Ministre de l’Économie, 4 mars 2009, n° ECEC0906584S
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Quebecor
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 3 octobre 2008, vous avez notifié la prise de contrôle conjoint par les sociétés de droit néerlandais Hombergh Holding BV (ci-après " Hombergh ") et De Pundert Ventures BV (ci-après " De Pundert "), des sociétés de droit français Brodard Graphique SA, Imprimeries Maury SA, Key Graphic SASU, Maury Imprimeur SAS, Normandie Roto Impression SASU et Roto France Impressions SASU, Mauryflor SA (sociétés ci-après collectivement dénommées " Maury "). Cette acquisition intervient par le biais du rachat de 100% du capital social des six premières sociétés et de [80-90] % de celui de Mauryflor SA (1) par Circle Printers Holding* SA (ci-après " Circle Printers ") anciennement Quebecor World France SA, société contrôlée par Quebecor World European Holding SA (ci-après " QWE "), elle-même récemment acquise conjointement par Hombergh et De Pundert (2). Elle a été formalisée par un contrat de cession d'actions signé le 29 juillet 2008.
Au terme de l'instruction en première phase, le ministre chargé de l'Economie a estimé que cette concentration pouvait présenter des risques d'atteinte à la concurrence. Par lettre en date du 7 novembre 2008, il a saisi pour avis le Conseil de la concurrence. Le Conseil a rendu son avis le 6 février 2009 (avis n° 09-A-01, ci-après " l'Avis "), joint à la présente décision. L'Avis conclut au fait que l'opération de concentration qui lui a été soumise n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés.
Le bilan concurrentiel effectué par le Conseil concerne les marchés de l'impression des magazines, du façonnage des magazines et celui du routage des magazines, marchés susceptibles d'être affectés par l'opération. Le Conseil constate que les parts de marché de la nouvelle entité issue de l'opération demeurent limitées sur chacun de ces marchés et en conclut que la concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur l'un d'entre eux.
Le Conseil a analysé subsidiairement les effets de l'opération sur un marché " hypothétiquement " restreint au segment des cahiers " chauds " des magazines dont l'impression est confiée à des imprimeurs de magazines situés dans un rayon de tout au plus 250 km autour de Paris. Constatant que la forte position des parties sur ce segment ne serait que faiblement renforcée par l'opération et que les éditeurs conserveraient un fort pouvoir de marché par rapport à la nouvelle entité, il conclut au fait que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le segment considéré.
1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION
Hombergh est une holding détenant des participations dans des entreprises actives dans les produits et services liés à l'environnement, et dans les secteurs de l'acier, du béton précontraint ou encore de la tréfilerie. En 2007, le chiffre d'affaires mondial total hors taxes non consolidé de Hombergh s'est élevé à 608,3 millions d'euro, dont 150,9 millions d'euro réalisés en France.
De Pundert est une holding et une société d'investissement détenant des participations dans des entreprises actives dans les secteurs de l'énergie, de la viande et de l'acier. En 2007, le chiffre d'affaires mondial total hors taxes non consolidé de De Pundert s'est élevé à 521,2 millions d'euro, dont 149,9 millions d'euro réalisés en France.
En 2008, Hombergh et De Pundert ont conjointement acquis QWE, active dans le secteur de l'imprimerie. Hormis QWE, Hombergh et De Pundert ne détiennent pas de participations directes ou indirectes dans des sociétés actives dans le secteur de l'imprimerie, ni dans des sociétés actives sur des secteurs amont, aval ou connexe au domaine de l'imprimerie.
Maury, contrôlé exclusivement par la société Maury Holding SA, est également actif dans le secteur de l'imprimerie. En 2007, le chiffre d'affaires mondial total hors taxes consolidé de Maury s'est élevé à 218,5 millions d'euro, entièrement réalisés en France.
L'opération consiste en l'acquisition par Circle Printers de la totalité des actions de Maury (3). Le contrat de cession a toutefois été signé entre Maury Holding SA et la société Vadeho II BV (ci-après " Vadeho ") (4). Conformément au contrat de cession, il est prévu que soit Vadeho se substituera à Circle Printers antérieurement au transfert de propriété des actions de Maury, soit Vadeho cèdera à Circle Printers la totalité des actions de Maury, aussi rapidement que la loi et la réglementation le permettent, à l'issue du transfert de propriété. Dès lors, en dépit du fait que le contrat de cession ait été conclu entre Maury Holding SA et Vadeho, Circle Printers détiendra nécessairement, à l'issue de l'opération, les actions de Maury.
En ce qu'elle entraîne la prise de contrôle exclusif de Maury par Circle Printers, la présente opération constitue bien une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.
2. LES MARCHÉS CONCERNÉS
QWE et Maury sont actifs dans le secteur de l'imprimerie dite " de labeur ", par opposition à l'impression de journaux périodiques dite " de presse ". L'institut d'études XERFI distingue plusieurs catégories de travaux d'imprimerie de labeur, soit les travaux d'impression i) d'imprimés publicitaires et de catalogues, ii) d'imprimés d'emballages, iii) de magazines, iv) d'imprimés en continu (chéquiers, billets de loto, etc.), v) d'imprimés administratifs et commerciaux, vi) de livres.
QWE et Maury interviennent sur une partie des productions de l'imprimerie de labeur que sont les magazines et les imprimés publicitaires et catalogues. Ils possèdent également des activités de façonnage (5) et de routage de presse (6).
2.1. Les marchés de l'impression
2.1.1. Distinction entre magazines d'une part et catalogues et imprimés publicitaires d'autre part
Le secteur de l'imprimerie de labeur a déjà été analysé par les autorités de concurrence tant nationale (avis du Conseil de la concurrence n° 02-A-01 en date du 15 février 2002 relatif à l'acquisition de la société European Graphic Group ou E2G, filiale de Hachette Filipacchi Presse par la société Imprimerie Quebecor France) que communautaire (notamment les décisions n° COMP/M.3322 Polestar/Prisa/Inversiones Ibersuizas/JV du 15 décembre 2003, n° COMP/M.3178 Bertelsmann/Springer/JV du 3 mai 2005 et n° COMP/M.4893 Quebecor World/RSDB du 14 décembre 2007).
