CA Paris, 1re ch. P, 31 mars 2009, n° 09-03794
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
France Télécom (SA), Orange Sports (SA)
Défendeur :
Free (SAS), Neuf Cegetel (SA), Ligue de football professionnel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blum
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Duboscq-Pellerin, Mes Teytaud, Olivier
Avocats :
Mes Calvet, Théophile, Chartier, Fréget, Gunther
Par jugement du 23 février 2009, assorti sur ces chefs de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a, entre autres dispositions, non seulement ordonné une mesure d'expertise aux frais avancés des sociétés Free et Neuf Cegetel, mais encore fait injonction, sous astreinte, à la société France Télécom de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un abonnement Internet haut débit Orange;
Appelantes de cette décision, la société France Télécom et la société Orange Sports demandent, au visa de l'article 524-2° du Code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire de la mesure d'interdiction dont la poursuite aurait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où, alors que la motivation, quasi-inexistante sur ce point, est de surcroît contradictoire et que l'affaire doit être plaidée au fond à jour fixe le 30 avril 2009, la mise en œuvre de l'injonction se heurtera à des difficultés considérables et aura pour effet de brouiller, de manière irréversible, l'image de France Télécom dont la stratégie sera condamnée à court terme, dans la mesure encore où l'injonction aboutit à interdire à la seule France Télécom une pratique usuelle y compris pour ses concurrents, aucun acteur du secteur ne proposant de manière séparée une chaîne ou un service indépendamment de l'abonnement à une offre multiservices, et à lui imposer, dans un délai d'un mois, de bouleverser une pratique courante ce qui est totalement disproportionné, dans la mesure enfin où l'offre Orange Sport incriminée, qui concerne moins de 4 600 clients par mois, a des effets dérisoires pour les sociétés Free et Neuf Cegetel au regard de la réussite affichée par celles-ci, ce qui souligne le caractère totalement et manifestement disproportionné de l'exécution provisoire imposée dans la perspective de l'appel à jour fixe. Elles sollicitent la condamnation des sociétés Free et Neuf Cegetel à leur payer, à chacune, la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'association Ligue de Football Professionnel s'associe aux demandes des sociétés France Télécom et Orange Sports en faisant valoir qu'ayant été déclarée recevable en son intervention volontaire accessoire en première instance et ayant été assignée dans le présent référé, elle entend veiller à la bonne exploitation des droits de la Ligue I et démontrer que l'exécution provisoire ordonnée, en ce qu'elle est susceptible de générer des conséquences disproportionnées et irréversibles au détriment de la stratégie de France Télécom en matière de télévision payante, risque d'affecter également de manière irréparable l'économie entière du secteur et plus particulièrement la situation de la LFP et des autres détenteurs de droits.
La société Free, d'une part, la société Neuf Cegetel, d'autre part, soulèvent l'irrecevabilité de "l'intervention volontaire" de la Ligue de Football Professionnel et s'opposent pour le surplus à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire en l'absence de conséquences manifestement excessives qui seraient démontrées. Elles sollicitent, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, pour la société Free, la condamnation de la société France Télécom, de la société Orange Sports et de la Ligue de football Professionnel à lui payer, chacune, la somme de 15 000 euro et pour la société Neuf Cegetel, la condamnation des sociétés France Télécom et Orange Sports à lui payer la somme de 12 000 ainsi que celle de la Ligue de Football Professionnel à lui payer la somme de 7 000 euro.
Sur ce,
Attendu qu'il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable "l'intervention volontaire" de la Ligue de Football Professionnel, qui partie au jugement frappé d'appel, a été intimée par les sociétés France Télécom et Orange Sports, appelantes, puis assignée par celles-ci dans la présente instance à laquelle elle a vocation à être partie;
Attendu qu'en application de l'article 524-2° du Code de procédure civile, l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges ne peut être arrêtée en cas d'appel que si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ce caractère manifestement excessif ne doit être apprécié qu'au regard du débiteur et non au regard de la régularité ou du bien fondé du jugement frappé d'appel ; que le moyen tiré d'une motivation de l'exécution provisoire prétendument quasi-inexistante ou contradictoire est inopérant ; que plus généralement, le délégataire du premier président, saisi d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire au visa du texte susvisé, ne peut se substituer implicitement à la cour, qui en l'espèce, aura à connaître du litige dans un mois, pour apprécier la légalité invoquée de l'offre Orange Sport et le sérieux de l'un ou l'autre des moyens développés au fond;
Attendu que France Télécom soutient se trouver dans l'incapacité technique de déférer à l'injonction dans des conditions conformes aux termes du jugement, mettant en avant le fait que sa mise en œuvre lui imposerait la mise en place, au surplus coûteuse, d'une offre au rabais dégradée et condamnerait en outre sa stratégie à court terme en brouillant de façon irréversible son image ; que cependant, l'injonction qui lui a été faite de "cesser de subordonner" l'abonnement à la chaîne Orange Sport "à la souscription d'un abonnement internet haut débit Orange" n'implique pas l'arrêt de la diffusion de sa chaîne auprès de ses anciens clients ainsi que l'admettent Free et Neuf Cegetel, ni la modification immédiate des conditions techniques actuelles de diffusion dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur le fond ; que France Télécom ne démontre dès lors pas que la poursuite de l'exécution provisoire se heurte à une impossibilité technique;
Attendu que France Télécom relève exactement que le tribunal de commerce "n'a aucunement enjoint la mise à disposition de l'offre Orange Sport" à ses concurrents ; qu'elle ne prouve pas en quoi la poursuite de l'exécution provisoire de l'interdiction qui lui a été faite par les premiers juges et qui tient, en l'état, à l'arrêt d'une commercialisation jugée fautive, conduirait à la ruine de son image, à des conséquences disproportionnées, y [compris] au regard de la pratique usuelle du secteur qu'elle allègue, ou irréparables alors même qu'elle indique, parmi les seuls éléments chiffrés qu'elle donne sur la commercialisation de l'offre Orange Sport litigieuse, avoir eu jusqu'à présent de l'ordre de 4 600 nouveaux clients par mois ce qu'elle qualifie elle-même de "dérisoire" et qu'en cas d'infirmation du jugement frappé d'appel à jour fixe, elle pourra reprendre la commercialisation selon les modalités antérieures;
Attendu enfin que la Ligue de Football Professionnel à l'encontre de laquelle aucune injonction ni condamnation n'a été prononcée n'est pas fondée à invoquer, dans le cadre du présent référé, les conséquences manifestement excessives que l'exécution provisoire auraient indirectement pour elle;
Attendu qu'il convient en conséquence et considération étant prise de ce que la procédure à jour fixe va permettre de trancher rapidement le fond du litige, de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire;
Attendu que France Télécom et Orange Sports seront condamnées solidairement aux dépens ; que vu l'article 700 du Code de procédure civile, l'ensemble des demandes à ce titre sera rejeté.
Par ces motifs, Rejetons le moyen d'irrecevabilité invoqué à l'encontre de la Ligue de Football Professionnel; Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire; Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamnons solidairement les sociétés France Télécom et Orange Sports aux dépens du présent référé.