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Décisions

Conseil Conc., 16 février 2009, n° 09-D-08

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés d'autoroute dans le secteur du dépannage-remorquage sur autoroutes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Vidal, par M. Lasserre, président, président de séance, Mme Aubert, vice-présidente, M. Piot, membre.

Conseil Conc. n° 09-D-08

16 février 2009

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la saisine d'office du 25 mars 2005 enregistrée sous le numéro 05/0026 F concernant les pratiques mises en œuvre par les sociétés concessionnaires d'autoroute dans le secteur du dépannage sur autoroutes; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les engagements proposés par les sociétés ASF (Autoroutes du Sud de la France), Escota (Autoroutes Esterel, Côte d'Azur, Provence, Alpes), APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône), AREA (Autoroutes Rhône-Alpes), SANEF (Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France), SAPN (Société des autoroutes Paris Normandie), Cofiroute, ALIS, SFTRF (Société française du tunnel routier du Fréjus) et ATMB (Autoroutes et tunnel du Mont Blanc) ; Vu les observations présentées par le ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), la société Barrault, la SARL Rapidépannage 62 et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés ASF, Escota, APRR, AREA, SANEF, SAPN, Cofiroute, SFTRF, ATMB entendus lors de la séance du 16 décembre 2008, la société ALIS ayant été régulièrement convoquée ; Les représentants du ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire et le CNPA entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 alinéa 2 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. Par décision du 25 mars 2005, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de pratiques mises en œuvre par les sociétés concessionnaires d'autoroute dans le secteur du dépannage, après que la Commission européenne lui a transmis une plainte émanant de la SARL Rapidépannage 62 qui contestait le refus que lui avait opposé la SANEF, société concessionnaire des autoroutes du Nord et de l'Est de la France, d'exercer son activité de dépannage sur les parkings et les aires de repos de l'autoroute.

B. LE SECTEUR AUTOROUTIER FRANÇAIS

1. LES AUTOROUTES CONCÉDÉES ET LES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES D'AUTOROUTE

a) La gestion déléguée des autoroutes concédées

2. La gestion du domaine public autoroutier français s'opère selon deux modalités : la gestion directe et la gestion déléguée. Les autoroutes directement gérées par l'État et les collectivités territoriales sont des autoroutes urbaines ou interurbaines auxquelles les usagers peuvent accéder sans péage.

3. Le réseau autoroutier français est toutefois majoritairement géré par des concessionnaires et est généralement payant. Aux termes de conventions de concession et de cahiers des charges annexés, approuvés par décret en Conseil d'État, les sociétés concessionnaires doivent assurer à leurs frais et risques, tant la construction que l'exploitation des autoroutes concédées par l'État. Ces concessions concernent aussi bien les voies roulantes que les aires attenantes et notamment les aires de repos et les parkings.

4. Au 31 décembre 2007, le réseau autoroutier français comptait environ 11 000 kms en service. 23 % (soit 2 577 kms) étaient directement gérés par l'État, les 77 % restants (soit 8 375 kms) étant concédés.

b) Les sociétés concessionnaires d'autoroute

5. Jusqu'à fin 2005, le réseau autoroutier concédé était exploité par onze sociétés d'autoroutes qui se répartissaient comme suit :

a. Six sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) : la Société des autoroutes du Sud de la France (" ASF ") et sa filiale, la Société des autoroutes Estérel-Côte d'Azur-Provence-Alpes (" Escota ") formant le groupe ASF, la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (" SAPRR ") et sa filiale, la Société des autoroutes Rhône-Alpes (" AREA ") formant le groupe APRR (" Autoroutes Paris-Rhin-Rhône ") et la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (" SANEF ") et sa filiale, la Société des autoroutes Paris Normandie (" SAPN "), formant le groupe des autoroutes du Nord et de l'Est de la France.

b. Deux sociétés publiques concessionnaires d'un tunnel autoroutier international dans le prolongement d'une autoroute : la Société française du tunnel routier du Fréjus (" SFTRF ") et la Société des autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (" ATMB ")

c. Trois sociétés privées: la Compagnie financière et industrielle des autoroutes (" Cofiroute "), la Compagnie Eiffage du viaduc de Millau (" CEVM ") et l'Autoroute de liaison Seine-Sarthe (" ALIS ").

6. La privatisation des SEMCA par cession des participations de l'État dans ces sociétés à des acquéreurs privés est intervenue au printemps 2006. Le groupe Eiffage a pris le contrôle de la SAPRR et de sa filiale AREA. Le groupe Vinci a acquis le contrôle d'ASF. Enfin, le réseau de la SANEF a été attribué au groupe HIT dont l'actionnaire majoritaire est Abertis, société espagnole spécialisée dans les infrastructures de transport et de télécommunications.

7. Au terme de ces privatisations, il reste deux sociétés contrôlées par l'État, ATMB et SFTRF, qui gèrent les deux grands tunnels autoroutiers alpins.

