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Décisions

Cass. crim., 24 février 2009, n° 08-84.410

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farge (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Agostini

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan

Aix-en-Provence, 5e ch., du 7 mai 2008

7 mai 2008

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Jacques, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 7 mai 2008, qui, pour opposition à l'exercice des fonctions d'enquêteurs habilités par le ministre chargé de l'Economie, l'a condamné à 3 000 euro d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7, 8, 6 § 1 et 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des articles L. 450-1 et L. 450-8 du Code de commerce, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que la cour d'appel a déclaré Jacques X coupable d'obstacle au contrôle des agents de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et, en répression, l'a condamné à une amende de 3 000 euro ;

" aux motifs qu'au soutien de son appel, Jacques X fait valoir que les agents de l'administration ne lui ont pas fait connaître l'objet de leur enquête, ni n'ont fait de réclamation écrite, qu'ils n'ont, en conséquence, pas fait preuve de loyauté dans l'enquête, n'hésitant pas à demander communication de son entier fichier client ce qui porte atteinte aux libertés individuelles ; que les premiers juges, par des motifs que la cour adopte, ont exactement retenu et qualifié l'ensemble des faits reprochés, relevant que le prévenu en persistant dans son refus de communiquer les documents contractuels qui lui avaient été demandés dans leur intégralité, avait de ce seul fait commis le délit qui lui était reproché sans pouvoir invoquer la protection des libertés individuelles de ces clients s'agissant d'une communication d'information faite à une administration investie de pouvoir d'enquête ; qu'il convient d'ajouter que les agents de la DDCCRF des Bouches-du-Rhône ont agi correctement et dans les limites des pouvoirs que leur confèrent les dispositions de l'article L. 215-3 du Code de la consommation leur permettant d'exiger la communication des documents de toute nature propres à l'accomplissement de leur mission ; que le jugement déféré sera confirmé sur la culpabilité (arrêt, p. 4, § § 2-5) ;

" alors que, d'une part, le délit d'opposition aux fonctions prévu et réprimé à l'article L. 450-8 du Code de commerce se caractérise par une attitude d'obstruction brutale et injustifiée ; qu'à l'inverse, ne s'oppose pas à l'exercice des fonctions des agents habilités, la personne qui refuse de leur communiquer les documents demandés en motivant son refus, fût-ce par des motifs qui, à l'analyse, apparaîtraient comme erronés ; qu'en retenant Jacques X dans les liens de la prévention, tout en constatant qu'il avait motivé son refus de communiquer aux enquêteurs les documents dans leur intégralité par la protection des libertés individuelles de ses clients, ce dont il résultait qu'il n'avait pas l'intention de s'opposer indûment à l'exercice des fonctions des agents de la DDCCRF, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

" alors que, en tout état de cause, constitue une atteinte à la substance même du droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination le fait de condamner une personne qui refuse de communiquer des documents susceptibles de conduire à son incrimination ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la méconnaissance du droit de ne pas s'auto-accuser ne résultait pas de ce que l'article L. 450-8 du Code de commerce sanctionne pénalement le fait de refuser de fournir des documents susceptibles de conduire à la constatation d'infractions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en mai 2005 des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, habilités par le ministre chargé de l'Economie à procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage, ont convoqué Jacques X dans les locaux administratifs et lui ont demandé de leur communiquer divers documents professionnels afférents à l'activité de vente et d'installation d'antennes satellites et de matériel numérique de la société dont il est le gérant ; que l'intéressé leur a remis copie des documents contractuels sollicités après en avoir occulté diverses mentions, et notamment celles relatives aux coordonnées personnelles et bancaires des clients, des démarcheurs ou des livreurs ; que, pour avoir refusé de communiquer les documents demandés dans leur intégralité, Jacques X a été poursuivi du chef d'opposition à l'exercice des fonctions d'enquêteurs habilités par le ministre chargé de l'Economie, délit prévu et réprimé par l'article L. 450-8 du Code de commerce ;

Attendu que, pour le déclarer coupable, l'arrêt confirmatif énonce, par motifs propres et adoptés, que le secret professionnel comme la protection des libertés individuelles des clients ne peuvent être opposés aux enquêteurs, qui sont soumis à un devoir de discrétion et qui tiennent de la loi le pouvoir d'exiger la communication de documents de toute nature propres à l'accomplissement de leur mission ; que les juges relèvent que le refus de communiquer les documents contractuels dans leur intégralité, qui a empêché les enquêteurs de vérifier l'application de la réglementation en matière de démarchage à domicile, constitue le délit poursuivi ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent le délit prévu et réprimé par l'article L. 450-8 du Code de commerce, lequel consiste en une obstruction, de quelque nature que ce soit, apportée aux demandes d'un fonctionnaire de contrôle tendant à l'empêcher de procéder aux enquêtes dont il est chargé, la cour d'appel a justifié sa décision, sans porter atteinte au droit au silence garanti par les dispositions conventionnelles visées au moyen ; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.