", ou encore, dans un message de la société Carrefour se plaignant du comportement des magasins Leclerc : " nous rencontrons des difficultés de PVC avec Lego. En effet, il me semblait que les PVC préconisés étaient appliqués par tous y compris les concurrents " ;

Considérant, s'agissant des éléments quantitatifs, que, le Conseil ayant défini l'entente poursuivie comme portant sur la distribution des jouets figurant sur les catalogues diffusés par les distributeurs à partir de fin octobre et valables jusqu'en décembre de chaque année entre 2001 et 2004, l'étude des prix relevés sur ces mêmes catalogues est pertinente s'agissant de rechercher dans quelle mesure les prix de vente des jouets présentés sur ces catalogues, significativement identiques pour les produits des fabricants quel que soit le distributeur, sont au moins égaux aux prix évoqués entre fournisseurs et distributeurs, étant rappelé que, en l'espèce, les prix évoqués sont, soit les prix de vente des fournisseurs aux distributeurs dans la mesure où, comme il a été indiqué, ces prix ont été fixés dans des conditions telles (absence systématique de marges avant et négociations portant sur les seules marges arrière envisagées globalement) qu'ils représentaient en réalité des prix de revente minimum, soit les prix conseillés;

Considérant, au contraire de ce que soutiennent certaines sociétés requérantes, qu'il n'y a pas lieu de rechercher si, en regard de la diversité des jouets mis en rayon, l'échantillonnage de ceux présentés sur catalogue est suffisamment représentatif, ni de tenir compte des remises effectuées en caisse, qui relèvent certes de la politique commerciale générale de l'enseigne mais sont, à côté de la politique de prix du point de vente, une manière différente d'attirer et de fidéliser les clients et constituent des gestes commerciaux accordés individuellement en fonction des caractéristiques du client et non du produit vendu et ne sauraient dès lors être pris en considération dans l'appréciation de la politique tarifaire du distributeur vis-à-vis des marques ; que les prix figurant sur les catalogues sont au demeurant obligatoires pour les magasins qui les diffusent, ainsi que l'ont confirmé les représentants des sociétés Carrefour et EPSE Joué Club;

Considérant que le Conseil relève enfin pertinemment que les catalogues distribués à domicile jouent un rôle déterminant dans l'arbitrage des consommateurs entre les différentes enseignes et que la mise sous presse et la diffusion, à l'initiative des distributeurs, de ces catalogues présentant des prix convenus avec les fournisseurs constituent un premier indice d'un accord de volonté entre fournisseurs et distributeurs sur une pratique d'entente de nature à fausser le jeu de la concurrence;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'une étude de cette sorte est jugée démonstrative si au moins 80 % des prix évoqués sont appliqués et que, en cas de pourcentage inférieur, l'étude doit être complétée par l'observation directe de la concentration effective des prix à proximité des prix évoqués;

Considérant que les tableaux récapitulatifs dressés à partir des relevés des prix sur les catalogues, reproduits aux § 375, 377 et 378 de la décision, font apparaître que les prix de référence, tels que précédemment définis, ont été appliqués dans les proportions suivantes:

- s'agissant de la proportion des prix catalogue supérieurs à 99 % du prix de référence, par producteur;

<emplacement tableau>

- s'agissant de la proportion des prix catalogue supérieurs à 99 % du prix de référence, par distributeur:

<emplacement tableau>

Considérant, eu égard à ce qui a été précédemment indiqué sur le seuil de 80 % à partir duquel la proportion des prix appliqués doit être regardée comme significative, que ces données démontrent une application significative des prix, tant du point de vue des distributeurs en cause pour les quatre années examinées, sauf pour la société Maxi Toys en 2001, que de celui des producteurs, sauf pour les sociétés Puériculture de France en 2003 et Lego en 2002 et 2004;

