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Décisions

Cass. com., 27 janvier 2009, n° 08-10.991

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Granimond (SARL), Zouari

Défendeur :

OGF (SA), Commune de Quimper

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Pezard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

Me Luc-Thaler, SCP Defrenois, Levis

TGI Quimper, du 12 juill. 2005

12 juillet 2005

LA COUR : - Donne acte à la société Granimond et à M. Zouari de leur désistement à l'égard de la commune de Quimper ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 novembre 2007), que M. Zouari a acquis ou déposé entre 1989 et 1992 plusieurs modèles de monuments cinéraires, dont il a confié l'exploitation à la société Granimond dont il est le gérant ; qu'estimant que les Pompes funèbres générales, soit la société OGF, copiaient ses modèles, M. Zouari et la société Granimond ont assigné cette société en contrefaçon et concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Granimond et M. Zouari font grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les modèles de monuments cinéraires enregistrés à l'INPI le 6 juin 1989 sous le n° 893 796 et publiés sous le n° 275 411, le 31 juillet 1989 sous le n° 895 036 et publiés sous les n° 277 406 et 277 407 et le 5 juillet 1990 sous le n° 905 357 et publiés sous le n° 0330 705, ne relèvent pas de la protection instituée par les articles L. 111-1 et suivants et L. 511-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, et en conséquence d'annuler l'enregistrement des dits modèles en application des dispositions de l'article L. 512-4 a) du Code de la propriété intellectuelle, alors, selon le moyen : 1°) que la société OGF n'avait pas demandé, devant les premiers juges, l'annulation des modèles autres que les modèles 277 406 et 277 407, de sorte qu'en statuant sur la validité des modèles autres que les modèles 277 406 et 277 407, la cour d'appel a statué sur une demande nouvelle, en violation de l'article 564 du Code de procédure civile ; 2°) qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a apprécié l'originalité de l'ensemble des modèles litigieux, et non de chacun de ces modèles pris isolément, en violation de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 3°) qu'une combinaison de formes connues est protégeable en tant que modèle lorsqu'elle n'est pas totalement de nature fonctionnelle et que sa forme est, au moins partiellement, détachable du résultat technique procuré ; que dès lors, en estimant que les columbariums litigieux ne portaient pas la marque de la personnalité de leur créateur, tout en constatant que la forme de ces columbariums avait, partiellement seulement, un caractère fonctionnel, et qu'elle réalisait une utilisation intéressante de l'espace, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient qu'il était demandé aux premiers juges d'annuler les modèles 277 406 et 407, et de dire que tous les autres modèles invoqués n'étaient pas non plus protégeables, ce qu'ils ont justement qualifié de demande d'annulation de l'ensemble des modèles litigieux ; qu'il relève encore que ce point n'a plus d'intérêt dans la mesure où la cour d'appel est bien saisie d'une demande d'annulation de tous les modèles litigieux, dont la recevabilité n'est pas contestée ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait ressortir que la demande n'était pas nouvelle ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que le premier modèle, portant le numéro de publication 277 406 se décompose en deux dessins, l'un portant le numéro 1 A, représentant une construction composée de 5 blocs trapézoïdaux placés côte à côte de manière irrégulière, présentant sur le devant et sur le côté un nombre variable de portes carrées faisant saillie, chacun des blocs comportant un soubassement, et le second, portant le numéro 1 B, représentant un élément de l'ensemble précédent comportant quatre portes sur sa face antérieure, que le second modèle portant le numéro de publication 277 407 et dénommé "columbarium prestige sans pilier" est une déclinaison du modèle publié sous le numéro 275 411, le centre de l'octogone étant occupé par une plante taillée en forme de flamme, au lieu d'une colonne; qu'il relève encore que le modèle publié sous le numéro 330 705, dénommé "columbarium prestige mural 6 familles", consiste en une construction à treize faces en arc de cercle, sur le dessus de laquelle sont disposées 6 portes carrées, orientées de manière rayonnante, le centre