8. La répartition du kilométrage du réseau concédé entre les sociétés concessionnaires est la suivante :

<emplacement tableau>

2. L'ACTIVITÉ DE DÉPANNAGE-REMORQUAGE SUR LES AUTOROUTES CONCÉDÉES

a) Les modalités d'exercice de l'activité de dépannage sur autoroutes

9. Les cahiers des charges des concessions d'autoroutes prévoient que " [l]a société concessionnaire est tenue d'assurer ou de faire assurer, sous sa responsabilité, sur l'ensemble du domaine concédé, le dépannage des véhicules en panne ou accidentés, dans les conditions prévues par la réglementation et les instructions ministérielles en vigueur ".

10. Compte tenu des conditions de circulation sur autoroute, qui conjuguent vitesse élevée et importance du trafic, la réparation ou le remorquage des véhicules accidentés ou en panne sur la voie doivent être effectués rapidement, tant pour assurer la sécurité des personnes que pour maintenir la fluidité du trafic. S'agissant des véhicules accidentés ou en panne sur les aires de service, lorsque la réparation ne se fait pas sur place, il doit être procédé au remorquage de tels véhicules hors de l'autoroute.

11. Pour prendre en compte ces impératifs, la direction des routes du ministère de l'équipement a élaboré deux cahiers des charges types particuliers, l'un pour le dépannage des véhicules légers (VL), l'autre pour celui des poids lourds (PL), auxquels doivent se conformer les sociétés concessionnaires. Ces cahiers des charges ont été diffusés au moyen de circulaires adressées par le directeur des routes aux préfets, l'une du 13 juin 1979 pour les véhicules légers (une nouvelle version du cahier des charges a été diffusée en 1996 sans circulaire), l'autre du 12 novembre 1981, puis du 14 juillet 2001 pour les poids lourds.

12. Ces cahiers des charges imposent des sujétions spécifiques et prévoient notamment : une organisation du dépannage 24H/24 tous les jours de l'année ; une intervention dans un délai de trente minutes maximum pour les véhicules légers et d'une heure pour les poids lourds ; le traitement des appels et la gestion des appels par les sociétés ou les forces de l'ordre et la mise en place de tours de service lorsque plusieurs dépanneurs interviennent sur un même secteur.

13. En contrepartie de ces sujétions, les sociétés de dépannage qui interviennent le cas échéant au profit des concessionnaires disposent d'une exclusivité d'intervention sur autoroute. Elles ne sont autorisées à exercer cette activité qu'après obtention d'un agrément délivré par la société concessionnaire. Les agréments, normalement incessibles et intransmissibles, sont réexaminés chaque année.

14. En vertu des cahiers des charges, la délivrance de l'agrément s'effectue après avis d'une commission interdépartementale d'agrément (CIA). Présidées par le préfet, ces commissions comprennent des représentants de la société d'autoroute concernée, du ministère de tutelle, des forces de police ou de gendarmerie, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des organisations professionnelles de dépanneurs et des associations d'usagers. Les CIA doivent se réunir en séance ordinaire au moins une fois par an. En pratique, elles donnent souvent leur avis sur le renouvellement d'agréments et sur les agréments provisoires attribués directement par la société concessionnaire depuis la précédente réunion.

15. Les cahiers des charges prévoient enfin les conditions nécessaires à l'obtention des agréments, notamment relatives au délai d'intervention, à la proximité des locaux par rapport au secteur d'autoroute concerné, à la qualité technique des équipements et des installations et à certaines conditions administratives.

b) Les données économiques de l'activité de dépannage sur autoroutes

16. Les entreprises de dépannage sont pour la plupart de petites ou moyennes entreprises qui exercent le métier de manière locale et qui ont souvent, outre l'activité de dépannage-remorquage sur autoroutes, une activité plus générale de réparation et d'entretien de véhicules.

17. Selon les statistiques disponibles, établies en 2004 par la direction des routes, qui présentaient la situation en 2001, il existait à cette date environ 1 000 dépanneurs agréés, parmi lesquels 826 avaient un agrément pour les véhicules légers, 133 un agrément pour les poids lourds et 69 un double agrément.

18. Sur les secteurs d'intervention déterminés par les sociétés d'autoroutes, le nombre de dépanneurs agréés varie de un à quatre pour le dépannage des véhicules légers et de un à deux pour celui des poids lourds. En moyenne, un secteur d'intervention couvre pour les premiers 21 kms (la longueur variant de facto de 6 à 60 kms) et 40 kms pour les seconds (la longueur variant de facto de 4 à 98 kms).

19. Pour 2007, la direction des routes a recensé 286 420 interventions pour les véhicules légers et 38 219 interventions pour les poids lourds.

20. En ce qui concerne les véhicules légers, le prix des prestations de dépannage-remorquage est réglementé en application du décret n° 89-477 du 11 juillet 1989 modifié. En revanche, il est libre s'agissant du dépannage des poids lourds.