Considérant, en ce qui concerne les distributeurs, que le Conseil a cependant précisé ces données de l'enquête en ne retenant de la totalité des prix relevés que ceux appliqués par ces distributeurs pour les seuls produits de fournisseurs à l'égard desquels les autres indices de l'entente avaient été démontrés, soit les sociétés Puériculture de France, Goliath, Hasbro, Lego et Mega Brands pour les sociétés Carrefour et Maxi Toys et les sociétés Goliath et Mega Brands pour la société EPSE Joué Club ; que les données ainsi retraitées, telles qu'elles apparaissent dans les tableaux des § 665, 667 et 673 de la décision, respectivement pour les sociétés Carrefour, EPSE Joué Club, et Maxi Toys, chacune dans ses rapports avec ses fournisseurs et pour les années examinées, révèlent dans chacun des cas des pourcentages largement supérieurs à 80 %;

Considérant, s'agissant des fournisseurs et spécialement de la société Lego, que le pourcentage inférieur à 80 % observé pour 2002 a conduit le Conseil à approfondir son étude en procédant à une analyse des relevés de prix distinguant la situation dans les grandes surfaces alimentaires, qui n'ont pas globalement respecté les prix conseillés, et les grandes surfaces spécialisées, dans lesquelles les produits Lego sont beaucoup plus nombreux, qui ont, quant à elles, appliqué les prix de vente conseillés dans une proportion de 90 %, ce qui a permis au Conseil de retenir que, si la société Lego avait rencontré quelques difficultés à faire respecter ses prix conseillés, notamment dans ses relations avec certaines grandes surfaces alimentaires, les données constatées confirmaient néanmoins que, globalement, l'application de ces prix, a bien été significative pour la saison 2002;

Considérant que la critique formulée par la société Lego à l'égard de la méthode suivie par le Conseil manque donc en fait en ce qu'elle lui reproche de n'avoir pas distingué entre grandes surfaces alimentaires et spécialisées : qu'il a déjà été dit que l'observation des prix mentionnés sur les catalogues était pertinente et qu'il n'y a donc pas lieu, compte tenu de l'importance économique et commerciale de ces catalogues, de rechercher si les prix réellement appliqués pouvaient être inférieurs à ceux figurant sur ces catalogues, ni de prendre en compte les prix appliqués par les distributeurs ne diffusant pas de catalogue;

Que c'est encore en vain que la société Lego reproche au Conseil de n'avoir pas tenu compte des ventes réalisées par les enseignes ne respectant pas les prix imposés, de l'écart entre le prix qu'elles pratiquent et le prix recommandé, tant en catalogue qu'en rayon, et enfin de l'impact de la politique commerciale de ces enseignes sur le prix moyen d'achat de ses produits par les consommateurs ; que ces suggestions confondent en effet la démonstration du caractère anticoncurrentiel des pratiques et l'appréciation du dommage à l'économie ; que, de même, le nombre de catalogues dans lesquels figure un jouet déterminé n'est pas discriminant dans la mesure où plusieurs facteurs sont susceptibles d'inciter un distributeur qui est seul à présenter un certain jouet en catalogue à en baisser le prix ; qu'en outre, les remises de fidélité accordées par les distributeurs - à supposer qu'elles fussent toutes connues dans le détail ou qu'il fût justifié d'en tenir compte, ce qui n'est pas le cas - n'étaient pas, en toute hypothèse, de nature à modifier de manière sensible le taux d'application des prix évoqués; qu'enfin, s'agissant des produits Lego, la revente aux prix recommandés résultait des contraintes liées à l'entente, indépendantes de la réglementation sur le seuil de revente à perte;

2.4. Récapitulation des griefs:

Considérant, à ce stade, que c'est en définitive par des motifs suffisants, exacts et pertinents, que la cour fait siens, que le Conseil a estimé que la réunion des trois indices était établie et, par suite, démontrée l'existence d'une entente verticale ayant pour objet et pour effet d'empêcher la fixation de prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence entre:

- la société Puériculture de France et l'ensemble de ses distributeurs en 2002,

- la société Hasbro et l'ensemble de ses distributeurs en 2002 et 2003,

- la société Mega Brands et l'ensemble de ses distributeurs en 2002,

- la société Lego et l'ensemble de ses distributeurs en 2001, 2002 et 2003,

- la société Maxi Toys avec ses fournisseurs Puériculture de France, Goliath et Mega Brands en 2002 et Hasbro en 2002 et 2003,

