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Décisions

Conseil Conc., 5 février 2009, n° 09-D-06

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Gauthier-Lescop, par Mme Perrot, vice-présidente, présidente de séance, Mme Xueref, M. Honorat, membres.

Conseil Conc. n° 09-D-06

5 février 2009

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu les lettres enregistrées les 5 août 2002, 25 juin 2004 et 4 avril 2007 sous les numéros 02/0074F, 04/0043F, 04/0044M et 07/0029F, par lesquelles les sociétés Karavel-Promovacances, Lastminute et Switch ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la Société nationale des chemins de fer français (ci-après SNCF), les sociétés GL e-commerce (devenue VFE-commerce), Voyages-sncf.com (ci-après VSC), GL-Expedia (devenue l'Agence Voyages-sncf.com, ci-après l'Agence VSC) et Expedia Inc. (ci-après Expedia) ; Vu la décision du Conseil de la concurrence n° 04-D-51 du 4 novembre 2004 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Lastminute.com ; Vu les décisions du rapporteur général du 15 novembre 2004 et du 6 avril 2007 procédant à la jonction de l'instruction des affaires 02/0074F, 04/0043F et 07/0029F ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu le procès-verbal du 1er août 2008, par lequel la SNCF et ses filiales, les sociétés VFE- commerce, VSC, l'Agence VSC et iDTGV ont demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par Karavel-Promovacances, Lastminute, Expedia et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la SNCF et des sociétés Karavel-Promovacances, Lastminute, VFE-commerce, VSC, l'Agence VSC, iDTGV, Expedia et entendus lors de la séance du Conseil de la concurrence du 2 décembre 2008, poursuivie le 9 décembre 2008, la société Switch ayant été régulièrement convoquée ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR

1. LA DISTRIBUTION DE PRODUITS TOURISTIQUES

1. La distribution de produits touristiques fait intervenir des fournisseurs, des producteurs, des distributeurs et des intermédiaires, ainsi que l'illustre le schéma suivant :

<emplacement tableau>

a) Les fournisseurs

2. Les fournisseurs de produits touristiques sont les transporteurs, dont la SNCF mise en cause en l'espèce, les hôteliers, les loueurs de véhicules. Ils ont pour clients les voyagistes, les agences de voyages, ainsi que les clients finals.

b) Les producteurs

3. Les producteurs de produits touristiques sont les voyagistes, également appelés tour opérateurs. Les voyagistes composent des voyages à forfait à partir des prestations de services des fournisseurs qu'ils assemblent. Ils ont pour clients les agences de voyages, mais possèdent parfois leur propre réseau de distribution et recourent désormais souvent à Internet pour procéder à la vente directe de leurs produits aux clients finals. En général, ils relèvent de groupes de grande taille disposant d'une puissante capacité de négociation. Figurent notamment dans cette catégorie les groupes TUI/Nouvelles Frontières, First Choice Travel/Marmara, Club Méditerranée ou encore Fram.

c) Les distributeurs

4. Les distributeurs de produits touristiques sont les agences de voyages, qui distribuent toute la gamme des produits touristiques (transport, hébergement, location de véhicules, voyages à forfaits...) auprès des clients finals. A la différence des voyagistes, les agences de voyages sont généralement commissionnaires : elles n'achètent pas les prestations touristiques pour les revendre, mais vendent directement ces prestations en percevant une commission, supportant ainsi les risques de commercialisation mais non de production. La billetterie assure près des trois quarts de leurs revenus.

5. Trois catégories d'agences de voyages se distinguent :

- les agences de voyages traditionnelles, se divisant entre les réseaux volontaires (AFAT Voyages, Selectour, Tourcom) et les réseaux intégrés (American Express, Carlson Wagonlit Travel, Thomas Cook) ;

- les agences de voyages créées par les groupes de la grande distribution (spécialement Leclerc et Carrefour) ;

- les agences de voyages en ligne (Go Voyages, Opodo...). Les parties saisissantes Karavel, Lastminute et Switch sont des agences de voyages en ligne, de même qu'Expedia, partie mise en cause en l'espèce.

6. Le statut d'agent de voyages est précisé par la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, codifiée dans le Code du tourisme. Ainsi, les articles L. 211-1 et L. 212-1 du Code du tourisme prévoient que les personnes se livrant ou apportant leur concours, dans un but lucratif, à l'une des activités suivantes, doivent être titulaires d'une licence d'agent de voyages : production ou vente de forfaits touristiques ; organisation ou vente de voyages, de séjours individuels ou collectifs, de services pouvant être fournis à l'occasion de voyages ou de séjours, ou encore de services liés à l'accueil touristique. Ainsi, les voyagistes comme les agences de voyages doivent être titulaires d'une licence d'agent de voyages.

d) Les intermédiaires

7. Les intermédiaires entre les acteurs de la distribution de produits touristiques sont les GDS (Global Distribution Systems). Les GDS sont des moteurs de réservation qui mettent à la disposition des producteurs et des distributeurs un accès informatique aux offres des fournisseurs référencés. Aujourd'hui en France, 80 % des produits touristiques sont accessibles via des GDS.

8. Trois GDS sont présents sur le marché international : Amadeus, Sabre et Travelport. Chacun détient environ un tiers des parts de marché. Cependant, Amadeus détient 64 % environ des parts de marché en Europe et 83 % environ des parts de marché en France.

2. LA DISTRIBUTION DE BILLETS DE TRAIN

9. En France, la SNCF dispose du monopole du transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national. Elle a organisé la distribution de ses billets de train à travers trois canaux : ses canaux propres, les voyagistes et les agences de voyages. En 2006, le volume d'affaires correspondant à la distribution de billets de train en France était de 6 498 millions d'euro environ, dont 81 % étaient réalisés par la SNCF.

a) La distribution de ses billets de train par la SNCF

10. La SNCF assure la distribution de ses titres de transport à travers ses gares, ses boutiques, ses bornes libre service ou encore par l'intermédiaire du téléphone, du minitel et d'Internet. En 2006, les ventes de la SNCF s'élevaient à 5 290 millions d'euro. S'agissant de la vente par Internet, quasi inexistante en 1998, elle atteignait 24 % environ du total des ventes réalisées par la SNCF en 2006.

b) La distribution de billets de train par les voyagistes

11. La SNCF distribue également ses titres de transport via des voyagistes qui intègrent ses billets de train dans des voyages à forfait qu'ils vendent ensuite aux clients finals, directement ou par l'intermédiaire d'agences de voyages. En 2006, les ventes de ces billets de train s'élevaient à 21 millions d'euro.

c) La distribution de billets de train par les agences de voyages

12. La SNCF permet aussi aux agences de voyages de distribuer ses billets de train. Les conditions de cette distribution sont précisées par un contrat d'agrément, rédigé en concertation avec le Syndicat national des agences de voyages (SNAV), auquel les agences de voyages sont tenues de souscrire.

13. La SNCF a accordé son agrément à 3 000 agences de voyages sur un total d'environ 5 000, les agences non agréées étant, d'après la SNCF, celles qui n'en ont pas fait la demande. En 2006, les ventes de billets de train par les agences de voyages s'élevaient à 1 187 millions d'euro, dont 1 102 millions d'euro par les agences de voyages traditionnelles et 85 millions d'euro par les agences de voyages en ligne.

3. LES PARTIES MISES EN CAUSE

a) La SNCF et ses filiales

14. Opérateur ferroviaire historique, la SNCF a le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) en vertu de l'article 18 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, dite LOTI. Elle a pour objet d'exploiter des services de transport ferroviaire, ainsi que d'accomplir certaines missions de gestion de l'infrastructure ferroviaire.

15. La loi habilite la SNCF à exercer des activités qui se rattachent à sa spécialité. Elle l'autorise ainsi à créer des filiales ou à prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un objet connexe ou complémentaire à ses missions principales. La SNCF regroupe l'essentiel de ces filiales et participations sous l'égide de sa holding SNCF Participations. Dans le schéma suivant, les entités mises en cause au sein de la SNCF ou de ses filiales sont mentionnées dans les cases grisées :

<emplacement tableau>

16. Ainsi qu'on le verra par la suite, iDTGV gère le produit du même nom. Quant à VFE-commerce, elle est spécialisée dans le commerce électronique et contrôle trois sociétés dont VSC et l'Agence VSC, qui s'occupent respectivement de la distribution des produits touristiques ferroviaires et autres que ferroviaires sur le site voyages-sncf.com.

b) Expedia

17. Originellement filiale de Microsoft qui l'a créé en 1996, le groupe Expedia est numéro un mondial de la vente de voyages en ligne. Il s'est implanté en France grâce à son partenariat avec la SNCF pour commercialiser ses produits sur le site voyages-sncf.com. Il a ensuite acheté le site anyway.com en 2003, avant de lancer le site expedia.fr début 2004. Il a également acquis de fortes positions dans le segment des ventes en ligne aux entreprises en rachetant la société Egencia, leader européen de la gestion des voyages d'affaires en ligne.

B. LES PRATIQUES RELEVÉES

1. LA VENTE DE BILLETS DE TRAIN SUR INTERNET PAR LA SNCF

18. La SNCF a créé le site sncf.fr en septembre 1997. Ce site se contentait alors de diffuser des informations institutionnelles, sur les tarifs et les horaires. Il a permis la réservation de billets de train en ligne en octobre 1998 et le paiement en ligne fin 1999.

19. La SNCF a créé VSC au cours de l'été 2000, pour développer la réservation et la vente de billets de train sur Internet. Elle a placé cette filiale sous le contrôle de GL e-commerce (devenue VFE-commerce), elle-même créée en août 2000, et ayant pour objet de développer l'activité du groupe dans le domaine du commerce électronique.

20. C'est en 2001 qu'est entré en service le site voyages-sncf.com, dédié à l'information, à la réservation et à la vente en ligne des prestations ferroviaires de la SNCF, et qu'a débuté son exploitation par la filiale du même nom. Les modalités de cette activité ont été fixées par un mandat de distribution de prestations ferroviaires SNCF sur Internet conclu le 12 septembre 2001 entre la SNCF et VSC.

21. A partir du moment où le site voyages-sncf.com a été créé, le site sncf.fr a arrêté la réservation et la vente de billets de train en ligne : le site sncf.com est alors devenu un site purement institutionnel, à partir duquel un lien a été créé sous le libellé " organisez, réservez et achetez ", dirigeant les internautes vers le site commercial voyages-sncf.com, désigné comme " notre agence de voyages en ligne ".

2. LA MISE EN PLACE DU PARTENARIAT ENTRE LA SNCF ET EXPEDIA EN VUE DE LA CRÉATION DE L'AGENCE VSC

22. En vue de se développer dans la vente de voyages en ligne, la SNCF a lancé un appel à candidatures afin de trouver un partenaire expérimenté dans cette activité. Elle a consulté plusieurs sociétés, dont Lastminute, pour finalement retenir Expedia.

23. Le 16 juillet 2001, la SNCF et Expedia ont envoyé à la Merger Task Force de la Commission européenne une note d'information relative à la création envisagée d'une filiale commune. Par courriers du 30 juillet et du 7 septembre 2001 respectivement adressés aux conseils d'Expedia et de la SNCF, il leur a été répondu que la filiale commune ne présentait pas les caractéristiques d'une entreprise commune de plein exercice et que, par conséquent, l'opération envisagée ne constituait pas une opération notifiable au titre du contrôle des concentrations.

24. Le 8 août 2001, la SNCF et Expedia ont adressé à la DG Concurrence de la Commission une note d'information relative à leur projet de création d'une filiale commune. Une réunion s'est tenue avec les services de la Commission le 9 août 2001 mais la Commission ne s'est pas prononcée sur ces accords.

25. En septembre 2001, la SNCF et Expedia ont conclu les accords constituant la société GL Expedia (devenue l'Agence VSC). Cette filiale commune a pour objet d'offrir des services d'agence de voyages, autres que la distribution de billets de train sur le site voyages-sncf.com. A sa création, elle était détenue à 53 % par GL e-commerce (devenue VFE-commerce) et à 47 % par Expedia. Aujourd'hui, le montant de la participation de VFE-commerce est de 51,1 % et celle d'Expedia de 49,9 %.

26. Le partenariat entre les groupes SNCF et Expedia s'est traduit par la conclusion de plusieurs accords en date du 3 septembre 2001 :

- un pacte d'actionnaires entre GL e-commerce et Expedia qui fait état du " projet industriel commun à long terme " formé par les parties de créer et développer une activité d'agence de voyages en ligne, " à partir, notamment, de la base de clients actuels et futurs de la société Voyages-sncf.com " ;

- un contrat de partenariat entre VSC et GL Expedia dans lequel les parties décrivent la transformation du site voyages-sncf.com, afin d'y intégrer une offre de produits de voyages autres que ferroviaires dans des conditions offrant un degré d'harmonisation élevé entre les deux activités. Il prévoit notamment la mise en place d'une politique de ventes croisées visant à promouvoir, lors de chaque réservation des produits de l'un des partenaires, la vente des produits de l'autre partenaire (art. 4.3). Il fixe également le partage des revenus de commercialisation de l'espace publicitaire du site à 35 % pour VSC et à 65 % pour GL Expedia (art. 2.5) ;

- un contrat de licence de marque et de nom de domaine entre VSC, GL e-commerce et GL Expedia, qui accorde à cette dernière le droit d'utiliser et d'exploiter, à titre gratuit, la marque et le nom de domaine " voyages-sncf.com " pour son activité d'agence de voyages en ligne ;

- un contrat de développement et de prestation de services entre VSC et GL Expedia, qui prévoit l'obligation pour la première de développer et de faire fonctionner l'ensemble des fonctionnalités permettant la navigation des internautes et de recueillir des données relatives aux utilisateurs ;

- un contrat de développement et de licence de droits entre Expedia et GL Expedia, qui prévoit l'obligation pour Expedia de concevoir, développer, intégrer et concéder en licence à GL Expedia " le Système " (ensemble des logiciels, bases de données informationnelles et autres éléments développés ou utilisés par Expedia permettant à Expedia de délivrer le service et à GL Expedia d'exploiter le site et la partie GL Expedia de la Home Page). Il prévoit également la fourniture par Expedia de tous les produits et services commercialisés par GL Expedia (art. 4.1) ;

- un contrat de prestations de services conclu entre Expedia et GL Expedia qui prévoit la fourniture à titre gratuit par la première des services relatifs à l'utilisation du Système (maintenance, hotline, mises à jour des logiciels, interfaces et bases de données permettant l'offre des produits sur le site) ;

- un contrat de licence de marque entre Expedia et GL Expedia qui autorise cette dernière à utiliser les marques propriété d'Expedia.

27. Ces contrats ont été modifiés par des accords en date du 19 janvier 2004. Les principales modifications concernent le pacte d'actionnaires, qui fait état de l'intention d'Expedia de se développer sur le marché français avec son site expedia.fr et de la création de la société ServiceCo, qui fournira les prestations proposées aussi bien par expedia.fr que par la filiale commune. Le contrat de partenariat entre VSC et GL Expedia rappelle que la stratégie des parties consiste à " maximiser le trafic en provenance de la Home Page et du sous-site ferroviaire, vers le sous-site voyages, ceci en cohérence avec le plan marketing ".

28. En mars 2005, GL Expedia a changé sa dénomination en " l'Agence Voyages-sncf.com ". VSC explique ce changement par la création en 2004 du site expedia.fr et la volonté d'éviter une éventuelle confusion entre les deux sites.

29. Au final, le partenariat entre le groupe SNCF et Expedia a réuni au sein d'un même site Web le canal de distribution de billets de train sur Internet de la SNCF et une activité d'agence de voyages.

3. LA POLITIQUE D'ENVOI DES NEWSLETTERS

30. Toute réservation d'un billet de train ou d'une carte commerciale sur le site voyages-sncf.com implique la saisie d'une adresse de messagerie électronique à laquelle VSC envoie un message de confirmation. Cette fonctionnalité a permis la constitution d'un fichier d'utilisateurs extrêmement important, à partir duquel VSC a mis en place une politique d'envoi de lettres d'informations, dites newsletters.

31. Entre 2001 et 2004, tous les internautes ayant réservé ou acheté des billets de train sur le site voyages-sncf.com ont reçu des newsletters, communes à VSC et à l'Agence VSC. Cette politique de diffusion apparaissait dans la charte de confidentialité, accessible à partir d'un lien figurant au bas de la page d'accueil du site. Cette charte mentionnait ainsi :

" Utilisation des données [...]

Sauf opposition de votre part, Voyages-sncf.com et/ou GL. Expédia sont susceptibles de Vous adresser, par courrier et par courrier électronique, notamment dans le cadre de la Lettre d'Information, des informations Vous permettant de mieux connaître et de mieux utiliser le site, de Vous faire bénéficier d'offres promotionnelles diffusées sur le site, et de Vous proposer des offres de partenaires commerciaux ".

32. La politique de diffusion des newsletters a été modifiée à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-575 du 2l juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dite LCEN, qui a introduit à l'article L. 34-5 du Code des postes et communications électroniques des dispositions prohibant la prospection, notamment par courrier électronique, destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l'image d'une personne vendant des biens ou fournissant des services, auprès de personnes physiques n'ayant pas exprimé leur consentement. En application de ces dispositions, la charte de confidentialité du site voyages-sncf.com indique depuis 2005 :

" Utilisation des données [...]

Sauf opposition de votre part, dans les conditions définies dans la charte de confidentialité, si vous avez acheté des produits ferroviaires, Voyages-sncf.com est susceptible de Vous adresser par courrier et par courrier électronique, notamment dans le cadre de la lettre d'informations, des informations Vous permettant de mieux connaître et de mieux utiliser le site, de Vous faire bénéficier des offres promotionnelles de produits ferroviaires et, avec votre accord, des offres de produits non ferroviaires.

Sauf opposition de votre part, dans les conditions définies dans la charte de confidentialité, si vous avez acheté des produits non ferroviaires, L'agence voyages-sncf.com est susceptible de Vous adresser par courrier et par courrier électronique, notamment dans le cadre de la lettre d'informations, des informations Vous permettant de mieux connaître et de mieux utiliser le site, de Vous faire bénéficier des offres promotionnelles de produits non ferroviaires et, avec votre accord, des offres de produits ferroviaires.

L'utilisation des données ne pourra être faite qu'avec l'accord du client, et notamment leur transmission à l'agence voyages-sncf.com, laquelle pourra effectuer toute offre de prestations non ferroviaires. " (soulignements ajoutés).

33. Fin 2004, VSC a consulté chacun de ses internautes pour refaire ses listes de diffusion. Mme Rachel X..., directrice générale de VFE-commerce, de VSC et de l'Agence VSC a affirmé, lors de son audition du 22 mai 2008 : " Nous avons requalifié tous nos clients entre juin et décembre 2004 dans le cadre de la loi LCEN. Nous les avons contactés pour savoir à quoi ils voulaient s'abonner. Nous avons désabonné les clients qui n'ont pas répondu à notre courrier [...] nous avons à cette occasion perdu des abonnés pour l'Agence ".

4. LA LICENCE INFORMATIQUE RAVEL

34. Le système informatisé de réservation (SIR) d'un transporteur est un système contenant notamment les informations relatives aux horaires, aux places disponibles et aux tarifs. La SNCF a deux SIR dont Résarail est le principal : il contient l'inventaire des produits de transport ferroviaire de voyageurs à l'exception du produit iDTGV. Navitaire est le SIR dédié au seul produit iDTGV.

35. Pour distribuer des billets de train en ligne, une agence de voyages doit établir une connexion entre son site et les deux SIR de la SNCF. Tel est l'objet de la licence informatique Ravel que la SNCF a mis à la disposition des agences de voyages en ligne dans le courant de l'année 2001.