21. Le décret précité précise que le prix forfaitaire des opérations de dépannage couvre le déplacement du véhicule d'intervention et, selon le cas, soit la réparation sur place, soit le remorquage ou le transport du véhicule immobilisé au garage du véhicule d'intervention ou, à la demande de l'usager, en un lieu situé à moins de 5 kms de la sortie d'autoroute. Dans le cas d'un dépannage sur place, le prix des fournitures est en sus. Le prix est majoré de 50 % pour les appels entre 18H00 et 8H00 ainsi que les samedis, dimanches et jours fériés. Le forfait du dépannage ne comprend qu'une 1/2 h de travail, le travail au-delà de cette durée étant facturé en plus. Ne sont également pas compris les frais des actes non fixés au titre du décret, comme par exemple les frais de relevage avec une grue.

22. Au 19 septembre 2008, le prix forfaitaire du dépannage pour un véhicule léger était fixé par arrêté à 112 euros.

C. L'EVALUATION PRÉLIMINAIRE DES PRATIQUES ALLÉGUÉES

23. L'instruction a mis en évidence que l'octroi et le renouvellement des agréments de service de dépannage-remorquage sur autoroutes concédées s'opéraient sans mise en concurrence suffisante et dans une certaine opacité. Ces éléments ont été communiqués aux sociétés concessionnaires dans le cadre d'une évaluation préliminaire exprimant des préoccupations de concurrence.

24. En effet, si depuis 2000, les sociétés concessionnaires d'autoroute ont organisé des procédures de mise en concurrence pour attribuer des agréments, ces procédures sont restées limitées à des cas ponctuels, comme l'ouverture à la circulation d'une nouvelle section ou la " défaillance " d'un dépanneur agréé, due par exemple à la vente de l'entreprise ou au départ en retraite de son exploitant.

25. Les agréments en cours délivrés ou renouvelés l'ont ainsi été le plus souvent sans publicité préalable à une mise en concurrence et ont fréquemment fait l'objet de reconduction tacite sans que le système de réexamen annuel des agréments avec avis des CIA, prévu par l'article 2 des cahiers des charges, soit appliqué, ce qui a conduit à maintenir une durée excessive aux droits spéciaux accordés aux entreprises.

26. En outre, il est apparu que les sociétés concessionnaires pratiquaient couramment une présélection des candidatures avant le passage devant les CIA, ces dernières entérinant dans la plupart des cas les choix favorables préalables des sociétés sans se prononcer sur l'ensemble des candidatures. De même, bien que l'octroi d'agréments provisoires soit prévu dans les cahiers des charges, le recours excessif à ces agréments, ensuite entérinés par les CIA, a contribué à rendre le système peu concurrentiel.

27. Par ailleurs, l'absence de motivation des rejets des candidatures a alimenté les suspicions de pratiques discriminatoires dans la sélection des dépanneurs agréés.

28. Enfin, dans certains cas, des conventions conclues par les sociétés concessionnaires ont prévu une condition d'affiliation aux groupements d'assistance routière et de dépannage (GARD) pour obtenir l'agrément. Or, les conditions posées par les GARD en matière d'affiliation ne sont pas toujours objectives et peuvent faire l'objet d'une application discriminatoire. En tout état de cause, l'affiliation obligatoire à une association, qui n'est pas prévue par la réglementation, contribue à entraver l'accès au marché.

29. Au vu de cette situation, et les intéressés ayant manifesté leur disponibilité à régler cette affaire par la voie d'engagements, la rapporteure a adressé le 26 juin 2008 aux sociétés concessionnaires d'autoroutes une évaluation préliminaire exposant des préoccupations de concurrence qui portaient sur les points suivants : la durée excessive de validité des agréments, le caractère limité des procédures de mise en concurrence, l'insuffisance de transparence de ces procédures et la nécessité de supprimer les éventuels accords conclus entre les sociétés concessionnaires et les GARD.

30. Il a été indiqué en outre que les engagements proposés par les sociétés devraient pouvoir s'intégrer dans les cahiers des charges des concessions des autoroutes et être pris en compte lors de la négociation des prochains avenants à ces contrats de concessions.

D. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENTS

31. Compte tenu de l'évaluation préliminaire résumée ci-dessus, les sociétés concessionnaires AREA, APRR, ASF, Escota, SAPN, SANEF, Cofiroute, SFTRF, ALIS et ATMB ont proposé des engagements conformément à la procédure prévue au I de l'article L. 464-2 du Code de commerce. Un " test de marché " a été publié le 31 septembre 2008 à l'intention des tiers potentiellement intéressés.

1. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS A L'ORIGINE PAR LES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES D'AUTOROUTE

32. Chaque société concessionnaire a proposé des engagements qui portent sur les points ci-dessous énumérés.

33. La société AREA a toutefois indiqué que ces engagements ne concernaient pas sa filiale, la Société d'assistance touring secours (SATS), qui assure l'essentiel du dépannage des véhicules légers sur le réseau d'autoroute qui lui a été concédé.

a) La transparence des procédures

La publication des avis d'appels à candidatures

34. S'agissant du processus de sélection des candidats, toutes les sociétés concessionnaires ont proposé de s'engager à publier des avis d'appels à candidatures dans les journaux locaux, à l'exception de SANEF et SAPN qui ne le précisaient pas expressément. Cofiroute a proposé en outre l'information des fédérations professionnelles. ALIS informe déjà de ses appels d'offres les syndicats professionnels de dépanneurs et procède à leur publication dans les journaux locaux.

