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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 28 janvier 2009, n° 07-11329

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir, DDCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

Mme Mathieu, M. Reygrobellet

Avocats :

Mes Daoud, Dany, Franck

CA Paris n° 07-11329

28 janvier 2009

Rappel de la procédure:

La prévention:

La société X et la société Y ont été poursuivies à la requête du Procureur de la République d'Evry, pour:

- concernant la société X

* avoir à Evry, Courcouronnes, en tout cas sur le territoire national, entre le 1er décembre 2005 et le 21 mars 2006, et depuis temps non prescrit, conclu, avec la SARL les Comtes de la Marche, la SAS Stoeffler, la SA Alpina Savoie, l'UCA Régilait, la SNC Andros, la SA Alliance Fromagère, la SA Etablissements Castel Frères, la SAS Coca Cola PSG, la SAS Unilever, la SARL Playmobil France, la SAS Fromageries Arnaud, la SA Raynal et Roquelaure, la SNC Alliance Charcuterie, la SA Men Guy's, la SAS Inbev, la SA Socopa, la SAS Loeul et Piriot, la SAS Tramier, la SA Teisseire, la SA Kraft et Food France, la SA Vranken, la SCS Masterfood, la SA Henaff, la SA Segafredo, la SAS Loc Maria, la SA Conserves France, la SA Armand Terroir et la SA Salaison Polette, des contrats de coopération commerciale ne précisant pas le contenu des services devant être rendus à ses fournisseurs au titre de cette coopération commerciale, conformément aux dispositions de l'article L. 441-7,I du Code de commerce,

* avoir à Evry, Courcouronnes, en tout cas sur le territoire national, entre le 1er décembre 2005 et le 21 mars 2006, et depuis temps non prescrit, conclu, avec la SARL, la SAS Stoeffler, la SA Alpina Savoie, l'UCA Régilait, la SNC Andros, la SA Alliance Fromagère, la SA Etablissements Castel Frères, la SAS Coca Cola PSG, la SAS Unilever, la SARL Playmobil France, la SAS Fromageries Arnaud, la SA Raynal et Rioquelaure, la SNC Alliance Charcuterie, la SA Men Guy's, la SAS Inbev, la SA Socopa, la SAS Loeul et Piriot, la SAS Tramier, la SA Teisseire, la SA Kraft et Food France, la SA Vranken, La SCS Masterfood, la SA Henaff, la SA Segafredo, la SAS Loc Maria, la SA Conserves France, la SA Armand Terroir et la SA Salaison Polette, des contrats de prestation de services distincts ne précisant pas la nature desdits services conformément aux dispositions de l'article L. 441-7,I dernier alinéa du Code de commerce,

- concernant la société Y:

* avoir à Evry, Courcouronnes, en tout cas sur le territoire national, entre le 1er décembre 2005 et le 21 mars 2006, et depuis temps non prescrit, conclu, avec la SARL les Comtes de la Marche, la SAS Stoeffler, la SA Alpina Savoie, l'UCA Régilait, la SNC Andros, la SA Alliance Fromagère, la SA Etablissements Castel Frères, la SAS Coca Cola PSG, la Sas Unilever, la SARL Playmobil France, la SAS Fromageries Arnaud, la SA Raynal et Rioquelaure, la SNC Alliance Charcuterie, la SA Men Guy's, la SAS Inbev, la SA Socopa, la SAS Loeul et Piriot, la SAS Tramier, la SA Tels Seire, la SA Kraft et Food France, la SA Vranken, la SCS Masterfood, la SA Henaff, la SA Segafredo, la SAS Loc Maria, la SA Conserves France, la SA Armand Terroir et la SA Salaison Polette, des contrats de coopération commerciale ne précisant pas le contenu des services devant être rendus à ses fournisseurs au titre de cette coopération commerciale, conformément aux dispositions de l'article L. 441-7,I du Code de commerce,