36. D'août 2001 à septembre 2002, le système Ravel a été développé et commercialisé par VSC, désignée comme bénéficiaire d'une connexion exclusive avec Résarail. De septembre 2002 à septembre 2005, la licence Ravel a été commercialisée par GL e-commerce (devenue VFE-commerce). A cet effet, VSC et GL e-commerce ont conclu le 30 juin 2002 un contrat de cession non exclusive des droits d'auteur détenus par VSC sur les programmes informatiques Ravel et Booking Engine, permettant à GL e-commerce de les exploiter et de les commercialiser auprès de tiers. Cette cession a été convenue moyennant un prix de 1 220 000 euro au titre du Booking Engine et de 380 000 euro au titre des développements Ravel. Depuis septembre 2005, la licence Ravel est commercialisée par une filiale de VFE-commerce : VSC Technologies.

37. La licence Ravel se décline en plusieurs versions :

- Ravel Classic constitue la version de base. Elle permet aux internautes de consulter les horaires, de réserver des billets de train et de commander des cartes commerciales SNCF à partir du site de l'agence de voyages. L'installation de Ravel Classic et la licence sont facturées 1 500 euro par site Web.

- Ravel Premier est la version intermédiaire. En sus des fonctionnalités offertes par Ravel Classic, elle permet à l'internaute de finaliser sa commande en payant en ligne. Elle permet en outre à l'agence de voyages de proposer des ventes croisées (offre de produits complémentaires à la suite de la réservation d'un billet de train). L'installation de Ravel Premier et la licence sont facturées 13 750 euro par site Web.

- Enfin, les agences de voyages ayant choisi la version Ravel Premier peuvent souscrire l'option Ravel Web Services. Cette option leur permet de vendre des forfaits dynamiques ou e-packages. L'internaute choisit alors le trajet en train, le séjour hôtelier, la location d'une voiture et assemble ses produits. L'agence lui accorde une réduction mais ne lui communique que le prix global. L'installation de Ravel Premier incluant l'option Ravel Web Services et la licence sont facturées 54 000 euro par site Web.

- Par ailleurs, l'option Ravel iDTGV permet à l'internaute de réserver et d'acheter des billets de train iDTGV. L'option Ravel iDTGV est gratuite pour les agences de voyages titulaires d'une licence Ravel mais les frais d'installation sont de 600 euro par site Web.

38. En outre, les frais de maintenance et d'exploitation sont de 1,10 euro par dossier voyage réservé sur Ravel et émis.

39. En 2007, 219 sites d'agences de voyages en ligne utilisaient le système Ravel, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous. De plus, quinze sites d'agences de voyages disposent de l'option Ravel iDTGV.

<emplacement tableau>

40. Toutefois, Go Voyages et le Club Méditerranée distribuent des billets de train sans avoir acheté la licence Ravel. VSC et l'Agence VSC ne passent pas non plus par le système Ravel pour distribuer des billets de train en ligne ou pour vendre des produits associés à des billets de train.

5. LA FONCTIONNALITÉ BILLET IMPRIMÉ

41. La fonctionnalité billet imprimé permet à l'internaute d'imprimer lui-même son titre de transport sur une feuille blanche de format A4 à partir d'un ordinateur et d'une imprimante standards. Pour des raisons de lutte contre la fraude, la SNCF limite son utilisation aux billets non échangeables et non remboursables.

42. D'avril 2003 à septembre 2008, voyages-sncf.com était la seule agence de voyages en ligne à disposer de la fonctionnalité billet imprimé.

6. LES OFFRES DERNIÈRE MINUTE

43. Le 1er avril 2003, concomitamment au lancement de la fonctionnalité billet imprimé, la SNCF lançait deux nouvelles offres tarifaires : les offres Prem's et les Offres Dernière Minute (ODM). Les ODM étaient des offres promotionnelles mises en vente chaque mardi matin, avec au moins 50 % de réduction. Elles ont disparu en octobre 2007 pour laisser place aux " Bons plans du Net " apparus en janvier 2008.

44. En pratique, les agences de voyages en ligne disposant d'une licence Ravel pouvaient difficilement distribuer les ODM car le bref délai séparant la date de réservation et la date de départ compromettait l'envoi du billet de train au domicile de l'internaute. En effet, ce délai était d'une semaine au maximum et, dans la plupart des cas, il était encore plus réduit. Les représentants de plusieurs agences de voyages en ligne ont témoigné de cette difficulté qui les a conduits à ne pas proposer les ODM sur leur site. Par exemple, M. Jean-Pierre Y..., directeur de Voyages Wasteels France a déclaré : " Nous avons choisi de ne pas proposer les Offres dernière minute de la SNCF car elles sont valables et "vendables" dans une période très limitée. En effet, l'accès à la réservation train, dans le site wasteels.fr, est bloqué à D-3, ceci pour nous permettre d'éditer les titres de transport avec une marge de sécurité suffisante. Avec ce paramétrage à D-3, il est donc impossible de proposer des Offres dernière minute ".

45. A partir de 2006, la SNCF a mis la fonctionnalité Billet Electronique à la disposition des agences de voyages en ligne. Cette fonctionnalité permet à l'internaute de retirer en gare le billet de train réservé et payé auprès d'une agence de voyages en ligne. Cependant, jusqu'au 1er janvier 2007, les agences de voyages perdaient toute commission en cas d'émission du billet de train en gare.

46. Ces difficultés n'affectaient pas VSC qui a disposé de la fonctionnalité billet imprimé dès le lancement des ODM et a, depuis toujours, une fonctionnalité équivalente au Billet Electronique.

7. IDTGV

47. A partir de décembre 2004, la SNCF a mis en place l'offre iDTGV, offre de transport spécifique proposée par sa filiale, la société iDTGV, créée ad hoc en juillet 2004. Cette offre s'appuie sur les techniques des compagnies aériennes à bas coûts dites " low cost ", c'est-à-dire un prix attractif s'élevant au fur et à mesure que la date de départ approche. La société iDTGV affrète une rame supplémentaire à un TGV sur un trajet donné et prend le risque commercial de remplir ou non ces rames. A cet effet, le 10 décembre 2004, la SNCF et iDTGV ont conclu un contrat d'affrètement et de prestations de service.

48. Les billets de train iDTGV sont exclusivement vendus par des agences de voyages en ligne. Ainsi, en plus du site voyages-sncf.com, quinze sites d'agences de voyages en ligne distribuent les produits iDTGV. Cependant, le site voyages-sncf.com est le seul à pouvoir afficher l'offre iDTGV sur les mêmes pages que l'ensemble de l'offre ferroviaire SNCF. Cette possibilité est prévue dans le contrat de partenariat conclu entre VSC et iDTGV qui définit l'Espace Commun comme : " Les pages de dialogue du site VSC (à l'exclusion de l'Espace Dédié) associées à la consultation, à la réservation de tous les services de transport ferroviaires commercialisés par VSC, y compris mais non spécifiquement, les Services IDTGV, ainsi que les fonctionnalités correspondantes ". Cette possibilité n'est pas offerte aux autres agences de voyages en ligne, qui doivent afficher les offres iDTGV sur des pages séparées.

8. LES COMMISSIONS VERSÉES AUX AGENCES DE VOYAGES

49. La SNCF verse des commissions aux agences de voyages en contrepartie des services que lui rendent ces dernières. Ces commissions sont calculées sur la base des chiffres d'affaires bruts réalisés par les agences de voyages pour la distribution de billets de train, auxquels la SNCF applique des taux différents selon qu'il s'agit de VSC ou de ses autres partenaires.

50. S'agissant de VSC, la SNCF rémunère sa filiale pour ses fonctions de distribution de billets de train, d'une part, et de gestion de la fonctionnalité billet imprimé, d'autre part. Un premier mandat de distribution de prestations ferroviaires SNCF sur Internet du 12 septembre 2001 et ses quatre avenants fixaient les conditions de rémunération de VSC pour les années 2001 à 2004. Un second mandat de distribution de prestations ferroviaires SNCF sur Internet du 12 janvier 2005 et ses deux avenants ont fixé les conditions de rémunération de VSC pour les années 2005 à 2007.

51. S'agissant des autres agences de voyages, c'est le contrat d'agrément qui fixe les conditions de leur rémunération par la SNCF. Ainsi, l'article 2.1 du cahier des clauses et conditions générales du contrat d'agrément, dans son édition du 1er janvier 1998, stipule que : " la SNCF rémunère l'agence sous la forme d'une commission calculée sur le montant TTC des titres de transport et autres prestations annexes ". Cet article fixait à 7,8 % le taux de commission pour toutes les agences de voyages. Mais, entre 2002 et 2007, la SNCF a appliqué des taux de commission différents aux agences de voyages en ligne et traditionnelles (conventions SNAV/SNCF du 25 juin 2002 et du 15 mai 2006).

52. Le tableau ci-dessous compare les taux de commissions appliqués à VSC et aux autres agences de voyages pour la distribution de billets de train :

<emplacement tableau>

9. LES TARIFS RIT

53. La SNCF accorde des tarifs particuliers à certains voyagistes pour la distribution de billets de train intégrés à des voyages à forfait, dits tarifs RIT (Rail Inclusive Tour). Les contrats RIT imposent ainsi que les titres de transport soient exclusivement utilisés pour des voyages à forfait et que le titulaire d'un billet de train émis dans le cadre du contrat soit en possession de documents attestant qu'il effectue un tel voyage. A cette première condition, s'ajoute une seconde condition relative au nombre minimum de ventes à réaliser, qui varie selon le type de contrat RIT. En contrepartie, le voyagiste bénéficie d'un prix net au lieu du prix public.

54. La SNCF refuse d'ouvrir l'accès de ses tarifs RIT aux agences de voyages en ligne qui souhaitent offrir à leurs clients la possibilité de composer eux-mêmes des forfaits dynamiques. Le rapport administratif d'enquête montre que le groupe SNCF a laissé entendre à Lastminute qu'elle aurait accès aux tarifs RIT pour commercialiser des billets de train intégrés à des forfaits dynamiques à l'aide de l'option Ravel Web Services. Néanmoins, VSC n'a pas non plus accès aux tarifs RIT.

C. LES GRIEFS NOTIFIÉS

55. Au vu des faits présentés plus haut, six griefs ont été notifiés :

" A l'encontre de la SNCF, GL e-commerce (devenu VFE-commerce) et Expedia. Inc, un grief d'entente verticale consistant en un accord de distribution exclusive accordant des avantages au groupe Expedia au détriment de ses concurrents.

A l'encontre de la SNCF et ses filiales, les sociétés GL e-commerce (devenue VFE-commerce), Voyages-sncf.com et GL Expédia (devenue l'Agence de voyages), il est retenu cinq griefs d'abus de position dominante :

1. Un grief d'abus de position dominante consistant à ériger artificiellement des barrières à l'entrée sur le marché de la vente de billets de train en imposant l'interface Ravel et d'autant plus à un prix particulièrement élevé aux agences de voyage en ligne pour avoir accès à la facilité essentielle Résarail ;

2. Un grief d'abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire s'agissant des conditions fixées par la SNCF pour la commercialisation de ses titres de transport sur le marché du transport des voyageurs par voie ferroviaire tant en ce qui concerne l'octroi de tarifs particuliers (dits RIT) que dans le fonctionnement de la licence Réservation des Agences de Voyages en Ligne (dit Ravel) depuis 2001 ;

3. Un grief d'abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire provenant des commissions versées par la SNCF pour la distribution du train ;

4. Un grief d'abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire provenant de la distribution mise en place pour certains produits " train " que sont les ODM et iDTGV depuis 2003 ; ce grief est également notifié à la société iDTGV ;

5. Un grief d'abus de position dominante résultant de l'absence d'accessibilité pour les opérateurs autres que Voyages-sncf.com à la fonctionnalité d'impression du billet imprimé depuis 2003.

Ces pratiques sont constitutives de violations des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et des articles 8l et 82 du Traité CE, des abus de position dominante et une entente commis sur tout le territoire national par un opérateur national étant présumés affecter sensiblement le commerce intracommunautaire. "

D. LA MISE EN OEUVRE DU III DE L'ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE

56. Selon les dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, "lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié".

57. Le 1er août 2008, la SNCF ainsi que ses filiales, les sociétés VFE-commerce, VSC, l'Agence VSC et iDTGV ont signé un procès-verbal de mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

58. Prenant acte de la position de la SNCF et de ses filiales, la rapporteure générale adjointe a proposé au Conseil de la concurrence de leur accorder le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce et, pour tenir compte de l'absence de contestation des griefs et des engagements présentés, que la sanction pécuniaire, le cas échéant prononcée, n'excède pas un plafond de dix millions d'euro.

59. Lors de la séance du Conseil de la concurrence du 2 décembre 2008, qui s'est poursuivie le 9 décembre 2008, la SNCF a proposé de compléter les engagements figurant dans le procès-verbal du 1er août 2008. Elle a envoyé la nouvelle version de ses engagements par lettre enregistrée le 12 décembre 2008.

II. Discussion

A. SUR LA PROCÉDURE

60. La société Expedia soutient :

- que le fait qu'une société tierce, la société Opodo, ait été à tort rendue destinataire de griefs qui ne la concernaient pas a entaché la procédure d'irrégularité ;

- que la notification des griefs était trop imprécise pour lui permettre d'exercer ses droits de la défense ;

- que l'instruction n'a pas été impartiale ;

- que, n'ayant pas été auditionnée au cours de l'enquête et de l'instruction, elle n'a pu exercer utilement ses droits de la défense.

1. SUR LA COMMUNICATION DE LA NOTIFICATION DES GRIEFS À OPODO

61. Expedia a constaté qu'Opodo figurait dans la liste des destinataires de la notification des griefs. Elle soutient que cette communication de la notification des griefs à Opodo constitue une violation des formes substantielles prévues à l'article L. 463-2 du Code de commerce et un manquement au secret de l'instruction, d'autant plus grave qu'il implique une violation du secret des affaires.

a) Sur l'article L. 463-2 du Code de commerce et le secret de l'instruction

62. Selon Expedia, la communication de la notification des griefs à Opodo constitue une violation de l'article L. 463-2 du Code de commerce qui énumère de façon limitative les destinataires de la notification des griefs, ainsi que du secret de l'instruction visé à l'article 11 du Code de procédure pénale. Expedia en conclut que cette violation du secret de l'instruction, dont il est résulté une atteinte à ses intérêts, justifie le prononcé de la nullité de la notification des griefs et des actes d'instruction subséquents.

63. Opodo qui, au moment des faits, avait le contrôle de la société Karavel, à l'origine de l'une des saisines, a effectivement été destinataire de la notification des griefs. Tiers à la procédure, elle ne fait pas partie des " intéressés " au sens de l'article L. 463-2 du Code de commerce et n'avait donc pas à recevoir ce document.

64. Cependant, la sanction de la violation du secret de l'instruction ne saurait être la nullité de la notification des griefs et encore moins de l'ensemble de la procédure. En effet, la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 12 décembre 2006, Bouygues Télécom, a approuvé le Conseil de la concurrence d'avoir considéré dans sa décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile (§ 141) que : " la violation du secret de l'instruction, qui est assimilée à une violation du secret professionnel, est punie aux articles L. 226-13 et L. 226-14 du Code pénal d'une peine d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euro, et non par la nullité de la procédure. Ce n'est que dans l'hypothèse où les droits de la défense seraient irrémédiablement atteints par une telle violation que la procédure en serait affectée ".

65. Il convient donc de vérifier si les droits de la défense d'Expedia ont été irrémédiablement atteints par l'envoi de la notification des griefs à Opodo.

66. En l'espèce, à la réception de la notification des griefs, Opodo a, d'elle-même, averti le Conseil de la concurrence qu'elle n'avait plus le contrôle de Karavel, partie saisissante, depuis la fin de l'année 2007. Par lettre du 8 février 2008, le rapporteur général lui a alors demandé : " de ne pas tenir compte de cet envoi, de ne pas déposer d'observations devant le Conseil de la concurrence en réponse à la notification des griefs et de bien vouloir retourner celle-ci au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence dans les meilleurs délais ". Opodo a restitué la notification des griefs par courrier enregistré le 28 février 2008 et n'a pas déposé d'observations sur celle-ci. Elle n'a pas été destinataire du rapport et n'a pas déposé de mémoire en réponse. Elle n'a pas non plus été entendue en séance.

67. De son côté, Expedia a pu utilement déposer ses observations sur la notification des griefs, son mémoire en réponse au rapport et présenter ses observations orales en séance. Elle ne démontre pas en quoi les droits de la défense auraient été méconnus.

68. Dans ces conditions, la communication de la notification des griefs à Opodo n'a pas porté atteinte aux droits d'Expedia et n'est pas de nature à entraîner la nullité de la notification des griefs et de l'ensemble des actes d'instruction adoptés ultérieurement.

b) Sur le secret des affaires

69. Expedia soutient que des éléments qui étaient classés secret des affaires ont été communiqués à Opodo. Elle estime que cette violation du secret des affaires a porté atteinte à ses intérêts et justifie l'annulation de la notification des griefs et des actes postérieurs, adoptés sur son fondement.

70. Cependant, la sanction qui s'attache à la violation du secret des affaires n'est pas la nullité de la procédure, mais le versement éventuel d'une indemnité réparatrice, dans l'hypothèse où la divulgation de telles informations serait de nature à créer un préjudice direct et certain aux entreprises concernées (voir notamment décision n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, § 470).

71. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

2. SUR LA PRÉCISION DE LA NOTIFICATION DES GRIEFS

72. Expedia avance que la notification des griefs se borne souvent à citer des passages de documents ou à procéder par affirmation sans préciser les sources ou les numéros de cotes pertinents. Elle affirme que ces imprécisions prétendues ont porté atteinte à l'exercice effectif de ses droits de la défense. Expedia prétend, en outre, que la notification des griefs ne définit pas le marché concerné ni les effets de l'entente ce qui constituerait un manquement à la charge de la preuve de l'entente alléguée incombant au Conseil. Au stade du rapport, elle ajoute que le grief d'entente est imprécis quant à son objet et que, sous couvert de clarifier ce grief, le rapport avance de nouveaux objets et effets de la pratique qui n'étaient pas évoqués dans la notification des griefs. Expedia dénonce ainsi :

- la mise en avant d'un nouvel objet anticoncurrentiel, consistant en la mise à disposition du site voyages-sncf.com au profit de l'Agence VSC, alors que la notification des griefs visait l'exclusivité du partenariat comme constitutive d'un objet anticoncurrentiel ;

- la caractérisation, au titre des effets de l'entente, de l'exclusivité d'utilisation de la marque voyages-sncf.com consentie à l'Agence VSC, alors que la notification des griefs visait la gratuité de la mise à disposition de cette marque.

73. Mais la notification des griefs est un document synthétique qui contient une description précise des faits reprochés, leur date, leur imputabilité et leur qualification, puis reprend, in fine, en les résumant, la rédaction des griefs eux- mêmes dans une formule concise. Elle constitue l'acte d'accusation et doit donc être précise (Cour d'appel de Paris, 29 mars 2005, Filmdis Cinésogar), cette exigence n'excluant pas que les juges d'appel et de cassation recherchent, dans le corps même de la notification des griefs, la portée de ces derniers (Cour de cassation, 6 avril 1999, ODA).

74. En l'espèce, Expedia s'est vue notifier : " un grief d'entente verticale consistant en un accord de distribution exclusive accordant des avantages au groupe Expédia au détriment de ses concurrents depuis 2001 ". Pour établir ce grief, la notification des griefs se fonde principalement sur les stipulations des contrats conclus entre Expedia et le groupe SNCF. Expedia avait donc nécessairement connaissance de ces éléments.

75. S'agissant du marché pertinent, la notification des griefs ne consacre pas moins de neuf pages à l'analyse des marchés, tout au long desquelles elle tend à démontrer que le marché de produits est le marché des services d'agence de voyages en ligne. Elle décrit ensuite la position des parties mises en cause sur ce marché. Expedia n'est donc pas fondée à soutenir que la notification des griefs n'a pas défini le marché pertinent. Elle l'est d'autant moins qu'une importante partie de ses observations sur la notification des griefs est consacrée à la contestation de la délimitation de ce marché pertinent et répond, point par point, à chacun des arguments développés dans la notification des griefs.