Les critères de sélection et la grille d'analyse

35. La plupart des sociétés ont également proposé de s'engager à remettre aux candidats un dossier de consultation faisant état du processus effectif de sélection et des critères de sélection avec leur pondération.

36. Certaines sociétés concessionnaires ont d'ores et déjà précisé leurs critères de sélection. Ainsi, Escota retient les critères suivants par ordre décroissant d'importance : " distance du dépôt au lieu d'intervention, équipements, qualification du personnel, disponibilité, tarifs pratiqués (autres que réglementaires), accueil client, présentation installations, prestations annexes proposées. "

37. Les critères proposés par Cofiroute ou ALIS sont sensiblement identiques, quoique cette dernière retienne également un critère de notoriété. Il en est de même s'agissant des sociétés APRR, AREA et SFTRF, qui ne mentionnent toutefois pas de critère de prix mais rajoutent un critère de détention d'une certification (norme AFNOR pour le dépannage des véhicules légers). Les sociétés ont précisé également que cette liste de critères n'est ni exhaustive ni définitive et pourrait être aménagée pour prendre en compte les nécessités et les caractéristiques de chaque appel d'offres.

L'analyse des candidatures

38. L'analyse des candidatures serait effectuée, selon les propositions d'engagements des sociétés, soit par un comité technique d'agrément (CTA) composé des mêmes membres que ceux de la CIA (Cofiroute, Escota), soit par la société elle-même (SANEF, SAPN, APRR, AREA et SFTRF). ASF a proposé la convocation d'une CIA et, en cas de défaut de réunion de cette dernière, de procéder elle même à l'examen des candidatures. ASF a indiqué, également que dans l'hypothèse d'une divergence entre sa proposition et l'avis de la CIA, elle informerait le préfet de sa décision motivée. Sur les secteurs du réseau autoroutier pour lesquels aucune CIA n'a encore été constituée, les sociétés ont proposé la création d'une nouvelle CIA ou le rattachement à une commission existante, fonctionnant déjà pour le réseau d'une autre autoroute (SFTRF, ATMB).

Les agréments provisoires

39. Afin d'assurer la continuité du service public et de prendre en compte les délais administratifs de fonctionnement des CIA, Cofiroute, Escota, AREA, APRR ont prévu la délivrance d'agréments provisoires, ces derniers devant être ultérieurement validés ou refusés par la CIA. Il en a été de même pour SFTRF, qui ne dispose pas encore de CIA. SANEF, SAPN et ASF ont indiqué envisager de réserver la délivrance d'agréments provisoires aux cas exceptionnels de la défaillance subite d'un dépanneur lorsque la CIA ne peut être réunie dans les délais utiles.

La notification des agréments

40. Cofiroute, Escota, ASF, SFTRF et ALIS ont proposé de s'engager à notifier les agréments et les rejets des candidatures en indiquant les motifs de leur rejet. En revanche, SANEF, SAPN, AREA, APRR et ATMB n'ont proposé aucun engagement sur ce point.

b) La durée de validité des agréments

41. La quasi-totalité des sociétés d'autoroutes ont proposé une durée de validité des agréments de cinq ans pour le dépannage des véhicules légers et de sept ans pour celui des véhicules poids lourds. SANEF et SAPN ont indiqué qu'il était possible de retenir une durée de cinq ans s'agissant de l'agrément retenu pour le dépannage des poids lourds, sous réserve que cette durée ne constitue pas une contrainte telle, par rapport aux investissements requis, que les appels à candidatures deviennent infructueux. Enfin, SFTRF, sans proposer de s'engager sur une durée de validité des agréments, a souhaité que cette durée soit harmonisée sur l'ensemble du réseau.

c) La condition d'affiliation au GARD pour obtenir l'agrément

42. Toutes les sociétés concessionnaires ont indiqué être prêtes à renoncer à ce critère d'agrément. En outre, ASF a proposé de s'engager à dénoncer dans un délai maximum d'un an, à compter de la décision du Conseil, chacun des accords encore en vigueur qu'elle avait précédemment conclus avec un GARD.

d) Les délais de mise en œuvre des procédures de mise en concurrence

43. Si toutes les sociétés concessionnaires ont proposé de remettre en concurrence les agréments qui n'ont pas été délivrés à la suite d'un appel d'offres, elles ont fait des propositions différentes sur les délais de mise en œuvre de ces procédures :

• pour SAPN et SANEF, les appels à candidatures seraient lancés à partir de 2009 pour les agréments dont l'ancienneté est de cinq ans ;

• pour ASF, Escota et Cofiroute, la mise en œuvre du nouveau dispositif serait complètement réalisée dans un délai de cinq ans maximum à compter de la décision d'acceptation des engagements par le Conseil de la concurrence et de l'accord de l'autorité concédante. SFTRF retenait quant à elle un délai de trois ans à compter de la décision du Conseil de la concurrence et de l'accord de l'autorité concédante ou de la création d'une commission départementale en Savoie ;

• AREA et APRR ont indiqué que cette nouvelle procédure serait applicable de manière progressive à compter de la décision rendue par le Conseil, en tenant compte de l'ancienneté des agréments ;

• ATMB n'a pas proposé de délai, mais a subordonné la mise en œuvre du dispositif à la constitution d'une CIA en Haute Savoie ou à la constitution d'une commission interdépartementale ;

• ALIS a déjà mis en œuvre ces procédures dès l'ouverture de son réseau en octobre 2005.

e) La nature des engagements

44. ASF, Escota et Cofiroute ont demandé que leur autorité concédante soit saisie des propositions d'engagements aux fins d'une modification éventuelle de leurs contrats de concession.

