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Décisions

ADLC, 8 avril 2009, n° 09-MC-01

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la saisine au fond et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Solaire Direct

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Isabelle Mauléon-Wells, par Mme Anne Perrot, vice-présidente, présidente de séance, Mmes Pierrette Pinot, Carol Xueref, membres.

ADLC n° 09-MC-01

8 avril 2009

L'Autorité de la concurrence,

Vu la lettre, enregistrée le 19 mai 2008 sous les numéros 08/0052 F et 08/0053 M, par laquelle la société Solaire Direct a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe Electricité de France et par certaines de ses filiales sur le marché de services destinés à la production d'électricité photovoltaïque et a demandé le prononcé de mesures conservatoires sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce ; Vu les articles 81 ou 82 du traité instituant la communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, et notamment son article 5 ; Vu la décision de sursis à statuer n° 09-S-02 du 2 février 2009 ; Vu les observations présentées par les sociétés Solaire Direct, Electricité de France SA (EDF SA), Electricité de France Energies Nouvelles (EDF EN), Electricité de France Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) et par le commissaire du Gouvernement ; Vu l'avis adopté par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) le 31 octobre 2008 ; Vu les décisions de secret des affaires n° 08-DSA-160 du 6 octobre 2008 ; n° 08-DSA-161, du 6 octobre 2008 ; n° 08-DSA-162 du 7 octobre 2008 ; n° 08-DSA-164 du 8 octobre 2008 ; n° 08-DSA-169 du 17 octobre 2008 ; n° 08-DSA-170 du 17 octobre 2008 ; n° 08-DSA-176 du 28 octobre 2008 ; n° 08-DSA-182 du 3 novembre 2008 ; n° 08-DSA-188 du 17 novembre 2008 ; n° 08-DSA-189 du 17 novembre 2008 ; n° 08-DSA-190 du 18 novembre 2008 ; n° 08-DSA-191 du 24 novembre 2008 ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Solaire Direct, EDF SA, EDF EN et EDF ENR entendus lors de la séance du Conseil de la concurrence du 24 février 2009 ; Les représentants de la CRE, ainsi que les représentants des sociétés Direct Energie et Evasol, entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 alinéa 2 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. Le Conseil de la concurrence a été saisi, le 19 mai 2008, d'une plainte de la société Solaire Direct reprochant au groupe Electricité de France (ci-après, " EDF ") et à ses filiales EDF Energies Nouvelles (ci-après, " EDF EN ") et EDF Energies Nouvelles Réparties (ci-après, "EDF ENR"), de faire un usage abusif de leur position dominante sur les marchés de la production, de la distribution et de la fourniture d'électricité, pour pénétrer le marché émergent de l'offre globale de services destinés à la production d'électricité photovoltaïque. La saisissante fait valoir en outre qu'EDF tente de restreindre l'accès au marché amont de l'approvisionnement en modules, afin de verrouiller le marché aval de l'offre photovoltaïque globale.

2. Accessoirement à sa saisine au fond, Solaire Direct a sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires tendant à faire cesser les pratiques dénoncées.

B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. LA SOCIÉTÉ SOLAIRE DIRECT

3. Solaire Direct, la saisissante, a été créée en 2006. Elle est détenue par trois fonds d'investissement, à savoir, Techfund, Demeter et Schneider Electric Ventures et comptait, au 1er avril 2008, 69 collaborateurs et consultants. Solaire Direct exerce deux types d'activités dans le secteur de la production d'électricité photovoltaïque. Hormis son activité de développement de parcs solaires photovoltaïques pour le compte de sociétés de projets qu'elle détient avec des investisseurs financiers, la saisissante propose des offres basées sur un modèle de vente dit "clés en main". Elle propose aux particuliers et professionnels des solutions photovoltaïques de tailles diverses, qu'il s'agisse de centrales au sol (de 4 à 10 MW sur 10 à 25 hectares) ou d'installations résidentielles et tertiaires (à partir de 2 kW ou 15 m2).

2. LE GROUPE ELECTRICITÉ DE FRANCE

4. Le groupe Electricité de France (EDF) comprend la société anonyme Electricité de France (EDF SA) et ses filiales. Il est l'opérateur historique de l'électricité en France, présent sur l'ensemble des métiers de l'électricité : la production, le transport (cette activité étant exercée à travers RTE (gestionnaire du Réseau de Transport de l'Electricité), filiale d'EDF, gestionnaire du réseau de transport d'électricité français depuis le 1er septembre 2005), la distribution (également filialisée, à travers ERDF, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité français depuis le 1er janvier 2008) et la fourniture. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe s'est élevé à 59,6 milliards d'euro en 2007 dont 44 % en Europe hors France. EDF SA, cotée à la Bourse de Paris, fait partie des titres constituant l'indice CAC 40.

5. La société EDF Energies Nouvelles (EDF EN), filiale à 50 % d'EDF, a été créée en 1990. Elle est un acteur d'envergure internationale sur le marché de la production d'électricité verte, disposant au 31 décembre 2007 d'une capacité installée de 1 443 MW bruts dans le monde et de 1 100 MW bruts en cours de construction. Présente dans neuf pays européens et aux États-Unis, EDF EN est active dans quatre filières d'énergies renouvelables (l'éolien, le solaire, la biomasse et l'hydraulique). L'éolien représente aujourd'hui plus de 80 % de sa capacité installée. Cette société est cotée, depuis le 28 novembre 2006, sur l'Eurolist d'Euronext Paris. Elle est présente sur le marché des produits et des services à la production d'électricité d'origine renouvelable au travers de l'activité de sa filiale EDF ENR.

6. La société EDF Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) est une société dont l'activité a débuté en octobre 2007. Elle est détenue depuis le mois de février 2008 à 50 % par le groupe EDF (à travers sa filiale EDF Développement Environnement SA - EDEV) et à 50 % par EDF EN. EDF ENR a pour activité la production d'énergie (électricité, chaleur et froid) à partir d'énergies renouvelables sur le lieu de consommation des clients qui peuvent être des entreprises, des collectivités ou des particuliers. Elle propose, à l'instar de la saisissante, des offres basées sur un modèle de vente "clés en main". Elle intervient directement ou au travers de filiales dans le domaine du solaire photovoltaïque (production d'électricité) pour les installations inférieures à 150 kW crête, du solaire thermique (chauffage et eau chaude sanitaire), des pompes à chaleur (chauffage et eau chaude sanitaire) et du chauffage au bois.

C. LE SECTEUR

7. L'énergie solaire photovoltaïque provient de la conversion de la lumière du soleil en électricité au sein de matériaux semi-conducteurs, comme le silicium, ou recouverts d'une mince couche métallique. Ces matériaux photosensibles ont la propriété de libérer leurs électrons sous l'influence d'une énergie extérieure, ce phénomène étant qualifié d'effet photovoltaïque. L'énergie est apportée par les photons (composants de la lumière), qui heurtent les électrons et les libèrent, induisant un courant électrique. Ce courant continu de micro-puissance calculé en watt crête (Wc) peut être transformé en courant alternatif grâce à un onduleur.

8. L'électricité produite par les installations d'une puissance type de 3 kW (correspondant à 25 m2 de panneaux solaires) est disponible sous forme d'électricité directe ou stockée en batteries (énergie électrique décentralisée) ou encore en électricité injectée dans le réseau à partir d'un deuxième point de raccordement, créé spécifiquement à cette fin. Les producteurs d'électricité photovoltaïque optent plutôt pour ce dernier schéma donnant lieu à la création d'un deuxième point de livraison chez le producteur et permettant à ce dernier d'obtenir l'achat de l'énergie produite à un tarif avantageux, au lieu d'auto-consommer l'énergie produite et de ne vendre que le surplus de production.

9. Les performances d'une installation photovoltaïque dépendent de l'orientation des panneaux solaires et des zones d'ensoleillement dans lesquelles se trouve l'unité de production.

1. L'OBLIGATION D'ACHAT DE L'ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE

10. En application de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (ci-après, la " loi du 10 février 2000 "), EDF, ainsi que les entreprises locales de distribution (" ELD "), désignées par les textes par l'intitulé distributeurs non nationalisés (" DNN "), pour leur zone de desserte, sont chargés de la mise en œuvre de missions de service public relatives au développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, à la fourniture d'électricité, ainsi qu'au développement et à l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.

11. Dans le cadre de l'exécution de cette mission, EDF et les DNN, dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, sont notamment chargés d'acheter l'électricité produite par certaines installations utilisant les énergies renouvelables ou celle produite par cogénération. La loi du 10 février 2000 a été complétée par un décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, fixant par catégorie d'installations, les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité (ci-après, le " décret du 6 décembre 2000 ") et par un arrêté du 10 juillet 2006, fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil (ci-après, " l'arrêté du 10 juillet 2006 "). L'article 2 du décret du 6 décembre 2000 prévoit que seules sont éligibles à l'achat par EDF de l'électricité photovoltaïque produite, " les installations utilisant l'énergie radiative du soleil d'une puissance inférieure à 12 MW ".

12. Par ailleurs, l'article 4 de l'arrêté du 10 juillet 2006 plafonne l'énergie annuelle susceptible d'être achetée et prévoit que l'énergie active fournie par le producteur est facturée à l'acheteur à raison de 30 centimes d'euro HT/kWh pour la métropole. Est également prévu, dans l'arrêté, l'octroi d'une " prime à l'intégration au bâti ", qui s'applique lorsque les équipements de production d'électricité photovoltaïque se substituent à l'un des éléments de construction assurant une fonction technique ou architecturale essentielle à l'acte de construction. Le montant de la prime, qui s'ajoute au tarif d'achat de base, s'élève à 25 centimes d'euro HT/kWh pour la métropole. Cette prime vise à encourager le développement de composants standards de la construction neuve intégrant la fonction de production photovoltaïque. L'arrêté prévoit enfin que " le contrat d'achat est conclu pour une durée de 20 ans à compter de la mise en service de l'installation " et n'est pas renouvelable.

13. Le ministre délégué à l'industrie a agréé, par arrêté du 22 décembre 2006, un modèle de contrat d'achat de l'énergie produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil et bénéficiant de l'obligation d'achat d'EDF et des DNN.

14. Ainsi, les producteurs d'électricité photovoltaïque se voient-ils garantir, pendant 20 ans, l'achat, par EDF ou un DNN, de l'électricité produite par leur installation, aux conditions fixées par l'arrêté du 10 juillet 2006, c'est-à-dire un montant total de 55 centimes d'euro HT/kWh comprenant le tarif d'achat à 30 centimes d'euro et les 25 centimes d'euro de prime d'intégration au bâti, ce tarif étant cinq fois supérieur aux conditions du marché.

2. LES AUTRES MESURES INCITATIVES

15. S'agissant des autres mesures incitatives prévues sur le territoire national, un producteur d'énergie photovoltaïque peut bénéficier de deux types de mesures : (1) un crédit d'impôt sur le revenu (2) un taux de TVA réduit de 5,5 % sur les équipements et travaux d'installation de production d'énergies renouvelables.

16. L'achat d'une installation photovoltaïque d'un maximum de 3 kWc donne lieu à la récupération, lors de la déclaration d'impôt annuelle, de 50 % du prix d'achat hors coût de la main d'œuvre, à la condition que les équipements soient fournis et installés par la même entreprise et donnent lieu à l'établissement d'une facture. Ne sont donc pas éligibles à l'avantage fiscal les équipements, matériaux ou appareils acquis directement par le contribuable, même si celui-ci fait appel à une entreprise pour l'installation de ces équipements.

17. Il convient également de préciser que certaines collectivités territoriales (conseils régionaux et communes notamment) offrent des aides aux particuliers qui souhaitent se doter d'équipements photovoltaïques.

3. LE RACCORDEMENT AU RÉSEAU

18. La société Electricité Réseau de distribution France (ci-après, " ERDF ") est chargée de la gestion du réseau de distribution métropolitain d'électricité depuis le 1er janvier 2008. Il s'agit d'une activité qui était exercée, avant cette date, par EDF Réseau Distribution et EDF Gaz de France Distribution, services d'EDF. ERDF est une filiale à 100 % de la société EDF SA. Elle est née de l'obligation de séparation juridique du gestionnaire de réseau de distribution imposée par la directive 2003-CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96-92-CE (ci-après, la " directive de 2003 "), transposée en France par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz (ci-après, la " loi du 9 août 2004 "). Cette société doit assurer la distribution de l'électricité sur 95 % du territoire national. Le périmètre de sa mission et de ses activités de service public est fixé par la loi.