76. S'agissant de l'objet et des effets de l'entente anticoncurrentielle, la notification des griefs les a clairement exposés, de sorte qu'Expedia a pu se défendre utilement dès ses observations sur la notification des griefs. En outre, le rapport n'indique pas que l'objet de l'entente réside dans la mise à disposition du site voyages-sncf.com au profit de l'Agence VSC, mais dans les avantages conférés à Expedia, notamment par le partage de clientèle entre VSC et l'Agence VSC qu'implique le partage du site voyages-sncf.com. Sur ce point, il ne fait que reprendre la notification des griefs qui précise que : " En septembre 2001, la SNCF et le groupe Expédia ont entendu prendre en compte la base des clients de la société Voyages-sncf.com. En effet, élément substantiel de leurs accords, cette base de clientèle figure tout à la fois, dans le préambule du pacte d'actionnaires, signé le 3 septembre 2001, tout comme dans le pacte modificatif conclu le 19 janvier 2004 ". La notification des griefs décrit les différentes formes qu'ont pris ces avantages : mise en place d'une politique systématique de ventes croisées entre VSC et l'Agence VSC, newsletter commune. Enfin, sur la mise à disposition de la marque voyages-sncf.com au profit de l'Agence VSC, la notification des griefs dénonce certes sa gratuité mais aussi sa simple existence, au titre des avantages accordés par le groupe SNCF à Expedia.

77. Pour l'ensemble de ces raisons, le moyen doit être écarté.

3. SUR L'IMPARTIALITÉ DE L'INSTRUCTION

78. Expedia soutient que le grief d'entente repose sur la prise en compte des seules pièces à charge. Ainsi, l'instruction n'aurait retenu que les clauses des accords relatives aux contributions de la SNCF à la filiale commune, en passant sous silence les stipulations relatives aux contributions d'Expedia. De même, elle aurait omis une note du service économique du Conseil de la concurrence qui serait essentielle car, sur la base de ses conclusions, le grief d'entente devrait être abandonné. Selon Expedia, ces omissions constituent une violation du principe d'instruction à charge et à décharge, du devoir d'impartialité de l'instruction et du principe de la présomption d'innocence, qui devrait conduire à écarter le grief d'entente.

79. Cependant, le rapporteur dispose d'un pouvoir d'appréciation quant à la conduite de ses investigations (Cour de cassation, 15 juin 1999, Lilly France). Il fonde la notification des griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé et n'a pas à répondre à tous les arguments développés par les parties (Cour d'appel de Paris, 24 janvier 2006, Ordre des avocats au barreau de Marseille). Ainsi, le fait que la notification des griefs ne cite pas tous les faits et indices qui n'ont pas été retenus comme indices des pratiques anticoncurrentielles ne peut faire grief aux entreprises, dès lors que celles-ci ont eu accès à l'ensemble de la procédure (voir notamment les décisions n° 07-D-49 du 19 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical à l'occasion de la passation d'un appel d'offres lancé par le CHU de Montpellier, § 166 et n° 07-D-50 précitée, § 426).

80. En tout état de cause, lorsque l'impartialité du rapporteur est mise en cause, il convient de vérifier que les règles de procédure garantissant le principe du contradictoire ont été respectées (Cour d'appel de Paris, 12 avril 2005, France Télécom).

81. En l'espèce, Expedia n'allègue aucun fait précis démontrant que ces garanties auraient été méconnues. Elle a notamment eu la possibilité d'avoir accès à l'ensemble du dossier. C'est d'ailleurs en exerçant ce droit d'accès qu'elle a pris connaissance de la note du service économique du Conseil de la concurrence à laquelle elle se réfère. Enfin, Expedia a pu présenter ses observations sur la notification des griefs, son mémoire en réponse au rapport et ses observations orales en séance.

82. Par conséquent, le moyen doit être écarté.

4. SUR LES DROITS DE LA DÉFENSE D'EXPEDIA

83. Au stade du rapport, Expedia avance que ses représentants n'ont jamais été auditionnés au cours de l'enquête ou de l'instruction, seul le représentant d'Expedia France ayant été entendu. Elle estime qu'un tel manquement porte atteinte à ses droits de la défense garantis par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme.

84. Cependant, il est de jurisprudence constante que le rapporteur est libre dans la conduite de ses investigations, comme il a été rappelé plus haut (Cour de cassation, 15 juin 1999, Lilly France). De plus, contrairement à ce qu'affirme Expedia, ses représentants ont été auditionnés à quatre reprises depuis le début de la procédure :

- le 20 juillet 2004, M. Marc Z..., directeur général d'Expedia France et Mme Luisa A..., General Counsel, Expedia Inc. Europe, assistés de leur conseil, ont été auditionnés dans le cadre de l'instruction de la demande de mesures conservatoires déposée par Lastminute ;

- le 21 décembre 2006, M. Alex B..., " managing director " d'Expedia France et son conseil, représentant la société de droit américain Expedia Inc. et Expedia France, ainsi que l'indique le procès-verbal d'audition, ont été entendus par les services d'instruction. Ces deux personnes ont encore été auditionnées les 12 juin 2007 et 28 mai 2008.

85. Enfin, outre qu'elle a été entendue lors de la séance organisée dans le cadre de la procédure de mesures conservatoires, qu'elle a présenté ses observations écrites sur la notification des griefs, son mémoire en réponse au rapport et ses observations orales en séance, Expedia a été invitée à répondre au complément de saisine déposé par Lastminute le 16 février 2007. Elle a ainsi présenté ses observations en réponse le 6 avril 2007.

86. Le moyen doit donc être écarté.

B. SUR LES MARCHÉS PERTINENTS ET LES POSITIONS DES PARTIES MISES EN CAUSE

1. SUR LES MARCHÉS PERTINENTS

a) Sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs

Sur le marché de produits

87. Le Conseil de la concurrence a reconnu l'existence d'un marché du " transport de voyageurs par voie ferroviaire " dans ses décisions n° 02-MC-05 du 17 avril 2002 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la Chambre de l'industrie hôtelière et touristique du Rhône et n° 04-D-51 du 4 novembre 2004 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Lastminute.com. Pour ce faire, il s'est appuyé sur l'article 18 de la LOTI qui confie à la SNCF la mission d'exploiter les services de transport ferroviaire de voyageurs.

88. L'existence d'un tel marché est également reconnue en droit communautaire. En effet, si, dans le secteur des transports, la Commission européenne privilégie habituellement une approche de point de départ à point de destination, tous modes de transport confondus, elle choisit parfois de limiter la définition du marché au seul transport ferroviaire (décision 94-210-CE du 29 mars 1994 relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CE (IV/33.941 - HOV-SVZ/MCN), points 115-139), ainsi que l'y autorise la jurisprudence communautaire (Tribunal de première instance des Communautés européennes, 21 octobre 1997, Deutsche Bahn AG c/ Commission (aff. T-229-94), point 56).

89. Le marché de produits à prendre en considération en l'espèce est donc le marché du transport ferroviaire de voyageurs.

Sur le marché géographique

90. Partant de l'article 18 de la LOTI qui dispose que la SNCF exerce sa mission sur le réseau ferré national, le Conseil de la concurrence a considéré que le marché du transport ferroviaire de voyageurs est de dimension nationale (décisions n° 02-MC-05 et 04-D-51, point 32, précitées).

91. Cette solution est conforme à la jurisprudence communautaire selon laquelle un État membre peut constituer un marché pertinent, notamment lorsqu'une entreprise est titulaire d'un monopole légal sur ce territoire (Tribunal de première instance des Communautés européennes, 21 octobre 1997, Deutsche Bahn AG c/ Commission précité, point 58).

92. En l'espèce, le marché géographique est donc le marché français.

b) Sur le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir

Sur le marché de produits

93. Dans sa décision n° 04-D-51 précitée, le Conseil de la concurrence a considéré qu'il n'était pas exclu que la vente de voyages en ligne constitue un marché de produits (points 34-38). La notification des griefs parvient à la même conclusion. Mais, au stade du rapport, l'instruction a proposé de retenir, comme marché de produits, le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir. Expedia soutient cette nouvelle délimitation du marché. En revanche, Karavel la conteste et propose de revenir au marché de produits plus étroit défini dans la notification des griefs.

94. Mais, pour définir le marché des services d'agence de voyages en ligne, la notification des griefs se fonde d'abord sur des décisions du Conseil de la concurrence et de la Commission européenne acceptant le mode de distribution, et notamment la vente sur Internet comme critère de distinction des marchés (décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir ; décision n° 04-D-54 du 9 novembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Apple Computer, Inc. dans les secteurs du téléchargement de musique sur Internet et des baladeurs numériques ; décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle ; Commission européenne, décision du 19 juillet 2004 (affaire COMP/M.3333 - Sony/BMG)).

95. Cependant, dans le secteur du tourisme, la Commission européenne ne semble pas disposée à reconnaître l'existence d'un marché des services d'agence de voyages en ligne qui serait distinct du marché des services d'agence de voyages traditionnelle.

96. La Commission a, certes, admis l'existence d'un tel marché dans un communiqué de presse relatif à l'ouverture d'une enquête approfondie à l'égard de la création d'une entreprise commune entre T-Online, TUI et Neckermann (IP/01/670 du 8 mai 2001). Mais, elle n'a confirmé cette solution dans aucune décision.

97. Au contraire, à plusieurs reprises, la Commission a refusé de reconnaître l'existence d'un marché des services d'agence de voyages en ligne. Ainsi, en 1999, 2000, 2001 et 2002, a-t-elle estimé que les services d'agence de voyages en ligne étaient substituables à ceux offerts par les agences traditionnelles pour des raisons tenant tant à la demande qu'à l'offre. A l'époque, elle n'a pas exclu de parvenir à une conclusion différente à l'avenir en raison des évolutions que pourrait connaître le secteur (décision 2000-276-CE du 22 septembre 1999 (affaire IV/M.1524 - Airtours/First Choice), points 29-32 ; décision du 27 avril 2000 (affaire COMP/M.1812 - Telefonica/Terra/Amadeus), point 12 ; décision du 19 décembre 2001 (affaire COMP/M.2627 - Otto Versand/Sabre/Travelocity JV), point 12 ; décision du 21 mai 2002 (affaire COMP/M.2794 - Amadeus/GGL/JV), point 10). Mais, en 2007, la Commission a renouvelé son refus (décision du 4 juin 2007 (affaire COMP/M.4600 - TUI/First Choice), point 44 ; décision du 4 mai 2007 (affaire COMP/M.4601 - Karstadtquelle/MyTravel), point 34).

98. Néanmoins, dans toutes ces décisions, la Commission a laissé la question du marché pertinent ouverte, dès lors que les opérations de concentration notifiées ne posaient pas de problèmes de concurrence, même sur le marché de produits le plus étroit. Pour trancher la question de l'existence ou non d'un marché des services d'agence de voyages en ligne, il convient donc de procéder à une analyse de la substituabilité des services rendus par les agences de voyages traditionnelles et virtuelles.

La substituabilité du côté de la demande

99. D'après la notification des griefs, le cyber-consommateur répondrait à un profil particulier : il donnerait la priorité à la recherche du meilleur rapport qualité/prix et il serait plus volatile, plus exigeant et plus expert. Karavel se fonde sur cet argument pour déduire qu'il n'existerait pas de substituabilité du point de vue de la demande entre les services rendus par les agences de voyages virtuelles et traditionnelles.

100. Mais, comme l'a relevé la Commission européenne, les clients des agences de voyages sont avant tout sensibles au prix et utilisent Internet pour s'informer sur les différentes offres (décision du 4 juin 2007 précitée, point 44 ; décision du 4 mai 2007 précitée, point 34).

101. Il demeure que certains clients sont encore réticents à acheter en ligne et n'utilisent Internet que comme moyen d'information sur les prix. Ces consommateurs ont également besoin des conseils que prodiguent les agences de voyages traditionnelles. Cependant, la Commission considère à leur égard que : " au vu des facilités de recherche offertes par Internet, la discrimination par les prix de ces consommateurs serait difficilement réalisable " (décision du 4 juin 2007 précitée, point 44 ; décision du 4 mai 2007 précitée, point 34).

La substituabilité du côté de l'offre

102. Pour retenir l'existence d'un marché pertinent des services d'agence de voyages en ligne, la notification des griefs avance d'abord que les produits vendus en ligne présentent des caractéristiques spécifiques : le forfait dynamique est uniquement vendu sur Internet et l'offre en ligne est davantage spécialisée.

103. Cependant, le forfait dynamique est un produit marginal et, ainsi que la Commission européenne l'a observé lors de ses enquêtes de marché, les deux modes de distribution traditionnel et en ligne proposent généralement les mêmes produits, aux mêmes prix (décision du 4 juin 2007 précitée, point 44 ; décision du 4 mai 2007 précitée, point 34).

104. Comme l'a relevé la Commission européenne, les agences de voyages en ligne et traditionnelles exercent les unes sur les autres une pression concurrentielle en termes de prix car les consommateurs sont très sensibles au coût de la prestation vendue et utilisent Internet pour s'informer sur les différentes offres (décision du 4 juin 2007 précitée, point 44 ; décision du 4 mai 2007 précitée, point 34).

105. Or, le critère du prix est essentiel pour déterminer un marché pertinent. Ainsi, dans la décision relative à la distribution de musique en ligne, ce sont les écarts de prix significatifs entre la vente sur Internet et les autres modes de distribution qui ont amené le Conseil de la concurrence à reconnaître l'existence d'un marché de produits distinct (décision n° 04-D-54 précitée, point 29 ; voir aussi la décision n° 07-D-07 précitée, point 40).

106. Comme l'a relevé la Commission européenne, les agences de voyages en ligne et traditionnelles exercent les unes sur les autres une pression concurrentielle en termes de prix car les consommateurs sont très sensibles au coût de la prestation vendue et utilisent Internet pour s'informer sur les différentes offres (décision du 4 juin 2007 précitée, point 44 ; décision du 4 mai 2007 précitée, point 34).

107. Karavel conteste cette analyse et affirme que les agences de voyages en ligne vendent leurs produits moins chers que les agences de voyages traditionnelles, mais elle illustre son propos par l'exemple non significatif de deux séjours en vente actuellement.

108. Enfin, si les agences de voyages traditionnelles et en ligne ont des structures de coûts différentes et connaissent, chacune, des contraintes spécifiques, il est aisé de passer de l'une à l'autre. En effet, les supports technologiques et les services d'accès à Internet utilisés sont à la portée de n'importe quel entrant potentiel, ainsi que l'a constaté la Commission européenne (décision du 27 avril 2000 précitée, point 21). Cette absence de barrières à l'entrée est illustrée en pratique par le fait que les agences de voyages optent de plus en plus pour une stratégie multi-canal. Dans ce sens, l'étude Xerfi consacrée aux agences de voyages, datée de septembre 2007 explique que : " En France, les distributeurs de produits touristiques cherchent plus à créer des alliances pour s'assurer une présence multi-canal. Ils tentent de jouer sur la complémentarité des réseaux. Ainsi, s'il est courant de voir un opérateur physique entrer sur le réseau virtuel (click & mortar), l'opération a commencé à se faire dans le sens inverse. Les enseignes sur Internet ouvrent de plus en plus des points de vente, à l'image de Promovacances ou de Lastminute. Des réseaux comme Voyageurs du Monde, présents de longue date sur Internet, continuent d'ouvrir des agences physiques car celles-ci bénéficient à leurs ventes en ligne. Face aux comportements des consommateurs qui profitent de la multiplicité des canaux de distribution en fonction de leurs besoins, les opérateurs s'adaptent en jouant sur plusieurs tableaux ". Cette stratégie multi-canal des agences de voyages renforce l'idée selon laquelle les services rendus par les agences de voyages en ligne et traditionnelles sont sur le même marché du point de vue de l'offre.

109. Ainsi, en l'état actuel des choses, les services d'agence de voyages en ligne ne constituent pas un marché de produits distinct.

110. Néanmoins, il convient de distinguer au sein des services d'agences de voyages, les services prestés pour les voyages d'affaires des services prestés pour les voyages de loisir, ainsi que l'admet la Commission européenne (décision du 6 avril 1995 (cas n° IV/M.564 - Havas Voyages/American Express), points 14-15, notamment confirmée par la décision du 3 juillet 2006 (COMP/M.4234 - Carlson/One Equity Partners/Carlson Wagonlit), points 12-13). En effet, du côté de la demande, voyages d'affaires et de loisir sont des produits distincts, non substituables. Du côté de l'offre, les acteurs interviennent le plus souvent sur un seul de ces deux segments.

111. En l'espèce, le marché de produits concerné est donc le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir.

Sur le marché géographique

112. Les agences de voyages commercialisant leurs services à l'échelle nationale (décision 2000-276-CE du 22 septembre 1999 (affaire IV/M.1524 - Airtours/First Choice), point 43), le marché géographique est le marché français.

c) Sur le marché des services de distribution de billets de train

Sur le marché de produits

113. Dans sa décision n° 04-D-51 précitée, le Conseil de la concurrence a indiqué qu'il n'était pas exclu que le marché de la distribution de billets de train constitue un marché distinct du marché du transport de voyageurs par voie ferroviaire (point 33).

114. Le droit communautaire reconnaît l'existence de ce marché de la distribution de billets de train. En effet, la Commission européenne a considéré que " la délivrance des billets de transport constitue une prestation de services distincte de l'activité de transport " et, pour cette raison, identifié un " marché de la distribution des billets de transport par chemin de fer " (décision 92-568-CEE du 25 novembre 1992 relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/33.585 Distribution des billets de transport ferroviaire par les agences de voyages), points 70 et 75). Sur ce marché, que la Commission a également qualifié de " marché de l'intermédiation ", les entreprises ferroviaires achètent les services des agences de voyages.

115. Le Tribunal de première instance a, certes, annulé cette décision en raison de l'erreur de droit commise par la Commission qui s'était appuyée sur un règlement de procédure inapproprié (Tribunal de première instance des Communautés européennes, 6 juin 1995, Union internationale des chemins de fer c/ Commission, affaire T-14-93), mais il a estimé qu'une décision d'une association d'entreprises régissant les modalités de vente des billets de transport ferroviaire par les agences de voyages " porte sur des activités qui sont connexes à la prestation de service de transport par chemin de fer " (point 46) et distingué un " marché de la distribution des billets de chemin de fer ", connexe aux marchés du transport ferroviaire (point 54).

116. Une solution identique a été retenue en matière de transport aérien. En effet, la Commission européenne et le Tribunal de première instance ont reconnu l'existence d'un marché des services des agences de voyages aériens, distinct des marchés du transport aérien (décision 2000-74-CE du 14 juillet 1999 relative à une procédure d'application de l'article 82 du traité CE (IV/D-2/34.780 Virgin/British Airways), points 71-79, confirmée par TPICE, 17 décembre 2003, British Airways plc c/ Commission (affaire T-219-99), points 89-117). Suivant une analyse transposable au cas d'espèce, le Tribunal de première instance a ainsi expliqué que : " cette activité spécifique des agents de voyages consiste, d'une part, à conseiller les voyageurs potentiels, à réserver et à émettre les billets d'avion, à encaisser le prix du transport et à le reverser aux compagnies aériennes et, d'autre part, à assurer en faveur de ces compagnies des services de publicité et de promotion commerciale " (points 93-94).

117. La distribution de billets de train constitue donc un marché de produits distinct mais connexe du marché du transport ferroviaire de voyageurs.

Sur le marché géographique

118. Dans sa décision n° 04-D-51 précitée, le Conseil de la concurrence a précisé que le marché de la distribution de billets de train est un marché national.

119. Cette analyse est conforme à celle suivie par la Commission européenne et le Tribunal de première instance, qui considèrent que ce type de marché est de dimension nationale car les agences de voyages travaillent généralement au niveau national (décision 2000-74-CE précitée, point 78 et TPICE, 17 décembre 2003, British Airways plc c/ Commission, précité, points 108 à 116).