Ces autorités ont considéré que la fabrication de catalogues, imprimés publicitaires et magazines constituaient un métier différent de la fabrication des autres imprimés de l'imprimerie de labeur (livres, affiches, emballages, etc.), avec une spécialisation des entreprises pour des raisons d'équipements techniques spécifiques. Du point de vue de la demande, les donneurs d'ordre ne sont pas les mêmes.
La pression concurrentielle qui s'exerce sur les éditeurs de magazines est par ailleurs d'une nature différente de celle qui s'exerce sur les sociétés passant commande de catalogues et imprimés publicitaires. Les impératifs de fabrication en termes de délais, de contenu, de volume de tirage et de pagination et les exigences particulières aux magazines en matière de finition et de distribution rendent le travail et le rapport au donneur d'ordres très différents pour l'imprimeur et les autres opérateurs.
Le test de marché a confirmé que les éléments d'analyse qui avaient précédemment conduit le Conseil à distinguer l'impression des magazines, d'une part, et celle des catalogues et imprimés publicitaires, d'autre part, n'ont pas évolué de façon significative sur la période récente.
Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause la distinction opérée par la pratique décisionnelle passée.
2.1.2. Impression par héliogravure et par offset
Il ressort des constats effectués par les autorités de concurrence que l'imprimerie de labeur utilise deux techniques d'impression, l'offset et l'héliogravure, qui offrent chacune des spécificités en termes notamment de capacités, qualité, coût de revient. Par ailleurs, les prestations d'impression présentent des contraintes particulières selon les types de produits concernés.
A cet égard, le Conseil de la concurrence a constaté dans son avis n° 02-A-01 que les contraintes concurrentielles semblaient pour partie différentes entre l'impression de prospectus et de catalogues de grand tirage d'une part, et l'impression de magazines d'autre part, distinguant ces deux marchés. La Commission avait, pour sa part, dans ses décisions de 2003 COMP/M.3322 Polestar Prisa/Inversiones Ibersuiza/JV et COMP/M.3178 Bertelsmann/Springer/JV, considéré que, pour les magazines, des marchés distincts devaient être délimités en fonction du procédé utilisé en se fondant sur les différences de capacités, de vitesse d'impression, de structure de coûts, de format et de qualité d'impression. L'impression en héliogravure, qui se caractérise par des coûts fixes plus importants mais des coûts variables d'opération plus faibles, est de ce fait plus adaptée aux commandes portant sur l'impression d'un grand nombre d'exemplaires à forte pagination, tandis que la méthode offset est généralement réservée aux faibles tirages. Dans la décision Bertelsmann/Springer/JV, la Commission a conclu que les contraintes spécifiques imposées aux magazines justifiaient la délimitation de marchés distincts de ceux des catalogues et imprimés publicitaires. La Commission avait ainsi défini quatre marchés pertinents :
- l'impression héliogravure de catalogues et prospectus à grand tirage (plus de 400 000/450 000 exemplaires et/ou plus de 64 pages),
- l'impression offset de catalogues et prospectus à faible tirage,
- l'impression héliogravure de magazines à grand tirage (plus de 360 000 exemplaires identiques et plus de 32 pages par exemplaires) et,
- l'impression offset de magazines à faible tirage.
Dans la décision Quebecor World/RSDB du 14 décembre 2007, la Commission a constaté que, tant en héliogravure qu'en offset, les évolutions technologiques s'étaient poursuivies à un rythme rapide et étaient désormais susceptibles de remettre en cause les délimitations précédemment retenues. En particulier, du fait de l'augmentation de la capacité des rotatives offset, cette technique peut être utilisée concurremment à l'héliogravure pour les tirages faibles à moyens de magazines d'un nombre de pages restreint. Cependant, la Commission a, dans cette décision, laissé ouverte la délimitation exacte d'un éventuel marché de l'impression hélio et offset de magazines de faible tirage et de faible pagination.
Les techniques d'impression tant en offset qu'en hélio ont effectivement connu sur la période récente des évolutions technologiques significatives pour le jeu de la concurrence sur les marchés en cause.
En premier lieu, la capacité des machines offset s'est grandement accrue avec l'arrivée de rotatives offset de grande pagination qui permettent d'imprimer des cahiers comprenant un nombre de pages plus important. Auparavant limitée à 48 pages, la capacité des rotatives offset peut désormais atteindre 64 ou 72 pages, voire 96 ou 128 pages lorsqu'elles sont couplées deux à deux. Si les capacités absolues des rotatives hélios dépassent encore actuellement celles des rotatives offset, cet écart s'est de ce fait considérablement réduit ces dernières années. Par ailleurs les rotatives offset ont une rapidité de roulage identique à celle des rotatives hélios.
En deuxième lieu, la qualité d'impression du procédé offset a considérablement progressé ; des améliorations ont porté notamment sur la qualité des encres et des mouillages. Désormais, les deux techniques d'impression présentent globalement la même qualité et ont chacune leurs points forts (images mieux restituées pour l'hélio, textes mieux imprimés pour l'offset). Quant à l'usure des formes imprimantes et à la baisse de qualité qui peut en résulter, si l'hélio offre effectivement une qualité régulière, et si l'offset présente toujours l'inconvénient d'une usure progressive de la plaque, celle-ci n'implique un changement de plaque qu'après l'impression de 800 000 à 1 million d'exemplaires ; ce handicap n'affecte donc que les tirages très importants.
En troisième et dernier lieu, si les coûts d'investissement demeurent plus élevés en héliogravure qu'en offset, le coût de l'impression hélio a néanmoins diminué pour le donneur d'ordre. En effet, la mise en place de procédures de gravure rapide des cylindres hélio a considérablement réduit le temps nécessaire et donc le coût du calage (7). Cette réduction du temps de gravure a également permis d'augmenter le temps d'utilisation effectif des rotatives hélios. Néanmoins, le temps nécessaire avant roulage demeure plus court en offset qu'en hélio (2h contre 8h).