45. Escota et Cofiroute ont demandé également à pouvoir disposer seules du pouvoir de retirer provisoirement l'agrément à un dépanneur en cas de faute grave et ont souhaité obtenir dans le cadre de cette procédure d'engagements la mise en place d'un dispositif dissuasif contre le " dépannage sauvage " effectué sur les autoroutes par des dépanneurs non agréés.

2. LES OBSERVATIONS DES TIERS INTÉRESSÉS

a) Le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

46. Le ministre, qui assure la tutelle du réseau autoroutier concédé, fait valoir que le délai proposé par les sociétés concessionnaires d'autoroute pour la mise en œuvre de leurs engagements paraît trop long et indique que les agréments les plus anciens devraient faire l'objet d'un réexamen rapide dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence.

47. Il rappelle aussi qu'un projet de décret visant à modifier l'organisation du dépannage sur autoroutes est à l'étude.

b) Le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA)

48. Le CNPA insiste sur le fait que les procédures d'appels à candidatures doivent faire l'objet d'une publicité par voie de presse permettant à toute entreprise susceptible de postuler de prendre connaissance de l'appel d'offres. Il est favorable à ce que les commissions ayant vocation à délivrer les agréments soient constituées par voie d'arrêté préfectoral en tant que sous-commissions des commissions départementales ou interdépartementales de sécurité routière.

49. Opposé à la délivrance d'agréments provisoires, il propose que les critères de sélection soient définis ou validés par les membres de la commission d'agrément et entérinés par le président de cette commission, certains critères contenus dans les certifications de dépannage-remorquage existantes, telles que AFNOR ou QUALICERT pouvant être retenus au titre de critères de sélection (qualification des entrepreneurs, équipement des véhicules de dépannage, équipement de l'atelier, nature des parcs de stationnement, gestion environnementale du site, accueil, disponibilité et proximité des autoroutes).

c) La société Barrault

50. La société Barrault exerce une activité de dépannage-remorquage (véhicules légers et poids lourds) dans la région de Poitiers, mais n'a été agréée ni par ASF ni par Cofiroute, qui exploitent les autoroutes du secteur.

51. Selon cette société, le contrat d'agrément conclu par une société concessionnaire d'autoroute avec un dépanneur constitue une délégation de service public, qui doit être soumise aux obligations de publicité et de concurrence et être limitée dans la durée, en vertu des dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite " loi Sapin ".

52. Elle souligne que, compte tenu de la pratique de délivrance des agréments provisoires, l'avis de la CIA est le plus souvent rendu postérieurement à la conclusion du contrat d'agrément, la commission se contentant de valider les choix opérés par les sociétés. Elle indique que cette pratique rend par ailleurs difficile et d'un intérêt limité, pour les candidats non retenus, la contestation éventuelle de l'avis rendu par la commission, par le biais d'un référé précontractuel ou d'un recours en annulation. Pourtant, les irrégularités des procédures actuelles causeraient un préjudice financier aux dépanneurs non agréés, car la proximité d'une autoroute capterait l'essentiel de la clientèle, en ce qui concerne les dépanneurs poids lourds.

53. Cette société souligne par ailleurs que si les contrats d'agrément proposés par ASF n'imposent pas d'affiliation au GARD, la composition de la CIA assure une surreprésentation de cette association, tant par rapport aux représentants de l'administration que par rapport aux autres représentants des professionnels et des usagers, de sorte que faute de quorum imposé, les représentants du GARD sont parfois majoritaires et qu'il en découle la suspicion que des dépanneurs membres du GARD sont favorisés par rapport aux autres dépanneurs.

54. S'agissant des engagements, la société Barrault considère que la durée des agréments proposée par les sociétés concessionnaires est manifestement excessive, une durée d'un an renouvelable deux fois étant suffisante et de nature à assurer une mise en concurrence régulière des dépanneurs.

55. Enfin, la société Barrault précise que les contrats d'agrément n'ont pour objet que d'assurer le dépannage immédiat ou le remorquage des véhicules, et ne concernent donc pas les réparations lourdes. Il en résulterait que la possession d'un atelier de réparation en plus du fourgon atelier, qui permet les réparations sur place, ne devrait pas constituer un critère d'agrément.

d) La SARL Rapidépannage 62

56. Cette société souligne tout d'abord que les parkings et aires de repos devraient être ouverts à tout dépanneur, même non agréé.