- la société Carrefour avec ses fournisseurs Puériculture de France, Goliath et Mega Brands en 2002, Hasbro en 2002 et 2003 et Lego en 2001, 2002 et 2003,

- la société EPSE Joué Club avec sou fournisseur Goliath en 2002;

3. Sur les sanctions :

Considérant que l'article L. 461-2, I du Code de commerce dispose que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ";

Que le même texte dispose encore : " le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante " ;

3.1. Sur la gravité des pratiques :

Considérant que les ententes verticales sur les prix, constitutives de " restrictions caractérisées " au sens du règlement européen n° 2790 du 27 décembre 1999 éclairé par les lignes directrices de la Commission, même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles ; que les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence intra-marque, laquelle mérite d'autant plus d'être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marque demeure;

Que le Conseil appuie son appréciation de la gravité sur des travaux économiques montrant que, s'agissant de l'application de prix minima imposés, l'élimination de la double marge n'est jamais suffisante pour compenser la perte de surplus du consommateur due à la réduction de la concurrence;

Considérant que la gravité de telles pratiques est encore accentuée lorsqu'elle est le fait, ainsi que l'a souligné le Conseil à juste titre, de distributeurs qui se font, auprès du public, une réputation d'appliquer les prix les plus bas possibles, comme c'est précisément le cas en l'espèce de la société Carrefour et de sa campagne " Carrefour rembourse dix fois la différence ", qui a utilisé, à leur insu, les consommateurs comme agents anticoncurrentiels ;

Considérant que le Conseil a encore pertinemment relevé que la société EPSE Joué Club à la tête du premier réseau de distribution spécialisé du jouet est France, avait érigé en système l'absence de concurrence sur les prix ainsi que le confirme une déclaration du représentant de cette société n'hésitant pas à évoquer à ce sujet, dans une déclaration recueillie par procès-verbal du 21 juillet 2004 qui figurait dans le dossier ouvert à la consultation, un " Code de déontologie ";

Considérant, s'agissant des fabricants, que les ententes verticales sur les prix sont d'autant plus graves qu'elles sont le fait de groupes d'envergure internationale tenant une forte position sur le marché, tels que les sociétés Hasbro, Mega Brands, Puériculture de France et Lego;

Considérant enfin que les entreprises en cause ne sont pas fondées à invoquer, au titre d'un facteur d'atténuation de la gravité des pratiques, la législation alors en vigueur qui interdisait la revente à perte ; que le Conseil a en effet accumulé les indices montrant qu'en l'espèce le seuil de revente à perte avait été au contraire déterminé de telle sorte qu'il soit identique au moins pour toutes les grandes surfaces alimentaires et serve de référence à tous les distributeurs, même les grandes surfaces spécialisées bénéficiant de conditions commerciales différentes et qui ne se trouvaient donc ni dans l'obligation juridique ni dans la nécessité économique d'appliquer les mêmes prix; qu'il est résulte que le dispositif légal invoqué, loin d'expliquer ou de justifier les pratiques incriminées, n'en a été, par le détournement de son objet que l'instrument;

3.2. Sur le dommage à l'économie

Considérant que le dommage à l'économie ne se réduit pas à une perte objectivement mesurable, mais s'apprécie notamment en fonction de l'étendue du marché affecté par les pratiques anticoncurrentielles, de la durée et des effets conjoncturels ou structurels de ces pratiques;

Considérant que le Conseil a indiqué que le marché national des jeux et jouets traditionnels était de 2,6 milliards d'euro est 2003, 2,5 milliards d'euro en 2004 et 2,6 milliards d'euro en 2005 et 2006 ; que les pratiques reprochées concernaient la commercialisation des jouets figurant dans les catalogues de fins d'année produits par des fournisseurs ayant déclaré détenir les parts de marchés suivantes : Puériculture de France: 0,7 %, Hasbro : entre 10 et 13 %, Lego, entre 3 et 5 %, Mega Brands : entre 0,7 et 1,2 %;