* avoir à Evry, Courcouronnes, en tout cas sur le territoire national, entre le 1er décembre 2005 et le 21 mars 2006, et depuis temps non prescrit, conclu, avec la SARL les Comtes de la Marche, la SAS Stoeffler, la SA Alpina Savoie, l'UCA Régilait, la SNC Andros, la SA Alliance Fromagère, la SA Etablissements Castel Frères, la SAS Coca Cola PSG, la SAS Unilever, la SARL Playmobil France, la SAS Fromageries Arnaud, la SA Raynal et Rioquelaure, la SNC Alliance Charcuterie, la SA Men Guy's, la SAS Inbev, la SA Socopa, la SAS Loeul et Piriot, la SAS Tramier, la SA Teisseire, la SA Kraft et Food France, la SA Vranken, la SCS Masterfood, la SA Henaff, la SA Segafredo, la SAS Loc Maria, la SA Conserves France, la SA Armand Terroir et la SA Salaison Polette, des contrats de prestation de services distincts ne précisant pas la nature desdits services conformément aux dispositions de l'article L. 441-7,I dernier alinéa du Code de commerce,

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire à l'encontre de la société X et de la société Y, prévenues et à l'égard de l'UFC Que Choisir, partie civile, a :

- déclaré la société X coupable de (deux infractions) de non-communication par écrit des conditions de rémunération du distributeur ou prestataire, faits commis entre le 1er décembre 2005 et le 21 mars 2006, à Evry, Courcouronnes, infraction prévue par l'article L. 441-6 al. 5 du Code de commerce et réprimée par l'article L. 441-6 al. 6 du Code de commerce,

- déclaré la société Y coupable de (deux infractions) de non-communication par écrit des conditions de rémunération du distributeur ou prestataire, faits commis entre le 1er décembre 2005 et le 21 mars 2006, à Evry, Courcouronnes, infraction prévue par l'article L. 441-6 al. 5 du Code de commerce et réprimée par l'article L. 441-6 al. 6 du Code de commerce,

Et par application de ces articles, a condamné:

- la société X à une amende délictuelle de cent cinquante mille euro (150 000 euro),

- la société Y à une amende délictuelle de cent cinquante mille euro (150 000 euro),

- ordonné aux frais des condamnées, la diffusion du dispositif du jugement, dans les Echos et le Figaro, pendant un mois;

- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre vingt dix euro (90 euro) dont est redevable chaque condamnée,

- Sur l'action civile:

- déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de l'UFC Que Choisir,

- condamné solidairement la société X à payer à UFC Que Choisir, partie civile, la somme de huit mille euro (8 000 euro) à titre de dommages et intérêts, et en outre la somme de huit cents euro (800 euro) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- La société X, le 29 juin 2007, des dispositions pénales et civiles,

- la société Y, le 29 juin 2007, des dispositions pénales et civiles,

- Monsieur le Procureur de la République, le 29 juin 2007 contre la société X,

- Monsieur le Procureur de la République, le 29 juin 2007 contre la société Y,

- l'UFC Que Choisir, le 3 juillet 2007 contre la société Y,

- l'UFC Que Choisir, le 3 juillet 2007 contre la société X,

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par les sociétés Y et X, personnes morales prévenues, le ministère public et UFC Que Choisir contre le jugement déféré auquel il est fait référence;

Madame l'Avocat général a requis la confirmation du jugement attaqué;

Représentées à l'audience, les deux personnes morales prévenues ont demandé l'infirmation du jugement et leur relaxe en invoquant par dépôt de pièces et de conclusions :

- le défaut de caractérisation de l'infraction de non-conformité au regard de l'article L. 441-7 du Code de commerce, tant sous l'empire de la loi Dutreil du 2 août 2005 que de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008;

- l'application de l'article 122-3 du Code pénal, à titre subsidiaire;

Représentée, la partie civile UFC Que Choisir a fait plaider la confirmation du jugement sur l'action publique et l'infirmation sur les intérêts civils, la somme de 50 000 euro et la publication d'un communiqué étant réclamées au titre de l'indemnisation du préjudice ainsi que la somme de 2 200 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel;

En application de l'article L. 470-5 du Code de commerce, le ministre chargé de l'Economie est intervenu à la présente instance et a demandé, par dépôt de conclusions et intervention de l'un des agents de la DGCCRF, la confirmation du jugement attaqué;

Rappel des faits

La société X, (selon ses écritures déposées en cause d'appel), centrale de référencement pour les produits non alimentaires et la société Y, centrale de référencement pour les autres produits ont pour pratique commerciale de négocier et conclure avec leurs fournisseurs, des accords commerciaux définissant d'une part, les conditions d'achat des produits auprès desdits fournisseurs et, d'autre part, " les conditions dans lesquelles elles vont rendre à ces mêmes fournisseurs un certain nombre de services commerciaux en vue d'augmenter les ventes des produits des fournisseurs dans les marques... ";