19. ERDF est soumise à une obligation de non discrimination à l'égard de tous les acteurs du réseau. Elle a l'obligation de rédiger, chaque année, un code de bonne conduite qui comprend toutes les mesures d'organisation à cet effet, ainsi qu'un rapport de mise en œuvre. Ces documents servent de base à la publication du rapport annuel de la CRE relatif à la mise en œuvre des codes de bonne conduite et l'indépendance des gestionnaires de réseau. ERDF travaille donc sous le contrôle du régulateur sectoriel.

D. LES PRATIQUES DÉNONCÉES

20. Dans sa saisine, Solaire Direct soutient que les entreprises qu'elle met en cause utilisent la position dominante de l'opérateur historique sur les marchés de la production, de la distribution et de la fourniture d'électricité, qui représente un " avantage commercial unique " pour " pénétrer le marché émergent [de l'offre globale de services destinés à la production d'électricité photovoltaïque] dans des conditions et selon des moyens anticoncurrentiels (1) ".

21. Solaire Direct estime qu'EDF abuse " des avantages structurels et commerciaux dont elle bénéficie de par sa position dominante sur les marchés de l'électricité " pour pénétrer le nouveau marché et l'évincer de celui-ci. Selon elle, ces avantages permettent à EDF d'introduire une confusion en ce qui concerne son rôle dans la filière photovoltaïque (1) et permettent à EDF ENR d'utiliser la base de données clients d'EDF (2) ainsi que de bénéficier d'avantages matériels (3) ; enfin, Solaire Direct expose qu'EDF verrouille le marché amont des équipements photovoltaïques (4).

1. LA CONFUSION ENTRETENUE AUTOUR DU RÔLE D'EDF DANS LA FILIÈRE PHOTOVOLTAÏQUE

a) L'exploitation de la marque Bleu Ciel d'EDF

22. Selon Solaire Direct, " EDF entretient volontairement la confusion sur les liens existant entre les différentes sociétés de son groupe et le rôle de chacune, afin de faire profiter son activité photovoltaïque de la réputation du groupe EDF ".

23. La saisissante expose en outre que l'obligation d'achat par EDF de l'électricité produite par des installations photovoltaïques, ainsi que l'activité de sa filiale ERDF, qui est gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, lui confèrent les positions incontournables de fournisseur, d'acheteur et de gestionnaire, lui permettant " de tirer avantage d'un monopole légal pour en faire son argument de vente au détriment de son principal concurrent et ce, dans des conditions et selon des moyens qui ne répondent pas aux critères de concurrence par le mérite ".

24. "Bleu Ciel d'EDF" est une marque commerciale déposée, " lancée à l'occasion de l'ouverture à la concurrence de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels en juillet 2007 (2) " et qui " recouvre toute la gamme des offres commerciales relatives à la fourniture de produits et de services à destination des clients résidentiels (3) ". A travers l'exploitation de cette marque, qui prend notamment la forme de plateformes électronique et téléphonique, EDF offre à l'ensemble de sa clientèle de particuliers, y compris celle en tarifs réglementés, des services relevant de la prestation en tarifs régulés (tels que la consultation de la facture de consommation d'électricité) et des services offerts en concurrence, comme l'expliquent les développements qui suivent.

i. La lettre Bleu Ciel d'EDF

25. Depuis novembre 2007, la société EDF SA adresse de façon groupée à ses clients résidentiels, avec leur facture d'électricité, un courrier promotionnel portant la marque Bleu Ciel d'EDF.

26. La Lettre Bleu Ciel d'EDF est envoyée avec la facture de consommation d'électricité à tous les clients résidentiels d'EDF, c'est-à-dire ceux bénéficiant des tarifs réglementés et ceux ayant opté pour des tarifs concurrentiels. La Lettre est publiée deux fois par an et diffusée aux clients en même temps que leur facture d'électricité émise tous les deux mois ou tous les six mois, en fonction de leur niveau de consommation, " ce rythme de facturation expliqu[ant] que la diffusion de la lettre Bleu Ciel d'EDF soit étalée dans le temps de manière à ce que tous les clients l'aient bien reçue (4)".

27. EDF a expliqué: " l'une des caractéristiques de cette marque est de s'inscrire expressément dans une logique d'éco-efficacité énergétique visant en particulier à permettre à ses clients de réaliser des économies d'énergie et à contribuer à la réduction des émissions de CO2 (...) Cette démarche s'inscrit elle-même dans une politique plus générale décidée par les pouvoirs publics dans le contexte national et communautaire de lutte contre les effets de serre et les changements climatiques ". La Lettre Bleu Ciel d'EDF est un support d'information sur l'actualité de la marque Bleu Ciel d'EDF. Elle comporte des informations générales, une description succincte des offres d'EDF pouvant intéresser les clients résidentiels (offre de fourniture de gaz, suivi de consommation, etc.) ainsi que des conseils pour économiser l'énergie (les " éco gestes ") ou pour faciliter le quotidien des clients (des conseils sur la gestion de la facture électronique, par exemple).

28. Comme EDF l'a souligné au cours de l'instruction, les offres d'EDF-ENR ne sont pas directement citées dans la Lettre Bleu Ciel. En revanche, les deux premiers exemplaires de la Lettre font référence à un numéro d'appel, le 3929, auquel un conseiller EDF Bleu Ciel peut être contacté pour obtenir plus d'informations sur l'installation de panneaux photovoltaïques. Cette prestation est intitulée le "Conseil Energie Solaire". La Lettre Bleu Ciel de novembre 2007 - mars 2008 encourage ainsi les clients à " profiter d'une mise en relation avec des professionnels sélectionnés par EDF " et la Lettre Bleu Ciel d'avril 2008 - septembre 2008 propose : " pour installer votre système photovoltaïque, optez pour une solution clés en main avec Bleu Ciel d'EDF ".

ii. Les autres supports promotionnels de la marque Bleu Ciel d'EDF

29. EDF a indiqué qu'aucun autre document de nature commerciale ne fait l'objet d'une diffusion en accompagnement de la facture (5). La communication consacrée aux trois offres photovoltaïques Bleu Ciel d'EDF proposées par EDF-ENR est réalisée au travers de supports spécifiques, prenant la forme de dépliants intitulés "Guide photovoltaïque" (6). Ces supports sont diffusés à l'occasion des salons auxquels participe EDF ENR et dans les boutiques Bleu Ciel d'EDF.

30. Les supports de formation des commerciaux d'EDF SA (7) prodiguant le Conseil Energie Solaire indiquent en outre qu'une " campagne TV nationale " a eu lieu entre le 20 novembre et le 9 décembre 2007 et a été " relayée en PQR (8), presse magazine et presse spécialisée ".

iii. Les canaux de commercialisation de l'offre Bleu Ciel d'EDF

31. EDF ENR a choisi de développer deux canaux commerciaux utilisant la marque Bleu Ciel d'EDF pour la promotion de son activité photovoltaïque. Le fonctionnement de ces deux canaux est encadré par des contrats de commercialisation.

Le contrat de commercialisation conclu entre EDF SA et EDF ENR

32. Un contrat a été conclu entre EDF SA et EDF ENR pour la mise à disposition, au profit de cette dernière, des moyens de deux des divisions commerciales d'EDF SA, à savoir, d'une part, la division particuliers et professionnels (ci-après, la " DP&P ") et d'autre part, la direction services d'éco-efficacité énergétique (ci-après, la " DS3E ").

33. L'examen de l'article 4.4 et de l'annexe 4 de ce contrat permet de constater qu'il est prévu qu'EDF ENR rémunère la DP&P pour l'apport de prospects et la DS3E sur la base d'un forfait par offre vendue.

34. S'agissant de la fonction de ces deux divisions commerciales d'EDF SA, la DP&P a pour mission de positionner EDF comme fournisseur d'énergies nouvelles réparties dans les bâtiments, les transports, les services et les collectivités. Son personnel prodigue le Conseil Energie Solaire au numéro 3929 (9). Par ailleurs, dans le cadre de sa mission, la DS3E propose des offres "multi-lots" comprenant l'audit thermique et énergétique à l'installation, la maintenance et l'exploitation d'équipements permettant la réalisation d'économies d'énergie (pompes à chaleur, climatisation, fenêtres, chaudière à gaz). Elle peut également faire réaliser des interventions sur le bâti (isolation). EDF présente cette dernière division comme un intégrateur de services. L'offre de la DS3E est destinée aux entreprises et collectivités (marché " B2B ") et au grand public (marché " B2C ") (10).

35. La DS3E s'engage, au titre du mandat dont elle est investie dans le cadre du contrat de commercialisation conclu entre EDF SA et EDF ENR, à présenter et promouvoir, auprès des prospects qui lui sont transmis par EDF ENR ou auprès de ses propres prospects pour des offres " multi-lots ", les offres photovoltaïques d'EDF ENR. En pratique, la DS3E est amenée à prendre des rendez-vous avec les clients afin de leur présenter les aspects techniques et commerciaux des offres d'EDF ENR, les règles relatives aux crédits d'impôt, des solutions de financement disponibles. Elle établit et signe les contrats avec les clients au nom et pour le compte d'EDF ENR (11).

36. En ce qui concerne les éléments de contexte justifiant la création de ce partenariat entre EDF ENR et deux divisions d'EDF SA, EDF a souligné dans le cadre de l'instruction que les fournisseurs d'énergie sont soumis à des obligations d'économie d'énergie dont ils peuvent se libérer en réalisant directement ou indirectement des actions éligibles aux certificats d'économie d'énergie (" CEE "), tendant à la maîtrise de l'énergie. Selon EDF, les partenariats avec les entreprises de la filière de la rénovation des bâtiments sont un moyen efficace d'obtenir ces CEE, EDF apportant des prospects à ses partenaires, ces derniers remontant en échange à EDF les " fiches de fin de travaux " ou les factures lui permettant d'obtenir des CEE après dépôt de dossiers auprès des directions régionales de l'industrie, de la Recherche et de l'Environnement (" DRIRE ") (12).

37. EDF ENR a, par ailleurs, motivé le fait d'avoir confié la commercialisation de ses offres aux services commerciaux d'EDF SA, au lieu de se charger elle-même de la promotion de son activité, de la façon suivante : " [lors] du lancement de son offre photovoltaïque en novembre 2007, EDF ENR [qui] ne disposait pas de force commerciale propre, a logiquement été confrontée au choix de son canal de commercialisation. Elle a souhaité faire appel, dans un premier temps tout au moins, à la division DS3E d'EDF. Cette solution présentait un intérêt tant pour la DS3E que pour EDF ENR : (1) elle permet à la DS3E d'acquérir une compétence dans le photovoltaïque, ce qui lui est indispensable dans la mesure où elle commercialise des offres " multi-lots " susceptibles de contenir un lot photovoltaïque ; (2) elle permet à EDF ENR de disposer d'un canal de commercialisation déjà établi et donc rapidement actionnable ; (3) outre la commercialisation des offres photovoltaïques auprès de prospects qui lui sont apportés par EDF ENR (ces prospect lui ayant le plus souvent été initialement détectés par la division particuliers et professionnels DP&P d'EDF SA) la DS3E peut constituer un apporteur d'affaires pour EDF ENR lorsqu'elle détecte pour ses besoins propres un client ayant un besoin de rénovation complexe incluant la pose d'un système photovoltaïque. Dans une telle hypothèse, la DS3E peut proposer aux clients les offres photovoltaïques d'EDF ENR. (...) EDF ENR (...) étudie actuellement l'intérêt de se doter d'une force de vente propre (13) ".

Le contrat de commercialisation liant EDF ENR à Photon Power Technologies (14)

38. L'installation photovoltaïque des clients d'EDF ENR est effectuée par la société Photon Power Technologies (ci-après, " PPT "). Cette dernière est également partenaire d'EDF ENR dans le cadre d'un contrat de commercialisation conclu entre les deux sociétés pour organiser un deuxième canal de commercialisation des offres d'EDF ENR. PPT est une société française créée en 2006 par quatre professionnels actifs dans le secteur de l'énergie solaire photovoltaïque. Son capital est détenu à 51 % par EDF ENR.

39. EDF a déclaré, concernant ce deuxième canal de commercialisation et le contrat commercial conclu à cette fin : " en vertu de ce contrat conclu en janvier 2008 pour une durée d'un an, PPT commercialise les offres photovoltaïques d'EDF ENR au nom et pour le compte d'EDF ENR, sur le marché des particuliers et à l'exclusion de la construction neuve. Ce contrat se distingue de celui conclu avec la DS3E, dans la mesure où PPT a consenti à EDF ENR une exclusivité pour la commercialisation de systèmes photovoltaïques sur le marché des particuliers en logements existants. [Ce document] diffère par la formule de rémunération, qui au-delà de la prestation de commercialisation, a vocation à intéresser PPT pour l'ensemble des offres photovoltaïques conclues par EDF ENR (15)".

