Cass. com., 10 février 2009, n° 07-21.058
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cabinet Bedin (Sté)
Défendeur :
Grumel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Raysséguier
Avocats :
Me Hémery, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 septembre 2007), que la société Cabinet Bedin (la société) qui exerce la profession d'agent immobilier, a conclu avec M. Grumel un contrat d'agent commercial ; que la société ayant mis fin à leurs relations, M. Grumel l'a assignée en paiement de l'indemnité compensatrice de rupture stipulée au contrat ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Grumel la somme de 30 000 euro majorée des intérêts légaux à compter du 14 décembre 2005, outre les sommes de 1 000 et 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, alors, selon le moyen : 1°) que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; que la volonté des parties exprimée dans le contrat est donc sans incidence sur le droit de l'agent à prétendre à une indemnité compensatrice de préjudice subi dans les conditions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, l'agent n'ayant droit à une telle indemnité que s'il exerce effectivement l'activité d'agent commercial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé que M. Grumel exerçant l'activité de négociateur immobilier, il ne pouvait prétendre à l'application du statut d'agent commercial ; qu'en faisant pourtant application du contrat pour allouer à M. Grumel une indemnité de rupture dans les conditions des articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991, devenus les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, la cour d'appel a violé ces deux articles et l'article 1134 du Code civil par fausse application ; 2°) que dans ses conclusions d'appel, la société Cabinet Bedin exposait qu'en prévoyant le paiement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi dans les conditions prévues par les articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991, le contrat n'avait voulu que rappeler la loi que les parties pensaient applicable à leur relation contractuelle, et n'avait pas voulu faire peser une obligation supplémentaire sur le mandant découlant d'un statut qui serait devenu inapplicable ; qu'en faisant application de la clause contractuelle litigieuse, sans rechercher si les parties avaient effectivement entendu prévoir le paiement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi même si elles avaient su que la loi du 25 juin 1991 ne régissait pas leur relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 3°) qu'il appartient au demandeur à l'action en responsabilité de prouver l'existence et la réalité de son dommage ; qu'il appartenait donc à M. Grumel, qui soutenait ne pas avoir retrouvé rapidement du travail et n'avoir dès lors pas pu se reconstituer rapidement une " clientèle " de prouver la véracité de ses dires ; qu'en se fondant au contraire sur " l'absence de toute démonstration que M. Grumel ait pu retrouver à bref délai un emploi " pour accorder une indemnité à M. Grumel, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil ; 4°) que l'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale est destinée à compenser le préjudice subi par l'agent du fait de la cessation de son mandat ; que les juges du fond doivent procéder à la recherche du préjudice effectivement subi ; qu'en énonçant seulement qu'il est de jurisprudence constante de fixer l'indemnité de rupture à deux ans de commissions, calculées sur la moyenne des trois dernières années, la cour d'appel a procédé à une évaluation forfaitaire du dommage, violant ainsi l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 devenu l'article L. 134-12 du Code de commerce, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le statut des agents commerciaux qui était inapplicable aux négociateurs immobiliers ne pouvait régir l'activité de M. Grumel, l'arrêt retient, par une appréciation souveraine, que les parties sont librement convenues que ce dernier aurait droit, en cas de rupture de leurs relations par la société, à une indemnité telle que prévue par les articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991, devenus les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, et ainsi décidé contractuellement que, quel que soit le statut applicable à M. Grumel, ce dernier pouvait prétendre à l'indemnité prévue en cas de rupture des relations entre un agent commercial et son mandant ; que la cour d'appel qui a procédé à la recherche prétendument omise a appliqué la loi des parties en statuant comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a caractérisé le préjudice subi par M. Grumel dont elle a évalué souverainement le montant par une appréciation concrète de tous ses éléments ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.