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Décisions

Cass. soc., 27 janvier 2009, n° 07-43.437

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Merck Médication Familiale France (SAS)

Défendeur :

Luche

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauviré (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Bobin-Bertrand

Avocat général :

M. Aldigé

Avocats :

Me Hémery, SCP Gatineau, Fattaccini

Cons. prud'h. Evry, sect. encadr., du 6 …

6 septembre 2005

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2007), que Mme Luche, employée comme VRP depuis le 9 octobre 1989, a été licenciée pour motif économique le 10 octobre 2003 après avoir refusé la modification de son contrat de travail qui lui avait été proposée le 3 juillet 2003 ;

Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'une somme au titre de l'indemnité de clientèle, alors, selon le moyen : 1°) que l'allocation d'une indemnité de clientèle au VRP licencié est subordonnée à la preuve de ce que l'intéressé a apporté, créé ou développé une clientèle en nombre et en valeur ; qu'en se bornant à déduire du seul accroissement des commissions perçues par Mme Luche depuis son embauche au mois d'octobre 1989 jusqu'à son licenciement le 10 octobre 2003, que la salariée avait créé et développé une clientèle en nombre et en valeur au profit de la société MMF, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'éléments établissant que l'augmentation des commissions de Mme Luche étaient le fruit de la prospection personnelle de cette dernière, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 751-9 du Code du travail ; 2°) que c'est au VRP licencié qui réclame le bénéfice d'une indemnité de clientèle de justifier de ce qu'il a apporté, créé ou développé une clientèle en nombre et en valeur au profit de son employeur ; qu'en énonçant que la société MMF qui s'opposait à la demande de Mme Luche ne communiquait aucun élément de nature à établir qu'elle avait mis une liste de clients déjà établie à la disposition de Mme Luche lors de son embauche, quand la seule augmentation des commissions de la salariée ne suffisait pas à établir la création et le développement d'une clientèle en nombre et en valeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 751-9 du Code du travail et 1315 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté, sans inverser la charge de la preuve, que la constante augmentation des commissions versées à la salariée démontrait sa participation active au développement de la clientèle et justifiait que lui soit octroyée une indemnité à ce titre ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen : - Vu l'article L. 321-1 devenu l'article L. 1233-3 du Code du travail ; - Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que s'il est établi que les pharmacies d'officine ont entamé une évolution consistant à se regrouper autour de plates formes de référencement, dans le cadre du développement des groupements d'achats et grossistes en enseigne, aucun élément probant déterminant ne permet d'établir que les officines indépendantes vers lesquelles était dirigée l'action commerciale des VRP étaient en train de disparaître et que leur statut était incompatible avec cette évolution du marché et ne pouvait coexister avec celui de délégués pharmaceutiques ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le nombre des groupements d'achats et des grossistes regroupés en enseignes avait triplé en deux ans, que le chiffre d'affaires réalisé par la société MMF avec les plates formes et les groupements avait crû respectivement de 203 % et 144 % en un an et que les offres d'emploi émanant des laboratoires pharmaceutiques concurrents concernaient très majoritairement des délégués pharmaceutiques au détriment des simples commerciaux et des VRP, ce dont résultait la nécessité pour l'entreprise d'adapter ses forces commerciales à l'évolution du marché des officines en transformant les emplois de VRP en emplois de délégués pharmaceutiques spécialement formés et adaptés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour fixer à la somme de 43 131,40 euro, réclamée par la salariée le montant de l'indemnité de clientèle qui lui était due, l'arrêt retient qu'eu égard aux éléments communiqués, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris dans l'exacte évaluation qu'il en a faite ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui soutenait que le montant réclamé par la salariée était erroné dès lors que les commissions perçues au titre de l'année 2003, servant de base au calcul des sommes dues, s'étaient élevées à 20 638,46 euro et non comme prétendu par celle-ci à 26 698,47 euro, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixé à la somme de 43 131,40 euro, le montant de l'indemnité de clientèle due à la salariée, l'arrêt rendu le 24 mai 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.