120. Le marché géographique est donc le marché français.

2. SUR LA POSITION DES PARTIES MISES EN CAUSE

a) Sur la position des parties mises en cause sur le marché français du transport ferroviaire de voyageurs

121. Sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs, les offreurs sont les entreprises ferroviaires transportant des voyageurs et les demandeurs sont les voyageurs.

122. En France, l'article 18 de la LOTI réserve à la SNCF le monopole d'exploitation des services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national. En raison de ce monopole légal, la SNCF est en position dominante, ainsi que le Conseil de la concurrence l'a constaté par le passé (décision n° 02-MC-05 précitée).

b) Sur la position des parties mises en cause sur le marché français des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir

123. Sur le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir, les offreurs sont les agences de voyages proposant leurs services pour les voyages de loisir et les demandeurs sont les consommateurs de voyages de loisir.

124. La part de marché est l'indicateur le plus direct de la position d'une entreprise sur un marché. Dans le secteur de la distribution de produits touristiques, la part de marché se mesure à l'aune du volume d'affaires (montant total des ventes facturées), jugé plus représentatif que le chiffre d'affaires (total des commissions perçues, auxquelles s'ajoutent quelques revenus annexes) (ministre de l'Economie, lettre du 29 mars 2004 aux conseils de la société SEAVT relative à une concentration dans le secteur du tourisme (C2004-005)).

Sur le volume d'affaires correspondant au marché pertinent

125. Dans ses observations sur la notification des griefs, Expedia évalue le volume d'affaires du marché français des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir à 23 milliards d'euro pour 2006.

126. Ce chiffre doit être écarté car il correspond au volume d'affaires réalisé par toutes les entreprises du secteur, ainsi que l'a confirmé le SNAV. Il inclut ainsi les volumes d'affaires des secteurs public et privé, des voyagistes et des agences de voyages, en matière d'affaires comme de loisir.

127. Dans sa lettre du 29 mars 2004 précitée, le ministre de l'Economie a précisé que : " le volume d'affaires du marché français du voyage de loisir représente 5,8 milliards d'euro, en prenant en compte les 32 premiers réseaux d'agences de voyages ". Ce chiffre est fiable et correspond exactement au marché pertinent défini. Cependant, il ne concerne que l'année 2003. Pour retrouver les volumes d'affaires correspondant aux années 2002 et 2004 à 2007, on peut lui appliquer le taux de croissance annuel du chiffre d'affaires des agences de voyages. Ainsi :

<emplacement tableau>

128. Au stade du rapport, Expedia propose de retenir un volume d'affaires compris entre 12 et 15, 18 millions d'euro pour 2006, au motif que :

- sur le chiffre de 23 milliards d'euro, le volume d'affaires réalisé par le secteur public est marginal et qu'il ne faut pas soustraire le volume d'affaires des voyagistes ;

- dans sa lettre du 29 mars 2004 précitée, le ministre de l'Economie avait retenu un volume d'affaires de 9 milliards d'euro pour les voyages d'affaires pour 2003.

Expedia en déduit que les voyages d'affaires représentent 66 % environ du marché des services d'agences de voyages. Appliquant ce taux aux 23 milliards d'euro, elle évalue à 15,18 milliards d'euro le volume d'affaires pour 2006 du marché des services d'agences de voyages prestés pour les voyages de loisir. Cependant, si on suit la méthode de calcul préconisée par Expedia, on arrive à un résultat de 9,01 et non de 15,18 milliards d'euro. En réalité, Expedia a commis une erreur : elle a appliqué le taux correspondant aux voyages d'affaires (66 %) pour retrouver le volume d'affaires correspondant aux voyages de loisir.

- Différentes études économiques évaluent ce volume d'affaires à 12 milliards d'euro pour 2006.

129. Mais, contrairement à ce que soutient Expedia, le chiffre de 5,8 milliards d'euro retenu par le ministre de l'Economie pour 2003 inclut le volume d'affaires des entreprises exerçant une activité d'agence de voyages entendue au sens large. En effet, l'article de l' " Echo touristique " sur lequel se fonde la lettre du ministre comptabilise les volumes d'affaires de voyagistes tels que le Club Méditerranée, mais uniquement pour leur activité de distribution et non pour celle de production qui relève d'un autre marché.

130. De plus, les études économiques fournies par Expedia ne contredisent pas les chiffres du rapport. Ainsi, l'étude du cabinet Kanopée, réalisée en avril 2007 à la demande de la direction du tourisme du ministère du tourisme indique que le volume d'affaires réalisé par les agences de voyages en France est de 12 milliards d'euro. Cependant, ce chiffre comprend le volume d'affaires réalisé par les agences de voyages pour les voyages d'affaires comme pour les voyages de loisir. L'étude enseigne ainsi que sur ces 12 milliards d'euro, 9,6 correspondent à l'activité de billetterie " auprès de la clientèle d'affaires et dans une moindre mesure loisirs " (soulignement ajouté) et 2,2 milliards d'euro à la vente de voyages à forfait auprès de la clientèle loisirs.

131. Les éléments avancés par Expedia ne contredisent donc pas les chiffres du rapport.

Sur la position des sociétés exploitant le site Web voyages-sncf.com

132. La notification des griefs et le rapport traitent le site voyages-sncf.com comme une seule et même entité économique. Expedia soutient, au contraire, qu'il faut uniquement prendre en compte le volume d'affaires de l'Agence VSC car VSC ne serait qu'un simple canal de distribution de billets de train de la SNCF.

133. La Commission européenne a, certes, estimé qu'un transporteur n'est pas une agence de voyages lorsqu'il vend ses propres titres de transport (décision du 9 décembre 2002 (COMP/A.38321/D2 - TQ3 Travel Solutions GmbH/Opodo Limited), points 18-19). Mais, pour arriver à cette conclusion, elle n'a considéré qu'un seul élément qui semble, dès lors, être à lui seul déterminant : le transporteur aérien en cause, qui proposait des voyages à forfait sur son site Web, ne vendait, dans le cadre de ces forfaits, que ses propres billets d'avion. Pour la Commission, ce transporteur n'offrait donc pas toute la gamme de services d'une agence de voyages.

134. En l'espèce, à l'origine, le site voyages-sncf.com se contentait de vendre des billets de train, éventuellement assortis de locations de chambres d'hôtels ou de voitures. Il devait alors être considéré comme un canal de vente directe de ses propres produits par le transporteur SNCF. Mais, à partir de novembre 2001, en application du partenariat avec Expedia, le site s'est mis à offrir toute la gamme de services d'une agence de voyages et notamment des billets d'avion et des voyages à forfait incluant des billets d'avion. A partir de cette date, il doit donc être considéré comme une agence de voyages.

135. Certes, ce site est exploité par deux sociétés : VSC pour les produits train et l'Agence VSC pour les produits hors train. Cependant, pour le consommateur, cette distinction n'est pas apparente : il s'agit d'une seule et même entité économique à laquelle il se connecte pour réserver ou acheter des produits train, des produits mixtes, voire des produits hors train. A cet égard, les pages du site voyages-sncf.com entretiennent la confusion. Ainsi, la page d'accueil comporte, en bas à droite, la mention suivante :

" Voyages-sncf.com est l'agence de voyages en ligne de la SNCF - Société Nationale des Chemins de fer Français http://www.voyages-sncf.com/design/leisure/css/page/commons/img/logoVSC_footer.gif "

En outre, les pages " Qui sommes-nous ? " indiquent que : " Créée en juin 2000, Voyages-sncf.com est la première agence de voyages en ligne et le premier site marchand français, avec un volume d'affaires de plus de un milliard et demi d'euro en 2006 et plus de neuf millions de visiteurs uniques en moyenne par mois. En 2006, Voyages-sncf.com devient le Groupe VSC, organisé en trois entités :

Voyages-sncf.com, l'Agence Voyages-sncf.com, et VSC Technologies ". Ces pages présentent donc le " groupe VSC " (en réalité VFE-commerce) comme une entité récente, chapeautant trois sociétés et ayant pour mission de tout mettre en œuvre " pour offrir aux internautes le meilleur rapport qualité prix sur des voyages en France, en Europe et dans le monde ".

136. De plus, de 2002 à 2005, le site voyages-sncf.com a fait l'objet de bilans annuels, dont la lecture montre que les filiales de la SNCF elles-mêmes traitent leur site comme une seule et même entité économique : le site y est ainsi qualifié de " site de voyages préféré des internautes français " ou encore de " premier site marchand français ", son volume d'affaires et sa fréquentation y sont présentés globalement, les données relatives à chaque produit vendu sur le site sont ensuite détaillées, y compris les données relatives à la vente de billets d'avion et à la vente de séjours, sans préciser que ces ventes ont été réalisées par l'une ou l'autre société. Seul le bilan pour l'année 2005 mentionne l'existence de sociétés distinctes. Cependant, il continue de présenter le site comme une seule et même entité relevant du " groupe VSC ".

137. Au surplus, les sociétés VSC et l'Agence VSC sont dirigées par la même personne physique et se situent à la même adresse. Depuis 2004, l'Agence VSC n'a plus de salariés (mis à part un contrôleur de gestion) et fait appel aux salariés de VSC pour les fonctions opérationnelles. Selon les statuts de VSC, celle-ci a pour activité " la création, la promotion ou la vente de tous produits ou services dans le domaine du voyage, du tourisme et des loisirs [...] ". En outre, le contrat d'hébergement du 1er mars 2001 conclu entre VSC et la SNCF mentionne que : " Voyages-sncf.com est une filiale de la SNCF qui exerce l'activité d'agence de voyages notamment par l'intermédiaire de son site Internet ". VSC a, du reste, le statut d'agent de voyage.

138. L'ensemble de ces éléments justifie que la position du site voyages-sncf.com soit, à partir de novembre 2001, analysée globalement :

<emplacement tableau>

139. Expedia souhaite que le volume d'affaires de la vente de billets de train sur le site ne soit pas pris en compte car il correspond à des voyages domestiques, alors que les agences de voyages réalisent la plus grosse part de leur volume d'affaires en distribuant des billets d'avion pour des voyages internationaux.

140. Cependant, le marché de produits, qu'Expedia ne conteste pas, est le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir, sans distinction selon le caractère domestique ou international des voyages vendus ni selon le mode de transport emprunté.

141. Expedia avance encore que, si le volume d'affaires de VSC est pris en considération, il faut alors également inclure le volume d'affaires réalisé par d'autres producteurs, en particulier celui des compagnies aériennes. Mais, contrairement au site voyages-sncf.com, les sites des compagnies aériennes ne sont pas des agences de voyages en ligne : les compagnies aériennes se bornent à y vendre leurs produits, parfois accompagnés de prestations complémentaires, ainsi que l'illustre l'exemple d'Air France et de son site airfrance.fr.

142. Enfin, Expedia demande que soient soustraits, pour l'année 2007, 17 % du volume d'affaires de VSC qui auraient été réalisés pour les voyages d'affaires. Cependant, toutes les agences de voyages spécialisées dans les voyages de loisir sont dans la même situation que VSC et réalisent une partie de leur volume d'affaires auprès de personnes accomplissant des déplacements professionnels. Pour autant, le volume d'affaires de ces agences de voyages ne relève pas du marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages d'affaires car ce marché correspond aux activités d'agences de voyages spécialisées dans le seul voyages d'affaires, ainsi que la Commission européenne l'a expliqué dans sa décision du 6 avril 1995, Havas Voyages (point 15).

143. Par suite, les parts de marché du site voyages-sncf.com sont les suivantes :

<emplacement tableau>

Sur la position du groupe Expedia

144. Expedia est présente sur le marché français des services d'agence de voyages prestés pour des voyages de loisir à travers trois sites Web : voyages-sncf.com, anyway.com et expedia.fr. S'agissant du site voyages-sncf.com, ses parts de marché ont déjà été comptabilisées au titre des parts de marché détenues par la SNCF et ses filiales. S'agissant des sites expedia.fr et anyway.com, ils réalisaient, ensemble, en 2006, un volume d'affaires de 184,3 millions d'euro. Ce volume d'affaires leur conférait à l'époque 3,39 % du marché français des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir.

c) Sur la position des parties mises en cause sur le marché français des services de distribution de billets de train

145. Sur le marché des services de distribution de billets de train, les offreurs sont les agences de voyages et les demandeurs sont les entreprises ferroviaires transportant des voyageurs.

146. Du côté de la demande, la SNCF est la seule entreprise ferroviaire en raison de son monopole légal. Elle se trouve donc en situation de monopsone à l'égard des agences de voyages. La Commission européenne et le Tribunal de première instance estiment qu'un tel acheteur est en position dominante vis-à-vis des agences de voyages (décision 2000-74-CE précitée, point 90, confirmée par le Tribunal de première instance dans son arrêt du 17 décembre 2003, précité, point 101). Par conséquent, en l'espèce, la situation de monopsone de la SNCF lui confère une position dominante comme acheteur sur le marché français des services de distribution de billets de train.

147. Du côté de l'offre, depuis novembre 2001, le site voyages-sncf.com est une agence de voyages. Le volume d'affaires qu'il réalise pour la distribution de billets de train doit donc être comptabilisé aux côtés de ceux réalisés par les autres agences de voyages.

<emplacement tableau>

C. SUR LES PRATIQUES

148. Expedia conteste le grief d'entente anticoncurrentielle, à la différence de la SNCF qui ne conteste aucun des six griefs qui lui ont été notifiés : il convient donc d'examiner les arguments présentés par la première.

1. SUR L'APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

149. Le grief d'entente a été notifié sur le fondement de l'article 81 du traité CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Les cinq griefs d'abus de position dominante ont été notifiés sur le fondement de l'article 82 du traité CE et de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

150. L'article 81 du traité CE dispose que " Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ". L'article 82 du traité CE dispose qu'" Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ".

151. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce (2004-C 101-07), la Commission européenne rappelle que " Les ententes horizontales couvrant l'ensemble d'un État membre sont normalement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Du reste, les juridictions communautaires considèrent souvent que l'entente qui s'étend à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration " (point 78). De même, en matière d'abus de position dominante, elle explique que : " Lorsqu'une entreprise, qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté. En général, ce comportement abusif rendra plus difficile aux concurrents d'autres États membres la pénétration sur le marché, auquel cas les courants d'échanges sont susceptibles d'être affectés " (point 93).

152. En l'espèce, les pratiques mises en œuvre par la SNCF et ses filiales, ainsi que par Expedia couvrent l'ensemble du territoire français et sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres, compte tenu de la dimension de ces entreprises, qui sont, en outre, actives sur le territoire de plusieurs Etats membres. De plus, les pratiques ont été mises en œuvre dans le secteur des agences de voyages. Or, de telles pratiques sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres pour plusieurs raisons :

- premièrement, les agences de voyages opérant dans un État membre peuvent vendre des voyages mis au point par des voyagistes établis dans d'autres Etats membres ;

- deuxièmement, les agences de voyages peuvent distribuer des produits de voyages et notamment des billets de train à des clients résidant dans d'autres Etats membres.

Les sites de commerce électronique sont d'ailleurs accessibles depuis les autres Etats de la Communauté européenne ;

- troisièmement, les voyages concernés s'effectuent dans de nombreux cas vers d'autres Etats membres.

153. Les pratiques doivent donc être appréhendées sous l'angle des droits français et communautaire de la concurrence.

2. SUR L'IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES

154. La notification des griefs a imputé :

- le grief d'entente à la SNCF, à sa filiale GL e-commerce (devenue VFE-commerce) ainsi qu'à Expedia ;

- les cinq griefs d'abus de position dominante à la SNCF et à ses filiales, GL e-commerce (devenue VFE-commerce), VSC et GL Expedia (devenue l'Agence VSC). Elle a également imputé le quatrième grief d'abus de position dominante à iDTGV.

155. Une société est présumée responsable des pratiques commises par les filiales qu'elle détient à 100 %, sauf pour elle à renverser cette présomption en démontrant que ces filiales disposent d'une autonomie de décision. En l'absence d'une telle démonstration, les autorités de concurrence peuvent présumer que les filiales à 100 % appliquent, pour l'essentiel, les instructions données par la maison-mère, sans devoir vérifier si cette dernière a effectivement exercé ce pouvoir (Cour de justice des Communautés européennes, 21 février 1973, Europemballage Corporation, Continental Can (6-72), point 15 ; Tribunal de première instance des Communautés européennes, 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T-354-94), point 80, confirmé par Cour de justice des Communautés européennes, 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C-286-98 P), points 27 à 29 ; Tribunal de première instance des Communautés européennes, 15 juin 2005, Tokai Carbon Co. Ltd (T-71-03) ; voir aussi les décisions du Conseil de la concurrence n° 00-D-50, 00-D-67 et n° 04-D-32, points 167-168).

156. En l'espèce, la SNCF est actionnaire à 100 % de VFE-commerce, VSC et iDTGV. Au vu de ces liens capitalistiques et de l'absence de démonstration de l'autonomie des filiales, les pratiques imputées à ces sociétés sont imputables à leur seule maison-mère.

157. Par ailleurs, l'Agence VSC, filiale de la SNCF à 50,1 %, n'a pas pu mettre en œuvre les abus de position dominante dont elle est accusée. En effet, cette société a pour objet de commercialiser les produits autres que ferroviaires sur le site voyages-sncf.com. Elle n'intervient pas dans la commercialisation des billets de train par les autres agences de voyages en ligne et ne peut donc se voir imputer aucun des cinq griefs d'abus de position dominante, tous relatifs aux conditions de distribution des billets de train par les agences de voyages.

158. En conclusion, le grief d'entente anticoncurrentielle est imputable à la SNCF et à Expedia et les cinq griefs d'abus de position dominante à la seule SNCF.

3. SUR LE GRIEF D'ENTENTE ANTICONCURRENTIELLE

a) Les faits et la qualification retenus dans la notification de griefs

159. La notification des griefs qualifie les accords passés entre les groupes SNCF et Expedia " d'entente verticale consistant en un accord de distribution exclusive accordant des avantages au groupe Expedia au détriment de ses concurrents ". Elle relève que ce partenariat a réservé plusieurs avantages au groupe Expedia :

- la mise en commun de fichiers clients ;

- un partage inégalitaire des revenus attachés à la commercialisation de l'espace publicitaire du site ;

- la mise à disposition gratuite de la marque voyages-sncf.com au profit de l'Agence VSC ;

- la gratuité de l'hébergement de GL Expedia (devenue l'Agence VSC) sur le site voyages-sncf.com ;

- la gratuité des prestations fournies par VSC à l'Agence VSC.

b) Sur la prétendue validation par la Commission européenne du partenariat conclu entre la SNCF et Expedia

160. Comme il a déjà été indiqué, la SNCF et Expedia ont contacté la DG Concurrence de la Commission européenne en lui adressant une note d'information relative à leur projet de partenariat. Une réunion s'est tenue avec les services de la Commission le 9 août 2001. Mais la Commission ne s'étant pas prononcée de façon explicite sur la qualification de ce partenariat, le Conseil de la concurrence ne saurait être tenu par une quelconque qualification de la Commission.

c) Sur la modification des accords intervenue en janvier 2004

161. Les accords de septembre 2001 ont été modifiés en janvier 2004. Les principales modifications tiennent au rachat du site anyway.com et au lancement du site expedia.fr par Expedia. Au vu de ces éléments, Expedia considère que l'entente ne concernerait que la période allant de septembre 2001 à janvier 2004.

162. Cet argument ne saurait être retenu car ce qui est reproché par la notification des griefs n'est pas l'impossibilité pour Expedia de concurrencer le site voyages-sncf.com, mais la distribution exclusive sur le site voyages-sncf.com des produits de l'Agence VSC, qui confère des avantages réservés à Expedia. Les accords de 2004 n'ont en rien modifié cette situation.

d) Sur l'objet et les effets du partenariat

163. Les articles 81 du traité CE et L. 420-1 du Code de commerce prohibent les ententes qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

164. A titre liminaire, il convient d'apporter la clarification suivante : à aucun moment, le Conseil de la concurrence ne reproche à la SNCF de vouloir se développer sur un marché connexe. En effet, le fait que la SNCF ou une de ses filiales, avec ou sans l'accord d'une entreprise tierce, devienne agence de voyages, ne pose pas, en soi, de problème de concurrence. Ce ne sont que les conditions dans lesquelles le partenariat avec Expedia a été conçu et mis en œuvre qui peuvent soulever des questions de compatibilité avec les règles de concurrence.

