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Décisions

Cass. com., 17 mars 2009, n° 07-21.549

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Esso (SA)

Défendeur :

Bonnet (Sté), Bonnet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner

T. com. Paris, 9e ch., du 25 mars 2004

25 mars 2004

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 octobre 2007), que la société Esso SAF (la société Esso) a donné en location-gérance à la société Bonnet un de ses fonds de commerce de station-service ; que le contrat a été renouvelé ; que la société Esso l'ayant résilié avant son terme, la société Bonnet l'a assignée devant le tribunal de commerce en nullité des contrats de location-gérance et l'un de ses gérants, M. Bonnet, a demandé réparation de l'accident de santé dont il a été victime qui résulterait de l'annonce brutale de la rupture du contrat de location-gérance ; que M. Bonnet et Mme Bonnet, également gérante de la société Bonnet, ont saisi parallèlement la juridiction prud'homale pour obtenir de la société Esso diverses sommes et indemnités ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Esso fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré M. Bonnet recevable en sa demande à son encontre, en réparation du préjudice personnel qu'il aurait subi en raison de la rupture brutale et anticipée du contrat de location-gérance et d'avoir ordonné une expertise médicale, alors, selon le moyen : 1°) que le conseil de prud'hommes est, selon l'article L. 511-1 du Code du travail, compétent pour régler les différends qui peuvent s'élever entre employeurs et salariés à l'occasion du contrat de travail ; que l'article L. 781-1 du Code du travail dispose que les dispositions du même Code qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux catégories de travailleurs visés à son 2° ; que par une décision définitive en date du 1er mars 2005, la Cour d'appel de Bordeaux a jugé que M. Bonnet pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 781-1 2° du Code du travail dans ses rapports avec la société Esso au titre de son activité de gérant de station-service ; qu'il en résulte que la demande formée par M. Bonnet tendant à réparer le préjudice physique résultant de la rupture de la relation contractuelle avec la société Esso relevait de la compétence prud'homale, le fait prétendument originaire de son préjudice consistant en réalité dans la rupture d'une relation contractuelle soumise au droit du travail et non dans la rupture d'un contrat de location-gérance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que la demande formée par M. Bonnet se rattachait à un différend né à l'occasion d'une relation soumise au droit du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 et L. 781-1 2° du Code du travail ; 2°) que les gérants d'une société locataire-gérante d'une station-service ne peuvent cumuler dans leurs rapports avec la société pétrolière propriétaire du fonds de commerce le bénéfice de la qualité de commerçant de la personne morale et le bénéfice des dispositions de l'article L. 781-1-2° du Code du travail à titre individuel ; que viole le principe du non-cumul, les articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice, l'arrêt attaqué qui admet que M. Bonnet pouvait tout à la fois saisir la juridiction commerciale en sa qualité de gérant de la société Bonnet de sa demande d'indemnisation du préjudice physique ayant prétendument résulté de la brusque rupture du second contrat de location-gérance conclu entre elle et la société Bonnet, et la juridiction prud'homale à titre personnel d'une demande de réparation du même préjudice au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, afin de tenter d'obtenir deux fois la réparation du même prétendu préjudice ;

Mais attendu, que le moyen en sa première branche n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Et attendu, que l'arrêt retient que la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. Bonnet présentée devant la juridiction prud'homale ne peut être confondue avec celle en dommages-intérêts qu'il a formée devant le tribunal de commerce au titre des conséquences sur sa santé de la rupture brutale du contrat de location-gérance par la société Esso ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du principe du non-cumul et des textes invoqués ; que le moyen en sa seconde branche n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches : - Vu les articles 5 et 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour dire que les contrats de location-gérance étaient soumis aux dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce et les avoir annulés en raison du non-respect de ce texte et pour vice du consentement des cogérants de la société Bonnet, l'arrêt, après avoir énoncé les motifs de l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux qui, sur contredit d'une décision prud'homale, avait admis que les époux Bonnet pouvaient se prévaloir de l'article L. 781-1 du Code du travail et ceux de l'arrêt de la cour rejetant le pourvoi contre cette décision, et comparé les engagements d'exclusivité fixés par les articles L. 781-1 du Code du travail et L. 330-3 du Code de commerce, retient que l'exclusivité de l'exercice de l'activité de M. et Mme Bonnet reconnue par l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux qui a autorité de chose jugée, rend applicable l'article L. 330-3 du Code de commerce à la société Bonnet dont ceux-ci sont cogérants ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la demande dont elle était saisie n'avait pas le même objet que celle soumise à la Cour d'appel de Bordeaux, que les litiges n'opposaient pas les mêmes parties et que la référence aux motifs de l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, dépourvus de l'autorité de chose jugée, ne pouvait constituer le fondement de sa propre décision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que les contrats conclus entre les sociétés Esso et Bonnet étaient soumis aux dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, prononcé leur nullité pour non-respect de ce texte et vice du consentement des cogérants de la société Bonnet, remis les parties dans leur état antérieur et les a renvoyées devant le tribunal de commerce aux fins qu'il soit statué sur les conséquences des nullités et sur les rapports d'expertise, l'arrêt rendu le 17 octobre 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.