57. Elle soutient que " les conditions de fonctionnement des commissions sont très injustes ", puisque dans son secteur, " le président CNPA et le président FNA siègent " et qu'ils influencent les autres membres de la CIA, entraînant l'éviction des dépanneurs non affiliés à ces organisations.

58. Selon cette société, le monopole dont bénéficient les dépanneurs agréés sur autoroute permet à ces derniers d'amortir leur matériel et de faire une concurrence déloyale sur route aux dépanneurs non agréés, en pratiquant des prix inférieurs au marché.

59. Elle estime anormal que le nombre de dépanneurs agréés soit différent en fonction des sections d'autoroute. Elle expose enfin que pour respecter la concurrence, il faudrait que les appels d'offres prennent en compte le délai d'investissement nécessaire pour que les entreprises qui ne disposent pas encore du matériel suffisant puissent soumissionner et être agréées.

II. Discussion

60. Le Conseil de la concurrence dispose de la faculté, sur le fondement du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, d'" accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles ", selon les modalités précisées à l'article R. 464-2 du Code de commerce.

61. Contrairement à ce qu'indique la société Barrault, les conventions conclues entre les sociétés concessionnaires d'autoroutes et les dépanneurs qu'elles agréent n'entrent pas, pour différentes raisons, dans le champ d'application de la loi Sapin. En particulier, l'article 38 de celle-ci, codifié à l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales, ne concerne que les personnes morales de droit public et ne s'applique donc pas aux sociétés concessionnaires d'autoroutes qui sont des personnes morales de droit privé. Il convient néanmoins de souligner, sans entrer dans une analyse juridique aussi précise que celle qui a été exposée dans l'avis du Conseil de la concurrence n° 05-A-22 du 2 décembre 2005 relatif à une demande d'avis de l'Association pour le maintien de la concurrence sur le réseau autoroutier (AMCRA) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation annoncée des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, que les actuelles sociétés concessionnaires sont susceptibles, pour le choix des opérateurs extérieurs auxquels elles délégueraient le service du dépannage-remorquage, de devoir respecter " les règles fondamentales du traité [instituant la Communauté européenne] en général et le principe de non discrimination en particulier; ce principe impliquant notamment, une obligation de transparence (...) consistant à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture des marchés à la concurrence, ainsi que le contrôle des procédures d'adjudication " (voir notamment les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 7 décembre 2000 Telaustria et Telefonadress, C-324-98, points 60 et suivants, du 21 juillet 2005, Coname, C-231-03, et du 13 septembre 2007, Commission/République italienne, C-260-04).

62. En l'occurrence, ces règles et principes ne sont pas suffisamment respectés, ainsi qu'il ressort de l'expression des préoccupations de concurrence.

63. Il y a toutefois lieu de préciser que la mise en concurrence ne saurait s'imposer lorsque la société concessionnaire entend exercer l'activité de dépannage-remorquage " en régie " ou lorsqu'elle entend la confier à une entité sur laquelle elle " exerce un contrôle analogue à celui qu'(elle) exerce sur ses propres services " (cas des prestations intégrées dites " in house " telles qu'analysées dans l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 18 novembre 1999 Teckal (Aff. C-107-98) ou dans l'arrêt du 13 octobre 2005, Parking Brixen, C-458-03). A cet égard, le Conseil note que la société AREA peut, dans la situation actuelle, limiter ses engagements aux services de dépannage-remorquage qui ne sont pas directement effectués par sa filiale, la société d'assistance

Touring Secours.

64. Il y a également lieu de préciser que, dans la mesure où les aires de services ou de repos sont incluses dans le périmètre des concessions autoroutières et que les sociétés concessionnaires sont responsables du dépannage-remorquage sur l'ensemble du domaine concédé, elles sont légitimes, pour autant que les cahiers des charges leur laissent une marge d'appréciation à cet égard, à décider, pour des raisons d'organisation du service et de sécurité, que ces espaces doivent être soumis aux mêmes règles que la voie roulante et que notamment seuls les dépanneurs agréés peuvent y intervenir. De même, il est de la responsabilité des sociétés concessionnaires, sous le contrôle de l'autorité de tutelle et le cas échéant du juge, de déterminer le nombre de dépanneurs agréés nécessaires pour assurer le service sur tel ou tel tronçon d'autoroute.

65. Ceci étant précisé, les engagements proposés par les sociétés concessionnaires sont examinés ci-après.

66. Le Conseil estime que ces engagements apportent globalement une réponse satisfaisante aux préoccupations de concurrence identifiées au stade de l'évaluation préliminaire. Ils entraînent une modification substantielle des modalités d'attribution du service du dépannage sur autoroute en soumettant cette attribution à des mises en concurrence régulières.

67. Toutefois, ces engagements ont fait l'objet de certaines modifications en séance pour tenir compte des observations formulées dans le cadre du test de marché et des discussions avec le Conseil. Elles visent à harmoniser et à rendre plus concurrentiel le dispositif proposé.