165. Dès lors, afin de déterminer si le partenariat conclu entre le groupe SNCF et Expedia est constitutif d'une entente anticoncurrentielle, il convient d'analyser son objet et ses effets.

166. Ce partenariat, décrit aux paragraphes 22 à 29, a permis à la filiale commune de la SNCF et d'Expedia, l'agence de voyages l'Agence VSC, d'être hébergée sur le site Web de la SNCF, voyages-sncf.com, qui constitue le canal de distribution de billets de train sur Internet de la SNCF (opéré par VSC).

167. Selon les lignes directrices de la Commission européenne sur l'applicabilité de l'article 81 du traité CE aux accords de coopération, en date du 6 janvier 2001, (2001-C 3-02), les accords de coopération peuvent se révéler pro concurrentiels, s'ils constituent le moyen pour les parties " de partager les risques, de réaliser des économies de coût, de mettre en commun un savoir faire et de lancer des innovations sur le marché ".

168. L'appréciation du caractère anticoncurrentiel des accords de coopération (hors les accords contenant des " clauses noires ") dépend du pouvoir de marché des parties à l'accord et de l'objet de l'accord.

Sur la position des parties à l'accord

169. La position des parties sur les marchés affectés par la coopération est déterminante : " cela permet de déterminer si les parties sont susceptibles de maintenir, d'acquérir ou de renforcer un pouvoir de marché grâce à la coopération, c'est à dire si elles ont la capacité de produire des effets négatifs en ce qui concerne les prix, la production, l'innovation ou encore la variété ou la pluralité des biens et services (...) " (paragraphe 27 des lignes directrices).

170. L'accord de partenariat est conclu entre deux opérateurs puissants, la SNCF, en monopole sur le marché du transport de voyageurs par rail, et Expedia, le leader mondial du voyage en ligne. S'agissant des prestations concernées par l'accord, elles sont effectuées par le site voyages-sncf.com qui représente 20 % des activités des agences de voyages en ligne.

Sur l'objet du partenariat

171. Expedia affirme que l'entente n'a pas d'objet anticoncurrentiel au motif, d'une part, que cet objet ne lui aurait jamais été notifié dans les griefs qui lui ont été adressés, d'autre part, que l'utilisation exclusive du site voyages-sncf.com ne constitue pas un accord de distribution exclusive anticoncurrentiel et, de dernière part, que l'objet anticoncurrentiel des avantages octroyés n'est pas démontré.

172. Le Conseil de la concurrence a déjà répondu aux deux premiers arguments (§ 74 à 76). A cet égard, il convient de rappeler que la notification des griefs reproche à la SNCF et à Expedia d'avoir conféré des avantages au groupe Expedia à travers un accord de distribution exclusive.

173. S'agissant du troisième argument, l'objet du partenariat est énoncé dans le préambule du pacte d'actionnaires signé le 3 septembre 2001 entre GL e-commerce (devenue VFE-commerce) et Expedia : " Les parties ont formé le projet industriel commun à long terme de créer et développer une activité d'agence de voyage en ligne pour les activités de loisirs et à destination des professionnels à partir, notamment, de la base de clients actuels et futurs de la société Voyages-sncf.com ". Cette formulation est reprise dans le pacte d'actionnaires du 19 janvier 2004. De même, l'article 5.1 du contrat de partenariat conclu le 19 janvier 2004 entre VSC et GL Expedia (devenue l'Agence VSC) précise que : " Les Parties rappellent que leur stratégie consiste à maximiser le trafic en provenance de la Home Page et du Sous-site Ferroviaire, vers le Sous-site Voyages, ceci en cohérence avec le Plan Marketing ".

174. Or, la " base de clients " et le " trafic " mentionnés dans ces contrats ne sont autres que la clientèle de la SNCF sur Internet. En effet, le site sncf.com a arrêté la distribution de billets de train en mai 2001. Depuis cette date, les visiteurs du site qui souhaitent réserver ou acheter des billets de train sont directement renvoyés, au moyen d'un lien, sur le site voyages-sncf.com. Le site voyages-sncf.com a donc récupéré l'essentiel de la clientèle de la SNCF sur Internet. Même si Expedia conteste ce dernier point, force est de constater qu'en 2002 et aujourd'hui encore, la vente de billets de train par les agences de voyages en ligne autres que voyages-sncf.com est marginale, les internautes se tournant en grande majorité vers le site commercial de la SNCF.

175. Le statut de simple canal de distribution de la SNCF du site voyages-sncf.com a été profondément impacté par la signature du partenariat entre le groupe SNCF et Expedia car ce site est alors devenu une véritable agence de voyages en ligne. Certes, juridiquement, c'est VSC qui vend les billets de train et l'Agence VSC qui vend les autres prestations liées au voyage, mais vis-à-vis des utilisateurs et des concurrents, il s'agit d'un seul et même site qui propose toute la gamme de services d'une agence de voyages au client final.

176. Ainsi, le partenariat entre le groupe SNCF et Expedia a eu pour objet de réunir au sein du même site Web, d'une part, le canal de distribution de billets de train de la SNCF sur Internet (opéré par VSC) et, d'autre part, une agence de voyages (opérée par la filiale commune, l'Agence VSC), dans le but de faire profiter la filiale commune de la clientèle de VSC, qui n'était autre que la clientèle de la SNCF sur Internet.

177. Ce faisant, le partenariat entre le groupe SNCF et Expedia a fait bénéficier une activité émergente sur le marché des services d'agence de voyages, celle de l'Agence VSC, de l'activité d'un opérateur en situation de monopole légal sur le transport ferroviaire de voyageurs, la SNCF, qui a mis à disposition son canal de vente par Internet. Il a avantagé la filiale commune au détriment des agences de voyages concurrentes, en lui permettant de bénéficier de la clientèle de la SNCF sur Internet.

Sur l'avantage conféré à la filiale commune par le partenariat

178. Ainsi que le Conseil l'a souligné dans une décision n° 08-D-03 concernant les pratiques de Gîtes de France, certains accords de partenariat peuvent instituer des freins dans la concurrence " lorsque l'accès au produit ou au service faisant l'objet de l'accord de coopération et concédé à titre exclusif représente un moyen indispensable pour accéder au marché et qu'il n'existe pas d'alternative raisonnable pour les concurrents potentiels ".

179. L'accord de partenariat conclu entre le groupe SNCF et Expedia confère un avantage considérable à la filiale commune au détriment des autres agences de voyages en ligne. Notamment, le partenariat permet à la SNCF d'orienter les acheteurs de ses billets en ligne vers les prestations de l'agence de voyages, et ainsi, fait profiter cette dernière de la publicité, de l'efficacité commerciale et de la réputation de qualité de la SNCF. En revanche, les agences de voyages en ligne concurrentes de cet opérateur n'ont aucune possibilité d'accéder à un tel canal pour vendre leurs propres produits.

180. L'hébergement sur le site voyages-sncf.com constitue un canal incontournable pour accéder aux clients en ligne de la SNCF, en raison du nombre de visites sur le site, celui-ci accueillant en mai 2006 9,3 millions de visiteurs uniques, soit un quart des internautes français, et aucun site, en France, ne permettant une exposition comparable.

181. Un tel accord, consistant à prendre appui sur un monopole légal pour développer une activité sur un marché concurrentiel connexe, est anticoncurrentiel dans la mesure où il a pour objet de réserver un avantage déterminant à la filiale commune et ainsi de fausser la concurrence par les mérites.

182. Les sociétés Karavel et Promovacances se sont exprimées dans ce sens lors de l'audition du 19 mai 2008 : " Même si on nous offrait la licence Ravel et que l'on nous offrait les mêmes conditions de distribution et la même gamme qu'à voyages-sncf.com, nous vendrions peu de billets de train sec. En effet, nous ne pouvons pas lutter contre quarante ans de pratique du client et notamment de re-routage systématique du site sncf.com vers le site voyages-sncf.com pour la vente de billets de train. Une partie du trafic des gares a été envoyé sur le minitel puis sur Internet (sncf.com qui ne faisait que de la billetterie). Une grande partie du trafic a finalement été détournée vers le site voyages-sncf.com. Il s'agit d'un détournement de clientèle car il est très coûteux de faire venir des clients. Aujourd'hui, voyages-sncf.com est plus gros que nous sur la partie séjours alors que nous existions avant elle. La SNCF s'est servie de son monopole pour alimenter son site Internet. [...] Est-il normal qu'une société bénéficie des fichiers de la SNCF, d'une base de données de plusieurs millions d'abonnés, de l'image de marque et de la confiance pour le paiement en ligne qu'inspire la SNCF, pour développer avec une entreprise privée une autre activité que celle sous monopole ? Pour nous, il est anormal que la SNCF ait fait un tel cadeau à la filiale commune.

Est-il normal qu'un internaute qui veut acheter un billet de train se retrouve nécessairement re-routé vers une vitrine présentant toutes sortes de produits de voyages, autres que des billets de train ? On pourrait faire un parallèle avec la situation suivante : un consommateur va acheter un billet de train dans une grande surface mais le guichet se trouve au fond et le consommateur passe devant plusieurs agences de voyages avant d'arriver à son but final ".

183. Expedia prétend encore que la décision d'arrêter la distribution de billets de train sur le site sncf.com et de renvoyer les visiteurs sur le site voyages-sncf.com est une décision unilatérale de la SNCF et ne peut donc être visée au titre de l'entente.

184. Mais, si la décision de la SNCF est, de fait, antérieure au partenariat entre le groupe SNCF et Expedia, le partenariat avait précisément pour objet d'exploiter cette décision en faisant bénéficier la filiale commune de ce transfert massif de clientèle du site sncf.com vers le site voyages-sncf.com, ainsi que le révèle le préambule du pacte d'actionnaires précité. Dans ce sens, M. Alex B..., président de la société Expedia France, lors de son audition du 28 mai 2008, a répondu à la question " Quel est le but du partage du site voyages-sncf.com avec VSC ? " de la façon suivante : " Pour profiter du passage de la clientèle et lui proposer plusieurs produits : quelqu'un qui vient acheter du train peut ainsi également acheter une chambre d'hôtel ou un séjour ". En outre, ce sont bien les accords du partenariat entre le groupe SNCF et Expedia qui ont posé les conditions d'intégration, dans le site voyages-sncf.com, de l'offre non ferroviaire de la filiale commune à côté de l'offre ferroviaire, ainsi que la mise en place systématique d'une politique de ventes croisées visant à promouvoir, lors de chaque réservation des produits de l'un des partenaires, la vente des produits de l'autre partenaire (voir le contrat de partenariat du 3 septembre 2001 entre VSC et GL Expedia (devenue l'Agence VSC), article 4.3).

Sur les effets du partenariat

185. La notification des griefs relève que l'entente a accordé des avantages au groupe Expedia. Expedia souligne qu'il convient de distinguer entre Expedia France, qu'elle détient seule et qui exploite le site expedia.fr, et l'Agence VSC, filiale commune d'Expedia et de la SNCF. Pour elle, les avantages de l'entente, qu'elle conteste par ailleurs, n'ont pu profiter qu'à l'Agence VSC.

186. S'agissant des équipes dirigeantes, Expedia France est présidée par M. Alex B..., alors que l'Agence VSC est dirigée par Mme Rachel X..., qui est également directrice générale de VFE-commerce et de VSC.

187. S'agissant des équipes marketing et du personnel, l'Agence VSC disposait d'une équipe marketing entre 2001 et 2004. La signature des accords de 2004 a eu comme conséquence que l'Agence VSC soit vidée de son personnel (elle ne compte plus qu'un seul salarié contrôleur de gestion). Aujourd'hui, tel que Mme Rachel X... l'a expliqué lors de l'audition du 22 mai 2008 : " Une partie des salariés de VSC travaille aussi pour l'Agence en facturant les services. VSC rend des services marketing à l'Agence avec essentiellement des personnes dédiées. Ceci s'explique par la logique globale de travail commun sur le site ". De son côté, Expedia France a ses propres stratégies et budget marketing, ainsi que des revenus publicitaires distincts de l'Agence VSC.

188. Expedia France et l'Agence VSC sont donc deux sociétés distinctes avec des politiques stratégiques et organisationnelles séparées. De ce fait, il convient de distinguer ces deux entités dans l'appréciation des effets de l'entente.

Sur les effets de l'entente vis-à-vis de l'Agence VSC

189. Selon la notification de griefs, l'Agence VSC a profité de plusieurs avantages qui découlent du partenariat entre les groupes SNCF et Expedia. Expedia conteste cette analyse. Elle affirme, d'une part, que les comportements relatifs à la newsletter et au partage des revenus publicitaires relèvent de pratiques unilatérales de la SNCF et, d'autre part, que ces pratiques n'ont de toute façon pas eu d'effets anticoncurrentiels.

190. Cependant, la SNCF n'a pas commis seule ces pratiques. Elle avait besoin d'un partenaire expérimenté pour se développer sur un nouveau marché et Expedia a accepté de jouer ce rôle. Ce faisant, non seulement Expedia connaissait la teneur des pratiques mises en œuvre, mais elle y a adhéré en signant les accords fondant le partenariat. Ainsi, contrairement à ce que prétend Expedia, les pratiques relatives à l'envoi de la newsletter commune et au partage des revenus publicitaires ne relèvent pas de comportements unilatéraux de la SNCF. Ils ne font que mettre en œuvre les accords de 2001 et de 2004.

• Sur le partage de fichiers clients entre la SNCF et le groupe Expedia

191. Toute réservation d'un billet de train ou d'une carte commerciale sur le site voyages-sncf.com implique la saisie d'une adresse de messagerie électronique, ce qui a permis la constitution d'un fichier d'utilisateurs extrêmement important.

192. Expedia affirme que VSC n'a jamais mis ses données clients à la disposition de l'Agence VSC. Elle avance, en outre, que le partage de fichiers clients n'a pas eu d'effets anticoncurrentiels.

193. Cependant, les fichiers clients ont bien fait l'objet d'une utilisation commune. Cette utilisation a pris la forme de l'envoi de newsletters communes à VSC et à l'Agence VSC entre novembre 2001 et fin 2004. En effet, pendant cette période, chaque internaute ayant réservé ou acheté un billet de train ou une carte de réduction sur le site voyages-sncf.com était enregistré avec son adresse électronique et recevait des newsletters concernant la vente de produits aussi bien ferroviaires que non ferroviaires. En 2005, il a été demandé à l'internaute de donner son autorisation pour recevoir des newsletters sur des produits non liés aux produits qu'il a achetés.

194. En ce qui concerne la périodicité et le contenu, les newsletters ont eu, depuis leur création en mai 2001 jusqu'en octobre 2001, un rythme mensuel. Les premiers numéros ont pour l'essentiel été consacrés à la présentation des offres ferroviaires proposées sur le site voyages-sncf.com, ainsi que des offres combinées " Train + hôtel " et "Train + location de voiture". La newsletter d'octobre 2001 annonçait la prochaine vente de billets d'avion, de séjours, de chambres d'hôtel et de locations de voitures sur le site voyages-sncf.com. La newsletter est devenue hebdomadaire à compter de novembre 2001, date d'apparition sur le site voyages-sncf.com de l'offre non ferroviaire. A partir de cette date, le contenu des newsletters a majoritairement, voire exclusivement, été dédié aux offres non-ferroviaires.

195. Un tableau communiqué par VSC montre l'importance de la diffusion de ces newsletters entre 2001 et 2005 :

<emplacement tableau>

196. Ainsi, alors que la newsletter commune était adressée à 3 464 000 destinataires en décembre 2004, la dissociation effectuée en janvier 2005 a fait passer la diffusion de la newsletter aux acheteurs de prestations non ferroviaires à 78 000 destinataires. La newsletter mixte, adressée aux clients ayant commandé des prestations des catégories ferroviaire et non-ferroviaire et aux clients de l'une des deux catégories ayant accepté la proposition de recevoir des offres concernant l'autre catégorie, a, quant à elle, été diffusée auprès de plus d'un million d'internautes dès janvier 2005, chiffre progressant jusqu'à 1 557 000 en octobre 2005.

197. M. Mathias C..., ancien directeur général de VSC et de l'Agence VSC, a communiqué un tableau concernant les ventes de vols, chambres d'hôtel et locations de voitures réalisées à la suite d'une newsletter. Il a déclaré que les chiffres traduisaient : " la chute des ventes réalisées avec la scission opérée à partir de septembre 2004, entre les trois catégories de destinataires ". Dans ce sens, le rapport administratif d'enquête observe que : " L'examen de ces chiffres révèle en effet que la part du volume d'activité total générée par le cheminement des internautes à partir des liens proposés sur les lettres d'information adressées par Voyages-sncf.com a atteint jusqu'à 21 % des ventes de produits non ferroviaires en mai 2003, avant de connaître une tendance à la baisse en valeur relative par la suite, à 15 % des ventes fin 2003, puis 10 % en milieu d'année 2004. Les ventes ainsi générées ont encore augmenté en valeur absolue jusqu'au premier trimestre 2004, mais à un rythme moindre que celui des ventes de prestations non-ferroviaires dans leur ensemble.

Les ventes générées par les newsletters ont connu une baisse plus marquée, tant en valeur absolue qu'en proportion des ventes totales, à partir du deuxième semestre 2004, alors que Voyages-sncf.com et GL-Expedia mettaient progressivement en œuvre la séparation des envois de newsletter suivant la nature des commandes précédemment effectuées par ses clients. "

198. Expedia soutient que l'effet de l'envoi des newsletters doit être relativisé. D'une part, le taux d'ouverture des newsletters serait très peu élevé et, d'autre part, la circonstance qu'un internaute ouvre une newsletter n'implique pas qu'un achat va s'ensuivre. Se livrant à une simulation, elle arrive à la conclusion que seulement 3 % du volume d'affaires de l'Agence VSC proviendraient de clients de VSC.

199. Mais cette simulation ne peut pas être retenue. En effet, les chiffres retenus par Expedia sont relatifs au premier semestre 2007 et le secteur de l'Internet étant très évolutif, ces chiffres ne reflètent pas la réalité des années 2001 à 2004. En effet, une newsletter n'a pas le même impact de nos jours qu'au tout début des achats sur Internet où les boîtes aux lettres électroniques n'étaient pas envahies de spams, newsletters et autres publicités.

200. Ainsi, l'envoi de newsletters communes entre les années 2001 et 2004 a eu une influence certaine sur la vente des produits non ferroviaires du site voyages-sncf.com. Quand bien même cette influence serait difficile à quantifier, elle ne peut en aucun cas être négligée puisque l'envoi de newsletters est un moyen de publicité qui n'a pas été financé par l'Agence VSC et dont elle a bénéficié par le simple partage du site avec VSC.

201. Pour la période postérieure à 2005, si le taux de newsletters mixtes a nettement diminué, il n'en demeure pas moins que l'Agence VSC bénéficie toujours d'un avantage concurrentiel vis-à-vis de ses concurrents qui ne disposent pas de la faculté de proposer aux clients de VSC de recevoir des informations sur leurs produits.

• Sur la mise en place d'un partage inégalitaire des revenus attachés à la commercialisation de l'espace publicitaire du site voyages-sncf.com

202. Selon la notification de griefs, le partenariat a abouti à : " la mise en place d'un partage inégalitaire des revenus attachés à la commercialisation de l'espace publicitaire du site fixé à hauteur de 35 % pour la filiale de la SNCF, la société Voyages-sncf.com et à 65 % pour la société GL-Expedia ".