du demi-cercle étant laissé ouvert ou garni d'une colonne; qu'il relève également que le dépôt du second modèle publié sous le numéro 277 407 ayant été effectué alors que le modèle antérieur n'avait pas encore été publié ne pourrait constituer une antériorité de toutes pièces, faute de cette colonne dans le modèle déposé en second ; qu'il retient qu'en ce qui concerne la condition d'originalité, tous les modèles litigieux revêtent des formes géométriques banales, octogonales, en demi-cercle à pans coupés, ou en trapèzes juxtaposés, ces formes n'étant pas susceptibles de protection en elles-mêmes, non plus que l'idée de les utiliser dans ce domaine particulier ; qu'il retient encore que les portes, rectangulaires, carrées ou trapézoïdales, ont des formes simples, sans aucun élément décoratif, et que la présence d'une bordure saillante, elle aussi banale, en partie supérieure des monuments octogonaux, n'est pas suffisante pour conférer à l'ensemble une physionomie propre, étant observé que la présence dans certains cas de colonnes se justifie largement par la nécessité d'offrir des surfaces utilisables pour des inscriptions, ou la réception d'éléments de personnalisation des sépultures offertes, et a donc, partiellement, un caractère fonctionnel ; qu'il retient enfin que la nature ou la couleur du matériau employé, soit du granit de différents coloris, est elle aussi banale, et n'apporte aucune originalité à la combinaison considérée dans son ensemble ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a retenu l'absence d'originalité de chacun des modèles litigieux, peu important que ces modèles aient un caractère fonctionnel partiel, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Granimond et M. Zouari font grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Granimond de sa demande au titre de la concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que la copie servile ou l'imitation caractérise un acte de concurrence déloyale lorsque cette copie ou cette imitation suscite une confusion ou un risque de confusion dans l'esprit du public, que le risque de confusion doit être déterminé au regard du public concerné, de sorte qu'en estimant qu'il n'y avait pas de confusion possible entre les produits en cause, sans déterminer la victime potentielle de ce risque de confusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2°) que le parasitisme économique s'apprécie au regard des prix pratiqués par le concurrent auquel est reprochée la concurrence déloyale et de l'économie indûment réalisée par ce dernier, et non au regard des frais engagés par le demandeur à l'action en concurrence déloyale ; ainsi en se bornant à constater que la société Granimond n'aurait établi ni la réalité d'efforts de commercialisation de ses produits, ni leur notoriété, sans rechercher, comme cela le lui était demandé, si l'imitation par la société OGF, des modèles de la société Granimond n'aurait pas permis à la société OGF de réaliser une économie et de pratiquer des prix bas par des moyens déloyaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève qu'à l'issue d'un appel d'offres lancé par la commune de Quimper en septembre 2001, la société OGF, moins disante, a installé un columbarium similaire aux modèles de la société Granimond ; qu'il retient que la nécessité de satisfaire les demandes de la ville de Quimper, légitimement soucieuse de faire installer des columbariums de même genre que ceux précédemment construits, ainsi que l'absence de caractère protégeable de ces derniers, ôte tout caractère fautif à la fourniture de ces monuments par la société OGF ; qu'il retient encore que la différence de qualité alléguée, à la supposer démontrée, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale en l'absence de toute confusion possible entre les produits et les deux entreprises ; qu'ainsi, la cour d'appel qui n'avait pas à préciser le public concerné dès lors qu'il n'était pas contesté qu'il s'agissait d'un public de professionnels, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que la société Granimond n'établit ni la réalité d'efforts de commercialisation particuliers de ses produits, ni leur particulière notoriété ; qu'il retient que l'imitation pure et simple du produit d'un concurrent n'est pas en soi fautive ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait ressortir que la société OGF n'avait entrepris aucune démarche tendant à profiter indûment des efforts d'un concurrent ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.