Cass. crim., 13 janvier 2009, n° 08-82.493
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocat général :
M. Fréchède
Avocats :
SCP de Chaisemartin, Courjon, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société Y, X Frédéric, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 2008, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de publicité comparative illicite, a, sur renvoi après cassation, prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, ainsi que le mémoire en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 121-1 du Code pénal, L. 621-1, L. 121-12 et L. 121-8 du Code de la consommation, préliminaire, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur les seuls intérêts civils, a condamné Frédéric X et la société Y solidairement à payer à la société Leader Distribution Aunis Saintonge et à la société Distribution Leader Price la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu'il résulte de l'article 121-8 du Code de la consommation que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ; que, selon l'article 121-12 du Code susvisé, l'annonceur doit prouver l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentation contenues dans la publicité ; qu'il appartenait à celui-ci de démontrer que la différence de prix, entre produits présentant un degré suffisant d'interchangeabilité, ne peut pas se justifier par la [différence] de qualité intrinsèque de tel ou tel produit ou par la quantité du produit ; que l'annonceur n'a pas apporté de précisions sur les qualités respectives et quantités des produits présentés dans les chariots, dont les qualités et quantités n'étaient pas nécessairement les mêmes ; qu'ainsi, les tickets de caisse présentaient des paires de produits comparables sans qu'il apparaisse que la qualité ou la quantité aient été les mêmes ; que, faute d'avoir apporté cette preuve, la société Y et Frédéric X ont commis des faits entrant dans la prévision de la prévention ; que la société Y et Frédéric X soutiennent donc à tort que les comparaisons proposées par les parties civiles sont irrecevables pour ne pas résulter de constatations qui auraient été effectuées dans le magasin de Royan ; que le jugement entrepris doit donc être infirmé sur les intérêts civils ; qu'en effet, les faits de publicité illicite ont été commis par un organe de la société Y et dans l'intérêt de celle-ci ; que la cour possède les éléments suffisants pour évaluer à 5 000 euro le préjudice subi par la société Leader Distribution Aunis Saintonge et par la société Leader Price ; que la société Y et Frédéric X seront condamnés solidairement à payer cette somme à chacune des parties civiles ;
"1) alors qu'il résulte de l'article 121-8 du Code de la consommation que la publicité comparative est licite si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur, si elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ; qu'en l'espèce, comme le soutenaient les demandeurs, conformément à ces dispositions, la publicité litigieuse avait pour objet de comparer une unique caractéristique essentielle, à savoir le prix de produits clairement identifiés puisque de même nature et de même dénomination composant le caddie de la ménagère, objectivement vérifiable par le consommateur ainsi qu'en faisaient preuve les tickets de caisse détaillés des deux chariots, Leclerc Royan et Leader Price Royan, versés aux débats, précisant produit par produit le prix pratiqué par chacune des deux enseignes ; qu'en déclarant néanmoins cette publicité illicite, au motif erroné dès lors que seul le prix des produits était comparé, que l'annonceur devait en outre rapporter la preuve de ce que leurs qualités et quantités étaient identiques, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
"2) alors qu'il appartient aux parties poursuivantes de rapporter la preuve de l'infraction poursuivie, et non au prévenu de démontrer son innocence, présumée en application des articles 6 § 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et du préliminaire du Code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, il était constant que, pour prétendre que la publicité litigieuse était illicite, les sociétés Leader Distribution Aunis Saintonge et Distribution Leader Price se bornaient à alléguer que la qualité et les quantités des produits dont le prix était comparé n'auraient pas été les mêmes, sans nullement rapporter la preuve de cette allégation ; que, dès lors, en retenant que, faute d'avoir apporté la preuve que la qualité et la quantité des produits dont le prix faisait l'objet de la publicité comparative litigieuse étaient les mêmes, la société Y et Frédéric X avaient commis des faits entrant dans les prévisions de la prévention de publicité illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble le principe de la présomption d'innocence et l'article 121-8 du Code de la consommation" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le [magasin à l'enseigne A] de Royan a exposé à l'entrée du magasin deux chariots remplis de produits provenant, pour l'un d'eux, de ses rayons, pour l'autre, de l'établissement à l'enseigne Leader Price situé dans la même ville ; que cette présentation était accompagnée de l'annonce suivante : "Stop, inutile de chercher les prix les plus bas, valeur du caddie Leader Price : 68 euro 89, valeur du caddie [enseigne A] : 52 euro 79, achats effectués le 17 mars 2003", ainsi que de la reproduction des deux tickets de caisse ; que la société Y, gérant le [magasin à l'enseigne A] et Frédéric X, responsable de ce [magasin], ont été poursuivis par les parties civiles, la société Leader Distribution Aunis Saintonge et la société Distribution Leader Price, devant le Tribunal correctionnel de Saintes, du chef, notamment, de publicité comparative illicite ; que les prévenus ont été relaxés et les parties civiles déboutées et condamnées à des dommages-intérêts pour abus de constitution, par jugement du 28 avril 2005, dont elles ont relevé appel ; que l'arrêt confirmatif a été cassé ;
Attendu que, pour estimer que la preuve des faits reprochés aux prévenus était rapportée et condamner ceux-ci à verser des dommages-intérêts aux parties civiles, les juges du second degré retiennent que la publicité n'était pas objective, les tickets de caisse ne précisant pas la qualité et la quantité des produits comparés ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, d'où il résulte que le destinataire du message publicitaire n'avait pas été mis en mesure, par l'annonceur, de vérifier l'exactitude des éléments de comparaison sur lesquels reposait la caractéristique mentionnée dans la publicité comparative ni de celle de cette caractéristique, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-35 du Code pénal, 2, 3, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 et 1383 du Code civil, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur les seuls intérêts civils, a ordonné la publication par extraits de l'arrêt ainsi rendu à la charge des condamnés, dans les limites prévues par l'article 131-35 du Code pénal, en première page du journal Sud-Ouest toutes éditions ;
"aux motifs que la publication de l'arrêt par extraits sera ordonnée à titre de dommages-intérêts complémentaires aux frais des condamnés dans les limites prévues par l'article 131-35 du Code pénal ;
"alors que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que les juges répressifs ne peuvent ordonner la publication de leur décision, à titre de réparation complémentaire, qu'à la condition de fixer le coût maximum de cette insertion ; que, dès lors, en se référant en l'espèce aux limites prévues par l'article 131-35 du Code pénal, tout en déclarant qu'elle ordonnait la publication de son arrêt à titre de dommages-intérêts complémentaires, ce dont il résultait que les dispositions de l'article 131-35 du Code pénal, applicables uniquement au cas où l'affichage est ordonné à titre de peine complémentaire, se trouvaient exclues, la cour d'appel s'est contredite et n'a pas déterminé le coût de l'insertion ordonnée" ;
Attendu que, pour fixer le coût de la publication ordonnée à titre de réparation civile, il n'était pas interdit à la cour d'appel, dès lors que les parties civiles n'avaient pas elles-mêmes chiffré ce coût, de faire référence au maximum prévu par l'article 131-35 du Code pénal ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.