203. Expedia conteste que ce partage des revenus publicitaires ait pu avoir un effet anticoncurrentiel.

204. Cependant, il ressort des articles 2.5 du contrat de partenariat de 2001 et 4.4 du contrat de partenariat de 2004, que " 35 % des revenus reviennent à VSC et 65 % à GL Expedia ". A compter du 1er avril 2006, VSC et Expedia ont convenu d'une nouvelle répartition des revenus bruts, 50 % de ces revenus revenant à VSC et 50 % à l'Agence VSC, ce qui, selon Expedia, donnerait une répartition des revenus nets après imputation des coûts :

- de 2001 à 2005, de l'ordre de 60/40 % en faveur de l'Agence VSC ;

- en 2006, de l'ordre de 63/37 % en faveur de VSC ;

- en 2007, de l'ordre de 30/70 % en faveur de VSC.

205. Ainsi, l'Agence VSC a, au moins de 2001 à 2005, perçu plus de revenus que VSC, alors que le trafic du site se composait pour l'essentiel de clients de VSC. Or, l'intérêt d'un annonceur est d'exposer sa publicité au plus grand nombre et c'est en tenant compte de cette donnée qu'il rémunère l'achat d'espaces publicitaires. Par conséquent, l'Agence VSC a profité de revenus auxquels elle n'aurait pas eu accès si elle n'avait pas exploité son activité sur le site marchand de la SNCF.

• Sur la mise à disposition de la marque voyages-sncf.com au profit de l'Agence VSC

206. Expedia conteste que la mise à disposition de la marque voyages-sncf.com au profit de l'Agence VSC ait fait l'objet d'un grief notifié. Elle soutient, en outre, que cette pratique n'a pas pu avoir un effet anticoncurrentiel.

207. Le Conseil de la concurrence a déjà répondu au premier argument (voir § 75).

208. Sur le second argument, le préambule du contrat de licence de marque et de nom de domaine conclu entre VSC, GL e-commerce (devenue VFE-commerce) et GL Expedia (devenue l'Agence VSC) le 3 septembre 2001 indique que " la SNCF a concédé le droit à VSC d'accorder une sous-licence à GL Expedia d'utiliser la marque et le nom de domaine "voyages-sncf.com" afin de permettre à GL Expedia d'exercer son activité à travers le site Harmonisé et de promouvoir ses produits et services sur tout support marketing ". L'article 4.1 du contrat indique que l'octroi de la sous-licence est gratuit. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 du contrat, il est prévu que : " aux fins de valoriser la Marque, VSC s'engage dans le cadre de sa communication on-line et off-line à consacrer pour la promotion de la Marque un budget annuel de 15 millions de francs pour chacune des trois premières années contractuelles à compter du lancement du site Harmonisé ".

209. Cependant, si cette prestation est gratuite pour l'Agence VSC, il convient, s'agissant d'Expedia, de placer ce contrat dans le contexte des accords de partenariat conclus en 2001. En effet, ce partenariat doit être analysé dans son ensemble, les prestations fournies par un des actionnaires à la filiale commune étant compensées par les prestations de l'autre. En l'occurrence, la gratuité de l'exploitation de la licence de marque est compensée par d'autres prestations de la part d'Expedia, notamment par la mise à jour du Système.

210. Toutefois, en mettant sa marque à disposition de la filiale commune, la SNCF a faussé le jeu de la concurrence. En effet, la SNCF prête sa marque aux produits de voyages distribués par l'Agence VSC, de sorte que le consommateur croit acheter des produits de la SNCF. Or, tel n'est pas le cas puisque les produits de voyages vendus sur les pages de l'Agence VSC sont ceux du groupe Expedia.

211. Le Conseil de la concurrence, dans un avis n° 94-A-15 du 10 mai 1994 relatif aux problèmes soulevés par la diversification des activités des entreprises EDF et GDF, a montré la force de l'image d'une entreprise publique :

" Enfin peuvent être soulignés, parmi d'autres, deux avantages potentiels tirés de la mission de service public détenue de longue date ; il s'agit, d'une part, de la taille (effet de réseau), d'autre part, de l'image. [...]

L'image des deux établissements publics est, en l'espèce, un avantage immatériel important pour les filiales qui leur sont rattachées puisque souvent cette bonne notoriété repose sur des appréciations de sérieux, de fiabilité ou de sécurité avec des garanties d'universalité et de continuité.

Au surplus, EDF comme GDF sont perçus tant par les particuliers que par les entreprises comme des interlocuteurs de référence pour les utilisations après compteur de l'énergie, ce qui leur confère un rôle de conseil, de 'certificateur', voire de "prescripteur" de fait.

Il ressort donc que toute filiale d'EDF ou de GDF, dès lors qu'elle utilise son appartenance au groupe public comme argument technique, financier ou commercial, bénéficie d'atouts de nature à fausser le jeu de la concurrence sur le marché où elle exerce son activité ".

212. Expedia affirme que, en traitant le problème de l'utilisation de la marque voyages-sncf.com sous l'angle de l'utilisation de l'image de la SNCF, l'instruction a dénaturé le grief notifié.

213. Mais, en l'espèce, l'utilisation de la marque voyages-sncf.com est étroitement liée à l'utilisation de l'image de la SNCF, le site voyages-sncf.com se présentant comme " l'agence de voyages en ligne de la SNCF ". L'utilisation de la marque voyages-sncf.com doit, en outre, être analysée concomitamment à celle de l'utilisation du site voyages-sncf.com par l'Agence VSC puisque c'est aux fins de distribuer ses produits sur le site voyages-sncf.com que l'Agence VSC dispose de la marque voyages-sncf.com. Or, le site voyages-sncf.com est un site extrêmement fréquenté. En mai 2006, il accueillait 9,3 millions de visiteurs uniques, soit une pénétration du quart des Internautes français. Dans la mesure où les ventes sur un site sont généralement proportionnelles au nombre de visites, il est indéniable que le fait d'avoir profité de la marque de la SNCF, de son image et de son site commercial pour vendre des produits non ferroviaires a donné un avantage concurrentiel à l'Agence VSC.

214. En témoigne la forte progression du site voyages-sncf.com qui s'est rapidement imposé comme la première agence de voyages en ligne, l'Agence VSC figurant, à elle seule, parmi les cinq premiers acteurs de la vente de voyages en ligne.

• Sur la gratuité de l'hébergement de l'Agence VSC sur le site voyage-sncf.com

215. La notification des griefs reproche la gratuité de l'hébergement de l'Agence VSC sur le site voyage-sncf.com. Cette affirmation est appuyée par Karavel.

216. Cependant, l'article 4.1 du contrat de développement et de licence de droits conclu en septembre 2001 entre Expedia et GL Expedia (devenue l'Agence VSC) stipule qu' : " Expedia devra à ses frais, développer et faire fonctionner le site GL Expedia conformément aux Spécifications. [...] Expedia, sauf disposition contraire, sera responsable de tout développement, fonctionnement, maintenance et hébergement du site GL Expedia, y compris son Contenu ". Ces stipulations, reprises dans le contrat du 19 janvier 2004, sont confirmées par le contrat de prestation de services conclu entre Expedia et GL Expedia (devenue l'Agence VSC) en septembre 2001 (articles 4.2 et 8.1).

217. Dès lors, l'Agence VSC n'a pas bénéficié d'un hébergement gratuit fourni par la SNCF puisque c'est Expedia qui fournit ce service.

• Sur la gratuité des prestations fournies par VSC à l'Agence VSC

218. La notification des griefs relève que les fonctionnalités permettant la navigation des internautes sur le site et notamment celles attachées au système de ventes croisées sont fournies gratuitement par VSC.

219. Toutefois, en vertu des contrats de développement et de licence de droits conclus entre GL Expedia (devenue l'Agence VSC) et Expedia en 2001 puis en 2004, Expedia s'est engagée à mettre à la disposition de l'Agence VSC le développement d'une plate-forme technologique et à concéder à l'Agence VSC une licence d'utilisation exclusive et gratuite pour le territoire français.

220. Ainsi, si VSC a assumé le développement et l'hébergement de la page d'accueil du site et des interfaces permettant la navigation entre le sous-site ferroviaire et le sous- site voyages, ces prestations le sont en contrepartie de celles fournies par Expedia.

Sur les effets de l'entente vis-à-vis d'expedia.fr

221. La notification des griefs compare l'évolution des sites expedia.fr et expedia.de, à titre d'illustration des avantages accordés à Expedia France. Lastminute et Karavel prétendent également que les accords de partenariat ont profité à Expedia France. Expedia, quant à elle, affirme qu'Expedia France n'a profité d'aucun avantage lié à ces accords.

222. Le Conseil de la concurrence estime que les avantages allégués par les sociétés saisissantes ne sont pas fondés. En effet, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la SNCF avantagerait Expedia France dans la distribution des billets de train : les prix de vente sont les prix publics et toutes les agences de voyages en ligne disposant de la licence Ravel peuvent proposer les cartes de réduction SNCF. De plus, aucune newsletter n'a mentionné les offres du site expedia.fr et rien dans le dossier ne permet d'affirmer qu'il y aurait eu un échange ou un partage de clients entre VSC ou l'Agence VSC et Expedia France.

223. En définitive, il n'est pas établi que le partenariat conclu entre la SNCF et Expedia a profité à Expedia France, en tant que gestionnaire du site expedia.fr.

e) Sur l'application de la règle de minimis

224. Expedia considère qu'il faut écarter le grief d'entente en application de la règle de minimis au sens des articles L. 464-6-1 et L. 464-6-2 du Code de commerce et de l'article 7 de la communication de la Commission européenne concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (de minimis) (2001-C 368-07). D'après elle, les groupes SNCF et Expedia ne détiennent qu'une part de marché inférieure à 4 % et les accords de partenariat ne contiennent aucune clause noire.

225. Cependant, pour calculer ces parts de marché, Expedia ne retient que le volume d'affaires de l'Agence VSC. Or, la part de marché pertinente est celle détenue par le site voyages-sncf.com, c'est-à-dire celle de VSC additionnée à celle de l'Agence VSC. A partir de 2004, il faut en outre ajouter les parts de marché d'expedia.fr et d'anyway.com. Ainsi :

<emplacemeent tableau>

226. La SNCF et Expedia étant des concurrents potentiels jusqu'en 2004 et des concurrents réels à partir de 2004, le seuil à retenir est celui de 10 %. Or, ce seuil a été dépassé chaque année depuis 2004. L'application de la règle de minimis doit donc être écartée.

f) Sur la nécessité de notifier des griefs complémentaires

227. Karavel, partie saisissante, a demandé que soit adressée une notification de griefs complémentaire. Elle considère que la pratique de mise en commun de fichiers clients est si grave qu'elle devrait être plus expressément évoquée au titre de l'entente et même être notifiée en tant qu'abus de position dominante. Elle ajoute que les pratiques appréhendées au titre de l'entente auraient également dû l'être au titre d'un abus de position dominante de la SNCF.

228. Cependant, ces aspects du dossier ont été traités lors de l'examen du grief d'entente. Dès lors, il n'était pas utile de notifier un grief complémentaire.

g) Conclusion sur le grief d'entente

229. Le partenariat entre la SNCF et Expedia créant l'Agence VSC constitue une entente contraire aux articles 81 du traité et L. 420-1 du Code de commerce, ayant pour objet et pour effet de favoriser la filiale commune sur le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir au détriment des concurrents. L'Agence VSC et, à travers elle, Expedia ont ainsi, en violation des règles de concurrence, bénéficié d'avantages - qui leur ont été réservés - liés au partage du site marchand de la SNCF et, notamment, du trafic généré par l'achat de billets de train, de l'envoi de newsletters communes, du partage inégalitaire des revenus publicitaires et du bénéfice de la marque contenant la mention " SNCF ".

h) Sur les engagements pris par la SNCF pour l'avenir

230. Dans le procès-verbal de mise en œuvre de la procédure de non contestation des griefs, la SNCF a pris les engagements suivants :

" - Engagement d'effectuer un strict partage des charges et revenus publicitaires de l'année N entre Voyages-sncf.com et l'Agence Voyages-sncf.com selon les modalités suivantes :

- revenus publicitaires dits " fonds marketing " associés à des offres produit : ils reviendront strictement à l'activité à laquelle ils sont attachés, c'est-à-dire à l'entité signataire du contrat de distribution avec le fournisseur concerné

- revenus publicitaires autres : ils seront répartis en fonction de la répartition réelle constatée au cours de l'année N-1 des publicités opérées sur les pages du sous site Voyages-sncf.com ou de celui de l'Agence voyages-sncf.com, telle que résultant de l'outil utilisé par Voyages-sncf.com et l'Agence Voyages-sncf.com ;

A titre d'exemple, selon ce modèle, la répartition des revenus entre Voyages-sncf.com et l'Agence Voyages-sncf.com serait respectivement de 72 % et 28 % pour l'année 2007.

- Engagement de ne pas demander directement au travers de la Newsletter destinée aux clients de Voyages-sncf.com (produits ferroviaires destinés au fichier clients de VSC) s'ils souhaitent modifier leur profil pour recevoir une Newsletter promouvant également des produits autres que ferroviaires ".

231. En séance, la SNCF a amélioré la rédaction de l'engagement relatif à la newsletter de la manière suivante :

" 2/ Engagement de ne pas demander aux abonnés de la Newsletter Train, dans la Newsletter qui leur est destinée, s'ils souhaitent modifier leur profil pour recevoir la Newsletter Agence ou la Newsletter Mixte ".

232. Par ces engagements, la SNCF garantit qu'elle n'avantagera plus sa filiale commune avec Expedia, en mettant un terme aux pratiques relatives à l'envoi des newsletters et au partage inégalitaire des revenus publicitaires.

233. La SNCF n'a pas proposé d'engagement sur le lien existant entre les sites scnf.com et voyages-sncf.com. En revanche, elle a produit une étude Médiamétrie qui enseigne qu'au dernier trimestre de l'année 2006, les visites sur le site voyages-sncf.com n'étaient plus précédées qu'à 3,3 % de visites des sites de la marque SNCF (sncf.com notamment). Ainsi, le lien entre les deux sites, qui a produit l'essentiel de ses effets lors du lancement du site voyages-sncf.com, ne revêt plus aujourd'hui la même importance qu'à l'origine et ne nécessite pas la prise d'un engagement spécifique.

4. SUR LES GRIEFS D'ABUS DE POSITION DOMINANTE

234. La notification des griefs reproche à la SNCF d'avoir commis deux abus de position dominante relatifs aux conditions de commercialisation de la licence informatique Ravel, laquelle permet aux agences de voyages de distribuer des billets de train en ligne. Elle lui impute également trois abus de position dominante consistant en des discriminations de nature technique, empêchant les agences de voyages en ligne de distribuer des billets de train dans les mêmes conditions que le site voyages-sncf.com. Elle retient enfin deux abus de position dominante consistant, l'un, en une discrimination dans l'octroi des commissions versées pour la distribution des billets de train et, l'autre, en une discrimination dans l'octroi de tarifs particuliers, dits RIT.

a) Sur les griefs d'abus de position dominante relatifs à la licence Ravel

Sur le premier grief d'abus de position dominante (barrières à l'entrée)

235. L'article 82 a) du traité CE interdit les abus de position dominante consistant à imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables. En outre, l'article L. 420-2 du Code de commerce prohibe l'exploitation abusive d'une position dominante consistant à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises.

236. Selon la notification des griefs, la SNCF a abusé de sa position dominante en érigeant artificiellement des barrières à l'entrée sur le marché de la distribution de billets de train : elle aurait imposé aux concurrents de son site voyages-sncf.com d'acquérir la licence Ravel pour accéder à son système informatisé de réservation Résarail et ce, à un prix particulièrement élevé.

Sur la qualification de facilité essentielle

237. La notification des griefs précise que : " Etant donné que Résarail contient des informations non duplicables et indispensables à la vente de billets de train, il peut être considéré que Résarail constitue une facilité essentielle pour vendre des billets de train. "

238. Dans son arrêt du 12 juillet 2005, NMPP, la Cour de cassation a précisé que pour qualifier une facilité d'essentielle, il faut établir, d'une part, que les entreprises qui en demandent l'accès ne peuvent mettre en œuvre aucune solution alternative économiquement raisonnable et, d'autre part, que l'accès à la facilité est indispensable à l'exercice de leur activité. Dans son avis n° 02-A-08 du 22 mai 2002 relatif à la saisine de l'Association pour la promotion de la distribution de la presse, le Conseil de la concurrence a précisé les conditions justifiant une limitation de la liberté contractuelle du détenteur d'une infrastructure essentielle :

" En premier lieu, l'infrastructure est possédée par une entreprise qui détient un monopole (ou une position dominante) ;

En deuxième lieu, l'accès à l'infrastructure est strictement nécessaire (ou indispensable) pour exercer une activité concurrente sur un marché amont, aval ou complémentaire de celui sur lequel le détenteur de l'infrastructure détient un monopole (ou une position dominante) ;

En troisième lieu, l'infrastructure ne peut être reproduite dans des conditions économiques raisonnables par les concurrents de l'entreprise qui la gère ;

En quatrième lieu, l'accès à cette infrastructure est refusé ou autorisé dans des conditions restrictives injustifiées ;

En cinquième lieu, l'accès à l'infrastructure est possible ".

239. En l'espèce, Résarail est le principal système informatisé de réservation de la SNCF. Il contient les informations relatives aux horaires, aux places disponibles, aux tarifs des services de transport ferroviaire de voyageurs de la SNCF, hormis les produits iDTGV. En raison du monopole de la SNCF, une agence de voyages qui souhaite accéder au marché français de la distribution de billets de train n'a pas d'autre choix que de distribuer les produits de la SNCF et donc d'accéder aux informations contenues dans Résarail. Elle a également besoin de ces données pour offrir une gamme complète de services sur le marché français des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir. Or, elle est dans l'impossibilité matérielle de dupliquer ces informations qui ne sont connues que de la seule SNCF. Les conditions posées par la Cour de cassation et par le Conseil dans son avis n° 02-A-08 précité sont donc remplies.

240. L'accès à Résarail est possible puisque les agences de voyages traditionnelles et en ligne peuvent d'ores et déjà s'y connecter. Il reste donc à examiner si cet accès est autorisé dans des conditions restrictives injustifiées.

Sur l'obligation d'acquérir la licence Ravel

241. La notification des griefs reproche à la SNCF d'avoir imposé aux agences de voyages en ligne d'acquérir la licence Ravel.

242. La mise en place de la licence Ravel n'est pas en soi abusive puisque cette licence offre aux tiers un moyen technique de se connecter à Résarail. Cependant, établir une connexion entre Résarail et leurs sites Web est une prestation que les agences de voyages auraient pu assurer elles-mêmes ou acheter auprès de fournisseurs actifs sur le marché des systèmes informatiques de transmission de données et d'informations touristiques (Commission, décision du 24 septembre 2001 (COMP/M.2510 - Cendant/Galileo), points 10-12 ; ministre de l'Economie, lettre du 24 décembre 2004 aux conseils de la société Amadeus relative à une concentration dans le secteur des réservations électroniques de voyage (C2004-176)).

243. Mais, d'après les agences de voyages en ligne interrogées, la SNCF ne souhaitait pas qu'elles puissent développer leur propre connexion ni recourir aux services de GDS, prestataires de services informatiques indépendants de la SNCF. La SNCF a confirmé cette position. Ainsi, à la question " Pourquoi ne pas permettre aux agences en ligne la connexion à Résarail directement via un GDS ? ", les représentants de la SNCF ont répondu : " Parce que nous proposons un outil développé spécifiquement pour la vente du fer par les agences de voyages en ligne. Par ailleurs, elles ne l'ont jamais demandé et elles ne seraient pas capables de le faire en termes financiers et techniques. Ce serait trop difficile pour elles. Si elles en faisaient la demande et que nous devions développer autant de protocoles que d'agences en ligne nous serions très réticents. La SNCF préfère que les agences se connectent exclusivement par Ravel. De nouveaux développements techniques du côté de la SNCF pour permettre ces accès directs seraient prohibitifs par rapport au coût moyen du billet". Aujourd'hui, la SNCF refuse toujours aux agences de voyages en ligne de connecter leur site à Résarail par leurs propres moyens, ainsi que l'illustre le refus opposé à Lastminute le 4 avril 2008.