40. Dans le cadre de ce partenariat, PPT effectue des prestations d'ingénierie et d'étude technique, fournit à tous les clients d'EDF ENR l'équipement aux fins de l'installation photovoltaïque, fait l'étude de rentabilité financière, élabore les solutions de financement adéquat, prend en charge les démarches administratives et procède à la pose et à la maintenance de l'installation photovoltaïque de la clientèle d'EDF ENR. iv. Le " Conseil Energie Solaire " prodigué au numéro de téléphone 3929 par le personnel d'EDF SA

41. Au cours de l'instruction, EDF a exposé que le Conseil Energie Solaire est un service d'information et de conseil aux particuliers désirant devenir producteurs d'énergie photovoltaïque, qui se présente soit sous forme d'un dépliant papier, soit sous forme d'un conseil téléphonique. Dans le cadre de cette dernière prestation, les conseillers commerciaux d'EDF SA fournissent gratuitement, sur appel téléphonique entrant, toutes les explications de nature technique, administrative et fiscale, relatives à la production photovoltaïque répartie. A l'issue du conseil, si le client résidentiel le souhaite, il peut être mis en relation avec un conseiller spécialisé.

42. Les responsables de la DP&P d'EDF, ont déclaré, s'agissant de la fonction spécifique du 3929, que " peu de prospects acceptent finalement une visite commerciale avec EDF ENR. Les particuliers appellent principalement le 3929 afin d'obtenir une information générale sur le photovoltaïque. Une distinction claire doit donc être opérée entre le Conseil Energie Solaire qui est prodigué gratuitement et l'éventuelle mise en relation avec un conseiller spécialisé qui n'est effectuée que si le client le souhaite. (...). Les conseillers de la DP&P d'EDF sont formés par des experts techniques de vente à l'aide d'un script et de quelques supports visuels. (...) Lorsqu'il n'y a pas de disponibilité immédiate d'un conseiller spécialisé, les coordonnées du client sont transmises par mail à EDF ENR sur une boîte mail générique. EDF ENR transmet alors ce prospect à son second canal de commercialisation (Photon Power Technologies) (16) ".

43. Les supports de formation des commerciaux d'EDF SA, qui sont chargés de prodiguer le Conseil Energie Solaire, présentent le Conseil Energie Solaire, en premier lieu, comme un conseil gratuit ayant pour objectif de qualifier les prospects et de les amener à réaliser une installation photovoltaïque, précisant toutefois qu'il s'agit " d'un conseil gratuit ayant pour objectif de qualifier les prospects [et d'un] produit d'appel [...consistant] en un premier niveau d'information sur le fonctionnement, les démarches et les aides, puis une mise en relation avec un commercial d'EDF (17) ".

b) Les avantages liés à la position d'acheteur d'électricité photovoltaïque

44. Solaire Direct évoque une publicité d'EDF dans laquelle celle-ci indique que " le système solaire photovoltaïque vous permet de produire et de vendre votre électricité à EDF à un prix jusqu'à 5 fois supérieur au tarif bleu du kWh ", soulignant que " sans être mensongère, cette information vise toutefois à induire le consommateur en erreur sur les activités d'EDF, laquelle tire avantage d'une situation résultant d'une disposition légale : le client est tenté de contracter avec EDF, ne serait-ce qu'en raison de sa situation d'interlocuteur référent et historique ".

45. A cet égard, comme cela a été précédemment indiqué, l'obligation d'achat de l'électricité photovoltaïque par EDF et les DNN lorsque les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent procède de l'article 10 de la loi du 10 février 2000.

c) La séparation de l'activité de gestion de réseau de distribution

i. L'information du public sur l'activité du gestionnaire du réseau de distribution

46. La saisissante soutient en outre que le positionnement d'EDF, qui est à la fois gestionnaire du réseau public de distribution et acheteur de l'électricité produite par des installations photovoltaïques, lui permet " loin de se cantonner à une concurrence par les mérites, [d'utiliser] cette position et cet avantage marketing comme un argument de vente afin d'inciter ses clients à souscrire une offre auprès de ses services, sous-entendant que les démarches tant administratives que techniques [comme l'étape du raccordement de l'installation photovoltaïque au réseau de distribution, au stade de laquelle l'offre de Solaire Direct accuse des retards,] lui seraient ainsi facilitées ".

47. A cet égard, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), chargée d'évaluer les engagements pris par les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution en vue d'éviter toute pratique discriminatoire, en particulier en faveur de leur maison mère, a notamment relevé, dans ses observations du 31 octobre 2008 relative à la saisine, que divers rapports d'enquête et d'audit " montrent que le grand public méconnaît le nouveau contexte de séparation entre les entités distributeur et fournisseur, et la délimitation des missions de chacune ".

48. Comme cela a été exposé plus haut, les codes de bonne conduite élaborés par les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité, sous la supervision de la CRE, regroupent les mesures prises pour garantir que toute mesure discriminatoire à l'égard des utilisateurs de réseau est exclue. Chaque année, le régulateur sectoriel publie un rapport sur le respect des codes de bonne conduite et l'indépendance de ces gestionnaires. Le dernier de ces rapports, établi pour l'année 2007, a relevé que la dénomination et le logo d'ERDF retenus par le groupe induisent une confusion certaine dans l'esprit du grand public entre les activités de la filiale de distribution et celles du fournisseur EDF. De même, il est indiqué dans ce document que " la maison mère doit s'abstenir de mener des actions de communication sur les sujets relevant des missions de la filiale gestionnaire de réseaux ainsi que de toute communication associant les activités concurrentielles et les activités régulées ". Selon le régulateur sectoriel, de telles restrictions revêtent une importance particulière au regard de la confusion du grand public sur la distinction entre fournisseur et distributeur. Ainsi, un rapport d'audit commandité par la CRE relève : " le groupe EDF reste identifié par le "grand public" comme l'interlocuteur technique de référence pour l'électricité quand bien même les clients ne connaîtraient pas dans le détail ses prérogatives et l'existence d'un distributeur EDF en tant que tel. De nombreux clients savent qu'en cas de dépannage, ils restent en contact avec le groupe EDF ". La CRE a donc demandé que " la communication institutionnelle d'EDF ne mélange pas le domaine régulé et le domaine concurrentiel ".

49. Dans ce rapport pour l'année 2007, sont également signalés des comportements discriminatoires à l'égard de fournisseurs, prenant la forme, d'une part, de situations dans lesquelles les utilisateurs sont orientés vers le fournisseur EDF par les agents d'accueil d'ERDF et d'autre part, de cas dans lesquels les utilisateurs sont dissuadés de choisir un fournisseur alternatif (18). Le régulateur sectoriel a, en conséquence, demandé à ERDF de développer la formation de ses agents à cet égard.

50. Dans son avis du 31 octobre 2008, la CRE a enfin insisté sur le caractère indispensable, pour éviter toute confusion dans l'esprit des utilisateurs, de la distinction opérée entre le nom, la forme ou les couleurs du logo de la filiale de distribution et ceux du fournisseur historique d'électricité, en particulier au regard des constatations qui précèdent et des résultats des rapports et des enquêtes qu'elle a diligentées, qui démontrent que le grand public méconnaît la nouvelle situation de la séparation entre les deux entités (19).

ii. La gestion des retards concernant le raccordement au réseau de distribution

51. Solaire Direct déclare ne pas faire grief " à ERDF d'accorder un traitement préférentiel à l'une des filiales du groupe EDF [mais s'inquiéter] d'un éventuel traitement discriminatoire, compte tenu des dysfonctionnements notés à son égard ".

52. Au cours de l'instruction, la société ERDF a attiré l'attention sur le développement récent et important de la production d'électricité photovoltaïque par des particuliers : " la production indépendante s'est développée depuis la fin des années 1990 : cogénération, éolien, avec des installations de puissance significative, généralement raccordées sur le réseau 20 000 volts.

Le développement de petites installations de production, notamment en photovoltaïque, est beaucoup plus récent. Jusqu'à la fin 2006, il n'y avait eu que 1 536 raccordements en photovoltaïque à l'échelle nationale. Il s'agissait donc encore, à cette époque, d'une activité marginale pour le distributeur, progressant tout juste au rythme d'une cinquantaine de raccordements par an. En juillet 2006, un nouveau tarif de rachat de l'énergie solaire attractif, fixé par arrêté ministériel à 55 centimes d'euro par kWh lorsque le panneau est intégré dans la toiture de l'architecture, ainsi notamment qu'un crédit d'impôts, ont conduit à l'explosion du marché de la production d'électricité photovoltaïque. En ce qui concerne les volumes et flux globaux, le document en annexe 3 intitulé "Statistiques raccordement installations de production photovoltaïques France continentale années 2007 et 1er semestre 2008" indique un décollage sur la courbe des demandes depuis le printemps 2007. Aujourd'hui, nous comptons 2 500 demandes par mois. La demande sur le marché a donc triplé et se concentre à plus de 80 % sur 4 régions (Rhône Alpes Bourgogne, Méditerranée, Sud-Ouest et Ouest dont 1/3 sur la Méditerranée). Il y a, à fin juin 2008, 12 056 demandes en cours de traitement : cela représente environ 8 mois de traitement des demandes et ce délai aurait plutôt vocation à s'allonger sur les régions les plus impactées ".

53. Le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité a en outre expliqué, s'agissant des retards dont la saisissante se plaint en matière de raccordements au réseau (20) : " nous raccordons les installations de production photovoltaïque, comme tout raccordement, sur la base d'une demande par point de livraison (PDL), avec une méthode non discriminatoire dans l'ordre d'arrivée des demandes : c'est le principe de la file d'attente : "premier arrivé premier servi" (21) ".

54. Par ailleurs, sous réserve des règles fixées par le législateur et par l'autorité sectorielle, les règles de l'accès au réseau sont établies dans le cadre de concertations avec les acteurs du marché sous l'égide de la CRE, cette dernière pouvant être saisie " en cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès aux réseaux, ouvrages et installations (...) ou à leur utilisation (...) (22) ".

55. A cet effet, un Comité des utilisateurs du réseau de distribution d'Electricité (ci-après, le " CURDE ") donne lieu à des concertations multilatérales. Le CURDE réunit tous les deux mois l'ensemble des acteurs de la chaîne (parmi lesquels les fournisseurs, ainsi que la CRE, RTE, les ELD), les associations de consommateurs et les associations de producteurs, afin d'organiser la concertation sur les évolutions du marché et des règles et des outils de gestion. Lorsque de bonnes pratiques sont adoptées, l'information les concernant circule au sein du CURDE. Ce dernier comprend également des comités spécialisés, dont un comité de concertation avec les associations de producteurs, qui rassemble des associations représentant aussi les petits producteurs en matière photovoltaïque.

56. Dans le cadre de l'activité de ce dernier comité, un groupe de travail spécialisé sur la question des difficultés de raccordement a été constitué début 2008. La dernière réunion du comité a eu lieu le 2 octobre 2008. A cette occasion, les conclusions du groupe de travail sur les difficultés de raccordement des petits producteurs photovoltaïques, particulièrement en matière de délais de raccordement des installations photovoltaïques des particuliers, ont été présentées et permettent de constater la mise en place de nombreuses actions afin de raccourcir les délais.

57. S'agissant des données statistiques concernant les demandes de raccordements effectuées par des mandataires tels que la saisissante et EDF ENR, jusqu'au deuxième semestre de l'année 2007, ERDF recevait essentiellement des demandes de producteurs. Les prestations de mandataires n'ont augmenté que par la suite. En outre, " les entités opérationnelles des régions n'utilisent pas de statistiques concernant les mandataires pour piloter l'activité de raccordement. Ceci explique que les seules données que nous sommes en mesure de vous fournir à cet égard sont tout à fait récentes et donc incomplètes. (...) il n'existe pas de statistiques à proprement parler. Par ailleurs, il n'existe pas d'obligation légale de communiquer aux mandataires des données sur les raccordements dans leur secteur d'activité (23) ". Les données qui peuvent être collectées à cet égard sont donc très récentes et parcellaires.