Au total, les prix de calage et de roulage des rotatives hélios et offset se rapprochent même s'ils demeurent généralement plus élevés en hélio. Pour les petits tirages, une rotative offset reste plus rentable mais, dès que le nombre d'exemplaires tirés ou la pagination deviennent importants, la rotative hélio gagne en compétitivité. Entre les deux, une zone se dessine où les deux techniques peuvent se révéler également rentables, du strict point de vue des coûts exposés.
Ces évolutions technologiques ont modifié les conditions du choix entre une impression offset et une impression héliogravure. Les rotatives offset sont mieux à même de représenter un substitut crédible à l'hélio pour de moyens-grands tirages tandis que les imprimeurs hélio peuvent désormais se positionner sur des tirages moyens. Les très grands tirages semblent néanmoins demeurer l'apanage de l'hélio tandis que les petits tirages demeurent celui de l'offset.
Ces évolutions technologiques sont donc susceptibles de modifier la pratique décisionnelle antérieure en matière de délimitation des marchés pertinents.
2.1.3 Les marchés de l'impression des catalogues et imprimés publicitaires
Dans l'avis n° 02-A-01 précédemment mentionné, le Conseil avait estimé que les techniques d'impression en héliogravure et en offset n'étaient pas substituables pour le marché des catalogues et des prospectus et avait défini un marché pertinent de l'impression par héliogravure pour les grands tirages et un marché pertinent de l'impression offset pour les faibles tirages.
Si, du fait de l'évolution des technologies constatée plus haut, cette délimitation était affinée en retenant une zone intermédiaire au sein de laquelle les deux techniques seraient substituables, on pourrait alors distinguer un marché de l'impression offset pour les tirages inférieurs à 350 000 exemplaires, un marché de l'impression offset et héliogravure pour les tirages compris entre 350 000 et 2 millions d'exemplaires, et un marché de l'impression héliogravure pour les tirages supérieurs à 2 millions d'exemplaires.
Au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de délimiter plus précisément ces marchés, dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées : l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l'impression des catalogues et imprimés publicitaires.
2.1.4. Les marchés de l'impression des magazines
2.1.4.1 Les critères du nombre d'exemplaires à tirer et du nombre de pages
La pratique décisionnelle récente de la Commission distingue plusieurs marchés de l'impression des magazines en fonction du nombre d'exemplaires auquel le magazine est tiré et de son nombre de pages, critères qui déterminent le procédé d'impression le plus rentable, héliogravure ou offset.
Les données recueillies dans le cadre de l'instruction sur l'évolution des technologies offset et hélio conduisent à relativiser la non substituabilité des deux procédés pour l'impression des magazines, constatée par la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.
Une zone intermédiaire entre tirages élevés et faible tirages, pour laquelle les deux techniques seraient substituables, pourrait ainsi être identifiée.
Des simulations comparatives des prix d'impression hélio et offset selon le nombre d'exemplaires tirés ont été effectuées par le Conseil de la concurrence sur la base des tarifs des entreprises parties à l'opération. Différents scénarios ont ainsi été mis au point en fonction de la pagination du cahier à imprimer et du type de technique d'impression, ainsi que du type de rotative au sein des deux techniques d'impression. Ces simulations indiquent que pour les tirages inférieurs à 300 000, le choix d'une impression offset est plus rentable, pour les tirages supérieurs à 1 000 000, l'impression en hélio est toujours plus rentable et pour les tirages intermédiaires, l'une ou l'autre technique peut être efficace en fonction de la pagination mais aussi du type de rotative disponible. En outre, le seuil de 1 000 000 est justifié par l'usure des formes imprimantes en offset.
L'examen des données communiquées par les éditeurs et les imprimeurs d'une part et le test de marché d'autre part confortent cette analyse, même si en ce qui concerne le seuil à partir duquel l'héliogravure vient concurrencer l'offset, l'avis des acteurs du marché est nuancé. Les acteurs du marché estiment en tout état de cause qu'au-dessus de 1 million d'exemplaires l'héliogravure devient la seule technique envisageable. Au regard de ces éléments, il paraît pertinent de retenir en l'espèce la délimitation des marchés suivante:
- marché de l'impression offset pour les magazines tirés à moins de 300 000 exemplaires,
- marché de l'impression hélio et offset des magazines entre 300 000 et 1 000 000 d'exemplaires et
- marché de l'impression hélio des magazines tirés à plus de 1 000 000 d'exemplaires.
2.1.4.2 Le critère de la périodicité des magazines ou du caractère " chaud " de leur contenu
Dans le cadre de l'instruction ont été évoquées les contraintes spécifiques pesant en particulier sur l'impression des magazines hebdomadaires.
Les magazines hebdomadaires, en particulier spécialisés dans l'actualité, subiraient notamment en ce qui concerne l'accès aux annonces publicitaires, une pression concurrentielle de plus en plus forte de la part de médias et Internet, qui ne sont pas contraints par les délais d'impression. Le raccourcissement des délais est donc un enjeu pour les éditeurs qui cherchent à attirer le lecteur en étant au plus près de l'actualité et à satisfaire les annonceurs publicitaires en bouclant leurs pages de publicité le plus tard possible.
Le caractère attractif de la couverture des magazines par rapport à l'actualité participe également à leur promotion et impacte les ventes. La nécessité pour l'éditeur d'accorder une attention spécifique à la couverture d'un magazine avait déjà été constatée par la Commission dans sa décision Bertelsmann/Springer.
Ces contraintes confèrent un poids important au facteur temps dans le processus de réalisation du magazine ; selon un éditeur, il serait essentiel que le lieu d'impression des hebdomadaires soit ainsi situé dans un rayon de moins de 250 km autour du point de livraison, qui en France est presque toujours situé en région parisienne (8), de façon à ce que le bouclage de l'hebdomadaire puisse se faire le plus tard possible.
Le test de marché a confirmé l'importance des délais comme facteur de choix d'un lieu et d'un mode d'impression des magazines. La vente au numéro qui est le mode de distribution le plus utilisé est assuré par les messageries de presse et impose des contraintes aux éditeurs de magazines.