68. Certaines demandes exprimées par les sociétés concessionnaires n'ont pu recevoir de réponse du Conseil de la concurrence dans le cadre de la présente procédure, dans la mesure où elles ne concernaient pas la question de la mise en concurrence du service de dépannage-remorquage. Il en est ainsi des demandes des sociétés ASF, Escota et Cofiroute visant à la mise en place d'un dispositif dissuasif contre le " dépannage sauvage ", c'est-à-dire effectué par des dépanneurs qui ne sont pas titulaires d'agréments et l'attribution à ces sociétés d'un pouvoir de sanction et de retrait d'agrément contre les dépanneurs agréés défaillants.

A. LA TRANSPARENCE DES PROCÉDURES

1. LA PUBLICATION DES AVIS D'APPELS À CANDIDATURES

69. Les sociétés concessionnaires se sont finalement toutes engagées à assurer la publicité de leurs appels d'offres, à tout le moins par une publication dans les journaux locaux.

2. LES CRITÈRES DE SÉLECTION ET LA GRILLE D'ANALYSE

70. Les sociétés se sont engagées à retenir dans tous les cas des critères objectifs de sélection des dépanneurs, à savoir les critères relatifs notamment à la distance du garage au lieu d'intervention, à la qualité des équipements, à la qualification du personnel et à la disponibilité, ainsi qu'un critère de prix. A cet égard, les candidats devront indiquer les prix des prestations qui ne sont pas réglementées et les conditions d'évolution de ces prix pendant la durée de l'agrément dont ils bénéficieront. S'agissant des véhicules légers, ces prix pourront porter notamment sur les taux horaires de main d'œuvre et de remorquage hors forfait ou sur le coût journalier du gardiennage. S'agissant des véhicules poids lourds, les prix pourront porter sur le coût horaire de la main d'œuvre et le coût horaire d'une intervention de dépannage sur place n'ayant pas nécessité le déplacement d'une dépanneuse.

71. ALIS s'est par ailleurs engagée à retirer le critère de notoriété, portant sur la réputation de l'entreprise et de ses dirigeants du point de vue professionnel et civil, qu'elle faisait jusque là figurer dans ses appels d'offres, un tel critère pouvant avoir pour effet d'exclure de nouveaux entrants.

72. En revanche, les observations de la société Barrault pour limiter le critère relatif à l'équipement des candidats à l'existence d'équipements de dépannage-remorquage, sans exiger de moyens de réparation plus importants, n'ont pas pu être retenues dès lors qu'elles méconnaissent les exigences spécifiées dans les cahiers des charges.

73. Au contraire, certains critères de sélection proposés par le CNPA liés à des aspects environnementaux peuvent le cas échéant être retenus par les sociétés concessionnaires.

74. S'agissant des grilles d'analyse des candidatures, que celles-ci prennent la forme d'une hiérarchisation ou d'une pondération des critères, les sociétés d'autoroute se sont toutes engagées à les porter à la connaissance des éventuels candidats et à les faire figurer dans le règlement de consultation de l'appel d'offres.

3. L'ANALYSE DES CANDIDATURES ET LES AGRÉMENTS PROVISOIRES

75. Les sociétés concessionnaires se sont engagées à procéder à l'analyse des candidatures, le cas échéant en vue de délivrer des agréments provisoires, soit seules, soit dans le cadre d'un comité technique d'agrément, émanation de la CIA, ou encore avec les membres de celle-ci dûment conviés. Les décisions d'agrément seraient prises par les sociétés concessionnaires elles-mêmes sans intervention de la CIA (ATMB, ALIS), par les sociétés concessionnaires après avis de la CIA (APRR, ASF) ou par les CIA elles-mêmes (SANEF, Cofiroute, Escota, SFTRF, SAPN, AREA). L'éventuel agrément provisoire serait dans tous les cas examiné par la CIA.

76. A cet égard, les sociétés concessionnaires se sont engagées à ne plus délivrer d'agrément provisoire sans mise en concurrence. Certaines sociétés ont toutefois prévu, en cas de défaillance subite d'un dépanneur, de pouvoir délivrer un agrément provisoire à un dépanneur déjà agréé dont le champ d'intervention serait étendu ou à un dépanneur s'étant porté candidat et n'ayant pas été retenu. Cette dérogation au principe posé de l'interdiction de toute délivrance d'agrément sans mise en concurrence s'entend comme ne pouvant être utilisée que pour assurer la continuité du service public et comme limitée à la durée nécessaire à l'organisation d'un appel d'offres.

77. La proposition du CNPA tendant à ce que les commissions ayant vocation à délivrer les agréments soient constituées par voie d'arrêté préfectoral en tant que sous-commissions des commissions départementales ou interdépartementales de sécurité routière relève de la compétence ministérielle et ne saurait donc être discutée dans le cadre de la présente procédure. Il en est de même s'agissant des observations de la société Barrault relatives à la nécessité d'imposer un quorum pour les réunions des CIA ou des critiques de la SARL Rapidépannage 62 portant sur le fonctionnement de ces mêmes commissions. Sur ces derniers aspects, néanmoins, le Conseil de la concurrence ne peut que recommander que soient retenues par le pouvoir réglementaire des modalités de fonctionnement garantissant une intervention à la fois objective et transparente de ces commissions pour effectuer une sélection par les mérites.

