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Décisions

Cass. com., 17 mars 2009, n° 08-14.503

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

Défendeur :

GlaxoSmithKline France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

Me Ricard, SCP Piwnica, Molinié

Cass. com. n° 08-14.503

17 mars 2009

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société GlaxoSmithKline France ; - Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2008), que saisi de pratiques mises en œuvre par le laboratoire Glaxo Wellcome France, devenu laboratoire GlaxoSmithKline France (Glaxo) sur le marché de certaines spécialités pharmaceutiques, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 07-D-09 du 14 mars 2007, retenu que le laboratoire Glaxo a enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE, lui a infligé une sanction pécuniaire et a ordonné des mesures de publication ; qu'après avoir défini les marchés pertinents comme étant celui des céphalosporines de deuxième génération administrables par injection, comprenant le céfuroxime sodique commercialisé par la société Glaxo, le céfamandole injectable commercialisé par la société Lilly France et des génériques de ces deux médicaments antibiotiques utilisés en milieu hospitalier pour la prophylaxie des infections pouvant survenir lors d'interventions chirurgicales, marché sur lequel le laboratoire Glaxo n'était pas en position dominante et celui de l'aciclovir injectable, anti-infectieux utilisé essentiellement en milieu hospitalier, pour traiter des infections à virus varicelle-zona ou à herpès et les méningo-encéphalites herpétiques, marché sur lequel le laboratoire Glaxo détenait une position dominante en raison d'un certificat complémentaire de protection expirant en septembre 2002, le Conseil a sanctionné ce laboratoire pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable, en pratiquant, en 1999 et 2000, des prix prédateurs sur le marché non dominé des céphalosporines de deuxième génération injectables afin de se bâtir une réputation d'agressivité destinée à retarder l'arrivée de génériques sur le marché de l'aciclovir injectable ;

Attendu que le ministre chargé de l'Economie fait grief à l'arrêt d'avoir réformé la décision n° 07-D-09 du Conseil et dit qu'il n'est pas établi que le laboratoire Glaxo a enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE, alors, selon le moyen : 1°) que l'existence d'un plan de prédation caractérisant un abus de position dominante est présumée lorsqu'une entreprise vend en dessous de ses coûts variables ; que la cour d'appel a constaté que la société GlaxoSmithKline avait vendu le Zinnat en dessous de son prix d'achat, qui est le premier des coûts variables ; qu'en se fondant sur le fait qu'un plan de prédation n'était pas démontré, quand il appartenait à la société GlaxoSmithKline d'établir l'absence de tout plan de prédation, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE ; 2°) qu'un plan de prédation constitue un abus de position dominante même s'il n'a pas eu d'effet concret ; qu'en se fondant sur le fait, inopérant, que des concurrents étaient entrés sur le marché de l'aciclovir, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE ; 3°) que sont constitutives d'abus de position dominante des pratiques de prédation sur un marché non dominé pour dissuader des concurrents d'entrer sur un marché dominé, dès lors que les deux marchés sont liés; qu'en se bornant à relever que les liens entre les marchés de l'aciclovir et du céfuroxime sodique étaient limités à des caractéristiques générales, sans montrer en quoi ces liens auraient été insuffisants pour que les prix prédateurs pratiqués sur le marché du céfuroxime aient été une barrière à l'entrée sur celui de l'aciclovir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE ;

Mais attendu que les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE présupposent l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif qui n'est normalement pas présent lorsqu'une pratique abusive est mise en œuvre sur un marché distinct du marché dominé ; que ces dispositions peuvent cependant trouver application notamment lorsque l'autorité de concurrence démontre l'existence de circonstances particulières telles celles relevées par la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt du 3 juillet 1991, Akzo Chemie BV, C-62-86, points 35 à 45) établissant que c'est pour renforcer sa position dominante sur un marché qu'une entreprise a mis en œuvre une pratique abusive sur un marché distinct qu'elle ne domine pas, ou telles celles relevées par la même cour (arrêt du 14 novembre 1996, Tetra Pak International, C-333-94, points 21 à 33) démontrant que des marchés présentent des liens de connexité si étroits qu'une entreprise se trouve dans une situation assimilable à la détention d'une position dominante sur l'ensemble des marchés en cause ;

Attendu qu'après avoir constaté que le laboratoire Glaxo a vendu à certains hôpitaux en 1999 et 2000, sous le nom de Zinnat injectable, du céfuroxime sodique classé parmi les céphalosporines de deuxième génération, à un prix inférieur à ses prix d'achat, l'arrêt relève que les liens entre le marché des céphalosporines de deuxième génération injectable, antibiotiques soignant des infections et le marché de l'aciclovir injectable, antiviral ayant un usage différent, sont limités à des caractéristiques générales résultant du fait qu'il s'agit de marchés hospitaliers non administrés ; qu'il précise qu'à l'exception des sociétés Panpharma et Ggam, les laboratoires susceptibles d'entrer sur le marché de l'aciclovir injectable n'étaient pas présents sur le marché du céfuroxime sodique ; qu'il retient qu'aucun élément n'établit que les concurrents potentiels du laboratoire Glaxo sur le marché de l'aciclovir injectable disposaient d'informations précises et complètes sur les prix pratiqués par les différents opérateurs sur le marché du céfuroxime sodique et sur les pertes du laboratoire Glaxo et donc de la possibilité d'interpréter la politique de prix mise en œuvre par le laboratoire Glaxo sur le marché des céphalosporines de deuxième génération injectables comme un signal d'agressivité destiné à les dissuader d'entrer sur le marché de l'aciclovir injectable ; qu'il ajoute que, contrairement à ce qu'a retenu le Conseil, les déclarations du représentant de la société Panpharma expliquant les raisons ayant conduit ce fabricant de génériques à ne pas entrer sur le marché de l'aciclovir injectable ne font pas référence au comportement du laboratoire Glaxo relativement au céfuroxime sodique ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir l'absence de circonstances particulières de nature à établir un lien entre le comportement de la société Glaxo sur le marché non dominé et la position dominante détenue par cette société sur l'autre marché, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel formé par la société GlaxoSmithKline France : Rejette le pourvoi principal.