Il apparaît néanmoins que les hebdomadaires ne sont pas les seuls magazines à être soumis à ces contraintes de délais. Les magazines d'actualité ou " people " qui y sont particulièrement soumis, sont essentiellement des hebdomadaires mais il se trouve que certains mensuels sont également exposés tant par rapport à la demande des annonceurs qu'à la présence de cahiers " chauds " dont le bouclage est assuré au dernier moment. A l'inverse certains hebdomadaires sont moins exposés de par leur contenu.
De fait, les magazines peuvent être constitués de plusieurs cahiers ne subissant pas les mêmes contraintes de délais : un cahier " chaud " qui contient les éventuelles actualités et sur lequel les contraintes de délai sont très fortes et un cahier " froid " sur lequel les contraintes de délai sont plus faibles.
Les cahiers " chauds " des magazines sont majoritairement imprimés dans une zone dont le rayon peut être estimé à 250 km autour de Paris. Les acteurs du marché indiquent que seuls Circle Printers, Maury et Sego sont en mesure de réaliser des cahiers " chauds ", Quebecor* imprimant certains cahiers " chauds " à Charleroi (280 km de Paris).
Il apparaît également que les cahiers " froids " et les cahiers " chauds " d'un magazine ne sont pas nécessairement imprimés par le même imprimeur, des appels d'offres spécifiques et séparés pouvant être organisés par l'éditeur. Des éditeurs ont indiqué que les cahiers froids ont des plannings plus larges et permettent donc d'élargir la zone géographique des choix alors que pour les cahiers " chauds ", les délais de bouclage sont difficilement compatibles avec un éloignement géographique entraînant des temps de transport importants. Il en est de même pour la couverture du magazine pour lesquels les délais d'impression peuvent être très courts mais qui peut être imprimée à part.
Un éditeur est ainsi confronté pour chacun de ses magazines à un arbitrage entre le coût, la qualité et le délai, et toute priorité donnée à l'un de ces critères l'est aux dépens des deux autres.
Il ressort du test de marché, que le critère des délais est généralement considéré comme déterminant ou au moins aussi important que celui du prix pour l'impression des cahiers chauds des hebdomadaires voire pour les cahiers chauds des mensuels.
Même si du coté de l'offre, il n'existe pas d'imprimeurs spécialisés dans l'impression des hebdomadaires ou dans l'impression des magazines ou de parties de magazines à contenu " chaud ", il est possible de considérer en l'espèce qu'il existe sur le marché de l'impression des magazines, un segment de l'impression des cahiers chaud du fait de contraintes particulières de délais.
2.1.5. Dimension géographique des marchés de l'impression
2.1.5.1. Marchés de l'impression des catalogues et imprimés publicitaires
Dans son avis n° 02-A-01 précité, le Conseil avait constaté que les demandeurs s'adressaient aux imprimeurs situés dans une zone géographique de 700 km autour de Paris au minimum et avait ajouté qu'il était possible que la dimension géographique du marché de l'impression des catalogues et imprimés publicitaires à grand tirage soit plus étendue. La Commission avait pour sa part défini dans sa décision Bertelsmann/Springer/JV le marché géographique de l'impression hélio d'imprimés publicitaires et de catalogues comme comprenant l'Allemagne, ses pays limitrophes, l'Italie et la Slovaquie.
Le test de marché réalisé par le Conseil en l'espèce conduirait à définir des marchés de l'impression de catalogues et imprimés publicitaires, qu'il s'agisse d'hélio ou d'offset, de taille européenne.
Il n'est cependant pas nécessaire de trancher la question de la dimension géographique des marchés de l'impression de catalogues et imprimés publicitaires, dans la mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.
2.1.5.2. Marchés de l'impression des magazines à l'exception des cahiers " chauds "
Le Conseil avait observé dans son avis n° 02-A-01 que les demandeurs situés sur le territoire national pouvaient s'adresser et s'adressaient dans les faits, soit à des imprimeurs eux-mêmes situés sur le territoire national, soit à des imprimeurs situés dans une zone relativement peu éloignée des frontières. Le Conseil en avait conclu que les prestataires situés dans une zone de 700 km de rayon autour de Paris devraient, au minimum, être inclus dans la définition géographique des marchés d'impression des magazines.
La délimitation de marchés de l'impression de magazines en fonction du nombre d'exemplaires tirés et du nombre de pages, critères qui déterminent le procédé d'impression, retenue ci-dessus ne modifie pas cette analyse. Il ressort des éléments recueillis que, pour la plupart des magazines, les critères déterminants de la localisation de l'impression de leurs magazines sont les caractéristiques techniques et la disponibilité des rotatives nécessaires à l'impression du magazine.
Ainsi, de nombreux magazines destinés au marché français sont imprimés (en entier ou en partie) en dehors de France tels que les hebdomadaires Version Femina (4 400 000 ex.), Télé Loisirs (1 360 000 ex.), Femme Actuelle (1 245 000 ex.), Maxi (540 000 ex.), Elle (500 000), Télérama (650 000 ex.), Entrevue (550 000 ex.), le cahier Réussir de l'Express (530 000 ex.), l'Express Style (530 000 ex.) et Point de Vue (370 000 ex.) à partir de février 2009, etc., les quinzomadaires Télé 2 Semaines (1 437 000 ex.) ou TV Grandes Chaînes (1 300 000 ex.), ou encore de nombreux magazines de périodicité supérieure tels les mensuels Pleine Vie (1 100 000 ex.), Notre Temps (1 100 000 ex.), Prima (780 000), Capital (500 000 ex.), Le Chasseur Français (500 000), Cosmopolitain (420 000), Géo (325 000 ex.), etc. Les éditeurs confient l'impression de leurs magazines à des imprimeurs situés en Belgique, en Allemagne, en Pologne, en Italie, en Espagne, etc. et parfois à plus de 700 km de Paris. Les parties indiquent que plus de 25 % des magazines destinés au marché français sont imprimés à l'étranger.