2. L'EXPLOITATION DE LA BASE DE DONNÉES CLIENTS DE L'OPÉRATEUR HISTORIQUE

58. La saisissante dénonce une utilisation abusive de la base de données de clients résidentiels soumis aux tarifs réglementés de l'opérateur historique pour procéder à l'envoi d'un courrier publicitaire, la " Lettre Bleu Ciel d'EDF ", combiné avec la facture de consommation d'électricité, afin de promouvoir les offres de sa filiale EDF ENR en matière photovoltaïque à moindre coût.

59. Solaire Direct reproche également à EDF de mettre à la disposition des télé-conseillers prodiguant, au numéro 3929, le " Conseil Energie Solaire ", la base de données clients de l'opérateur historique, comprenant " notamment la superficie des logements des particuliers, et le type de chauffage utilisé - gaz/électricité, les habitudes de consommation, etc. " pour " proposer des offres personnalisées à ces derniers [leur permettant ainsi de] pré-qualifier les prospects ", alors même que ces données ne sont pas accessibles aux concurrents d'EDF ENR sur le marché connexe en cause.

60. A cet égard, les représentants d'EDF ont déclaré que seules sont collectées dans le cadre du Conseil Energie Solaire les coordonnées du client (nom et numéro de téléphone) et l'information concernant les heures auxquelles celui-ci accepte d'être recontacté. EDF a souligné, s'agissant des données pertinentes pour l'activité photovoltaïque, que " pour préciser la nature de l'installation du client, il faut ensuite se déplacer sur les lieux. Un premier contact téléphonique est pris avant ce déplacement pour vérifier que le client est toujours intéressé et pour s'assurer que l'installation de panneaux photovoltaïques semble possible. Le personnel de la DS3E qui effectue la visite a reçu une formation technique ou technico commerciale et dispose d'un cahier des charges techniques à respecter pour pouvoir procéder à une simulation du productible après avoir vérifié qu'il est possible d'installer des panneaux solaires sur le lieu d'habitation du client. La simulation du productible est faite par un logiciel disponible dans le commerce. Les données qu'il est nécessaire d'entrer aux fins d'une simulation sont les suivantes: la zone géographique où se situe l'habitation, l'orientation et la pente du toit, la surface disponible et les éventuels " masques " (ombres portées par des cheminées, des arbres ou des constructions voisines) (24)".

61. L'instruction a, par ailleurs, permis d'obtenir de plus amples explications concernant un dossier de presse récent et une présentation faite, à cette occasion, par EDF EN annonçant un projet d'augmentation de capital de 500 millions d'euro destiné à financer l'accélération de la croissance de la filière photovoltaïque. Ce document souligne qu'EDF ENR est " positionné pour saisir les opportunités du marché des énergies réparties [et que l'un de ses] facteurs clés de succès [est] l'accès à une large base de clientèle à un coût compétitif [grâce au] positionnement d'EDF-ENR [qui lui permet d'avoir] accès au portefeuille de clients d'EDF à travers le réseau commercial d'EDF (25) ". EDF a, en effet, précisé : " lorsque EDF EN, en présentant EDF ENR, fait référence, dans sa présentation, à un " accès à une large base de clientèle à un coût compétitif", cela signifie seulement qu'EDF EN a acquis, en s'alliant avec EDF, une compétence sur la vente sur le marché de masse, compétence qu'elle ne possédait pas. L'acquisition de compétence résulte du fait que le personnel d'EDF ENR occupait ou avait occupé précédemment des postes sur le marché grand public au sein d'EDF SA. Si EDF a filialisé cette activité, c'est justement pour qu'elle soit comptablement isolée et transparente (26) ".

a) Les données partagées avec le gestionnaire de réseau

62. S'agissant de l'étendue des informations incluses dans la base de données mise à la disposition des téléopérateurs du 3929, il convient de relever que la CRE a indiqué, dans une communication du 8 février 2007 sur la préparation du système d'information (SI) d'ERDF à l'ouverture du marché des clients résidentiels de l'électricité le 1er juillet 2007, qu'il " semble que le fournisseur EDF s'apprête à gérer durablement le portefeuille des clients aux tarifs réglementés dans l'outil " QE/TGC ", commun au fournisseur et au distributeur EDF. Une telle posture aurait pour effet de créer des différences de traitement entre le fournisseur EDF et les autres fournisseurs d'électricité [...]. Une telle situation ne peut être que transitoire. Le fournisseur et le distributeur EDF doivent mettre en œuvre les moyens nécessaires pour transférer la totalité des clients aux tarifs réglementés vers le système de gestion clientèle du fournisseur EDF avant juillet 2009 ". La CRE observait également " que le fournisseur EDF accède au système " SGE " via le réseau intranet, alors que les fournisseurs alternatifs utilisent le réseau internet. Ceci crée des écarts de performance en termes de temps de réponse du système, à l'avantage du fournisseur historique EDF (27) ".

63. La société ERDF a confirmé que l'utilisation partagée entre EDF et ERDF des systèmes d'information (SI) relatifs aux clients résidentiels soumis au tarif réglementé persiste à ce jour : " le fournisseur historique utilise encore pour le stock de clients soumis au tarif réglementé la base de données servant à ERDF, mais le projet DISCO (Distributeur/Commercialisateur) a permis de séparer dès 2004 l'accès aux données réseau (points de livraisons utilisées par ERDF et aux données fournitures (clients) utilisées par le fournisseur historique. (...) A plus long terme, le programme SYCLADE d'ERDF ainsi que l'extension progressive d'un nouveau SI clientèle par le fournisseur historique permettront une séparation physique complète des SI. Ces explications sont hors du champ de la question du raccordement photovoltaïque (28) ".

3. LES AVANTAGES MATÉRIELS CONSENTIS À EDF ENR

64. Hormis les avantages immatériels octroyés à EDF ENR, s'agissant de l'accès à la base de données clients de l'opérateur historique, Solaire Direct fait valoir que l'opérateur historique met à la disposition de sa filiale des moyens matériels, lui permettant de pénétrer, de manière abusive, sur le marché émergent en cause.

65. Solaire Direct se réfère plus spécifiquement, à cet égard, à des avantages tels que la mise à disposition de salariés, d'un centre d'appels chargé de promouvoir et de commercialiser les offres d'EDF ENR, de fonds pour l'impression des supports commerciaux d'EDF ENR ainsi que pour la réalisation d'une campagne publicitaire, et la promotion de ses offres au travers de la Lettre Bleu Ciel, au bénéfice de l'image de marque et de la notoriété d'EDF.

66. Il ressort de l'instruction qu'EDF SA a mis à la disposition de sa filiale, EDF ENR, opérant dans le secteur concurrentiel :

- du personnel de deux de ses cinq divisions commerciales ainsi que les infrastructures et moyens matériels nécessaires à leur activité ;

- des fonds pour la création (élaboration, impression) de supports promotionnels autres que la Lettre Bleu Ciel d'EDF comme ceux présentés lors de salons professionnels ou dans les boutiques Bleu Ciel d'EDF ;

- des fonds nécessaires à l'impression (qui ne font pas l'objet d'un chiffrage) et l'envoi de la Lettre Bleu Ciel à ses clients résidentiels ;

- et des fonds pour la publicité du Conseil Energie Solaire dans les médias, et notamment, pour la campagne télévisée organisée en 2007 puis relayée dans la presse quotidienne ainsi, au moins, que la promotion du Conseil Energie Solaire sur la station de radio France Inter et des fonds investis aux fins de campagnes publicitaires dans la presse en 2008 (29).

67. En ce qui concerne la mise à disposition du personnel d'EDF SA, l'article 4.4 du contrat de commercialisation conclu entre EDF SA et EDF ENR, précédemment mentionné, prévoit d'une part, la rémunération de la DP&P pour l'apport de prospects, c'est-à-dire par contact client ayant accepté un rendez-vous téléphonique et d'autre part, la rémunération de la DS3E sur la base d'un forfait par offre vendue, c'est-à-dire, par dossier complet envoyé à EDF ENR dans les délais prévus au contrat. Le montant de cette rémunération est couvert par le secret des affaires, mais EDF a indiqué que le prix unitaire pour l'apport d'un prospect par la DS3E et la DP&P est compris dans une fourchette de [50 à 100] euro.

4. LE VERROUILLAGE DU MARCHÉ AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT EN ÉQUIPEMENTS PHOTOVOLTAÏQUES

68. Selon la saisissante, EDF tente de restreindre l'accès au marché amont de l'approvisionnement en équipements photovoltaïques.

69. Solaire Direct évoque deux séries de circonstances qui, selon elle, attestent de la tentative de verrouillage du marché amont de l'approvisionnement en équipements nécessaires à l'activité de producteur d'électricité photovoltaïque, à savoir :

- en premier lieu, l'échec de ses négociations avec les sociétés Tenesol et Photowatt pour l'approvisionnement en modules photovoltaïques ;

- en second lieu, l'échec de ses négociations avec la société Edelia, filiale d'EDF, spécialisée en équipement de suivi et de mesure à distance des consommations d'énergie.

70. L'instruction a fait apparaître que les opérateurs se fournissent en produits sur le marché connexe au niveau mondial auprès d'opérateurs divers et que les difficultés éventuellement rencontrées en cette matière sont généralisées à l'ensemble de la filière.

E. LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE

71. Une séance du Conseil de la concurrence a eu lieu le 26 novembre 2008 pour examiner, d'une part, la recevabilité de la saisine au fond de la société Solaire Direct, et d'autre part, le bien fondé de sa demande de mesures conservatoires.

72. A l'occasion de la présentation de son rapport oral en séance, en application de l'alinéa 1 de l'article R. 464-2 du Code de commerce, la rapporteure, tout en donnant son point de vue sur les deux questions mentionnées au paragraphe précédent, a fait connaître aux entreprises concernées son évaluation préliminaire des pratiques en cause. Les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction ont conduit les services d'instruction à identifier des préoccupations de concurrence de trois ordres :

- en premier lieu, l'envoi de la " Lettre Bleu Ciel d'EDF " mentionnant un conseil en énergie solaire par appel au 3929, dans un courrier commun avec la facture d'électricité adressée à la clientèle résidentielle d'EDF SA, dont la majorité relève du tarif réglementé proposé par EDF, est susceptible de donner un avantage concurrentiel indu à EDF ENR au détriment de ses concurrents sur le marché des services offerts aux particuliers producteurs d'électricité photovoltaïque ;

- en second lieu, l'utilisation, par les opérateurs du 3929, d'informations collectées dans le cadre de l'activité régulée de l'opérateur historique EDF pour le démarchage commercial d'EDF ENR, alors que les concurrents de cette filiale n'y ont pas accès, est également susceptible de représenter un avantage indu si ces informations étaient de nature, directement ou indirectement, à rendre plus crédibles ou plus attractives les offres de cette filiale ;

- en troisième lieu, la mise à disposition de moyens matériels et humains de l'opérateur historique au profit de sa filiale opérant dans un secteur concurrentiel peut être source de subventions croisées, susceptibles de conduire à la qualification d'abus de position dominante.

73. A l'issue des débats, les sociétés EDF SA et EDF ENR ont indiqué qu'elles étaient prêtes à prendre des engagements pour répondre aux préoccupations de concurrence exprimées au cours de la séance.

74. Le détail de ces engagements n'ayant pu être présenté, il est apparu qu'un délai supplémentaire était nécessaire pour que ceux-ci puissent être précisément définis. A cette fin, en application de l'alinéa 2 de l'article R. 464-2 du Code de commerce, la présidente de séance a fixé au 15 décembre 2008 la date limite pour transmettre une proposition par écrit au Conseil de la concurrence. Les sociétés EDF SA et EDF ENR ont répondu à cette demande le 22 décembre 2008, après avoir obtenu un nouveau délai pour finaliser le contenu de leur proposition.

75. En application de l'alinéa 3 de l'article R. 464-2 du Code de commerce, le rapporteur général a fait publier, le 7 janvier 2009, un résumé de l'affaire et de la proposition d'engagements pour permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations. Le délai pour la production des observations des parties, du commissaire du Gouvernement et des tiers intéressés a été fixé au 9 février 2009.

76. Le Conseil a sursis à statuer le 2 février 2009 et renvoyé l'examen de l'affaire à une nouvelle séance dont la date a été fixée au 24 février 2009.

77. Outre les observations orales du commissaire du Gouvernement et de la saisissante, la séance du 24 février 2009 a permis de recueillir les témoignages de la CRE, ainsi que de la société Direct Energie, qui est présente sur le marché des services aux producteurs d'énergie photovoltaïque à travers l'offre de ses filiales Direct Energie Renouvelable et Genesol et de la société Evasol.

