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Décisions

Cass. com., 17 mars 2009, n° 07-19.780

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Runcar (SAS), Tropic Auto (SARL), Inter Réunion (SAS), Locamac (SAS), Location au bas prix (SARL), SGM location de voitures (SARL), Riss Car (SA), Foucque (SA), Camaloc (SARL), Sogerent (SA)

Défendeur :

International Trade Company (SARL), Stop Vo (SARL), Lemercier Bonsart (SARL), Régis Location (SARL), Devanne, Wein Location (SARL), Rivière, Tinelli-Tinelli (SARL), Société Touristique Souprayenmestry (SARL), RR (SARL), Prestige (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Jenny

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

Me Blondel, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

T. mix. com. Saint-Denis, du 30 juin 200…

30 juin 2004

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 1er juin 2007), que par arrêté interministériel du 17 décembre 1971, reconduit le 30 octobre 2002, l'Etat a donné en concession à la Chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (la CCIR), la construction, l'entretien et l'exploitation de l'aérodrome de Saint-Denis (Gillot) ; que la CCIR a conclu des conventions d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public aéroportuaire avec dix entreprises de location de véhicules, en contrepartie du paiement d'une redevance domaniale ; que les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au prix bas, SARL SGM location de voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent, entreprises de location de voiture, autorisées à exercer l'activité de location de voiture dans l'enceinte aéroportuaire de Gillot et bénéficiant de locaux à l'intérieur de l'aéroport en vue de l'exercice de leur profession ont assigné pour concurrence déloyale notamment les sociétés SARL International Trade Company (ITC) ITC, SARL Wein location, Mme Sylvaine Marie Rivière à l'enseigne "Bourbon Location", et la SARL Prestige, dont les sièges se situent à l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire, et qui, sans payer une redevance et disposer de locaux attribués par la CCI, livrent ou réceptionnent des véhicules de location dans cette enceinte ;

Attendu que les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au prix bas, SARL SGM location de voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que tout acte réglementaire ayant pour objet, dans un intérêt de police, de soumettre à une autorisation administrative préalable la possibilité d'exercer une activité industrielle ou commerciale constitue, par définition, une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie interdisant l'exercice de l'activité considérée à quiconque ne justifie pas de l'autorisation requise ; qu'en l'espèce, l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995, fixant les mesures de police applicables sur l'aérodrome de Saint-Denis Guillot, disposait que "aucune activité industrielle, commerciale ou artisanale ne peut être exercée à l'intérieur de l'aérodrome sans une autorisation spéciale délivrée par le gestionnaire de l'aérodrome et pouvant donner lieu au paiement d'une redevance" ; qu'en estimant, nonobstant les termes clairs et précis de ce texte prohibant toute activité commerciale à l'intérieur de l'aéroport sans autorisation du gestionnaire, que n'en résultait aucune "interdiction générale et absolue des activités commerciales autres que celles qui sont soumises à autorisation", que son "objet exclusif" était de "soumettre à autorisation préalable toute entreprise désireuse d'exploiter un fonds de commerce ou une succursale à l'intérieur des locaux gérés par la CCIR", et que dès lors, le simple fait, pour des entreprises non agréées exploitant un fonds de commerce ou une succursale à l'extérieur des locaux gérés par la CCIR, "d'accéder au domaine public aéroportuaire pour faire délivrance des véhicules loués à leurs clients et pour réceptionner ces véhicules à l'issue de la location, nonobstant la formalisation par écrit, au sein de cette enceinte ou à l'extérieur de celle-ci, de la rencontre des volontés des différentes parties au contrat", constituait "le prolongement d'une activité commerciale licite ne pouvant se voir attribuer la qualification d'acte de concurrence déloyale", la cour d'appel a violé, en dénaturant la portée générale que ses termes lui conféraient, l'article 33 de l'arrêté susvisé ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil par refus d'application ; 2°) que si le juge judiciaire a le pouvoir d'interpréter un acte administratif réglementaire, c'est à la double condition qu'existe une difficulté d'interprétation et que cette dernière ne mette pas en cause la légalité dudit acte ; qu'en énonçant "sur l'application de l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995", qu'il "devait être interprété dans le sens où son application n'entrave en rien le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, ce qui serait le cas d'une interdiction générale et absolue des activités commerciales autres que celles qui sont soumises à autorisation", ceci après avoir rappelé, tour à tour, "que tout acte réglementaire s'inscrit dans une hiérarchie normative qui impose de donner la prévalence aux normes supérieures", que "le principe de la liberté d'entreprendre, qui s'est vu consacrée valeur de règle constitutionnelle, ne saurait être préservé si des restrictions arbitraires et abusives y étaient apportées et s'il était restreint au point de méconnaître les dispositions de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen" et qu'il "appartient au juge judiciaire d'interpréter les limitations -réglementaires organisant l'activité commerciale à l'aune de cette liberté fondamentale", la cour d'appel qui, sous couvert d'interprétation, a réduit la portée de l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995 à ce qu'elle estimait compatible avec le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, s'est par cela même livrée, bien qu'aucune voie de fait n'ait été alléguée, à une appréciation de sa légalité, violant ainsi le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires posé par la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III ; 3°) que commet une faute constitutive de concurrence déloyale le concurrent qui exerce son activité commerciale sans l'autorisation administrative requise par les dispositions réglementaires qui lui sont applicables ; que saisie d'une action en concurrence déloyale fondée sur la désorganisation du marché inhérente aux activités commerciales exercées dans l'aéroport (conclusions de contrat de location, remise et restitution des véhicules loués) sans l'autorisation prévue par l'article 33 de l'arrêté du 28 juillet 1995, la cour d'appel, en retenant que "les entreprises agréées bénéficient d'une situation leur permettant de se répartir déjà 85 % de la clientèle aéroportuaire sur le marché de la location des véhicules sans chauffeur" et que "les loueurs non agréés, dont le siège de leur entreprise se situe à l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire, ne recherchent pas leur clientèle dans l'aérogare, où ils ne disposent d'aucun guichet, d'aucune enseigne et d'aucun parking privé réservé, ni d'aucun des avantages conférés aux loueurs agréés installés dans l'aérogare", s'est fondée sur des motifs inopérants, privant son arrêt de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995 organisant la gestion et l'occupation du domaine public de l'aéroport Gillot donnait lieu à des interprétations contradictoires par les parties, que s'il n'appartenait pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de cet acte réglementaire, il lui appartenait d'interpréter les limitations de l'activité commerciale qu'il organisait à l'aune du principe de la liberté d'entreprendre qui s'est vu consacrer valeur de règle constitutionnelle ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que cet article avait nécessairement pour objet de soumettre à autorisation préalable toute entreprise désireuse d'exploiter un fonds de commerce ou une succursale à l'intérieur des locaux gérés par la CCI et de disposer de toutes les facilités permettant l'exercice de cette activité et non pas de prohiber de manière générale les activités nécessaires, dans les espaces accessibles au public, à la liberté du commerce des commerçants de la place, la cour d'appel qui n'a nullement dénaturé l'article 33 de l'arrêté et ne s'est pas prononcée sur sa légalité mais l'a interprété strictement, a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en second lieu, que la troisième branche du moyen, qui critique un motif surabondant, est par là-même inopérante ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.