Dans leur ensemble, les acteurs du marché considèrent que l'aire géographique d'impression de l'ensemble des magazines est soit une zone de rayon de 700 km autour de Paris, c'est-à-dire la France et ses zones frontalières, soit l'Europe.
Il est donc possible de considérer que les marchés géographiques de l'impression de magazines s'étendent à tout le moins sur une zone de 700 km autour de Paris. Néanmoins, au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de délimiter plus précisément la dimension géographique des marchés de l'impression de magazines, dans la mesure où, comme il sera indiqué ci-dessous, quelle que soit la zone retenue, 700 km autour de Paris, France et pays frontaliers ou encore Europe, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées sur ce marché, l'opération n'étant pas susceptible d'y porter atteinte à la concurrence.
2.1.5.3 Impression des cahiers " chauds " des magazines
Comme cela a été évoqué supra, l'impression des cahiers " chauds " ne peut être confiée qu'à des imprimeurs de magazines situés en proche région parisienne. De fait, les cahiers " chauds " des magazines sont majoritairement imprimés dans une zone dont le rayon peut être estimé à 250 km autour de Paris.
2.2. Les marchés du façonnage et du routage
2.2.1. Le façonnage et le routage des magazines excepté ceux comprenant des cahiers " chauds "
Les sociétés Circle Printers et Maury proposent également des prestations de façonnage et de routage de magazines.
Plusieurs arguments justifient de distinguer un marché spécifique pour chacune de ces activités. Tout d'abord, les compétences ne sont pas les mêmes : l'impression, le façonnage et le routage sont des métiers distincts qui nécessitent des savoir-faire et des machines différents. Le façonnage est ainsi un métier de main d'œuvre, de logistique (partage des exemplaires finis entre les messageries de presse et les routeurs) beaucoup plus que l'impression. C'est une activité sans barrière à l'entrée forte et qui n'est actuellement pas en surcapacité.
Les acteurs du marché, notamment les façonneurs, routeurs et les donneurs d'ordre, considèrent globalement qu'il s'agit de marchés distincts.
De fait, même si quelques acteurs majeurs de l'impression de magazine offrent une prestation globale (impression + brochage + routage), de nombreux prestataires de services de façonnage et/ou de routage n'intégrant pas l'impression sont présents sur le marché.
Des acteurs significatifs évoluent donc sur les marchés du façonnage et du routage sans être liés à un groupe d'impression. Ces acteurs indépendants intéressent particulièrement les grands éditeurs de la presse magazine car ils leur permettent une mise en concurrence réelle des imprimeurs intégrés sur les prestations de façonnage et de routage. Ils apportent en outre un supplément indispensable de savoir-faire, de capacité de production et de sécurité de production.
En outre, les façonneurs et routeurs indépendants sont répartis sur tout le territoire national et donc proches des lieux de distribution et de consommation. Ils ont par ailleurs une dynamique d'investissement, de croissance externe et d'offre plus forte que celle des imprimeurs intégrés qui privilégient leur coeur de métier.
Les façonneurs indépendants offrent également le plus souvent une plus grande diversité de services que les imprimeurs intégrant le façonnage. En effet, dans une chaîne de façonnage, le chargement des différents cahiers, des différents encarts, des différents échantillons à ajouter nécessitent chacun un poste supplémentaire. Ainsi plus le magazine est complexe (ce qui est souvent le cas des mensuels), plus il faut de personnes pour l'approvisionnement manuel, plus il est nécessaire de disposer d'ouvriers dédiés au façonnage de ce magazine. Les façonneurs spécialisés sont donc plus à même de réaliser ces magazines complexes. Les imprimeurs intégrés sont moins bien équipés et proposent souvent, en masse, les façonnages les plus simples.
En outre, les imprimeurs, même lorsqu'ils intègrent un service de façonnage, possèdent rarement des capacités suffisantes pour assurer le façonnage lors des pics d'activités, ce qui est par exemple le cas de Maury et Circle Printers. En effet, les lignes de façonnage étant moins rapides que l'impression, pour façonner au fur et à mesure et ainsi éviter les ruptures de charge, les éditeurs ne peuvent pas toujours confier la totalité du façonnage à leur imprimeur et doivent alors avoir recours à plusieurs façonneurs.
Enfin, les contrats d'impression, de façonnage et de routage sont négociés séparément. Les imprimeurs intégrés comme par exemple les parties proposent des barèmes de prix séparés pour l'impression, le façonnage et le routage.
La séparation des activités d'impression, de façonnage et de routage entre plusieurs prestataires est confirmée par les pratiques des acteurs du marché.
Ces éléments suggèrent que les marchés pertinents du façonnage de magazines et du routage de magazines sont distincts des marchés de l'impression de magazines. Néanmoins, au cas d'espèce il n'est pas nécessaire de délimiter plus précisément d'éventuels marché du façonnage et du routage de magazines dans la mesure où, comme il sera indiqué ci-dessous, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées sur ces marchés.
En ce qui concerne la dimension géographique des marchés du façonnage et du routage de magazines, le choix par un éditeur de la localisation géographique de ses imprimeurs, de ses façonneurs et de ses routeurs est fonction des contraintes de délai qui pèsent sur le magazine. En effet, plus ceux-ci sont proches les uns des autres et plus les façonneurs sont proches du centre de dépôt des messageries de presse (pour les magazines vendus au numéro), plus un éditeur peut gagner du temps sur le transport et donc profiter de ce temps gagné pour boucler plus tardivement. Lorsque la contrainte de délai est moins forte, les imprimeurs, façonneurs et routeurs peuvent ne pas être situés à proximité immédiate les uns des autres.
Néanmoins, dans la mesure où une partie de chaque magazine doit être acheminée dans la région parisienne, la rationalité économique (limitation des coûts de transport) conduit les éditeurs à opter pour des façonneurs situés globalement sur le trajet entre l'imprimeur et le centre de dépôt des messageries de presse où les exemplaires destinés à la vente au numéro seront remis. De même, la rationalité économique conduit les éditeurs à choisir des routeurs situés globalement sur le trajet entre le façonneur et le dépôt de poste.