II. Discussion

78. L'article 42 du décret du 30 avril 2002 énonce que " la demande de mesures conservatoires mentionnée à l'article L. 464-1 du Code de commerce ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond du Conseil de la concurrence. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée ". Une demande de mesures conservatoires ne peut donc être examinée que pour autant que la saisine au fond ne soit pas rejetée faute d'éléments suffisamment probants, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 462-8 du Code de commerce selon lequel le Conseil de la concurrence, " (...) peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ".

A. SUR L'APPLICABILITÉ DU DROIT COMMUNAUTAIRE

79. Selon la communication de la Commission européenne sur les lignes directrices de la Commission européenne relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JOCE n° C 101 du 27 avril 2004, ci-après, les " lignes directrices sur l'affectation du commerce entre États membres "), " les articles 81 et 82 du traité s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d'entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ". Pour être prise en compte, cette affectation doit être sensible.

80. Le Conseil a de même rappelé, dans ses décisions n° 06-D-09, 06-D-37 et n° 07-D-27, que trois éléments établissent que des pratiques sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce intracommunautaire : l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits faisant l'objet de la pratique, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.

81. Les abus de position dominante commis sur le territoire d'un seul État membre sont susceptibles, dans certains cas, d'affecter le commerce intracommunautaire comme l'énonce le paragraphe 93 des lignes directrices sur l'affectation du commerce entre États membres, qui expose : " lorsqu'une entreprise, qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté. En général, ce comportement abusif rendra plus difficile aux concurrents d'autres États membres la pénétration sur le marché, auquel cas les courants d'échanges sont susceptibles d'être affectés ". De même, il est indiqué, au paragraphe 96, que " lors de l'appréciation du caractère sensible, il faut également tenir compte du fait que la présence de l'entreprise dominante couvrant l'ensemble d'un État membre est susceptible de rendre la pénétration du marché plus difficile. Toute pratique abusive qui rend plus difficile l'entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce. La conjonction de la position de marché et de la nature anticoncurrentielle de son comportement implique que, normalement, ces abus affectent sensiblement le commerce par leur nature même ".

82. En l'espèce, les pratiques dénoncées, qui portent à titre principal sur des pratiques d'éviction mises en œuvre par EDF, sont susceptibles d'élever des barrières à l'entrée sur le marché français des services offerts aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'énergie photovoltaïque, et dès lors d'affecter le commerce intracommunautaire.

83. En l'état de l'instruction, les pratiques en cause paraissent donc susceptibles d'affecter sensiblement le commerce intracommunautaire. Elles doivent, en conséquence, faire l'objet d'une appréciation au regard non seulement du droit national, mais aussi du droit communautaire de la concurrence.

B. SUR LES MARCHÉS PERTINENTS ET LA POSITION DES SOCIÉTÉS MISES EN CAUSE SUR CES MARCHÉS

84. Deux marchés sont susceptibles d'être affectés par les pratiques dénoncées :

- le marché de la fourniture d'électricité aux clients soumis aux tarifs réglementés, auxquels est expédiée la Lettre Bleu Ciel d'EDF ;

- le marché connexe de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque.

1. EN CE QUI CONCERNE LE MARCHÉ DE LA FOURNITURE D'ÉLECTRICITÉ AUX TARIFS RÉGLEMENTÉS

85. EDF ne conteste pas occuper, encore aujourd'hui, malgré une diminution progressive de sa part de marché au cours des dernières années par l'effet de la libéralisation, une position importante sur les marché français de la production et de la fourniture d'électricité.

86. L'ouverture du marché français de la fourniture d'électricité s'est juridiquement achevée le 31 juillet 2007, date à partir de laquelle tout consommateur final d'électricité peut, pour chacun de ses sites de consommation, choisir librement son fournisseur d'électricité. Ainsi, depuis le 31 août 2008, 1,2 million de clients résidentiels et non résidentiels ont choisi l'éligibilité en devenant clients d'une offre de marché, parmi lesquels sont compris 454 000 sites résidentiels.

87. Il convient de préciser toutefois que le législateur français a maintenu des tarifs réglementés qui, depuis le 1er juillet 2007, sont applicables d'une part à tous les clients éligibles qui n'ont pas exercé leur éligibilité et ont expressément sollicité le bénéfice de ces tarifs avant le 1er juillet 2010 et d'autre part à l'ensemble des clients éligibles qui, bien qu'ayant exercé leur éligibilité depuis plus de six mois, demandent expressément, avant le 1er juillet 2010, à bénéficier des tarifs réglementés.

88. Ainsi, la CRE estime entre 90 et 95 % les parts de marché détenues par l'opérateur historique au 31 août 2008 sur le marché de la fourniture de l'électricité aux clients résidentiels, sur un total de 29,4 millions de sites, étant précisé que 98 % de ces sites bénéficient encore des offres aux tarifs réglementés encore proposées à ce jour par EDF et les ELD.

89. L'ensemble de ces éléments conduit à considérer qu'EDF est susceptible de détenir une position dominante sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels et, plus spécifiquement, à ceux bénéficiant des tarifs réglementés, qu'elle offre en quasi-monopole, avec les DNN.

2. EN CE QUI CONCERNE LE MARCHÉ CONNEXE DE L'OFFRE DE SERVICES AUX PARTICULIERS SOUHAITANT DEVENIR PRODUCTEURS D'ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE

90. Dans ses observations, EDF conteste la pertinence du marché sur lequel la saisissante dit être en concurrence avec EDF ENR, marché circonscrit aux offres incluant cumulativement un ensemble de prestations telles que la fourniture et l'installation des équipements photovoltaïques, le suivi, la maintenance et l'exploitation des équipements, la prise en charge des démarches administratives et une solution de financement. EDF soutient que le coeur de la prestation consiste en la fourniture et l'installation des panneaux photovoltaïque et que ce n'est que de manière optionnelle et accessoire que peuvent s'y ajouter les autres services. Or, EDF expose que de nombreuses entreprises, dont elle fournit une liste, proposent la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques en France et qu'EDF ENR et Solaire Direct ne sont en aucun cas les seuls acteurs sur le marché pertinent de produits ainsi défini. EDF estime la part de sa filiale sur ce marché à moins de 10 % au niveau national et à moins de 6 % dans les régions Provence Alpes Côtes d'Azur et Languedoc-Roussillon où est présente Solaire Direct.

91. La lourdeur et la complexité des démarches à accomplir pour devenir producteur d'électricité photovoltaïque ont toutefois favorisé l'émergence d'une nouvelle catégorie d'offre de services couramment dénommée "clés en main" et adressée aux producteurs potentiels d'électricité photovoltaïque. Les demandeurs de ce type de services sont des particuliers souhaitant déléguer la mise en place de leur installation et en assurer l'optimisation. Les opérateurs qui, comme la saisissante, offrent ce type de prestations prennent donc généralement en charge, dans le cadre d'une formule de base, l'ensemble des tâches liées au lancement de l'installation photovoltaïque, c'est-à-dire les formalités administratives, l'exploitation et la maintenance, mais aussi, dans le cadre de prestations plus élaborées, l'élaboration d'un montage juridique et financier permettant aux futurs producteurs de bénéficier d'un revenu positif sans mise de fond initiale.

92. Toutefois, même sur un marché qui serait restreint aux offres associant l'ensemble de ces prestations, il apparaît peu probable, en l'état de l'instruction, qu'EDF ENR, qui n'a lancé ses premières offres que fin 2007, occupe une position dominante. En effet, de nombreux opérateurs offrent des services qui, sans être forcément identiques à ceux proposés par Solaire Direct et EDF ENR, comportent des prestations clés en main similaires. Parmi ces opérateurs, la société Evasol semble occuper une position de leader. Les sociétés suivantes ont également été mentionnées à plusieurs reprises au cours de l'instruction : Sunnco, Cervin ENR. Comme cela a été indiqué plus haut, les données statistiques disponibles concernant cette filière, c'est- à-dire celles concernant les demandes de raccordement au réseau de distribution d'électricité, sont d'apparition récente et ne permettent pas de préciser davantage la position des opérateurs sur le marché connexe et donc a fortiori, celle d'EDF ENR qui n'a mis ses premières offres sur le marché qu'en novembre 2007.

93. En tout état de cause, la jurisprudence, tant communautaire que nationale, admet qu'une entreprise dominante sur un marché donné peut se voir reprocher un abus dont les effets affectent d'autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l'abus déploie ses effets sont suffisamment connexes (voir notamment les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes du 6 mars 1974 Commercial Solvents/Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223, point 22 et du 3 octobre 1985, CBEM, 311-84, Rec. p. 3261, point 26, l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 17 février 2003 British Airways/Commission, T-219-99, Rec ; p.II- 5917, points 127, 130 et 132, et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 février 2005, JC Decaux, rendu sur recours contre la décision du Conseil de la concurrence n° 04-D-32). L'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes Tetra Pack du 14 novembre 1996, précise qu'un tel lien peut être prouvé par la simple démonstration d'effets anticoncurrentiels sur le marché connexe, du fait d'une ou de plusieurs position(s) dominante(s). Il convient donc, en l'espèce, d'examiner le lien existant entre le marché de la fourniture d'électricité en tarifs réglementés, qui est le marché dominé, et le marché des services offerts aux particuliers producteurs d'électricité photovoltaïque, sur lequel ont été relevées des pratiques litigieuses.

94. S'agissant de la caractérisation de ce lien et du rapport de causalité, l'image de service public et la puissance, consubstantielle au caractère de monopole public historique sur la fourniture d'électricité, dont dispose EDF, sont de nature à favoriser le choix de sa filiale comme cocontractante par les producteurs potentiels d'électricité photovoltaïque. Les pratiques relevées prennent appui sur l'ensemble des moyens tant matériels, qu'immatériels et non reproductibles, dont dispose EDF du fait de sa position historique sur les marchés de l'électricité. De plus, EDF est fournisseur d'électricité aux tarifs réglementés d'une part, acheteur de l'électricité photovoltaïque produite, d'autre part et, au surplus, sa filiale, ERDF, effectue le raccordement au réseau d'électricité des installations de production d'électricité photovoltaïque. Le fait même que diverses prestations concernant l'installation photovoltaïque soient associées par EDF elle-même crée un lien de connexité entre ces prestations. Ces circonstances font apparaître que les clients d'EDF sur le marché de la fourniture sont aussi des clients potentiels sur le marché des services aux particuliers producteurs d'électricité photovoltaïque et, s'il en était besoin, qu'EDF est présente, à travers différentes entités du groupe, à toutes les étapes de la mise en place d'une installation photovoltaïque. L'existence de liens de connexité entre les deux marchés en cause est également corroborée par le fait que les opérateurs autres qu'EDF ENR sur le marché connexe en cause ne bénéficient pas, compte tenu notamment des dimensions nationales du marché, de l'image de l'opérateur historique. Cette caractéristique représente un avantage immatériel propre à EDF, le Conseil relevant, de manière constante (notamment dans les décisions n° 94-A-15, n° 99-D-51), que " cette bonne notoriété repose sur des appréciations de sérieux, de fiabilité, ou de sécurité avec des garanties d'universalité et de continuité " et que " EDF comme GDF, sont perçus tant par les particuliers que par les entreprises, comme des interlocuteurs de référence pour les utilisations après compteur de l'énergie, ce qui leur confère un rôle de conseil, de "certificateur", voir de "prescripteur" de fait ".

95. Dès lors, il y a lieu de considérer, au regard des critères jurisprudentiels précités, qu'un lien de connexité étroit est susceptible, en l'état de l'instruction, d'exister entre le marché dominé de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels, en particulier ceux bénéficiant de tarifs réglementés, et le marché de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque sur lequel EDF est présente à travers sa filiale EDF ENR.

C. SUR L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

96. Le Conseil a été conduit, à l'occasion de l'ouverture à la concurrence des marchés des télécommunications, de l'électricité, du gaz et des transports ferroviaires, à maintes reprises et tout autant dans le cadre de son rôle consultatif (30), que dans celui de ses attributions contentieuses, à se prononcer sur la question de l'insertion des monopoles publics dans le libre jeu de la concurrence, dès lors que la libéralisation de ces secteurs s'accompagne de la diversification des activités des anciens monopoles (31).

97. La pratique décisionnelle du Conseil, qui ne méconnaît pas l'intérêt d'une diversification des activités des opérateurs historiques, susceptible, dans certaines circonstances, de stimuler la concurrence sur les marchés, a néanmoins et de manière constante recommandé que soit effectué un suivi vigilant d'un tel processus et appelé à une appréciation concrète de ses conséquences en fonction de la structure des marchés concernés.