244. Pourtant, les agences de voyages traditionnelles se connectent à Résarail via des GDS. Les agences de voyages spécialisées dans le voyage d'affaires et les entreprises utilisant des Self Booking Tools se connectent à Résarail, soit en souscrivant la licence Riva (équivalent de Ravel pour le voyage d'affaires), soit en recourant à des Self Booking Tools intégrant le logiciel Riva. En définitive, seules les agences de voyages en ligne spécialisées dans les voyages de loisir n'ont d'autre choix, pour distribuer des billets de train, que d'utiliser les services informatiques de filiales de la SNCF.

Sur le prix de la licence Ravel

245. La notification des griefs avance que la licence Ravel est commercialisée à un prix particulièrement élevé.

246. Au titre de la licence Ravel, les agences de voyages supportent des coûts fixes et des coûts variables. S'agissant des coûts fixes, le prix catalogue des licences Ravel est de 1 500 euro pour la version Ravel Classic, 13 750 euro pour la version Ravel Premier et 54 000 euro pour la version Ravel Web Services. En sus de ces coûts fixes, les agences de voyages en ligne payent des coûts variables au titre des frais de maintenance et d'exploitation s'élevant à 1,10 euro pour chaque dossier réservé et émis.

247. A titre de comparaison, les GDS demandent des sommes nettement moins importantes aux agences de voyages en ligne, alors qu'ils leur permettent de distribuer une gamme de produits touristiques beaucoup plus complète. En effet, à la question " Que payent les agences de voyages en ligne à Amadeus ? ", la société Amadeus a répondu : " Les tarifs sont à peu près identiques aux agences traditionnelles : 20 EUR HT par mois, auquel s'ajoutent des frais de transaction supplémentaire de 0,004 EUR HT ".

248. Dès lors, la SNCF a abusé de sa position dominante en imposant aux agences de voyages en ligne d'utiliser la licence Ravel pour accéder à la facilité essentielle Résarail et ce, à un coût particulièrement élevé, érigeant ainsi des barrières à l'entrée sur le marché français de la distribution de billets de train. Cette pratique, dont la SNCF ne conteste ni la matérialité, ni la qualification, ni l'imputabilité, est contraire aux dispositions des articles 82 du traité et L. 420-2 du Code de commerce.

Sur le deuxième grief d'abus de position dominante pris dans sa deuxième branche (discrimination)

249. L'article 82 c) du traité CE interdit l'exploitation abusive d'une position dominante consistant à appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. De même, l'article L. 420-2 du Code de commerce prohibe les abus de position dominante consistant en conditions de vente discriminatoires.

250. La SNCF s'est vue notifier un grief d'abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire dans le fonctionnement de la licence Ravel depuis 2001. Des voyagistes comme le Club Méditerranée et Go Voyages distribuent des billets de train en ligne sans avoir souscrit de licence Ravel. Le site voyages-sncf.com n'utilise pas non plus le système Ravel pour distribuer des billets de train en ligne.

251. S'agissant des voyagistes, ces entreprises mettent en ligne leurs brochures papiers. Ce procédé n'est donc pas à proprement parler de la distribution de billets de train en ligne, puisque les sites de ces voyagistes ne sont pas connectés à Résarail. Dans ce sens, le Club Méditerranée a expliqué que : " Club Med ne vend que ce qui est dans ses brochures. Il s'agit de séjours dans ses villages de ski, et trois autres destinations. Le périmètre est extrêmement réduit. Les places de train sont achetées par Club Med en début de saison (deux fois par an, catalogue été et catalogue hiver) en allotement et sont programmées dans le système de réservation. Les billets sont achetés à des jours et heures précises et d'un seul coup. Par exemple, pour les villages ski, les places ne sont vendues qu'à la semaine. Quand Club Med vend le voyage, il est déjà acheté à la SNCF. On n'a pas besoin de consulter le site de la SNCF car nous avons déjà la place. C'est le Club Med qui émet le billet mais sur le système de la SNCF. Club Med ne vend jamais de billet de train qu'elle n'a pas acheté à l'avance. " Les voyagistes sont donc dans une situation différente des agences de voyages en ligne qui justifie que la SNCF leur applique un traitement différent.

252. En revanche, le fait que les sociétés qui exploitent le site voyages-sncf.com soient dispensées d'utiliser le système Ravel constitue une pratique discriminatoire. En effet, si ces sociétés avaient utilisé le système Ravel, elles auraient dû s'acquitter des frais de maintenance et d'exploitation de 1,10 euro par dossier voyages, en sus des 54 000 euro correspondant au prix d'achat de la licence Ravel Premier option Ravel Web Services. Dès lors, même si elles ont participé au développement et à la maintenance du système Ravel, elles n'ont pas supporté les mêmes coûts que les agences de voyages en ligne titulaires de la licence Ravel.

253. En raison de cette discrimination voulue et maintenue par la SNCF, la compagnie ferroviaire, qui ne le conteste pas, a commis un abus de position dominante.

Sur les engagements pris par la SNCF pour l'avenir

254. Dans le procès-verbal de mise en œuvre de la procédure de non contestation des griefs, la SNCF a pris les engagements suivants :

" - Engagement de suppression des coûts de licences de Ravel Premier et Ravel Classic (hors coûts d'implémentation), diminution des coûts de licence et d'implémentation de Ravel Web Services (RWS) fixés dorénavant à 20 000 euro et engagement de diminution significative des redevances par dossier voyages, pour toutes les agences Ravel Classic, Premier et RWS ; le montant de redevance passant à 0,95 euro à partir de 101 DV/mois puis à 0,85 euro à partir de 201 DV/mois.

- Engagement de poursuite des discussions au cours des prochains mois et en tout état de cause avant la fin du premier semestre 2009 avec des GDS et/ou des intermédiaires tiers pour définir les conditions par ces derniers d'un accès à Résarail leur permettant de mettre en œuvre une solution alternative à Ravel.

- Engagement d'appliquer à VSC et à l'ensemble des distributeurs, dès lors qu'ils utilisent les mêmes outils de réservation mis à disposition par la SNCF, le nouveau modèle économique à mettre en place, dont les conditions seront fondées sur une grille dégressive de redevances variant en fonction du nombre de requêtes de réservation réalisées. La grille est actuellement en cours de constitution. "

255. En séance, la SNCF a amélioré ces engagements de la façon suivante :

" 3/ Engagement de suppression des coûts de licences de Ravel Premier et Ravel Classic (hors coûts d'implémentation), diminution des coûts de licence et d'implémentation de Ravel Web Services (RWS) fixés dorénavant à 20 000 euro et engagement de diminution significative des redevances par dossier voyages, pour toutes les agences Ravel Classic, Premier et RWS ; le montant de redevance passant à 0,95 euro à partir de 101 DV/mois puis à 0,85 euro à partir de 201 DV/mois.

En outre, pendant la plus courte des deux périodes prenant fin au plus tard, soit 18 mois à compter de la notification de la décision de l'Autorité de la concurrence à intervenir dans cette affaire, soit à la signature du premier contrat avec un GDS intéressé l'autorisant à proposer la vente des billets de trains en ligne, les redevances d'utilisation du système Ravel, par dossier voyages, seront gratuites pour toutes les agences Ravel Classic, Premier et RWS pour les 50 premiers DV/mois.

4/ Engagement de poursuite des discussions au cours des prochains mois et en tout état de cause avant la fin du premier semestre 2009 avec des GDS et/ou des intermédiaires tiers pour définir les conditions par ces derniers d'un accès à Résarail leur permettant de mettre en œuvre une solution alternative à Ravel.

La SNCF présentera à l'Autorité de la concurrence l'état d'avancement de ces négociations, au plus tard à la fin du premier semestre 2009.

5/ En complément des engagements afférents à Ravel et aux négociations avec les GDS tels que décrits ci dessus, la SNCF continue d'enrichir sa gamme de solutions de réservations destinées à offrir plus de liberté de personnalisation aux agences de voyages et à gérer d'importants volumes d'affaires. La SNCF s'engage à appliquer à VSC et à l'ensemble des distributeurs, dès lors qu'ils utilisent les mêmes outils de réservation mis à disposition par la SNCF, le nouveau modèle économique à mettre en place, dont les conditions seront fondées sur une grille dégressive de redevances variant en fonction du nombre de requêtes de réservation réalisées. La grille est actuellement en cours de constitution.

La diversité des solutions techniques que propose la SNCF au titre des engagements 3, 4 et 5 et les conditions financières propres à chaque type de solution permettront à chaque type d'agences de voyages en fonction de ses besoins et de ses volumes d'affaires de prendre l'outil qui lui est le plus adapté en bénéficiant de conditions incitatives et avantageuses. "

256. Ces engagements sont importants car ils ont pour objet de supprimer les barrières à l'entrée qui dissuadaient les agences de voyages de distribuer des billets de train en ligne, en les plaçant dans les mêmes conditions d'accès que le site voyages-sncf.com. Toutefois, le Conseil de la concurrence rappelle que, conformément à sa pratique décisionnelle, il se refuse à fixer le niveau des prix et se contente donc de prendre acte des engagements de la SNCF portant sur les prix de la licence Ravel.

257. Le Conseil de la concurrence souligne, en outre, que l'engagement n° 4 est d'une particulière importance car il est de nature à résoudre des problèmes de concurrence actuels mais aussi futurs. En effet, le secteur des chemins de fer est en cours de libéralisation. La directive n° 91-440 du Conseil du 29 juillet 1991 relative au développement de chemins de fer communautaires libéralisera les services de transport de voyageurs internationaux le 1er janvier 2010. Or, si la SNCF verra réduire le champ de son monopole légal, elle demeurera sans doute un opérateur incontournable, qui pourrait être tenté d'utiliser la licence Ravel pour entraver l'arrivée de nouveaux entrants, en rendant plus difficile la distribution de leurs billets de train. Elle pourrait, par exemple, empêcher les agences de voyages en ligne d'afficher son offre ferroviaire sur les mêmes pages Web que l'offre ferroviaire des nouveaux entrants. L'engagement pris par la SNCF réduit ce risque dès lors que les agences de voyages en ligne pourront passer par des intermédiaires tiers à l'entreprise ferroviaire pour distribuer des billets de train.

b) Sur les griefs d'abus de position dominante consistant en des discriminations de nature technique

Sur le cinquième grief d'abus de position dominante (billet imprimé)

258. La notification des griefs qualifie d'abus de position dominante la pratique de la SNCF empêchant l'accès des concurrents de VSC à la fonctionnalité billet imprimé.

259. Le Conseil de la concurrence observe que d'avril 2003 à septembre 2008, le site voyages-sncf.com était la seule agence de voyages en ligne à disposer de la fonctionnalité billet imprimé. Ce faisant, la SNCF a, sans nécessité objective, avantagé son site marchand au détriment des agences de voyages en ligne concurrentes. En effet, ainsi que le bilan du site voyages-sncf.com pour l'année 2003 l'explique, cette année là, le billet imprimé a constitué l'une des trois " innovations saluées par le public " aux côtés des offres Prem's et des Offres Dernière Minute, offres promotionnelles particulièrement attractives. Leur lancement concomitant s'est soldé fin 2003 par la vente de 800 000 billets dont plus de 500 000 Billets Imprimés. Le bilan du site voyages-sncf.com pour 2004 fait également du billet imprimé l'un des atouts du site. Il précise que 42 % des billets Prem's et ODM vendus sur le site voyages-sncf.com en 2004 étaient des Billets Imprimés.

260. En conclusion, la SNCF, qui ne le conteste pas, a commis un abus de position dominante résultant de l'absence d'accessibilité des opérateurs autres que VSC à la fonctionnalité billet imprimé depuis 2003.

Sur le quatrième grief d'abus de position dominante (Offres Dernière Minute et iDTGV)

261. La notification des griefs reproche à la SNCF d'avoir commis un abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire concernant les conditions de distribution des Offres Dernière Minute (ODM) et iDTGV.

Sur les Offres Dernière Minute

262. En pratique, les agences de voyages en ligne disposant d'une licence Ravel étaient empêchées de distribuer les ODM en raison du bref délai séparant la date de réservation et la date de départ : ce délai d'une semaine au maximum était encore plus réduit dans la plupart des cas et compromettait l'envoi du billet de train au domicile de l'internaute. Les représentants de plusieurs agences de voyages en ligne ont ainsi expliqué le désavantage qu'ils ont subi du fait de cette difficulté qui les a conduits à ne pas proposer les ODM à la vente sur leur site.

263. Grâce au Billet Electronique, en 2006, les agences de voyages en ligne n'ont plus été dans l'incapacité de distribuer certains billets de train ODM. Néanmoins, cette impossibilité a duré trois ans durant lesquels VSC n'a pas connu ces difficultés puisqu'elle disposait de la fonctionnalité billet imprimé dès le lancement des ODM et dispose depuis toujours d'une fonctionnalité équivalente au Billet Electronique.

264. Pour cette raison, la SNCF, qui ne le conteste pas, a commis un abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire concernant les conditions de distribution des ODM.

Sur les offres iDTGV

265. L'internaute qui se connecte au site voyages-sncf.com peut consulter l'ensemble de l'offre ferroviaire de la SNCF dont les billets iDTGV. En revanche, s'il se connecte au site d'une agence de voyages en ligne disposant de la licence Ravel iDTGV, il doit procéder en deux temps et examiner les pages Web relatives aux produits ferroviaires hors iDTGV, puis les pages Web consacrées spécifiquement aux produits iDTGV. Le fait que la possibilité de comparer l'ensemble des offres tarifaires de la SNCF en un seul regard soit uniquement offerte sur voyages-sncf.com crée une distorsion de concurrence entre ce site et les autres agences de voyages en ligne.

266. En 2007, seuls 15 sites d'agences de voyages en ligne distribuaient les produits iDTGV quand 219 sites disposant de la licence Ravel pouvaient potentiellement bénéficier de la licence gratuite Ravel option iDTGV. Le rapport administratif d'enquête enseigne que 95,6 % des ventes enregistrées par iDTGV ont été réalisées par le site voyages-sncf.com : " L'explication de la part prépondérante des ventes de billets iDTGV réalisées par l'intermédiaire du site voyages-sncf.com réside à l'évidence dans la possibilité offerte aux internautes de procéder sur ce site à une recherche de billet non seulement parmi les offres, très restreintes, d'iDTGV, mais aussi parmi l'ensemble des offres de la SNCF, et de comparer directement ces offres avec l'ensemble des autres propositions tarifaires, incluant les divers tarifs réduits et offres promotionnelles relevant des prix publics du transporteur. "

267. En conclusion, d'avril 2003 à début 2006, le site voyages-sncf.com était la seule agence de voyages en ligne à pouvoir distribuer tous les billets ODM. Depuis décembre 2004, elle est également la seule à pouvoir afficher sur les mêmes pages de son site l'ensemble de l'offre ferroviaire de la SNCF, y compris l'offre iDTGV. Ces pratiques concernent des offres promotionnelles qui sont, par définition, en nombre limité mais qui revêtent une importance stratégique car elles sont attractives. Pour ces raisons, la SNCF, qui ne le conteste pas, a commis un abus de position dominante en ayant mis en place puis maintenu des conditions discriminatoires de distribution des ODM et des billets de train iDTGV.

Sur les engagements pris par la SNCF pour l'avenir

268. Dans le procès-verbal de mise en œuvre de la procédure de non contestation des griefs, la SNCF a pris les engagements suivants :

" - Engagement de développer la fonctionnalité billet imprimé dans l'outil Ravel permettant aux agences de voyages Ravel intéressées d'en bénéficier, dès leur demande, sur le même périmètre que celui bénéficiant à Voyages-sncf.com, à charge pour elle d'effectuer l'implémentation nécessaire. Les agences percevront conformément aux accords passés avec le SNAV le 15 mai 2006 une commission de 4,8 %. Comme pour tous les autres billets, les données clients appartiennent à l'agence Ravel, VSC Technologies ne les conservant qu'aux seules fins d'exécution de la commande sans pouvoir d'une façon ou d'une autre les exploiter commercialement. En raison des travaux actuels menés par la SNCF sur la dématérialisation des titres de transports applicable à tous les types de billets, le billet imprimé est appelé à disparaître tant pour VSC que pour les agences Ravel, une fois la mise en production définitive des titres dématérialisés.

- Par ailleurs, et bien qu'aucune agence de voyage n'en ait jamais fait la demande à ce jour, la SNCF déclare qu'elle accepterait de réaliser les développements nécessaires sur Ravel permettant de présenter en version intégrée l'offre iDTGV avec l'offre TGV dès lors qu'une ou plusieurs agences se déclareraient intéressées par cette solution au cours des dix-huit prochains mois, accepteraient d'assumer à leurs frais les développements induits sur leur propre site et s'engageraient sur un volume d'affaires total cumulé d'iDTGV au moins égal à 1,5 million d'euro par an. La SNCF rappelle que le modèle iDTGV est un modèle " low cost " de distribution, impliquant notamment : une distribution exclusive Internet, un paiement par carte bleue et encaissé par iDTGV, un billet disponible uniquement en billet imprimé."

269. En séance, la SNCF a modifié ces engagements de la façon suivante :

" 6/ Engagement de développer la fonctionnalité billet imprimé dans l'outil Ravel permettant aux agences de voyages Ravel intéressées d'en bénéficier, dès leur demande, sur le même périmètre que celui bénéficiant à Voyages-sncf.com, à charge pour elle d'effectuer l'implémentation nécessaire. Les agences percevront conformément aux accords passés avec le SNAV le 15 mai 2006 une commission de 4,8 %. Comme pour tous les autres billets, les données clients appartiennent à l'agence Ravel, VSC Technologies ne les conservant qu'aux seules fins d'exécution de la commande sans pouvoir d'une façon ou d'une autre les exploiter commercialement.

(...)

En raison des travaux actuels menés par la SNCF sur la dématérialisation des titres de transports applicable à tous les types de billets, le billet imprimé est appelé à disparaître tant pour VSC que pour les agences Ravel, une fois la mise en production définitive des titres dématérialisés. La SNCF s'engage à associer, outre VSC, une à deux agences de voyages en ligne volontaires à la phase d'expérimentation de la dématérialisation des titres de transport dès lors que les GDS auront réalisé les développements indispensables à l'émission comptable du titre de transport dématérialisé pour les agences. Les agences de voyages pilotes seront choisies en concertation avec le Syndicat national des agences de voyages (SNAV). Durant cette phase d'expérimentation, ni VSC ni les agences de voyages pilotes ne communiqueront à des fins commerciales sur la dématérialisation des titres de transport. A l'issue de la période d'expérimentation, qui se terminera, au plus tard, à la fin de l'année 2009, sous réserve du bon achèvement des travaux par la SNCF et les GDS, la SNCF mettra cette nouvelle fonctionnalité à la disposition de VSC et des agences de voyages de manière non discriminatoire.

7/ Par ailleurs, et bien qu'aucune agence de voyage n'en ait jamais fait la demande à ce jour, la SNCF déclare qu'elle accepterait de réaliser les développements nécessaires sur Ravel permettant de présenter en version intégrée l'offre iDTGV avec l'offre TGV dès lors qu'une ou plusieurs agences se déclareraient intéressées par cette solution au cours des dix-huit prochains mois, accepteraient d'assumer à leurs frais les développements induits sur leur propre site et s'engageraient sur un volume d'affaires total cumulé d'iDTGV au moins égal à 1,5 million d'euro sur trois ans. La SNCF rappelle que le modèle iDTGV est un modèle " low cost " de distribution, impliquant notamment : une distribution exclusive Internet, un paiement par carte bleue et encaissé par iDTGV, un billet disponible uniquement en billet imprimé. "

270. Ces engagements sont importants car ils permettent aux agences de voyages en ligne de distribuer les billets de train de la SNCF dans les mêmes conditions techniques que le site voyages-sncf.com, en mettant à la disposition de ces agences la fonctionnalité billet imprimé et la possibilité d'afficher les offres iDTGV sur les mêmes pages Web que les autres offres ferroviaires de la SNCF. Ils offrent également des garanties pour l'avenir puisque la SNCF s'engage à ne pas commettre de nouvelle pratique discriminatoire lors de la dématérialisation des billets de train.

c) Sur le troisième grief d'abus de position dominante (commissions)

Sur le grief

271. Selon la notification des griefs, la SNCF a commis un abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire provenant des commissions versées par la SNCF pour la distribution de ses billets de train.