Qu'il a souligné l'importance des catalogues dans lesquels sont présentés les jouets les plus vendus, le caractère saisonnier du marché dans la mesure où les deux tiers des ventes se font en fin d'année et le caractère peu élastique de la demande et rappelé que les pratiques s'étaient renouvelées sur trois saisons pour les sociétés Carrefour et Lego, deux saisons pour les sociétés Hasbro et Maxi Toys et n'avaient été retenues que sur une saison pour les sociétés Puériculture de France, Mega Brands et EPSE Joué Club;

Qu'il a encore mentionné que le marché comportait des barrières à l'entrée telles que la nécessité d'autorisations administratives pour ouvrir des magasins d'une certaine taille, qu'il était mature et que l'offre était saturée, que la marque et la publicité y jouaient un rôle important ;

Qu'il a enfin observé que le comportement des distributeurs tendant à ne s'approvisionner, sauf exception, qu'auprès de fournisseurs français contribuait à figer la structure tarifaire française;

Considérant, s'agissant des prix, que le Conseil a montré que les différences constatées entre les périodes de Noël et le reste de l'année ne s'expliquaient pas par une concurrence accrue en fin d'année, mais par l'existence de deux équilibres concurrentiels différents;

Qu'il a rejeté comme non démonstratives les comparaisons entre les prix observés pendant les années où les pratiques reprochées ont été mises en œuvre et les années antérieures et postérieures dès lors que les conditions de la concurrence pour ces années ne sont pas connues, que les jouets ne sont pas les mêmes d'une année à l'autre et que de nombreux changement de réglementation sont intervenus dans la période;

Considérant que le Conseil a encore expliqué que la diminution du prix des jouets au niveau macro-économique telle qu'elle ressort de l'évolution de la composante correspondante de l'indice des prix calculé par l'INSEE, loin de prouver l'absence d'effet des pratiques invoquée par certaines parties, provenait de la baisse des coûts d'approvisionnement et de l'accroissement des importations en provenance de Chine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est après une analyse des caractéristiques essentielles de la dimension et de la structure du marché que le Conseil a retenu qu'il convenait d'évaluer l'importance du dommage à l'économie à partir des deux tiers du chiffre d'affaires annuel des fournisseurs mis en cause les années concernées, soit une somme totale d'environ 338 millions, réduite à environ 200 millions compte tenu de ce que sont principalement affectés les jouets de marque représentés dans les catalogues, soit environ 60 % du total;

Considérant, au contraire de ce que prétend la société Lego, que l'article L. 464-2 du Code de commerce exige, non pas un chiffrage précis du dommage à l'économie, mais seulement une appréciation de son importance reposant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier ; que cette appréciation peut-être globale dans la mesure où elle ne constitue qu'une référence à laquelle doit être rapportée chaque sanction individualisée en tenant compte de la situation propre à chaque entreprise ;

Considérant, en toute hypothèse, que le dommage à l'économie ne se limite pas, comme le soutient la société Carrefour, au montant des marges arrière anormalement élevées ; qu'il n'est pas non plus atténué par les réductions obtenues en caisse par les clients bénéficiaires de cartes de fidélité, lesquelles ne sont pas réellement représentatives de la politique tarifaire du distributeur;

Considérant que les quelques imprécisions ou inexactitudes de dates relevées par la société Lego quant à la durée de validité des catalogues ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation de portée générale du Conseil selon laquelle ceux-ci sont généralement valables de la mi-octobre à début décembre; qu'elles sont de toute façon sans influence sensible quant à l'importance du dommage à l'économie;

Considérant que, si tous les produits les mieux vendus de la société Lego ne figurent pas dans les catalogues, ceux qui y sont présentés, et qui sont ceux sur lesquels portent les pratiques, comptent parmi les meilleurs ventes; que c'est précisément la raison de leur présence, ainsi que le représentant de la société l'a expliqué logiquement en déclarant que la présence des produits Lego dans les catalogues de fin d'année des distributeurs est importante car "elle contribue à la communication mais elle est limitée car seule une sélection des produits est en catalogue. Ce sont des produits stratégiques, à fort volume de CA ou de développement "; que ce dernier a précisé par ailleurs qu'environ 60 % des ventes étaient faites dans la perspective des ventes de fin d'année, ce qui retire toute pertinence au moyen de la requérante qui conteste que la répartition du chiffre d'affaires sur l'année retenue par le Conseil comme une caractéristique du marché lui soit applicable;