98. Ainsi a-t-il été observé, notamment dans l'avis n° 94-A-15 du 10 mai 1994 relatif à une demande sur les problèmes soulevés par la diversification des activités d'EDF et de GDF au regard de la concurrence, que " la situation particulière de ces établissements publics leur permet d'obtenir de manière privilégiée des moyens de financement, que l'accès au consommateur final est facilité par l'existence d'un réseau couvrant l'intégralité du territoire national et qu'ils bénéficient de l'image d'intérêt général du service public, toutes caractéristiques qui constituent des avantages incontestables facilitant l'implantation sur des marchés ne relevant pas du monopole légal ".

99. Les conditions énoncées dans cet avis ont depuis lors fait l'objet de nombreux rappels au fil de la pratique décisionnelle du Conseil. Il s'agit essentiellement de la " séparation étanche entre les activités liées au monopole et celles relatives à la diversification ". Plus spécifiquement, cette séparation doit être à la fois juridique, matérielle, comptable, financière et commerciale.

1. SUR LA CONFUSION CONCERNANT LES ACTIVITÉS DES ENTITÉS DU GROUPE EDF DANS LA FILIÈRE PHOTOVOLTAÏQUE

100. S'agissant de la confusion susceptible d'être entretenue dans l'esprit des consommateurs en ce qui concerne le rôle des diverses entités du groupe EDF dans la filière photovoltaïque, le Conseil a exposé, dans l'avis n° 05-A-16 (32) relatif à la transition vers un nouveau format de numérotation pour les services de renseignements téléphoniques, que, dans certains cas, " l'utilisation, par une entreprise en position dominante, de certains moyens de promotion d'une activité ne relève pas d'une concurrence par les mérites et constitue une pratique ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, au sens de la jurisprudence des autorités communautaires et nationales sur les abus de position dominante (Cour de justice des communautés européennes, 3 juillet 1991, Akzo, Conseil de la concurrence, décision n° 96-D-10 du 20 février 1996) ". Le Conseil a estimé, dans cet avis, qu'il était nécessaire de porter une attention particulière aux stratégies de communication des opérateurs pendant les premiers mois d'ouverture des nouveaux services de renseignements téléphoniques et a recommandé notamment que soient évitées les références au numéro " 12 ", ainsi qu'aux autres numéros historiques, dans les campagnes de promotion mises en œuvre par les opérateurs. A par ailleurs été recommandée, à cette occasion, la surveillance étroite de comportements potentiellement anticoncurrentiels de la part des opérateurs de réseau déjà en place et, plus spécifiquement, l'utilisation discriminatoire d'un support détenu dans le cadre de la fourniture du service universel, comme l'insertion de documents promotionnels dans les factures ou la diffusion d'un message publicitaire lors des appels à destination des anciens numéros.

101. Plus récemment, dans une décision n° 08-D-09 du 6 mai 2008, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des pompes funèbres à Lyon et dans son agglomération (33), le Conseil a exposé sa pratique décisionnelle constante (34), confirmée par la Cour d'appel de Paris, concernant les situations où un même opérateur dominant gère une chambre funéraire et propose d'autres services de pompes funèbres. Dans cette décision, le Conseil a considéré que : " la régie municipale de la ville de Lyon a abusé de sa position dominante en mettant en place une information et un accueil des familles ainsi qu'une organisation des locaux qui ne permettaient pas de distinguer clairement les activités de la chambre funéraire, les autres activités de pompes funèbres et les services administratifs, s'attribuant ainsi un avantage concurrentiel indu sur les autres opérateurs de pompes funèbres (35) ".

a) En ce qui concerne l'exploitation de la marque Bleu Ciel d'EDF

102. Lors de la séance du 24 février 2009, Solaire Direct a soutenu que l'opérateur historique devrait s'abstenir de diffuser de l'information relative à l'activité d'EDF ENR dans toute communication et non seulement dans la Lettre Bleu Ciel d'EDF.

103. EDF fait valoir, pour sa part, que la saisissante n'a pu démontrer aucune " action positive " de la part d'EDF ENR dans le cadre de laquelle celle-ci aurait utilisé son appartenance au groupe EDF comme un argument technique, commercial ou financier pour commercialiser ses offres photovoltaïques. Elle insiste sur le fait qu'elle n'adresse pas ces offres commerciales photovoltaïques avec les factures d'électricité envoyées à sa clientèle résidentielle, car la Lettre Bleu Ciel d'EDF ne fait pas référence aux offres d'EDF ENR et la dernière version de cette lettre ne mentionne plus le Conseil Energie Solaire prodigué par le numéro 3929. Par ailleurs, selon EDF, l'indication qu'EDF ENR est filiale du groupe EDF, qui ressort notamment clairement de son logo, est un gage de transparence vis-à-vis de la clientèle.

104. EDF souligne, en outre, que le Conseil Energie Solaire a pour objectif premier de promouvoir les vertus de l'énergie solaire en transmettant aux particuliers des informations générales et pratiques sur cette énergie renouvelable et que la mise en relation avec le personnel technico-commercial ne revêt qu'un caractère accessoire, les télé-conseillers n'ayant " en aucun cas pour instruction de commercialiser "à tout prix" les offres photovoltaïques d'EDF ENR ". Elle prétend que son défaut de communiquer sur les énergies renouvelables pourrait être pénalisant pour la crédibilité de son positionnement sur l'éco-efficacité énergétique et soutient que le Conseil Energie Solaire prodigué gratuitement profite à l'ensemble des opérateurs de la filière.

105. EDF soutient enfin que le taux de transformation des appels reçus au 3929 en contrats pour EDF ENR est inférieur à 6 %. Elle fait valoir que le numéro 3929 n'introduit pas de confusion sur le rôle des entités du groupe EDF dans la filière photovoltaïque, car la gestion de la relation avec la clientèle de l'opérateur historique en tarifs réglementés s'effectue par l'intermédiaire d'autres numéros, spécifiquement dédiés à cette fin. Elle argue, en conséquence, que " le lien entre la Lettre Bleu Ciel et les offres commerciales d'EDF ENR est donc très loin d'être direct ".

106. Au cours de la séance du 24 février 2009, la société Direct Energie a souligné que le mélange des activités réglementées et de celles relevant de la pleine concurrence sur la plateforme unique Bleu Ciel d'EDF est source de confusion et d'ambiguïté pour les consommateurs déjà mal informés sur la situation de la concurrence sur les marchés de l'électricité et profite à l'activité d'EDF ENR au détriment des concurrents sur le marché connexe en cause.

107. Le représentant de la société Evasol a par ailleurs indiqué, au cours de l'instruction : " De très nombreux clients potentiels nous ont dit avoir reçu une lettre de Bleu Ciel d'EDF. Cela complique un peu nos actions commerciales, car nos contacts souhaitent consulter EDF avant de confirmer leur intérêt pour notre offre. Cette difficulté n'a pas fortement affecté l'exercice 2007 car de nombreux clients nous ont dit avoir préféré EVASOL pour sa réactivité (l'offre Bleu Ciel n'était pas encore très organisée) et la qualité de ses technico-commerciaux. En revanche, sur l'année 2008, au fur et à mesure qu'EDF se structure, la compétition avec l'offre Bleu Ciel devient difficile, car les prix de l'offre Bleu Ciel sont très bas, l'image EDF inspire confiance, par son aspect institutionnel et historique (à tel point que des produits importés de Chine bénéficient d'une image de qualité de produits français et européens lorsqu'ils sont vendus sous l'enseigne d'EDF), les moyens marketing d'EDF sont puissants (mailings, pub TV, centres d'appels), les clients pensent qu'ils bénéficieront d'un raccordement plus rapide au réseau s'ils achètent le matériel à EDF (36) ".

108. Solaire Direct, Direct Energie et Evasol se sont en outre plaintes des similitudes entre les logos et vocables utilisés par EDF et ses filiales opérant dans la filière photovoltaïque.

109. Les représentants de la CRE ont, pour leur part, observé qu'aucun progrès n'a été enregistré depuis 2007, concernant la différenciation des marques et logos des différentes entités du groupe EDF, ajoutant que le régulateur sectoriel a dû récemment effectuer un rappel à l'ordre, prenant la forme d'un communiqué de presse du 2 février 2009, à propos d'interventions publiques du président du groupe EDF sur des questions relevant de la responsabilité de RTE et d'ERDF. La CRE a en effet déploré, dans ce communiqué, que " de telles interventions entretiennent une confusion préjudiciable entre le fournisseur EDF relevant du secteur concurrentiel d'une part, et les gestionnaires de réseau RTE et ERDF relevant du secteur régulé d'autre part. Ces interventions constituent manifestement une atteinte au principe d'indépendance des gestionnaires de réseau. Or, ce principe s'impose en vertu du droit communautaire et national, au sein d'une entreprise intégrée telle qu'EDF, et constitue une garantie essentielle du droit d'accès aux réseaux et du bon exercice par les gestionnaires de réseaux de leurs missions de service public ".

110. Certes, le nouvel exemplaire de la Lettre Bleu Ciel d'EDF produit par EDF ne contient plus de mentions relatives au Conseil Energie Solaire prodigué au travers du numéro 3929 ni, depuis le mois de juillet 2008, à la solution clés en main Bleu Ciel d'EDF, cette dernière modification procédant d'une rectification volontaire de la part d'EDF.

111. Cependant, comme cela a été indiqué plus haut, EDF présente elle-même le Conseil Energie Solaire aux télé-conseillers d'EDF SA répondant au 3929, comme un produit d'appel. S'agissant, par ailleurs, du rôle joué par la plateforme du 3929 dans la commercialisation des offres photovoltaïques d'EDF ENR, il a été déclaré, lors d'une audition du 15 juillet 2008, que " depuis novembre 2007 (commencement de l'activité), entre 700 et 900 contrats ont été vendus par EDF ENR. Les objectifs à fin 2008 sont dans une fourchette de 1 500 à 2 000 contrats, sachant que le potentiel du marché doit se situer à environ 20 000 ventes possibles (37) ". Or, il ressort des données produites sur l'apport de prospects à EDF-ENR par l'intermédiaire de la plateforme téléphonique du 3929 (38), qu'entre 1 200 et 1 600 ventes ont été réalisées par l'intermédiaire du Conseil Energie Solaire, de septembre 2007 à septembre 2008. EDF a enfin confirmé, lors de la séance du 26 novembre 2008, que le chiffre de ventes réalisées (soit 1 200) par EDF ENR en septembre 2008 représentait 80 % de son objectif déclaré pour la fin de l'année 2008. EDF ENR a donc obtenu la majorité de ses contrats via la plateforme téléphonique du 3929 (39). Il ne peut ainsi être contesté que le Conseil Energie Solaire revêt, contrairement à ce qui a été soutenu, une importance commerciale stratégique pour l'activité d'EDF ENR.

112. Enfin, si le législateur a prévu un certain nombre d'incitations à la production d'électricité par les énergies renouvelables, cette circonstance ne peut avoir pour effet de contraindre juridiquement, ou de créer une quelconque obligation pour l'opérateur historique, de promouvoir directement les offres commerciales de ses filiales opérant dans la filière des énergies renouvelables. EDF a ainsi reconnu " que les pouvoirs publics n'ont pas sollicité spécifiquement EDF mais qu'en revanche, il fallait considérer (...) qu'il existe bien un contexte général dans lequel les pouvoirs publics ont, en particulier, arrêté des dispositions constituant d'incontestables incitations au développement des énergies renouvelables et qu'à ce titre, des entreprises telles qu'EDF devaient contribuer à l'effort collectif " (40). De fait, la promotion de l'utilisation des énergies renouvelables est déjà effectuée au niveau national par les pouvoirs publics et notamment, par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ci-après, " ADEME "), qui est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe des ministres en charge de l'énergie et de la recherche, dont les missions comprennent celle d'informer et de sensibiliser le public en matière d'environnement.

113. La décision d'EDF de recourir à l'emploi du personnel commercial d'EDF SA pour promouvoir les offres photovoltaïques au lieu de laisser EDF ENR se charger elle-même de la promotion de son activité relève donc, comme le confirment les déclarations d'EDF ENR, d'un choix parmi les diverses options s'offrant à elle. Or, s'agissant de la séparation matérielle, dans l'avis n° 94-A-15 précité, le Conseil a indiqué que " les filiales doivent disposer de leurs propres immobilisations corporelles et incorporelles et structures commerciales et ainsi ne pas recourir dans des conditions discriminatoires aux infrastructures de réseau ". Il a spécifié " qu'il faut notamment veiller à l'absence de services communs entre EDF-GDF d'une part, et les filiales, d'autre part. [En particulier...] les centres EDF-GDF Services ne doivent plus être utilisés comme support commercial pour certains produits ou services issus de la diversification ". Ainsi, si cette mise à disposition de salariés pouvait se justifier lors du lancement de l'activité d'EDF ENR, la persistance de cette situation est susceptible de fausser le libre jeu de la concurrence entre l'opérateur historique et ses concurrents sur les marchés de la filière photovoltaïque.