Ainsi, qu'il soit nécessaire ou non que les entreprises de façonnage soient situées à proximité des imprimeries, la dimension géographique du marché du façonnage des magazines est la même que celle de l'impression des magazines. De nombreux magazines sont ainsi effectivement façonnés hors de France.
La dimension géographique du marché du façonnage de magazines est donc au minimum une zone de 700 km autour de Paris. Néanmoins, au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de délimiter plus précisément la dimension géographique d'un éventuel marché du façonnage de magazines, dans la mesure où, comme il sera indiqué ci-dessous, quelle que soit la zone retenue, 700 km autour de Paris, France et pays frontaliers ou encore Europe, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées sur ce marché.
Le raisonnement appliqué aux façonneurs vaut également pour les routeurs. Néanmoins, dans les faits, le routage n'est actuellement réalisé qu'en France. En effet, lorsqu'on analyse les informations données par les imprimeurs et les éditeurs quant à la localisation des routeurs, on constate que tous les magazines sont routés par des entreprises situées en France. Les parties précisent que l'ouverture à la concurrence du secteur postal va cependant prochainement permettre d'effectuer le routage en dehors de France, permettant alors une production délocalisée. Le marché du routage des magazines est donc probablement actuellement de dimension nationale. Néanmoins, au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de délimiter plus précisément la dimension géographique du marché du routage de magazines, dans la mesure où, comme il sera indiqué ci-dessous, quelle que soit la zone retenue, France, 700 km autour de Paris, France et pays frontaliers ou encore Europe, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées sur ce marché, l'opération n'étant pas susceptible d'y porter atteinte à la concurrence.
2.2.2. Le façonnage et le routage des magazines comprenant un cahier " chaud "
Compte tenu des contraintes particulières de délais pesant sur la fabrication de ce type de publication et des mêmes préoccupations de rationalité économique guidant les choix des éditeurs que celles évoquées supra, il convient de retenir une délimitation égale à celle de l'impression, à savoir, 250 km au plus autour de Paris. Les façonneurs et routeurs considèrent (à 71,4%) qu'il est possible de faire façonner les magazines hebdomadaires, qui parmi les magazines sont ceux qui comprennent le plus fréquemment des cahiers " chauds ", en dehors de la proche région parisienne.
2.2.3. Le façonnage des catalogues et imprimés publicitaires
Les sociétés Circle Printers et Maury proposent également des prestations d'impression et de façonnage de catalogues et imprimés publicitaires. En revanche, elles n'en assurent pas le routage.
Il est possible de considérer que le marché du façonnage de catalogues et imprimés publicitaires est de taille comparable aux marchés de l'impression de catalogues et imprimés publicitaires, soit au minimum d'un périmètre de 700 kilomètres autour de Paris.
Il n'est pas toutefois pas utile, au cas d'espèce, de délimiter plus précisément un éventuel marché du façonnage des catalogues et imprimés publicitaires dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.
3. ANALYSE CONCURRENTIELLE
3.1. Les marchés de l'impression des catalogues et imprimés publicitaires
En distinguant entre un marché de l'impression offset de catalogues et imprimés publicitaires à petit tirage et un marché de l'impression hélio de catalogues et imprimés publicitaires à grand tirage comme l'avait fait le Conseil dans son avis n°02-A-01, seul le marché de l'impression offset pourrait être affecté, Maury ne proposant pas d'impression par héliogravure. La nouvelle entité détiendrait sur un tel marché une part de marché de [0-10] % sur un marché de taille européenne et de [0-10] % sur un marché de 700 kilomètres autour de Paris.
En opérant une distinction entre un marché de l'impression offset pour les tirages inférieurs à 350 000 exemplaires, un marché de l'impression offset et héliogravure pour les tirages compris entre 350 000 et 2 millions d'exemplaires, et un marché de l'impression héliogravure pour les tirages supérieurs à 2 millions d'exemplaires, les parts de la nouvelle entité seraient de [0-10] % sur le premier et de [10-20] % sur le second sur des marchés de 700 kilomètres autour de Paris (hypothèse la moins favorable aux parties). Dans la mesure où Maury ne possède que des rotatives offset, l'opération n'a pas d'effet sur le troisième marché.
Ainsi, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l'impression des catalogues et imprimés publicitaires.
3.2. Le marché du façonnage d'imprimés et catalogues publicitaires
Les parts de marché sur un marché du façonnage des catalogues et imprimés publicitaires seraient de [0-10] % pour Maury et de [0-5] % pour Circle Printers, sur une zone de 700 km autour de Paris (hypothèse la moins favorable aux parties).
Ainsi, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur un marché du façonnage des catalogues et imprimés publicitaires.
3.3 Les marchés de l'impression, du façonnage et du routage des magazines exceptés les magazines comprenant des cahiers " chauds "
Si les magazines hebdomadaires et bimensuels sont en nombre limité et concernent quasi-exclusivement des magazines distribués en kiosque, les magazines d'autres périodicités sont très nombreux et peuvent être répartis en trois catégories : les magazines de presse distribués par les messageries de presse et qui sont à peu près connus, les magazines édités par des associations, des syndicats, des banques, des mutuelles, etc. et enfin les magazines édités par les pouvoirs publics au sens large (ministères, mairies, conseils généraux, etc.). Pour ces deux dernières classes, les attributions des contrats d'impression sont le plus souvent effectuées par appels d'offres. Les parties indiquent qu'il ne leur est pas possible de déterminer précisément l'étendue des deux dernières classes, car elles ne connaissent que les magazines pour lesquels elles répondent elles-mêmes à des appels d'offres.
Malgré ces difficultés, les parties ont communiqué au Conseil de la concurrence une estimation de leur part de marché sur le marché global de l'impression des magazines ainsi que des informations sur le nombre de titres qu'elles impriment au sein de chacune des trois zones de tirage.
