Cass. com., 3 mars 2009, n° 07-21.586
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sofoc (SA)
Défendeur :
Delamare
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
Me Foussard, SCP Boré, Salve de Bruneton
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 octobre 2007), que la société Sofoc ayant mis fin au contrat la liant à M. Delamare avec exclusivité dans six départements dont l'Eure-et-Loir, ce dernier l'a assignée en paiement de commissions et d'une indemnité compensatrice ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Sofoc fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Delamare la somme de 131 679,53 euro à titre de rappel de commissions sur des chiffres d'affaires occultés alors, selon le moyen, que l'identification du client appartenant au secteur de l'agent commercial, au sens de l'article L. 134-6, alinéa 2, du Code de commerce doit se faire en considération de la localisation des activités commerciales effectives du client ; que dans l'hypothèse où une société, qui a son siège à Paris, constitue une centrale d'achats pour un groupe, il faut s'attacher, non pas à la localisation des plates-formes logistiques, simples lieux de transit, mais à la localisation des différents points de vente exploités par les différentes sociétés du groupe, dès lors que le propre de l'activité de la centrale d'achats est d'acheminer les marchandises dans ces différents points de vente et de les approvisionner ; que par suite, nonobstant la localisation d'une plate-forme logistique à Auneau, dans l'Eure-et-Loir, seules pouvaient être prises en compte les opérations concernant les points de vente situés dans le secteur de M. Delamare, à l'exclusion des opérations concernant les points de vente situés sur le territoire national et extérieurs au secteur de M. Delamare ; qu'en décidant le contraire pour inclure dans l'assiette des commissions toutes les opérations concernant les points de vente répartis sur le territoire national, les juges du fond ont violé l'article L. 134-6 du Code de commerce ;
Mais attendu, qu'après avoir énoncé que l'agent commercial chargé d'un secteur géographique a droit à commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec un client appartenant à ce secteur et que lorsque ce dernier est une personne morale, il importe de rechercher le lieu de ses activités commerciales effectives pour déterminer si elle appartient ou non au secteur dévolu à l'agent, l'arrêt retient que si la société qui constitue une centrale d'achats à laquelle la société Sofoc a vendu ses produits ayant donné lieu à la demande de commissions de M. Delamare, avait son siège social à Paris, elle avait comme seules activités commerciales celles de l'établissement d'Auneau, lieu situé dans le secteur de l'agent commercial où avaient été commandés et livrés ces produits, sans pouvoir localiser ces activités dans des magasins de détail qu'elle n'exploitait pas, et que si M. Delamare avait lui-même négocié ces ventes, il y aurait également procédé à Auneau ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte invoqué ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Sofoc reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Delamare la somme de 131 679,53 euro à titre de rappel de commissions sur des chiffres d'affaires occultés alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de l'article 6, alinéas 1 et 2, du contrat du 2 janvier 1989 : " En rémunération de ses services, M. Delamare recevra une commission de 8 % sur les produits permanents et de 5 % sur les produits promotion, et ce sur toutes les affaires traitées par lui dans son rayon d'action. Cette commission sera calculée sur tous les ordres directs et indirects passés par M. Delamare" ; qu'il résulte de ces stipulations claires et précises que ces taux étaient réservés aux seules affaires pour lesquelles il y a eu intervention, directe ou indirecte, de l'agent commercial ; qu'ils ne pouvait dès lors être appliqués s'agissant des affaires réalisées dans le secteur de l'agent commercial sans intervention de sa part, même indirecte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 134-5, alinéa 3, du Code de commerce ; 2°) que lorsque le taux de commission n'est pas contractuellement fixé, le juge est tenu de le déterminer, pour arrêter la rémunération, en fonction des usages et, en l'absence d'usages, en considération d'un taux raisonnable tenant compte de tous les éléments ayant trait aux opérations en cause ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche pour statuer sur le montant de la rémunération, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 134-5, alinéa 3, du Code de commerce ;
Mais attendu que la commission à laquelle l'agent commercial a droit pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec un client dans le secteur dont il est chargé est celle définie à l'article L. 134-5 du Code de commerce ; que l'arrêt, après avoir constaté que le contrat d'agent commercial stipulait un taux de commission de 8 % sur les résultats permanents et de 5 % sur les produits promotion sans qu'il soit prévu de taux différent pour les ventes effectuées dans le cadre d'un référencement, retient le taux de 8 % au titre des opérations occultées ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a fait l'exacte application des textes invoqués ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Sofoc fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Delamare la somme de 37 695 euro à titre d'indemnité compensatrice alors, selon le moyen : 1°) que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice que subit l'agent commercial, du fait de la rupture, pour n'être plus en mesure de disposer du revenu procuré par le réseau de la clientèle ; que l'indemnité allouée doit être à l'exacte mesure du préjudice subi et doit faire l'objet d'une appréciation concrète, cas par cas ; qu'en se référant à des usages, les juges du fond ont violé l'article L. 134-12 du Code de commerce ; 2°) que faute de s'être expliqués sur l'origine et le contenu des usages sur lesquels ils se fondaient, les juges du fond ont en tout état de cause privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 134-12 du Code de commerce ; 3°) que dès lors qu'elle doit être à l'exacte mesure du préjudice subi par l'agent commercial à raison de son impossibilité, à l'avenir et postérieurement à la rupture, de tirer des revenus du réseau de clients, il est exclu que la fixation du montant de l'indemnité soit liée à la durée d'exécution du contrat ; qu'en tenant compte de cette circonstance, les juges du fond ont de nouveau violé l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Mais attendu que se référant à un usage qui n'était pas contesté, la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice causé par la rupture des relations contractuelles en tenant compte de la durée du contrat et des commissions perçues pendant les deux dernières années ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.