4. LA NOTIFICATION DES DÉCISIONS NÉGATIVES

78. Les sociétés d'autoroute se sont finalement toutes engagées en séance à motiver les refus d'agrément et à informer les dépanneurs des voies de recours dont ils disposent contre ces décisions. Le respect de ces exigences, au demeurant légales, est nécessaire pour assurer la transparence du système d'octroi des agréments et l'égalité de traitement entre les candidats.

B. LA DURÉE DE VALIDITÉ DES AGRÉMENTS

79. Dans sa communication interprétative sur les concessions en droit communautaire (JOCE 2000, C121, p. 2) la Commission européenne expose que le principe de proportionnalité, qui s'applique en matière de concession de services " tout en laissant aux organisations concédantes la faculté de définir, notamment en termes de performances et de spécifications techniques, l'objectif à atteindre, exige cependant que toute mesure choisie soit à la fois nécessaire et appropriée au regard de l'objectif fixé " et qu'" il exige aussi de concilier concurrence et équilibre financier ; la durée de la concession doit donc être fixée de manière à ne pas restreindre ou limiter la libre concurrence au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'amortissement des investissements et une rémunération raisonnable des capitaux investis, tout en maintenant un risque inhérent à l'exploitation pour le concessionnaire ". Les mêmes principes peuvent être appliqués en l'espèce.

80. Les sociétés concessionnaires ont toutes proposé de retenir des durées de contrats pour le dépannage-remorquage de cinq ans pour les véhicules légers et de sept ans pour les poids lourds, à l'exception de la société ALIS qui a proposé des durées respectivement de trois et cinq ans.

81. Les discussions en séance ont montré que, compte tenu des matériels nécessaires pour respecter les exigences posées par les cahiers des charges s'agissant du dépannage sur autoroute, qui requiert des dépanneuses plus modernes et plus sophistiquées que celles usuellement utilisées sur route, et notamment un " matériel d'évacuation (...) constitué d'un minimum de deux dépanneuses homologuées par la DRIRE dont l'une au moins aura la capacité suffisante pour évacuer les véhicules d'un (poids total autorisé en charge) PTAC égal à 3.5 tonnes ", les durées proposées par les sociétés concessionnaires n'apparaissent pas manifestement disproportionnées par rapport à la durée d'amortissement des matériels. En particulier, cette durée peut inciter un nouvel entrant qui devra acquérir un matériel spécifique à présenter sa candidature. A cet égard, les sociétés concessionnaires ont précisé en séance qu'elles pourraient agréer un dépanneur ne disposant pas encore de tout le matériel, mais disposant de garanties pour son achat dans les délais requis.

82. Le Conseil a donc estimé que les engagements proposés sur ce point par les sociétés concessionnaires étaient acceptables.

C. LA CONDITION D'AFFILIATION AU GROUPEMENT GARD POUR OBTENIR L'AGRÉMENT

83. Les engagements proposés par les sociétés concessionnaires visant à renoncer à l'utilisation de ce critère pour la sélection des dépanneurs et plus précisément celui de la société ASF de dénoncer dans un délai d'un an tous les accords en vigueur conclus avec les GARD répondent aux préoccupations de concurrence exprimées par le Conseil.

D. LES DÉLAIS DE MISE EN OEUVRE DES PROCÉDURES DE MISE EN CONCURRENCE

84. Lors de la séance, les sociétés concessionnaires se sont engagées à mettre en œuvre ces procédures de mise en concurrence pour l'ensemble des agréments de dépannage-remorquage sur leurs réseaux dans un délai maximum de trois ans, sous réserve de circonstances exceptionnelles dûment justifiées, à compter de la décision du Conseil de la concurrence et, s'agissant des sociétés ASF, Escota, APRR, AREA et Cofiroute, de l'accord de l'autorité concédante, c'est-à-dire le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Ce dernier n'a d'ailleurs formulé aucune objection à ces engagements, ni dans ses observations écrites, ni lors de la séance. AREA s'est pour sa part engagée à une mise en œuvre de la procédure dans un délai maximum de dix-huit mois.

E. CONCLUSION

85. Le Conseil considère que les engagements des sociétés concessionnaires, améliorés ou précisés par les modifications proposées à l'issue des débats, répondent aux préoccupations de concurrence soulevées dans cette affaire et présentent un caractère crédible et vérifiable. Il y a donc lieu d'accepter les engagements des sociétés concernées, de les rendre obligatoires et de clore la procédure.

Décision

Article 1er : Les engagements proposés par les sociétés ASF, Escota, APRR, AREA, SANEF, SAPN, Cofiroute, ALIS, SFTRF et ATMB, qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés, sont acceptés par le Conseil de la concurrence. Ces engagements sont rendus obligatoires dès la notification de la présente décision.

Article 2 : Il est mis fin à la procédure enregistrée sous le numéro 05/0026 F.