A la fin de l'année 2005, ces deux sociétés ont opté, avant une date limite fixée au 15 février 2006, pour la conclusion de contrat unique comprenant les conditions d'achat et un accord de partenariat. Cette décision s'inscrivait dans le cadre de discussions conduites avec la DGCCRF dans le cadre de la loi du 2 août 2005;

Sur verbalisation de la DGCCRF en date du 30 août 2006, ces deux personnes morales ont été citées devant le Tribunal correctionnel d'Evry pour avoir conclu avec un ensemble de 28 fournisseurs, entre le 1er décembre 2005 et le 21 mars 2006:

1) des contrats de services de coopération commerciale omettant de préciser le contenu des services rendus, la date et la durée des prestations correspondantes en violation des dispositions de l'article L. 441-7 du Code de commerce;

2) des contrats de services distincts omettant de préciser la nature des prestations rendues en violation du dernier alinéa de l'article L. 441-7 du Code de commerce;

Après débats du 22 mai 2007, le Tribunal correctionnel d'Evry, le 22 juin 2007, a jugé la prévention établie et s'est prononcé sur la peine et l'indemnisation de la partie civile, UFC Que Choisir;

C'est le jugement déféré;

A ce jour, les personnes morales prévenues n'ont pas été condamnées;

Sur ce

Considérant, qu'en première part, s'agissant de l'élément matériel de l'infraction, il est soutenu par les personnes morales prévenues que les accords de partenariat 2006 concernant les services de coopération commerciale répondaient parfaitement au formalisme imposé par l'article L. 441-7 du Code de commerce en ce que : (cf. conclusions p. 12 à 16):

- le contenu des services y était inséré en annexe 1-1,

- les produits concernés étaient mentionnés,

- la date de réalisation et de durée des services était précise puisque le service est rendu du 1er au 12 décembre 2006,

- les modalités de rémunération étaient indiquées;

Considérant que, selon l'argumentation soutenue devant la cour, ces contrats étaient fondés sur " l'évidence que seule la prestation globale était concernée par les obligations de l'article L. 441-7 du Code de commerce ", le tribunal encourant la critique (cf. conclusions déposées p. 16) " d'avoir confondu les prestations globales et les éléments constitutifs de cette prestation commerciale ", qualifiés de " pas détachables de la prestation globale ";

Considérant, s'agissant des prestations de service distinctes, qu'il est soutenu que trois services étaient décrits aux contrats de manière à déterminer non seulement la nature du service mais également son contenu ; qu'aux conclusions aux pages 16 à 20, sont fournies les indications factuelles, démonstratives de ce point de vue et énoncé (cf. conclusions p. 20) que la seule obligation prévue par la loi Dutreil concernait le type de service ; le tribunal encourant la critique supplémentaire de " n'avoir pas hésité à ajouter des obligations non prévues par la loi " pour décider de la caractérisation de l'infraction;

Considérant, sur l'élément intentionnel de l'infraction que les deux personnes morales prévenues ont fait développer en pages 10 à 11 des conclusions sur le défaut de leur " intention de profiter d'une prétendue opacité ";

Considérant qu'ensuite, sont traitées les incidences des lois n° 2008-3 du 3 janvier 2008 et n° 2008-776 du 4 août 2008 sur la présente instance ; qu'est mise en exergue la simplification des conditions de forme relatives à la description des services de coopération commerciale et des services distincts;

Considérant qu'à cet effet, il est énoncé:

" En premier lieu, les parties n'ont plus l'obligation de mentionner la durée de ces services, puisque, en effet, seule doit désormais apparaître, la date prévue d'exécution, qui peut donc être différente de la date réelle d'exécution "

puis

" qu'en second lieu, l'obligation de mentionner le contenu des services de coopération commerciale et la nature des services distincts, est remplacée par l'obligation d'indiquer l'objet et les modalités d'exécution de ces services ";

Considérant qu'est affirmé que cette première étape de la " simplification du formalisme " a été suivie d'une seconde, constituée par la promulgation de la loi du 4 août 2008, ayant une nouvelle fois modifié l'article L. 441-7 du Code de commerce et applicable aux faits incriminés selon le " principe de la rétroactivité des lois pénales plus douces " et confèrent une légalité indiscutable aux contrats souscrits;

Considérant qu'à ce stade de l'exposé des arguments et prétentions des personnes morales prévenues, la cour est saisie de trois questions:

- l'application du droit applicable au jour où la cour statue,

- la caractérisation de l'élément matériel de l'infraction au regard de la loi applicable,

- la caractérisation de l'élément intentionnel de l'infraction selon cette norme;

Considérant, sur l'état du droit applicable, que l'article L. 441-7 du Code de commerce issu de la loi du 2 août 2005 énonçait:

" Le contrat de coopération commerciale est une convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s'oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente "

et que, selon son alinéa 5, " le contrat unique ou les contrats d'application précisent la date à laquelle les services sont rendus, leur durée, leur rémunération et les produits auxquels ils se rapportent ";

Considérant que les lois du 3 janvier 2008 et du 4 août 2008, contrairement à ce qu'invoque et affirme la défense des deux personnes morales poursuivies, ont maintenu le formalisme applicable aux " services propres à favoriser la commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente " ; que l'analyse comparée de l'article L. 441-7 du Code de commerce dans ses versions successives suite aux promulgations des trois lois susvisées définit:

- que la loi du 3 janvier 2008 a prescrit la mention des mêmes précisions de date, de durée, de modalités d'exécution et de rémunération pour les services destinés à favoriser la commercialisation des produits des fournisseurs et pour les services distincts de ceux-ci, ces derniers étaient seulement exonérés de l'obligation de préciser les produits du fournisseur auxquels ils se rapportaient,

- que la loi du 4 août 2008, réunissant dans une même convention les trois catégories d'accords distingués par la loi du 2 août 2005, énonce que la convention " fixe les conditions dans lesquelles le distributeur s'oblige à rendre aux fournisseurs à l'occasion de la revente tout service propre précisant l'objet, la date prévue, les modalités d'exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elle se rapportent " d'une part' et que " les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services précisent, pour chacune, l'objet, la date prévue et les modalités d'exécution ", d'autre part;

Considérant que cette exigence légale de précision étant de droit positif, il est jugé par la cour que les lois du 3 janvier et 4 août 2008 ne comprenant pas de dispositions nouvelles plus douces concernant la détermination du contenu de la convention, n'ont pas modifié la définition des éléments constitutifs du délit et qu'est maintenue, notamment par l'emploi de la formule " une convention écrite " qui " fixe ", l'exigence de précision de son contenu et non la validation légale dans la convention de considérations imprécises dans le temps ou génériques dans leur contenu;

Considérant s'agissant de la caractérisation de l'élément matériel de l'infraction que la lecture des pièces versées aux débats caractérise, s'agissant des contrats dits de coopération commerciale, le caractère général des stipulations contractuelles ; qu'il s'impose qu'en réalité, les deux sociétés en cause ont conçu un contrat-type intitulé conseil intitulé " conseil et aide à l'élaboration personnalisée d'un plan promotionnel ";

Que selon ce contrat, serait rendu aux fournisseurs un service global de conseil et d'aide à l'élaboration personnalisée d'un plan promotionnel, comportant une présentation de la stratégie promotionnelle des enseignes du groupe X, la définition et l'élaboration d'une politique globale de promotion des marques et des produits du fournisseur et la sélection des solutions promotionnelles les plus adaptées (article 1.1 du titre I du contrat-type de partenariat);

Qu'ensuite et selon l'observation du ministre des Finances la définition d'un nombre déterminé de solutions promotionnelles (parmi lesquelles notamment la présentation de produits dans les prospectus publicitaires des enseignes, les opérations promotionnelles en magasin ou les opérations comportant l'offre de réductions de prix), ce nombre étant repris dans l'annexe 1.2 du contrat, décliné le cas échéant suivant les différentes enseignes concernées au sein du Groupe X ; les contrats prévoyant en annexe 3.1 le pourcentage du montant des achats réalisés auprès du fournisseur, constituant la rémunération convenue au titre de cette prestation globale;

Considérant qu'il s'impose qu'en dehors du nombre d'opérations à réaliser au sein de chaque catégorie de solutions promotionnelles, telles que listées dans les annexes 1.1 et 1.2 de l'accord de partenariat, les contrats ne comportent toutefois aucune indication relative à la date et à la durée des opérations prévues par les contrats;

Que l'annexe 1.2 stipule à cet égard que " il est précisé que préalablement à leur réalisation, ces opérations feront l 'objet d'une information au fournisseur précisant notamment le(s) produit(s) concerné(s), la date de l'opération et le cas échéant le nom du support. "