Considérant enfin que la diminution des prix de revente moyen de ses produits sur la période 2001-2003 invoquée par la société Lego, n'est pas pertinente dès lors qu'elle intègre tous les jouets et non pas seulement ceux figurant dans les catalogues, seuls visés par les pratiques reprochées ; qu'elle ne tient pas compte des ajustements de prix particuliers à la période de fin d'année et des variations de sa production d'une année sur l'autre ; que cette diminution, en toute hypothèse, ne suffit pas à démontrer l'absence d'effet des pratiques reprochées;

3.3. Sur la situation de chaque entreprise:

3.3.1. Sur la situation de la société Carrefour:

Considérant que les griefs retenus à l'encontre de la société Carrefour visent une même pratique d'entente verticale sur les prix ; que le Conseil peut, en toute hypothèse, prononcer à l'encontre d'une même société une sanction unique à raison de différents types d'ententes à laquelle cette société a participé ; que le moyen tiré par la société Carrefour d'une insuffisance prétendue de motivation de la décision du Conseil faute de prononcer une sanction individualisée pour chacun des griefs n'est donc pas fondé;

Considérant que les pratiques reprochées à la société Carrefour se sont renouvelées sur trois années successives ; que ses opérations " Carrefour rembourse dix fois la différence " ont eu un rôle primordial dans l'efficacité des ententes auxquelles elle a pris part;

Considérant que le Conseil a souligné à juste titre l'importance du pouvoir de marché de la société Carrefour dont les ventes totales de jouets ont dépassé 1,2 milliards d'euro pour les trois années 2001- 2003;

Considérant que la société Carrefour a été sanctionnée par le Conseil de la concurrence pour des ententes verticales sur les prix des calculettes à usage scolaire mettant en œuvre le même principe de détournement de la législation interdisant la revente à perte par décision du 25 septembre 2003 ; que son recours a été rejeté par arrêt de cette cour du 21 septembre 2004, non remis en cause dans son principe par la cassation intervenue seulement sur l'appréciation du montant de la sanction ; qu'il y a donc lieu, dans la présente espèce, de tenir compte de la réitération des pratiques reprochées à la société Carrefour ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que le chiffre d'affaires mondial le plus élevé en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre s'est élevé à 77 901 millions d'euro en 2006;

Considérant que la sanction prononcée contre la société Carrefour a été justement appréciée; que le recours de cette société Carrefour sera en conséquence rejeté ;

3.3.2. Sur la situation de la société Maxi Toys :

Considérant au contraire de ce que soutient la société Maxi Toys, que le Conseil (cf. § 769 de la décision) a tenu compte de ce que cette société ne disposait pas d'un pouvoir de marché élevé et qu'elle avait manifesté, avant d'y participer, des velléités de s'opposer à l'entente;

Considérant que la sanction prononcée contre la société Maxi Toys a été justement appréciée ; que le recours de cette société sera rejeté ;

3.3.3. Sur la situation de la société Puériculture de France:

Considérant que le Conseil a retenu que la société Puériculture de France comptait parmi les acteurs importants du jouet en France; que cette société ne démontre pas que la puissance d'achat des distributeurs l'aurait mise dans l'impossibilité de s'opposer aux modalités de rémunération décidées par ces derniers, ne serait-ce qu'en dénonçant cas pratiques aux autorités compétentes que les dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 464-2 du Code de commerce ne prévoient pas que la sanction soit proportionnée au chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise dans le seul secteur concerné par l'entente ; que l'exactitude du chiffre d'affaires retenu comme base de calcul par la décision n'est pas contestée ; que la circonstance que la requérante se soit trouvée en situation de mettre en œuvre trois plans sociaux et réduire quasiment de moitié ses effectifs, qui sont passés de 82 à 43 personnes entre septembre 2005 et septembre 2007 ne suffit pas à justifier la réduction de la sanction qui a été appréciée justement par le Conseil;