114. En l'espèce, l'instruction a, au surplus, permis de constater que le 3929, auquel les téléopérateurs prodiguent le Conseil Energie Solaire, a également pour fonction d'assurer la relation clientèle au titre de la fourniture d'électricité en tarifs régulés. En effet, comme EDF l'a admis dans ses observations du 21 novembre 2008, " ce numéro 3929 permet aux clients résidentiels d'accéder à leur compte (gérer leurs factures, leur consommation, options, etc.), obtenir des conseils sur divers sujets (travaux, etc.) et profiter du Conseil Energie Solaire ".

115. De fait, la composition du numéro 3929 renvoie au serveur vocal de l'offre de services Bleu Ciel d'EDF. Or, l'offre Bleu Ciel est aujourd'hui l'unique interface disponible dans la relation à la clientèle de particuliers de l'opérateur historique. Cette offre combine sur tous ces supports, sans discrimination, l'ensemble des prestations des entités du groupe EDF, qu'il s'agisse de celles appartenant au secteur régulé, comme la gestion du compte de la clientèle EDF en tarifs réglementés ou de celles appartenant au secteur concurrentiel, comme les prestations d'EDF ENR en matière d'énergies réparties.

116. La facture EDF expédiée à l'ensemble de la clientèle du fournisseur d'électricité, y compris celle soumise aux tarifs réglementés (41), porte la marque Bleu Ciel et indique le numéro 3929 pour joindre un " conseiller travaux habitat ". Or, les autres numéros (" Mon compte sur serveur vocal : 0 810 123 333 ", " Mon contrat, ma facture, mon déménagement : 0 810 010 333 ") mentionnés sur cette facture, renvoient tous, comme le 3929, au serveur vocal de l'offre de services Bleu Ciel d'EDF, ce qui entretient la confusion entre les diverses activités des entités du groupe EDF.

117. En outre, la Lettre Bleu Ciel, qui est également expédiée à la clientèle de l'opérateur historique, y compris celle soumise aux tarifs réglementés, renvoie au site Internet Bleu Ciel d'EDF (www.edf-bleuciel.fr) qui, lui-même, constitue la plateforme en ligne des particuliers, sur le site d'EDF (www.edf.fr). Ce dernier site renvoie, sous la rubrique " j'améliore mon confort " à " des conseils pratiques " sur un certain nombre de sujets, y compris, sur " [les] énergies renouvelables ", rubrique sous laquelle la clientèle d'EDF est notamment invitée à " découvr[ir] comment produire de l'électricité avec les panneaux solaires ". C'est en cliquant sur ce lien que la clientèle de l'opérateur historique est renvoyée au numéro 3929 pour se voir prodiguer le Conseil Energie Solaire par les agents commerciaux d'EDF SA.

118. Enfin, l'instruction a permis de constater que les logos de l'ensemble des entités du groupe EDF oeuvrant à différents stades d'opération dans la filière photovoltaïque comportent de nombreuses similitudes, alors même que l'avis concernant la diversification des activités d'EDF et de GDF précité recommandait que " les filiales de diversification disposent d'enseignes et de marques distinctes pour que les filiales ne puissent asseoir leur notoriété sur l'image de l'établissement public", telles qu'en témoignent les images suivantes :

119. Ainsi la communication institutionnelle d'EDF dans la filière photovoltaïque qui confond, sans les différencier, le domaine régulé et le champ concurrentiel, contribue, de ce fait, à entretenir la confusion sur le rôle respectif des entités du groupe EDF sur le marché connexe en cause.

120. L'ensemble des éléments réunis au dossier permettent en conséquence, à ce stade de l'instruction, de considérer, au regard de la position dominante occupée par EDF sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels soumis aux tarifs réglementés, que cette entreprise est susceptible d'avoir mis en œuvre un abus de cette position sur le marché connexe de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence sur ce dernier marché, en violation des articles 82 du traité CE et L. 420-2 du Code de commerce.

b) En ce qui concerne l'utilisation de la position d'acheteur d'électricité et de gestionnaire du réseau d'électricité pour favoriser l'activité d'EDF ENR

i. La position d'acheteur

121. EDF souligne que la position d'acheteur de l'électricité produite confère à tous les opérateurs de la filière un avantage commercial, chacun d'eux en tirant un argument de vente déterminant.

122. Aucun élément du dossier ne permet de constater qu'EDF ENR se sert d'une éventuelle confusion de la clientèle à cet égard pour favoriser la commercialisation de ses propres offres. L'usage de l'argument de l'obligation d'achat d'EDF à des tarifs avantageux n'apparaît pas répréhensible en soi puisque cette obligation procède de la loi et les faits dénoncés par la saisine ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants pour caractériser l'existence d'une pratique anticoncurrentielle.

ii. La position de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité

123. En ce qui concerne les retards concernant le raccordement au réseau, ceux-ci sont communs à l'ensemble des opérateurs sur le marché connexe en cause, y compris à EDF ENR. Ils sont liés, comme l'a exposé ERDF, à la forte croissance des demandes de raccordement, et ils font l'objet d'un suivi par la CRE, cette dernière étant compétente pour connaître d'éventuelles plaintes sur des comportements discriminatoires de la part du gestionnaire du réseau de distribution d'électricité.

124. L'instruction a permis d'observer que les conditions générales du contrat de raccordement ne prévoient pas de sanction particulière en cas de dépassement des délais par le distributeur. Selon ERDF, ces retards ne représentent pas une perte de recettes pour le producteur, puisque l'engagement d'achat de l'électricité par EDF court sur 20 ans. ERDF a par ailleurs indiqué n'être en mesure de maîtriser que 4 mois, sur les délais de 6 à 7 mois imputables à la procédure : " les éventuels délais de raccordement ne sont pas uniquement imputables à ERDF. D'une part, dans le sud de la France où la demande explose, il y aurait besoin de plus de sous-traitants pour l'installation des panneaux. D'autre part, une partie des délais de traitement des dossiers de raccordement est imputable aux clients qui ont beaucoup d'obligations administratives à remplir, ce qui prend du temps (42) ".

125. Il n'en demeure pas moins que les retards dans le raccordement des installations photovoltaïques peuvent générer, pour les particuliers producteurs, des problèmes de trésorerie durant la période d'attente et pénaliser les producteurs d'électricité photovoltaïque, leur installation représentant, un investissement substantiel (entre 20 000 euro et 25 000 euro) que le régime d'incitation ne permet de récupérer qu'en partie au terme de l'année fiscale.

126. Or, le Conseil a considéré, dans une décision n° 07-MC-03 (43), que revêtait un caractère de gravité particulière, la pratique consistant, pour les services de France Télécom, à se servir de l'argument des délais de raccordement plus longs auxquels sa concurrente devait faire face pour dénigrer ses services. La situation décrite ci-dessus est de nature à favoriser l'émergence de pratiques de dénigrement similaires de la part des services commerciaux d'EDF SA. Ces pratiques, si elles étaient avérées, ne seraient pas susceptibles d'être contestées par les opérateurs concurrents d'EDF ENR, qui n'en auraient pas connaissance.

127. Toutefois, ni la plainte, ni l'instruction n'ont permis d'établir, en l'espèce, l'existence de pratiques de dénigrement ou de quelconques comportements tendant à indiquer aux usagers, de façon mensongère, qu'EDF ENR bénéficierait d'un raccordement plus rapide, du fait de son appartenance au groupe EDF.

128. Dès lors, les faits dénoncés par la saisine, à cet égard, ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants pour caractériser l'existence d'une pratique anticoncurrentielle.

2. SUR L'EXPLOITATION DE LA BASE DE DONNÉES DE L'OPÉRATEUR HISTORIQUE

a) En ce qui concerne la base de données dont disposent les conseillers d'EDF SA au numéro 3929

129. La saisissante soutient qu'à l'occasion de l'entretien téléphonique avec le personnel d'EDF SA, " les télé-conseillers d'EDF ont accès à la totalité des informations du fichier clients d'EDF, y compris des informations aussi précises que, par exemple, la superficie habitable de la maison qui permet de pré-estimer la superficie de la toiture. Ces données sont bien entendu inconnues des autres opérateurs comme Solaire Direct (44) ".

130. Solaire Direct a souligné, en séance, que " le maintien de la situation actuelle permettrait à EDF ENR de bénéficier de la base de données de 28 millions de clients en tarifs réglementés d'EDF SA, ce qui constitue pour la filiale de l'opérateur historique, un avantage concurrentiel considérable par rapport à n'importe quel autre acteur du marché ne bénéficiant pas de cette base de prospects ".

131. En ce qui concerne les informations transmises à EDF ENR, accessibles aux téléopérateurs du 3929, prodiguant le Conseil Energie Solaire, EDF prétend que les données " essentielles et nécessaires ", dans le cadre de la promotion et la commercialisation des offres photovoltaïques, c'est-à-dire, selon elle, notamment les informations relatives à la surface, la forme, l'orientation et la pente de la toiture, ainsi que la présence ou non de fenêtre de toit de type " Velux ", les éventuels masques (ombres portées par des cheminées, des arbres ou des constructions voisines), ne figurent pas dans la base de données des clients en tarifs réglementés d'EDF. Celle-ci ne contiendrait, en conséquence, que des données non pertinentes pour l'activité photovoltaïque. EDF soutient par ailleurs que seuls sont éventuellement transmis à EDF ENR, au terme du Conseil Energie Solaire, les noms, coordonnées et disponibilités des clients intéressés recueillis avec leur accord par les téléopérateurs du 3929 de façon à permettre une prise de contact, et non des informations provenant prétendument de la base de données de l'opérateur historique. Elle fait valoir, s'agissant de l'étendue des données disponibles, et le partage de données avec ERDF, qu'EDF " ne peut avoir accès qu'aux seules informations relatives à la gestion des contrats passés avec ses propres clients [et que le] système de traitement des données ne lui permet pas d'accéder aux informations sensibles liées à l'activité de réseau d'ERDF ".

132. Il convient néanmoins de relever un certain nombre de contradictions dans ces déclarations. En premier lieu, comme cela a été constaté dans le cadre de l'instruction, EDF EN, dont il est prétendu qu'elle doit être mise hors de cause en l'espèce car elle " n'est pas présente sur le segment des particuliers ", a présenté l'accès à la base de données clients d'EDF SA, dans une communication financière, comme l'un des deux principaux vecteurs de succès de l'activité d'EDF ENR (45). De telles déclarations témoignent, contrairement à ce qui est soutenu, d'une stratégie volontaire, y compris pour EDF EN, qui consiste à utiliser les ressources commerciales d'EDF SA au profit de sa filiale opérant en secteur concurrentiel.

133. En deuxième lieu, EDF ne dément pas l'usage par les équipes commerciales d'EDF SA, de la base de clients de l'opérateur historique, fournisseur d'électricité au tarif réglementé, dans le cadre du Conseil Energie Solaire. Elle a, au contraire, insisté dans ses observations du 21 novembre 2008 (46): " il n'y a rien de choquant à ce que les salariés d'EDF aient accès à la base de données clients d'EDF. Cela est d'autant moins choquant qu'en l'occurrence, les salariés en question sont les téléopérateurs du numéro 3929, lequel offre une palette de services aux clients résidentiels d'EDF et ne se limite pas au Conseil Energie Solaire, loin de là ".

134. Or, le Conseil a, notamment, dans l'avis n° 00-A-03 (47) (reprenant, en ce sens, l'analyse de l'avis EDF GDF précité) également identifié les risques associés à l'utilisation, dans le secteur concurrentiel, des données collectées par l'opérateur historique dans le cadre de sa mission de service public : " considérant (...) que le fichier des abonnés au service public de l'électricité, constitué et géré par EDF dans l'exercice de son monopole légal, par son caractère exhaustif et la nature des renseignements techniques, financiers et commerciaux, qu'il comporte, représente une source d'informations à la fois précieuse et exclusive et confère à EDF, dans le contexte nouveau de l'ouverture du marché, un avantage important sur ses concurrents (...) considérant, cependant, qu'EDF est actuellement seul détenteur d'une information globale, à la fois nominative et statistique, portant sur l'ensemble des consommateurs français d'électricité, éligibles et non éligibles, ce qui lui procure un avantage substantiel pour l'efficacité de sa prospection commercial (...) si l'avantage ainsi conféré à EDF sur le marché de la fourniture d'électricité ainsi que pour la proposition d'"offres globales ", découle de sa position historique, à tout le moins l'établissement public doit-il s'interdire d'en faire bénéficier ses filiales et les sociétés dans lesquelles il détient des participations ainsi que les entreprises cotraitantes ou sous traitantes oeuvrant en aval sur des marchés concurrentiels ".