Qu'ainsi, tout en prétendant opter pour la solution du contrat de coopération commerciale unique, lequel doit comporter l'ensemble des mentions rendues obligatoires par le 5e alinéa de l'article L. 441-7, les sociétés X et Y se sont contentées d'y faire figurer des éléments extrêmement succincts et partiels, et renvoient pour l'indication des précisions permettant véritablement d'apprécier le contenu de la solution promotionnelle proposée, à un document qu'elles s'engagent à adresser ultérieurement au fournisseur, qui lui s'engage irrévocablement, au paiement d'un pourcentage du montant de ses ventes mais qui ne dispose d'aucun élément précis quant aux produits concernés par ces opérations, leur date et leur durée, précisions dont la détermination est en réalité laissée à la discrétion du distributeur;

Considérant que ce procédé est manifestement illégal en ce que les sociétés X et Y imposent à leur cocontractant le choix de déterminer, de manière précise, les services qu'elles s'engagent à rendre à la date de son choix et se réservent toute latitude pour les déterminer;

Considérant que ces pratiques commerciales sont l'équivalent d'une violation manifeste de la loi, support de la poursuite en ce que le fournisseur paie une prestation devant s'accomplir selon le bon vouloir du distributeur, et selon des modalités imprécises, inconnues au moment de la formulation du contrat;

Considérant, s'agissant des prestations de service distinct que le défaut de précision caractérise également les écrits qui en sont le support et la matérialisation;

Considérant que le premier service proposé intitulé " plan d'action par famille de produits " est rédigé en des termes génériques dépourvus de précision sur la nature des services, et des actions devant être accomplies à cet effet ; que les contrats, support matériel de la poursuite se bornent à reproduire des libellés généraux qui ne renseignent pas les fournisseurs sur les engagements ainsi souscrits par les deux distributeurs qui cependant et, ainsi que l'a justement fait observer le ministère des Finances, partie intervenante, a perçu des rémunérations dont la variabilité est conséquente ; de 2,3 % à 24 % du montant des achats pour la société X, de 3,5 % à 48,25 % pour la société Y;

Considérant que ce même caractère d'imprécision caractérise le " plan de développement des performances fournisseurs " (deuxième service), en ce que le montant des objectifs n'est pas précisé ainsi que la manière dont les informations et analyses du distributeur seront communiquées au fournisseur, laissé dans l'ignorance à partir de quel moment le service d'analyse de la performance sera disponible alors que la rémunération est elle, calculée à partir du 1er janvier 2006;

Considérant s'agissant du troisième service dit " plan d'implantation des produits par type de magasins " qu'il ne comprend pas la date à laquelle le fournisseur bénéficiera de ce service et quelles en seront les modalités pratiques;

Considérant que ce défaut renouvelé de précision sur les dispositions contractuelles précitées est une violation manifeste de l'article L. 441-7 du Code de commerce qui vise à assurer un exercice de la concurrence et de la fixation des prix de manière transparente (cf libellé du Livre Quatre et du Chapitre Premier du Code de commerce)

Considérant que les prétentions et argumentations des sociétés prévenues, outre qu'elles visent à imposer une interprétation des contrats incriminés contraires au contenu même des documents, occultent le systématisme du procédé, utilisé en l'espèce qui consiste en l'énonciation de formules-types et générales à propos de leurs obligations à l'égard des fournisseurs cantonnés dans une situation de subordination économique;

Considérant que les prétentions de la défense, telles que détaillées aux conclusions déposées, proposent une interprétation de l'article L. 441-7 du Code de commerce que la cour, pour ces motifs, juge infondées en droit; que l'élément matériel de l'infraction, est établi ;

Considérant s'agissant de l'élément intentionnel qu'il est conclu en son défaut de caractérisation (cf: conclusions déposées pages 10 et 11);

Considérant que le défaut de précision ci-dessus relevé qui concerne les aspects substantiels des contrats signés par les deux personnes morales avec leurs fournisseurs, ressortit en une pratique systématique mise en cause durant le temps retenu à la prévention par deux sociétés, professionnelles de longue date de la grande distribution se targuant au surplus " d'avoir une parfaite connaissance de la loi " (cf : conclusions);

Considérant que ce systématisme révèle une intention, communément partagée par les deux personnes morales poursuivies, de continuer à imposer à leurs fournisseurs la pratique des marges arrières dont l'illicéité est de droit positif;