272. VSC et les agences de voyages sont rémunérées sur des bases différentes et difficiles à comparer : VSC perçoit toujours une commission mais dont le niveau varie selon le mode d'émission du billet de train ; les agences de voyages ne perçoivent pas toujours de commission mais quand elles en perçoivent une, son niveau est constant (voir le tableau récapitulatif, § 52).

273. La SNCF a globalement appliqué à VSC des taux de commissions inférieurs à ceux consentis aux autres agences de voyages. Cependant, VSC ne rend pas à la SNCF les mêmes services que les agences de voyages puisqu'elle n'assure pas la fonction " paiement " qui est directement prise en charge par la SNCF. Or, s'agissant des autres agences de voyages, jusqu'en 2007, la SNCF subordonnait leur commissionnement à la gestion du paiement et à l'émission du billet de train qui constituaient, pour elle, les deux prestations ouvrant droit à commission. Ainsi, alors qu'elle versait une commission à VSC quel que soit le mode d'émission du billet de train, elle refusait de rétribuer les agences de voyages en cas d'émission du billet de train en gare. Toutefois, elle a remédié à cette situation depuis le 1er janvier 2007 (article 4.1 de la convention SNAV/SNCF du 15 mai 2006).

274. Par conséquent, la SNCF, qui ne le conteste pas, a commis un abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire provenant des commissions versées par la SNCF pour la distribution des billets de train.

Sur les engagements pris par la SNCF pour l'avenir

275. Dans le procès-verbal de mise en œuvre de la procédure de non contestation des griefs, la SNCF a pris l'engagement suivant :

" Engagement de développer la fonctionnalité billet imprimé dans l'outil Ravel permettant aux agences de voyages Ravel intéressées d'en bénéficier, dès leur demande, sur le même périmètre que celui bénéficiant à Voyages-sncf.com, à charge pour elle d'effectuer l'implémentation nécessaire. Les agences percevront conformément aux accords passés avec le SNAV le 15 mai 2006 une commission de 4,8 % ".

276. En séance, la SNCF a complété cet engagement par l'engagement suivant : " 6/ (...) La convention SNAV/SNCF du 15 mai 2006 venant à échéance le 1er janvier 2010, la SNCF s'engage à négocier, pour la prochaine convention, des modalités de rémunération non discriminatoires entre VSC et les agences de voyages. "

277. Ces engagements sont cruciaux pour l'avenir. En effet, d'une part, la SNCF apporte la garantie qu'elle ne privera pas les agences de voyages en ligne de leur commission lorsque ces dernières distribueront des billets de train via la fonctionnalité billet imprimé. D'autre part, elle s'engage à appliquer des conditions de rémunération non discriminatoires entre sa filiale et les autres agences de voyages.

d) Sur le deuxième grief d'abus de position dominante pris dans sa première branche (tarifs RIT)

278. La notification des griefs reproche à la SNCF un abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire concernant l'octroi de tarifs particuliers dits RIT. Lastminute soutient ce grief. Selon elle, le refus de la SNCF d'accorder les tarifs RIT pour la distribution de billets de train en ligne dans le cadre de forfaits dynamiques a pour objet et pour effet de faire obstacle à l'émergence d'une offre concurrente au site voyages-sncf.com.

279. Cependant, les éléments du dossier montrent que la SNCF n'interdit pas la revente sur Internet des billets de train acquis au tarif RIT. Dans ce sens, le rapport administratif d'enquête explique que : " certains des bénéficiaires des contrats communiqués procèdent à la vente de leurs forfaits sur Internet, ce qu'aucune clause des contrats ne semble leur interdire. On note que Lastminute a pu proposer de tels forfaits à ses clients sur les lignes Thalys et Eurostar notamment, avant de résilier les contrats RIT qu'il avait souscrits. " Par conséquent, la SNCF n'établit pas de différence entre les ventes on line et off line.

280. En réalité, elle applique un traitement différent selon que le billet de train est vendu dans le cadre d'un forfait statique dit pré-packagé ou d'un forfait dynamique dit e- package. Or, à la différence des voyagistes qui bénéficient des tarifs RIT pour composer des forfaits statiques, les agences de voyages proposant des forfaits dynamiques ne réservent pas longtemps à l'avance un important volume de billets de train. C'est précisément cet engagement précoce sur un nombre conséquent de billets de train qui motive l'octroi des tarifs RIT, qui sont en réalité des tarifs de gros.

281. Le rapport administratif d'enquête montre, il est vrai, que la SNCF et ses filiales ont laissé entendre à Lastminute qu'elle aurait accès aux tarifs RIT pour commercialiser des billets de train intégrés à des forfaits dynamiques avec l'option Ravel Web Services. Néanmoins, il indique également que les sociétés exploitant le site voyages-sncf.com n'ont pas non plus accès aux tarifs RIT.

282. Pour ces raisons, le grief selon lequel la SNCF aurait commis un abus de position dominante résultant d'une pratique discriminatoire en ce qui concerne l'octroi des tarifs RIT n'est pas établi.

e) Sur les effets des abus de position dominante

283. La notification des griefs estime que les abus de position dominante commis par la SNCF ont eu pour effet de gêner la distribution de billets de train par les agences de voyages en ligne autres que le site voyages-sncf.com. Elle illustre son propos du schéma suivant :

<emplacement tableau>

284. Les abus de position dominante commis par la SNCF ont eu pour effet de dissuader les agences de voyages en ligne de distribuer des billets de train. Ils ont également eu pour effet de priver les agences de voyages, qui ont malgré tout décidé de distribuer des billets de train en ligne, de la possibilité de se livrer à cette activité dans les mêmes conditions que le site voyages-sncf.com, notamment en rendant plus difficile la distribution d'offres promotionnelles ou encore en leur refusant l'accès à la fonctionnalité billet imprimé, particulièrement appréciée des internautes.

285. Ces pratiques ont également produit des effets sur le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir en freinant la commercialisation des forfaits dynamiques associant des billets de train à d'autres produits touristiques.

f) Conclusion sur les griefs d'abus de position dominante

286. L'ensemble des griefs d'abus de position dominante notifiés à la SNCF, qui ne conteste ni leur objet ni leur effet anticoncurrentiels, sont donc établis, à l'exception de la première branche du deuxième grief d'abus de position dominante relative aux tarifs RIT.

D. SUR LES SUITES À DONNER

287. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que : "les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction".

288. En 2007, la SNCF a réalisé un chiffre d'affaires de 17 406 millions d'euro (comptes sociaux) et le groupe SNCF un chiffre d'affaires de 23 691 millions d'euro (comptes consolidés, normes IFRS). En l'espèce, la SNCF est le principal auteur des pratiques anticoncurrentielles : elle est l'auteur des cinq abus de position dominante et, s'agissant de l'entente anticoncurrentielle, c'est elle qui a profité de son monopole légal pour avantager sa filiale commune avec Expedia. Le plafond de la sanction encourue aurait été de 2 369 millions d'euro en l'absence de la mise en œuvre de la procédure de non contestation des griefs. Le plafond, à la suite de cette procédure, est ramené au montant de 1 184 millions d'euro.

289. En 2007, Expedia réalisait un chiffre d'affaires mondial hors taxe de 2 665 millions de dollars US. Toutefois, si Expedia a participé à l'entente anticoncurrentielle, elle s'est contentée d'accepter de profiter des avantages que la SNCF mettait à la disposition de leur filiale commune.

1. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES

290. En l'espèce, la gravité des pratiques anticoncurrentielles constatées résulte :

- de leur nature même : l'entente anticoncurrentielle a été mise en œuvre par une entreprise disposant d'un monopole légal, qui a utilisé ce dernier pour fausser la concurrence par les mérites sur un marché connexe ; quant aux abus de position dominante, ils consistent en des abus d'exclusion couplés de discriminations ;

- de leur durée : l'entente anticoncurrentielle et les premier et deuxième abus de position dominante durent depuis plus de six ans. Expedia affirme que la durée des pratiques s'explique par la durée de l'instruction. Mais, cette circonstance, quand bien même elle serait avérée, ne saurait excuser les auteurs d'une entente anticoncurrentielle d'avoir maintenu une telle pratique pendant toute la durée de l'instruction ;

- du marché affecté : les pratiques ont notamment produit des effets sur le segment de marché émergent de la vente de voyages de loisir en ligne. Or, des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre sur un segment de marché naissant revêtent un caractère certain de gravité, en raison du caractère potentiellement structurant qu'elles peuvent avoir. Elles ont dissuadé les agences de voyages en ligne de se livrer à la même activité que voyages-sncf.com et gêné celles des agences de voyages en ligne qui se sont, malgré tout, lancées dans cette activité.

291. Toutefois, au titre des éléments à décharge, il convient de relever que la vente de voyages de loisir en ligne est une activité en plein essor et que la plupart des agences de voyages en ligne ont continué à croître malgré les pratiques anticoncurrentielles. Déjà, dans sa décision n° 04-D-51 relative à la demande de mesures conservatoires de Lastminute, le Conseil de la concurrence avait constaté que : " le volume d'affaires (0,5 % du volume d'affaires de Voyages-sncf.com) généré par les ventes d'offres combinées incluant la vente de billets de train, est très marginal " (point 44). Il avait également observé que : " le marché de l' "e-tourisme" est le secteur le plus dynamique de l'e-commerce en France, avec un taux de croissance de plus de 32 % par an, caractérisé par l'arrivée de nouveaux entrants " et que Lastminute elle-même faisait état de résultats financiers en progression (points 43 et 45).

2. SUR L'IMPORTANCE DU DOMMAGE À L'ÉCONOMIE

292. La SNCF et Expedia ont versé au dossier une étude économique intitulée " Evaluation du dommage à l'économie potentiellement causé par la SNCF et ses filiales et par Expedia Inc. ". Avant l'envoi de la notification des griefs, Lastminute avait fourni une " Analyse du dommage à l'économie et de la perte du consommateur engendrés par les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par la SNCF, ses filiales GL-expedia (devenue depuis l'Agence Voyages-sncf.com) et Expedia Inc. sur le segment de la vente en ligne de voyages packagés incluant du train ".

a) Sur le dommage causé à l'économie par l'entente anticoncurrentielle

293. S'agissant du dommage causé par l'entente anticoncurrentielle, la pratique a duré plus de six ans et a affecté le marché français des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir. Le chiffre d'affaires réalisé par les agences de voyages correspondant aux commissions qu'elles perçoivent, le chiffre d'affaires du marché affecté peut être reconstitué comme suit, sur la base du chiffre d'affaires et des parts de marché de VSC :

<emplacement tableau>

294. La SNCF et Expedia limitent l'impact de l'entente anticoncurrentielle aux ventes de forfaits dynamiques incluant un voyage par train, aux ventes croisées de produits ferroviaires avec des produits non ferroviaires et aux ventes induites. Au vu du caractère marginal de ces ventes, elles en déduisent que la pratique n'a pu produire aucun dommage à l'économie.

295. Cependant, les chiffres produits par les parties mises en cause minimisent l'impact de l'entente anticoncurrentielle. S'agissant, par exemple, des ventes croisées, la SNCF et Expedia ne comptabilisent que les ventes croisées, dites sèches, définies comme les ventes de produits de voyages réalisées juste après l'achat d'un billet de train dans une même session. Cependant, rien ne justifie que soient exclues les autres ventes croisées, qui ont, elles aussi pu être conclues à cause de la pratique. Autre exemple, s'agissant des ventes induites, la SNCF et Expedia limitent le périmètre de ces ventes aux seules ventes réalisées par l'Agence VSC auprès d'internautes ayant consulté la rubrique train sans pour autant avoir acheté de prestations ferroviaires. En outre, comme souvent, elles ne présentent des chiffres que pour l'année 2007, soit longtemps après le début de la pratique, qui a produit ses effets les plus forts en 2001 et 2002.

296. En conclusion, c'est toute l'activité de l'Agence VSC qui a bénéficié de surplus liés à l'entente anticoncurrentielle. Et, si ces revenus sont difficiles à quantifier, ils ne sauraient se limiter aux revenus liés aux forfaits dynamiques, aux ventes croisées comprenant du train et aux ventes induites tels que définis par les parties mises en cause, revenus, au demeurant, minimisés dans l'étude dont elles se prévalent.

b) Sur le dommage causé à l'économie par les abus de position dominante

297. S'agissant du dommage causé à l'économie par les abus de position dominante, certaines de ces pratiques ont duré plus de six ans et ont affecté le marché français de la distribution des billets de train, ainsi que celui des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisir. Le chiffre d'affaires réalisé par les agences de voyages correspondant aux commissions qu'elles perçoivent, le chiffre d'affaires du marché français de la distribution des billets de train peut être reconstitué comme suit, sur la base du chiffre d'affaires et des parts de marché de VSC :

<emplacement tableau>

298. La SNCF estime que ces pratiques n'ont causé aucun dommage à l'économie car la distribution de billets de train ne peut, de toute façon, donner lieu à une concurrence par les prix. Elle ajoute que les concurrents n'ont pas pu souffrir des pratiques en matière de vente de forfaits dynamiques incluant des billets de train car rien n'empêchait l'internaute d'acheter son billet de train sur le site voyages-sncf.com et d'acquérir la location de sa chambre d'hôtel sur le site d'une autre agence de voyages en ligne. Elle soutient enfin que les pratiques n'ont pas eu d'effet sur les autres agences de voyages qui ont pu continuer à se développer en concentrant leurs efforts sur la vente de produits plus porteurs que les produits ferroviaires.

299. Cependant, si les prix des billets de train sont effectivement réglementés, tel n'est pas le cas des prix des locations de chambre d'hôtel ou de voiture qui auraient pu être vendues en association avec des billets de train par d'autres agences de voyages en ligne et qui ne l'ont pas été à cause des pratiques de la SNCF. S'il est vrai qu'un internaute aurait pu compléter l'achat de son billet de train sur le site voyages-sncf.com par la location d'une chambre d'hôtel sur le site d'une autre agence de voyages, il aurait alors perdu le bénéfice de la réduction qu'il aurait obtenue s'il avait acheté ces prestations couplées sur le site d'une seule agence de voyages dans le cadre d'un forfait dynamique.

300. En réalité, les abus de position dominante commis par la SNCF ont produit un double dommage à l'économie. En premier lieu, ils ont dissuadé les agences de voyages en ligne de distribuer des billets de train. Ces pratiques ont donc eu un effet structurant. Elles ont limité le nombre d'agences de voyages en ligne distribuant, en concurrence avec le site voyages-sncf.com passé au premier rang, des billets de train et ainsi réduit le choix du consommateur. En second lieu, les pratiques ont gêné les agences de voyages en ligne titulaires de la licence Ravel dans la distribution de certains billets de train et réduit le nombre de transactions qui auraient pu être conclues auprès de ces agences, notamment en matière de forfaits dynamiques.

301. Il demeure, néanmoins, que les agences de voyages concurrentes ont pu continuer à se développer, de manière dynamique. Pour cette raison, le dommage à l'économie doit être regardé comme ayant été d'une importance modérée.

3. SUR LA NON CONTESTATION DES GRIEFS ET LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

302. Ainsi que le Conseil de la concurrence l'a rappelé dans sa décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'accès à Internet à haut débit : " Lorsqu'est mise en œuvre la procédure prévue au III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la décision du Conseil, qui examine la proposition du rapporteur général relative à l'aménagement de la sanction pécuniaire éventuellement encourue, tient compte à la fois de la non contestation des griefs et des engagements pris pour l'avenir. Toutefois, la simple renonciation à contester les griefs, qui a principalement pour effet d'alléger et d'accélérer le travail de l'instruction en dispensant de la rédaction du rapport ne peut conduire à accorder aux entreprises en cause qu'une réduction forfaitaire et relativement limitée de la sanction encourue. C'est la qualité des engagements qui peut permettre d'accorder des contreparties plus substantielles dans le cadre de cette procédure " (point 138).

303. En l'espèce, la SNCF a proposé des engagements qui, non seulement permettent de mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles constatées, mais constituent des garanties très importantes pour l'avenir.

304. S'agissant de l'entente anticoncurrentielle, la SNCF ne sollicitera plus la clientèle ferroviaire du site voyages-sncf.com pour promouvoir, par le biais de la newsletter, les produits non ferroviaires du site. De plus, elle ne fera plus bénéficier de revenus publicitaires indus sa filiale qui distribue les produits non ferroviaires sur le site. Ces deux mesures placeront le site voyages-sncf.com dans les mêmes conditions de concurrence que les autres agences de voyages en ligne pour la distribution de produits non ferroviaires.

305. S'agissant des abus de position dominante, la SNCF facilitera la distribution de ses billets de train pour les agences de voyages en ligne concurrentes de son site voyages-sncf.com :

- en abaissant de manière significative le prix de la licence Ravel et en permettant aux agences de voyages en ligne de se connecter à Résarail dans les mêmes conditions techniques et tarifaires que son site voyages-sncf.com ;

- en permettant aux agences de voyages en ligne de commercialiser ses offres promotionnelles dans de bonnes conditions et d'utiliser la fonctionnalité billet imprimé ;

306. La SNCF a proposé des engagements qui vont encore plus loin puisqu'ils préviennent des problèmes de concurrence susceptibles de se poser à l'avenir.

307. Il en va ainsi de l'engagement consistant à négocier avec des GDS la mise en place d'un outil alternatif à la licence Ravel, qui devrait aboutir à la centralisation de l'ensemble des offres de billets de train disponibles sur des plateformes neutres. Cet engagement devrait favoriser la concurrence en donnant une meilleure visibilité aux entreprises ferroviaires qui arriveront sur le marché français lors de la prochaine ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs internationaux.

308. L'engagement consistant à ne pas discriminer entre le site voyages-sncf.com et les autres agences de voyages à l'occasion de la prochaine évolution technologique que représentera la dématérialisation du billet de train (disparition du billet papier), ainsi que celui portant sur les conditions de rémunération de VSC et des autres agences de voyages anticipent, également en les prévenant, d'éventuels problèmes de concurrence.

309. Les engagements proposés par la SNCF présentant un caractère crédible, substantiel et vérifiable. Ils permettent non seulement de restaurer le fonctionnement de la concurrence qui a été affectée par les pratiques, mais d'organiser pour le futur une concurrence effective tenant compte du bouleversement que constituera l'ouverture à la compétition du transport ferroviaire des voyageurs. Il y a lieu, dans ces conditions, pour le Conseil d'en prendre acte et d'enjoindre à la SNCF de les respecter.

4. SUR LES SANCTIONS

310. Le Conseil choisit, en l'espèce, de privilégier l'effet attendu des engagements de grande envergure, rendus obligatoires à l'égard de la SNCF, qui viennent d'être décrits par rapport à celui qui pourrait résulter du prononcé de sanctions pécuniaires. Compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce - rappelées ci-dessus -, il limitera donc la sanction infligée à la SNCF à 5 millions d'euro.

311. La société Expedia Inc. se verra quant à elle infliger une sanction pécuniaire de 500 000 euro.

Décision

Article 1er : La pratique discriminatoire de la SNCF par l'octroi des tarifs RIT n'est pas établie.

Article 2 : Il est établi que la SNCF et la société Expedia Inc. ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.

Article 3 : Il est établi que la SNCF a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité CE.

Article 4 : Il est pris acte des engagements souscrits par la SNCF tels qu'ils sont présentés et analysés dans la présente décision. Il est enjoint à la SNCF de s'y conformer en tous points et de rendre compte de leur exécution au Conseil puis à l'Autorité de la concurrence.

Article 5 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la SNCF : 5 millions d'euro ;

- à la société Expedia Inc. : 500 000 euro.