CA Paris, 5e ch. A, 14 janvier 2009, n° 06-21721
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Funel (ès qual.), Faivre-Duboz (ès qual.), Pierrette Guyot (Sté)
Défendeur :
Argos (SNC), Covea Risks (SA), Geneviève Lethu (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fèvre
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, SCP Arnaudy Baechlin
Avocats :
Mes Allouche, Saubole, Balon
Vu le jugement du 6 novembre 2006 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a, notamment, débouté Me Funel, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Pierrette Guyot, et Me Faivre-Duboz, ès qualités de représentant légal de cette dernière, de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre des sociétés Argos et Geneviève Lethu ainsi que de la compagnie SA Covea Risks;
Vu l'appel interjeté par Maîtres Funel et Faivre Duboz, en leur qualité respective susmentionnée, et leurs conclusions enregistrées le 11 septembre 2008 et tendant à la condamnation conjointe et solidaire des intimées au paiement de la somme de 646 270 euro en réparation du préjudice subi par la société Pierrette Guyot, outre les intérêts légaux capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil à compter de l'acte introductif d'instance;
Vu, enregistrées le 10 septembre 2007, les conclusions présentées par la société Geneviève Lethu et tendant à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation solidaire des appelants à verser 1 000 euro à titre des dommages et intérêts;
Vu, enregistrées le 10 septembre 2007, les conclusions présentées par la société Argos et tendant également à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation solidaire des appelants à verser 10 000 euro à titre de dommages et intérêts;
Vu, enregistrées le 29 mai 2008, les conclusions présentées par la SA Covea Risks et tendant à la confirmation du jugement;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, suivant contrat de franchise en date à Paris du 9 décembre 2002, la société Geneviève Lethu a concédé à la société Pierrette Guyot le droit d'exploiter un magasin portant l'enseigne " Geneviève Lethu " et sis à Menton ; que pour s'approvisionner en produits de la marque considérée, ainsi que l'exigeait le contrat de franchise, la société Pierrette Guyot s'est adressée à la société Argos dont les associés et le gérant étaient les mêmes que ceux de la société Geneviève Lethu ; que toutefois, par courrier du 30 septembre 2003, la société Argos a modifié ses conditions de paiement, exigeant de sa cliente un paiement 15 jours avant toute livraison ; qu'estimant que la société Argos lui avait ainsi imposé des conditions de ventes dérogatoires et non justifiées et que la société Geneviève Lethu avait également eu un comportement déloyal en ne recherchant pas de solution aux problèmes de trésorerie rencontrés par son franchisé, la société Pierrette Guyot les a, par acte des 29 décembre 2004 et 15 novembre 2005, assignées en réparation de son préjudice devant le Tribunal du commerce de Paris; qu'en cours de procédure et par jugement du 27 janvier 2005 le Tribunal du commerce de Menton devait prononcer la liquidation judiciaire de la société Pierrette Guyot et désigner Me Funel en qualité de liquidateur ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'après que la société SA Covea Risks, en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la société Argos, puis Me Faivre-Duboz, en sa qualité sus rappelée, furent intervenus à l'instance qu'a été rendu le jugement susvisé présentement entrepris;
Considérant que si les appelants invoquent, tout d'abord, à l'encontre de la société Argos l'impossibilité pour celle-ci de modifier ainsi qu'elle l'a fait ses conditions de paiement alors que " la société Pierrette Guyot n'était débitrice d'aucune somme envers son fournisseur ", il convient cependant de relever que les intéressées étaient liées par un contrat de fourniture par lequel la société Argos s'était engagée à livrer les marchandises commandées à charge pour le client d'en payer le prix selon les modalités et les délais convenus ; qu'en l'occurrence, dès les premières livraisons effectuées par la société Argos, de multiples incidents de paiement sont survenus tels le rejet le 10 juin 2003 d'une lettre de change de 50 077,48 euro ou celui d'une traite d'un montant de 14 191,14 euro et revenue impayée à deux reprises, les 10 et 30 août 2003; qu'au demeurant, dans une lettre adressée le 28 août 2003 à son franchiseur, la société Pierrette Guyot reconnaissait elle-même " qu'à ce jour la trésorerie se trouve mal en point et malheureusement n'a permis de régler l'échéance d'Argos dans les délais "; que, par suite et même si les incidents de paiement susmentionnés devaient être ultérieurement régularisés, la société Argos a pu, sans abus de droit et de façon strictement proportionnelle aux faits poursuivis, se prévaloir de l'inexécution par la société Pierrette Guyot de ses engagements, inexécution manifestée par des retards de paiement ou des règlements qui n'ont été effectués qu'après l'intervention d'une société de recouvrement de créances, et subordonner ses livraisons à leur paiement préalable; qu'en espèce, et contrairement aux dires des appelants, la société Argos n'a aucunement imposé à son partenaire des conditions de coopération commerciale " manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente " au sens de l'article L. 442-6-4 du Code de commerce ni essayé d'obtenir un quelconque " avantage " en profitant d'une prétendue " situation dominante " mais s'est bornée à tirer les conséquences de la répétition d'impayés et donc, de la méconnaissance d'une obligation essentielle attachée au contrat de fourniture litigieux ; qu'au surplus, la société Argos a, postérieurement au mois de septembre 2003, continué à assurer une partie de ses livraisons aux anciennes conditions de vente, excluant de ce fait toute brutalité dans la mise en œuvre de sa décision; que l'intéressée sera en conséquence, mise hors de cause ainsi que la compagnie d'assurances, la société Covea Risks,
Considérant, en deuxième lieu, que si les appelants soutiennent également que la société Geneviève Lethu avait, elle-même, fait preuve de mauvaise foi " en participant ouvertement à la modification des conditions de ventes subies " par la société Pierrette Guyot et " en confirmant cette modification alors qu'elle avait parfaitement conscience du déséquilibre qu'elle provoquait dans le contrat de franchise ", il a été ci-dessus démontré qu'aucune faute contractuelle ne pouvait être retenue à l'encontre de la société Argos ; que, par suite, la société Geneviève Lethu ne saurait se voir reprocher une éventuelle participation à un comportement fautif de cette dernière ou reprocher une éventuelle déloyauté en la matière ; que, bien au contraire, il échet de relever que le contrat de franchise liant les sociétés Geneviève Lethu et Pierrette Guyot disposait en son article 5-3-7 que " le franchisé s'engage à régler à ses fournisseurs dans les délais et conditions convenus tout achat effectué par lui "; que, dès lors, en ne payant pas ses achats conformément auxdites stipulations, la société Pierrette Guyot a non seulement contrevenu à ses obligations avec son fournisseur mais, aussi, et nécessairement méconnu celles découlant du contrat de franchise;
Considérant, enfin, que si les sociétés intimées Argos et Geneviève Lethu sollicitent l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive, elles ne justifient pas d'un préjudice subi de ce chef et qui n'aurait pas déjà été indemnisé par les sommes allouées à cet effet par les premiers juges; que leurs demandes présentées à ce titre en cause d'appel seront, dès lors, rejetées;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter les appelants de l'ensemble de leurs prétentions dirigées contre les intimées à l'endroit desquelles aucune faute ne saurait être utilement retenue, le surplus des prétentions des sociétés Argos et Geneviève Lethu étant également rejeté;
Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives, Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de procédure collective avec droit de recouvrement direct au profit des SCP Taze-Bernard-Broquet et Arnaudy-Baechlin, avoués. Dit n'y avoir lieu, pour des raisons d'équité, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties au litige.