Considérant, par ailleurs, que si les parties s'opposent à propos de la nature et du contenu des discussions que les deux personnes morales ont eu avec la DGCCRF, (la défense faisant état d'atermoiements et de difficultés d'interprétation d'une circulaire tardivement publiée suite à l'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2005 et la partie intervenante et la partie civile faisant elles état des désaccords à propos du libellé des contrats), il demeure que pour la cour, les énonciations du procès-verbal de la DGCCRF n'ont fait l'objet d'aucune réfutation décisive au stade de l'énonciation:

- que la Circulaire du 8 décembre 2005 allouait un temps allant jusqu'au 15 février 2006 pour permettre une révision des contrats,

- que le 18 janvier 2006, lors d'une entrevue, des manquements par les deux sociétés avaient été constatés par les agents de la DGCCRF,

- que ce constat a été renouvelé le 21 mars suivant;

Considérant qu'il se déduit de cette chronologie que nonobstant les recommandations émanant de l'autorité publique, les deux personnes morales ont perduré dans leurs pratiques, révélant ce faisant et, en l'absence d'impératif ou empêchements économiques majeurs, dont il serait justifié, leur intention délictuelle;

Considérant qu'à titre subsidiaire est invoqué l'article 122-3 du Code pénal aux motifs que " les modifications législatives intervenues dans le cadre de la définition des éléments matériels de l'infraction, les prises de positions multiples et contradictoires des pouvoirs publics, la publication de circulaire ajoutant ou retranchant à la loi, ont rendu extrêmement difficile la compréhension de ces textes;

Que dans ce contexte de confusion que les sociétés X et Y ont mis en place l'accord de partenariat 2006 dont elles ont pu croire qu'il était conforme aux dispositions de l'article L. 441-7 du Code de commerce";

Considérant que l'erreur sur le droit de la sorte invoquée procède de la seule lecture et analyse d'éléments de contexte par les prévenues non décisifs en l'espèce ; que le fait que la loi du 2 août 2005 et les textes ultérieurs ont été l'objet de prises de positions multiples ou contradictoires, est indifférent, l'exigence de précision ayant été maintenue en des termes clairs dans les rédactions successives de l'article L. 441-7 du Code de commerce;

Considérant pour ces motifs que le jugement entrepris sera confirmé sur la déclaration de culpabilité, les infractions ayant été commises pour le compte des deux personnes morales poursuivies;

Considérant sur la peine que le prononcé de la peine d'amende de cent cinquante mille euro est la sanction proportionnée des manquements commis ; qu'il n'y a lieu à ordonner une mesure de publication, les dispositions de l'article 131-39 du Code pénal n'étant pas applicables selon l'article L. 441-7 du Code de commerce; que le jugement entrepris sera sur ce point réformé;

Considérant sur les intérêts civils et en l'absence de toute contestation formalisée dans les conclusions de la défense, la cour retient l'appréciation des premiers juges qui, par une motivation appropriée, ont précisément caractérisé le dommage subi directement par la partie civile " UFC Que Choisir " du fait de la commission, par les deux personnes morales poursuivies du délit retenu à la poursuite ; que le jugement sera confirmé sur les intérêts civils;

Considérant qu'en cause d'appel, la partie civile justifie de frais irrépétibles exposés pour organiser et faire valoir son point de vue devant la cour ; qu'il est équitable de condamner la société X à payer à la partie civile, la somme de 1 200 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; le surplus des demandes de la partie civile étant rejetée;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre de la société X, de la société Y, personnes morales prévenues, de l'UFC Que Choisir, partie civile et de la Direction Départementale de la Concurrence et de Répression des fraudes (DDCCRF), partie intervenante, Reçoit les appels des prévenus, de la partie civile et du Ministère public, Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et le prononcé de l'amende de 150 000 euro envers la société X et la société Y, Les personnes condamnées n'étant pas présentes au jour du délibéré, l'avertissement prévu par les articles 707-2 et 707-3 du Code de procédure pénale, n'a pu être donné. Infirmant pour le surplus, Dit n'y avoir lieu au prononcé de la peine complémentaire de la publication du dispositif de la décision rendue, Sur l'action civile : Confirme le jugement attaqué, Y ajoutant, Condamne la société X à payer la somme de 1 200 euro à la partie civile UFC Que Choisir pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Rejette le surplus des demandes de la partie civile UFC Que Choisir.