En ce qui concerne leurs parts de marché sur le marché de l'impression de magazines concernant une zone géographique de 700 km autour de Paris, les parties les estiment à [0-10] % pour Circle Printers (CA de [...] millions d'euro pour un marché total estimé à 5 430 millions d'euro) et pour Maury à [0-10] % (CA de [...] millions d'euro pour un marché total estimé à 5 430 millions d'euro) soit une part de marché après concentration de [0-10] % pour la nouvelle entité. Les parties ont également fourni leurs parts de marché sur le marché de l'impression de magazines sur un possible marché limité à la France : elles seraient alors de [10-20] % pour Circle Printers (CA de [...] millions d'euro pour un marché total estimé à1 358,8 millions d'euro) et de [0-10] % pour Maury (CA de [...] millions d'euro pour un marché total estimé à 1 358,8 millions d'euro), soit une part de marché après concentration de [20-30] % pour la nouvelle entité.
Les parties ont également fourni une estimation du nombre de magazines édités sur le marché, une répartition de ces magazines entre les trois zones définies selon le tirage et le mode d'impression ainsi que le nombre de magazines imprimés par elles selon ce mode de répartition.
Le dossier permet d'estimer les parts de marché détenues par les parties, en nombre de titres imprimés, à [0-10] % pour Circle Printers ([...] magazines imprimés sur un total de magazines estimé à 4 672), et à [0-10] % pour Maury ([...] magazines imprimés sur un total de magazines estimé à 4 672), sur le marché de l'impression offset de magazines tirés à moins de 300 000 exemplaires. L'opération porte la part de la nouvelle entité à [0-10] % et n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.
Sur le marché de l'impression offset et hélio de magazines tirés à un nombre d'exemplaires compris entre 300 000 et 1 000 000, les parties estiment leur parts de marché, en nombre de titres imprimés, à [0-10] % pour Circle Printers ([...] magazines imprimés sur un total de magazines estimé à 2 029), et à [0-10] % pour Maury ([...] magazines imprimés sur un total de magazines estimé à 2 000). L'opération porte la part de la nouvelle entité à [0-10] % et n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.
En ce qui concerne le marché de l'impression héliogravure de magazines tirés à plus de 1 000 000 d'exemplaires, il n'est pas affecté par l'opération puisque Maury ne dispose pas de rotatives hélio. En outre, la part de marché des parties sur ce marché est surestimée car Circle Printers n'imprime que partiellement [...] magazines dont le tirage total est supérieur à 1 million d'exemplaires (à [55-65] %).
Les parties ont également fourni leur part de marché sur le marché du façonnage des magazines pour une zone géographique de 700 km autour de Paris : Circle Printers a actuellement [0- 10] % de ce marché (CA de [...] millions d'euro pour un marché total estimé à 195 millions) et Maury [0-10] % (CA de [...] millions d'euro pour un marché total estimé à 195 millions) soit une part de marché après l'opération pour la nouvelle entité de [10-20] %.
Les parties ont enfin fourni leurs parts de marché sur le marché du routage des magazines calculées en nombre d'exemplaires routés : Circle Printers a actuellement [10-20] % de ce marché (Circle Printers route [...] millions d'exemplaires sur les 1 282 millions d'exemplaires déposés chaque année) et Maury entre [0-10] et [0-10] % (Maury route entre [...] et [...] millions d'exemplaires sur les 1 282 millions d'exemplaires déposés chaque année) soit une part de marché après l'opération pour la nouvelle entité comprise entre [20-30] et [20-30] %.
En conclusion, et au vu des développements ci-dessus, les parts de marché de la nouvelle entité issue de l'opération demeureront limitées à moins de 25%. Au regard de l'ensemble des éléments examinés, la concentration n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur l'un de ces marchés.
3.4. Les marchés de l'impression, du façonnage et du routage des magazines comprenant des cahiers " chauds "
3.4.1 L'impression
Sur le segment des seuls cahiers " chauds " des magazines, la nouvelle entité disposerait de parts de marché importantes mais essentiellement imputables à la position actuelle de Maury sur ce segment dans la mesure où Circle Printers y est peu actif.
En effet, comme indiqué précédemment, les cahiers " chauds " ne peuvent être imprimés que dans un rayon de tout au plus 250 km autour de Paris (3 heures), or seuls Maury, Circle Printers et Sego sont présents sur cette zone. Seul Sego est donc en mesure de concurrencer la nouvelle entité sur le segment des cahiers " chauds ".
Par ailleurs, le Conseil a considéré dans son avis n°09-A-01 du 6 février 2009 qu'en raison des contraintes de délai imposées par des éditeurs pour l'impression des cahiers " chauds ", ces derniers ne peuvent être imprimés qu'en offset pour des tirages moyens. En effet, le temps de calage de l'héliogravure rallongerait les délais d'impression d'une façon beaucoup plus importante que l'éloignement du lieu d'impression de la région parisienne (le temps nécessaire au calage en hélio est de 8 heures contre 2 heures pour l'offset, soit une différence de 6 heures qui permet de parcourir 600 kms). Or le Conseil souligne dans son avis que Circle Printers ne constitue pas véritablement un acteur significatif pour les cahiers " chauds " de tirage moyen (moins d'un million d'exemplaires), en raison d'un parc vieillissant de capacités offset dans deux usines ([...]) et de la cessation progressive d'activité d'impression par offset le week-end prévue pour avril 2009.
Circle Printers imprime [0-5] cahiers " chauds " ([...]) tandis que Maury en imprime [10-15] et Sego [0-5]. De plus, les paginations des cahiers " chauds " imprimés par Circle Printers sont inférieures à celles de Maury et de Sego. Ainsi, le cahier chaud de [...] fait 16 pages, celui de [...] 32 pages et celui de [...] 32 pages. Sego n'imprime actuellement aucun cahier chaud avec une pagination inférieure à 48 pages. Par ailleurs, Sego dispose de capacités d'impression excédentaires qui sont issues de l'acquisition il y a un an d'une rotative 72 pages qui pourrait lui permettre de dégager des marges de manœuvre pour imprimer un magazine de petite pagination le mardi soir. L'acquisition, sous réserve des perspectives économiques, d'une seconde rotative de 72 pages dans les 18 mois/ 2 ans pourrait permettre d'accroître ces capacités excédentaires.