Que le recours de la société Puériculture de France sera rejeté:

3.3.4. Sur la situation de la société Mega Brands;

Considérant que le Conseil a relevé que la société Mega Brands était un acteur important du marché du jouet en France et détenait une marque à très forte renommée ; que cette société, qui invoque sa taille modeste et son faible pouvoir de négociation avec la grande distribution ne démontre pas qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité de résister aux éventuelles pressions de celle-ci ; que le chiffre d'affaires retenu comme base de calcul par la décision n'est pas contesté ;

Considérant que la sanction prononcée contre la société Mega Brands a été justement appréciée ; que le recours de cette société sera rejeté;

3.3.5. Sur la situation de la société EPSE Joué Club :

Considérant que la société EPSE Joué Club, si elle rappelle que son réseau est constitué exclusivement de petits commerçants indépendants, déclare que la sanction, qui représente 1,4 % du chiffre d'affaires de référence, est totalement disproportionnée, mais ne présente pas de réelle argumentation à l'appui de cette affirmation;

Considérant qu'il y a lieu cependant, pour tenir compte de l'annulation de la décision en ce qu'elle retient à la charge de cette société une entente avec la société Mega Brands, qu'il y a lieu de réduire à 200 000 euro le montant de la sanction au titre de la seule entente de la société EPSE Joué Club avec la société Goliath;

3.3.6. .Sur la situation de la société Hasbro :

Considérant que la décision, non critiquée sur ce point, indique que le groupe US Hasbro est le numéro 2 mondial et détient des marques bénéficiant d'une forte notoriété et ne peut prétendre subir un déséquilibre dans ses négociations commerciales avec les distributeurs même importants ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le Conseil n'aurait pas tenu compte de sa situation, vis-à-vis de ses clients;

Considérant que la société Hasbro n'est pas davantage fondée à prétendre que le Conseil lui aurait appliqué une " proportionnalité au carré " en mesurant la sanction à la fois à la part de marché et au chiffre d'affaires du groupe; que, si le Conseil a un effet mentionné, comme élément d'appréciation du dommage à l'économie, la part de marché détenue par la société Hasbro, telle que celle-ci l'avait déclarée, cette donnée n'a pas été retenue comme facteur multiplicateur de la sanction;

Considérant que le chiffre d'affaires mondial de la société Hasbro, après rectification de l'erreur de cette société qui a exprimé cette donnée en US $ et non en euro, s'établit à 3 230 millions d'euro pour l'exercice 2001, nouvelle référence utile; que l'écart avec le chiffre de 3 151 millions d'euro correspondant à l'exercice 2006 retenu par le Conseil, n'est pas significatif et ne saurait justifier une réduction de la sanction, d'autant que ce chiffre n'est qu'une référence servant au calcul, non de la sanction, mais seulement du maximum théorique de celle-ci;

Considérant que la sanction prononcée contre la société Hasbro a été justement appréciée que le recours de cette société sera rejeté;

3.3.7. Sur la situation de la société Lego:

Considérant que les développements qui précédent relatifs à la gravité des pratiques et au dommage à l'économie ont mis en évidence le rôle décisif de la société Lego dans la mise en œuvre des pratiques, notamment dans les interventions directes de cette société des distributeurs pour que ceux-ci appliquent ses prix préconisés ; que le chiffre d'affaires retenu comme base de calcul par la décision n'est pas contesté;

Considérant que la sanction prononcée contre la société Lego a été justement appréciée ; que le recours de cette société sera en conséquence rejeté:

Par ces motifs, Sur le recours de la société EPSE Joué Club : Annule l'article 1er de la décision en ce qu'il retient à la charge de cette société une entente avec la société Mega Brands. Annule en conséquence l'article 2 de la décision en ce qu'il fixe le montant de la sanction prononcée contre cette société, Statuant à nouveau sur la sanction, Prononce à l'encontre de la société EPSE Joué Club, une sanction de 200 000 euro, Rejette, pour le surplus, les recours, Condamne les sociétés requérantes aux dépens, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.