Sur la base de ces éléments, le Conseil de la Concurrence a considéré que, l'opération ne renforcerait que faiblement la position de la nouvelle entité appréhendée sur le seul segment des cahiers " chauds ".
Par ailleurs, dans son avis, le Conseil fait état du fait que les éditeurs conserveront un fort pouvoir de marché, et se réfère pour son analyse aux lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales de la Commission européenne: " Même les entreprises dont les parts de marché sont très élevées peuvent se trouver dans l'incapacité, après une concentration, d'entraver de manière significative la concurrence effective et, en particulier, d'agir dans une large mesure indépendamment de leurs clients, si ces derniers disposent d'une puissance d'achat compensatrice ". Elle précise que " la puissance d'achat compensatrice doit être comprise comme le pouvoir de négociation qu'un acheteur détient à l'égard d'un vendeur dans ses pourparlers commerciaux, en raison de sa taille, de son importance commerciale pour le vendeur en question et de sa capacité à s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs. [...] Le fait qu'un client puisse menacer, de façon crédible, de recourir dans un délai raisonnable à d'autres sources d'approvisionnement, [...], si son fournisseur décidait d'augmenter ses prix, serait un facteur de puissance d'achat compensatrice ". Elle souligne en outre qu' " Un acheteur peut également exercer une puissance d'.achat compensatrice en refusant d'acheter d'autres produits que fabrique son fournisseur ".
Le Conseil souligne ainsi qu'en l'espèce, les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction suggèrent que les éditeurs détiennent un pouvoir de marché non négligeable. Ainsi, les contrats qui lient les éditeurs et les imprimeurs sont de courte durée lorsqu'il ne s'agit pas de négociations de gré à gré. Selon les parties, " les relations contractuelles en France sont de courtes durées (2 ans maximum) selon la volonté des éditeurs. Dans les autres pays européens (et en particulier en Grande-Bretagne), les contrats entre éditeurs et imprimeurs sont beaucoup plus longs (jusqu'à 7 ans) ce qui assure une certaine stabilité pour les imprimeurs ". En outre, le Conseil souligne que les éditeurs exigent parfois des renégociations à la baisse des prix en cours de contrat voire provoquent brutalement des ruptures anticipées de contrat, sans respecter les préavis contractuels et sans dédommagement financier.
Ce pouvoir de marché provient notamment de la forte concentration des donneurs d'ordre et de l'existence de fortes capacités excédentaires sur le marché. Selon les parties notifiantes, 25% des capacités totales seraient actuellement inemployées.
Selon le Conseil, le pouvoir de marché peut également s'appuyer sur les possibilités de fragmentation de leur demande dont disposent les éditeurs. Notamment, les cahiers "chauds " et les cahiers " froids " d'un magazine sont matériellement distincts et les éditeurs ont la possibilité de lancer des appels d'offres séparés pour ces deux types de prestations. Le fait que les contraintes de délais soient moins fortes pour les cahiers "froids " leur permet de rechercher des baisses de coûts en faisant jouer la concurrence de façon plus large, tant en termes de distance qu'en termes de disponibilité des rotatives ou d'autres exigences qualitatives. De ce fait, en cas d'utilisation par les parties de leur forte position sur le segment des cahiers " chauds ", les éditeurs disposeraient d'une capacité de retrait de leurs cahiers " froids " pour les faire imprimer auprès d'autres concurrents, soit déjà présents sur le marché des magazines soit actifs sur le marché des catalogues et imprimés publicitaires.
Le pouvoir de retrait des éditeurs est de nature à leur conférer une puissance d'achat compensatrice qui serait susceptible de contrebalancer le pouvoir de marché dont pourrait disposer la nouvelle entité sur un segment de marché de l'impression des magazines limités aux cahiers " chauds ".
3.4.2. Le façonnage et le routage
Sur la base des données fournies par les parties en ce qui concerne les magazines hebdomadaires qui parmi les magazines sont ceux qui comprennent le plus fréquemment des cahiers " chauds ", il apparaît que la part de marché cumulée des parties à l'opération représente [20-30] % sur le marché du façonnage et [20-30] % sur le marché du routage.
Plusieurs entreprises sont en position de concurrencer la nouvelle entité dans un rayon n'excédant pas 250 km autour de Paris. Ainsi, sur le marché du façonnage, la société Merkhofer (91) dispose d'une part de marché de [20-30] % et trois autres entreprises ont des parts de marché se situant entre 11% et 14%.
Sur le marché du routage, la société France Routage (77) détient [20-30] % du marché et le Groupe Interval (93-94), [10-20] %.
Dans ces conditions, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les segments de marché identifiés.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Notes :
1 [10-20] % des actions de Mauryflor SA actuellement détenues par Floramedia Group BV ne seront pas cédées. * Lire : " Circle Printers France " au lieu de " Circle Printers Holding ".
2 Cette opération était soumise à notification préalable dans cinq Etats de l'Union Européenne (mais pas en France). Elle a été réalisée le 26 juin 2008 après obtention de l'accord des autorités de concurrence compétentes.
3 A l'exception de Mauryflor SA : cf. note de bas de page n°1.
4 Le capital social de Vadeho se répartit ainsi :[...]. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Vadeho est conjointement contrôlée par Hombergh et De Pundert, conformément aux points 75 et suivants de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission en vertu du règlement CE n°139-2004 du Conseil.
5 En imprimerie, le façonnage est l'étape finale en fin d'impression. C'est cette série d'actions qui va donner à l'ouvrage son aspect final. Elle est composée d'une étape de pliure, de massicotage et de reliure (grecquage, façonnage et collage).
6 Le routage comprend les principales étapes suivantes : réception des documents imprimés et traitement des fichiers clients, stockage, conditionnement, transport.
7 Opération consistant à effectuer le réglage papier et couleurs de la forme imprimante avant de pouvoir commencer à rouler.
8 Les centres de groupage des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) qui distribuent l'essentiel de la presse hebdomadaire sont situés en région parisienne.
* Lire " Circle Printers " au lieu de " Quebecor ".