135. Dans cet avis, le Conseil a considéré que l'opération de concentration dont il était question n'était pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés sous réserve des observations formulées concernant les échanges d'information entre EDF et Clemessy.

136. De même, dans une décision n° 02-MC-03 (48), le Conseil a prononcé des mesures conservatoires à l'encontre de France Télécom, afin que cette société mette fin à des comportements pouvant donner à sa filiale Wanadoo Interactive une avance décisive sur ses concurrents pour la fourniture de l'accès à l'internet haut débit par l'ADSL, au motif que les agences de France Télécom détenaient des informations leur permettant de vérifier si la ligne de leur client pouvait être techniquement raccordée à l'ADSL.

137. Il convient ainsi de distinguer, en l'espèce, d'une part les informations collectées par les télé-opérateurs du 3929 et transmises à EDF ENR, qui consistent en une liste de coordonnées et de disponibilité des appelants à ce numéro, et d'autre part celles dont dispose seul l'opérateur historique, auxquelles les agents commerciaux d'EDF SA ont pleinement accès dans le cadre du Conseil Energie Solaire, ces dernières données étant, de manière constante, considérées comme non reproductibles par les autres opérateurs.

138. La saisissante, ainsi que les sociétés Direct Energie et Evasol, dans le cadre de leur témoignage en séance du 24 février 2009, ont exposé que l'acquisition de fichiers clients est très onéreuse et peut se solder par un échec commercial, les opérateurs étant en mesure de constater ex post seulement que le profil de clientèle ciblé n'est pas pertinent. Evasol a indiqué que le fait de connaître l'identité de prospects potentiels peut, à lui seul, représenter 5 % du prix de vente de ses services pour un opérateur sur le marché connexe en cause. Solaire Direct a fait état de ce que le coût de la mise à disposition d'une telle base de données a été chiffré, dans les études de deux opérateurs qu'elle a mandatés, à une somme variant entre 100 et 500 euro hors taxes pour mille adresses, " le potentiel d'adresses disponibles [dans des bases de données librement accessibles dans le commerce] étant systématiquement inférieur à un million d'adresses, à comparer aux millions de clients d'EDF en tarifs réglementés (49) ".

139. L'utilisation par les téléopérateurs du 3929 de la base de données de l'opérateur historique, qui n'est pas susceptible d'être reproduite par les autres opérateurs sur le marché connexe en cause, se matérialise donc par l'accès à des informations détenues exclusivement par l'opérateur historique, telles que la situation géographique exacte de l'habitation des appelants, qui peut permettre aux téléopérateurs de leur communiquer de l'information sur les subventions locales accordées aux producteurs d'électricité photovoltaïque, leurs habitudes de consommation d'électricité, la superficie de leur habitation, leur mode de chauffage, le nombre d'appareils électriques installés dans l'habitation. Ces données non reproductibles peuvent être utilisées par EDF ENR dans le cadre de la commercialisation de son offre photovoltaïque et sont susceptibles de représenter un avantage indu si les informations qu'elle contient sont de nature, directement ou indirectement, à rendre plus crédibles ou plus attractives les offres de cette filiale de l'opérateur historique.

140. Il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent que l'utilisation, dans le cadre du Conseil Energie Solaire, de la base de données non reproductible détenue par l'opérateur historique, est susceptible de donner un avantage indu à sa filiale EDF ENR, au détriment de ses concurrents sur le marché connexe en cause. Cette pratique est susceptible de constituer un abus de la position dominante occupée par EDF sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels soumis aux tarifs réglementés, ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'entrée de concurrents d'EDF ENR sur le marché connexe de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque, en violation des articles 82 du traité CE et L. 420-2 du Code de commerce.

3. SUR LA MISE À DISPOSITION DES MOYENS MATÉRIELS ET HUMAINS DES SOCIÉTÉS EDF SA ET EDF ENR

141. S'agissant de la mise à disposition d'autres moyens matériels et humains de l'opérateur historique au profit de sa filiale opérant en secteur concurrentiel, la pratique décisionnelle communautaire et nationale renvoie, de manière constante, à la même définition concernant les subventions d'un opérateur disposant d'un monopole légal susceptibles d'être qualifiées d'abus de position dominante. Ainsi, la mise à disposition de moyens tirés de l'activité de monopole pour le développement d'activités relevant du champ concurrentiel, sans contreparties financières reflétant la réalité des coûts, peut caractériser une pratique anticoncurrentielle (décision 2001-354-CE de la Commission européenne du 20 mars 2001 dans l'affaire Deutsche Post).

142. De même, dans l'avis EDF GDF précité, mais aussi notamment dans une décision n° 00-D-47 qui reprend, à cet égard, les principes développés par l'avis EDF GDF (50), il a été précisé que " ces mécanismes de subventions croisées " constituent des facteurs de distorsion de concurrence parce qu'en subventionnant des activités de diversification, ils reviennent à consentir aux filiales des avantages appréciables par rapport aux concurrents. A long terme, de telles pratiques risquent d'éliminer du marché tous les acteurs économiques ne bénéficiant pas de conditions analogues "; qu'ainsi, une subvention croisée peut à elle seule, par sa durée, sa pérennité et son importance, avoir un effet potentiel sur le marché ".

143. Dans ses décisions n° 02-D-63 et n°00-D-57 (51), se référant à la décision n° 00-D-47 précitée, le Conseil a précisé que " la mise à disposition de moyens tirés d'une activité réalisée sous monopole légal pour le développement d'activités relevant du champ concurrentiel est susceptible d'être qualifiée au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce si deux conditions cumulatives sont réunies :

- il faut, en premier lieu, que la mise à disposition de moyens puisse être qualifiée de " subvention ", c'est-à-dire qu'elle ne donne pas lieu, de la part de l'activité qui en bénéficie, à des contreparties financières reflétant la réalité des coûts ;

- il faut, en second lieu, que l'appui ainsi apporté présente un caractère anormal ".

a) En ce qui concerne les vérifications concernant la rémunération de l'apport de ressources à la filiale d'EDF

144. EDF soutient que sa filiale, EDF ENR, ne bénéficie d'aucun avantage de son actionnaire EDF, car elle rémunère à des conditions de marché le travail de commercialisation et de promotion assuré par les divisions d'EDF SA, ainsi que les salariés mis à sa disposition.

145. Comme cela a été précédemment exposé, les services d'instruction ont recensé un certain nombre de ressources mises à la disposition de sa filiale, EDF ENR, opérant dans le secteur concurrentiel.

146. En ce qui concerne le personnel de la DP&P et de la DS3E, EDF a tout d'abord souligné l'existence d'une rémunération prévue pour le référencement de clientèle par le contrat de commercialisation conclu entre EDF SA et EDF ENR, qui prévoit qu'EDF ENR rémunère la DP&P pour l'apport de prospects et la EDF DS3E sur la base d'un forfait par offre vendue. Les entreprises en cause ont ensuite indiqué, dans leurs observations du 21 novembre 2008, d'une part, que les salaires et charges des agents mis à disposition par EDF SA sont refacturés à EDF ENR et, d'autre part, qu'il existe une politique de recrutement de salariés " non EDF ", qui a déjà permis de recruter au moins deux nouveaux salariés (cotes 2843 et 2844). A l'appui de cette argumentation, EDF a produit un document intitulé " Facturation de juin à août 2008 ", qui semble, en effet, au regard des intitulés des colonnes, faire état de rémunérations versées, suivi d'une facture, concernant la même période et permettant de constater que 16 personnes seulement, sur les " (i)17 agents EDF mis à disposition à 100 % (ii) 1 agent EDEV mis à disposition à 100 % (...) (iv) 12 agents EDF mis à disposition partielle ", font l'objet de cette refacturation.

147. Pour autant, le chiffre du personnel faisant l'objet de cette refacturation apparaît faible au regard des une à deux plateformes téléphoniques 3929 existant - à raison d'une ou deux - dans chacune des 8 directions commerciales régionales (c'est-à-dire, entre 8 à 16 plateformes téléphoniques, ne serait-ce que pour une des deux divisions mises à disposition par EDF SA) mentionnées par les responsables de la DP&P, au cours d'une audition du 3 octobre 2008.

148. S'agissant des fonds d'impression (qui ne font pas l'objet d'un chiffrage) et d'envoi de la Lettre Bleu Ciel à ses clients résidentiels, la réalisation de cette opération est susceptible, à elle seule, d'être chiffrée " au minimum à 20 millions d'euro " , selon une estimation de la saisissante (saisine, cote 38), reprise par la CRE dans ses observations du 31 octobre 2008, consistant en la multiplication du nombre des destinataires de la Lettre (les particuliers abonnés à EDF) avec le coût moyen d'un mailing postal.

149. EDF expose, pour sa part, que le seul coût des frais d'impression, de façonnage, colisage, livraison, mise sous pli, routage est d'environ 1 euro HT, reflétant un coût semestriel d'environ [150 000 à 220 000] euro HT. Néanmoins, selon elle, les coûts à prendre en compte, en l'espèce, devraient être circonscrits aux investissements consacrés à 1/6e de la lettre, correspondant, selon ses estimations, aux dimensions de l'encart consacré à la promotion du Conseil Energie Solaire dans ce document, de sorte que le coût imputable à la promotion du Conseil Energie Solaire pourrait être estimé à environ [<1] euro HT par exemplaire. EDF précise enfin que devraient s'ajouter à ces calculs, les coûts de création de la Lettre qu'elle estime, pour le Conseil Energie Solaire à environ [4 000 à 8 000] euro HT. Elle indique en conséquence que " le coût total de la promotion du Conseil Energie Solaire peut être estimé entre [10 000 et 50 000] euro, sans commune mesure avec les 20 millions d'euro affichés par Solaire Direct ".

150. EDF reconnaît, cependant, dans ses observations du 21 novembre 2008, que la première Lettre Bleu Ciel d'EDF " a été diffusée à environ 20 millions d'exemplaires pour un semestre ".L'envoi de documents promotionnels à cette échelle peut difficilement être reproduit par les concurrents d'EDF ENR sur le marché connexe en cause, sans encourir des frais que celle-ci n'a pas eu à engager, ce qui, en soi, est susceptible d'être source de distorsion de concurrence.

151. S'agissant enfin des fonds pour la publicité du Conseil Energie Solaire dans les médias (télévision, radio et presse), la valeur de ce dernier élément apparaît, à ce stade de l'instruction, difficilement mesurable. En tout état de cause, le Conseil a indiqué, dans sa décision n° 00-D-54 (52), l'avantage concurrentiel substantiel que constitue la publicité pour une entreprise telle qu'EDF et les effets défavorables qui peuvent en résulter pour les autres opérateurs, nouveaux entrants sur le marché.

152. Evasol a par ailleurs avancé, en séance du 24 février 2009, que les frais administratifs de traitement des demandes représentaient, pour un opérateur autre qu'EDF, 9% du prix de vente de ses services.

153. EDF considère que la rémunération de l'apport de clientèle prévue par le contrat de commercialisation conclu avec EDF SA, ainsi que la refacturation des salaires de 16 employés mis à disposition suffisent, en l'espèce, à exclure la qualification de subvention croisée au sens du droit de la concurrence.

154. Pour autant, si les mesures d'instruction qu'il a été possible de mettre en œuvre, à ce stade de la procédure, ne permettent pas d'opérer l'analyse approfondie de la rémunération de l'apport de clientèle à EDF ENR, par rapport aux moyens tirés de l'activité de monopole qui ont été mis à sa disposition, il peut d'ores et déjà être constaté que ces moyens ne se limitent pas au personnel d'EDF SA et au référencement de clientèle.

155. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que seule une instruction au fond de l'affaire est de nature à déterminer d'une part, si la mise à disposition des moyens matériels et humains de l'opérateur historique au profit de sa filiale opérant dans un secteur concurrentiel donne lieu à des contreparties financières reflétant la réalité des coûts et d'autre part, si l'appui ainsi apporté revêt un caractère anormal.

4. SUR LE VERROUILLAGE DU MARCHÉ AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT EN ÉQUIPEMENTS PHOTOVOLTAÏQUES

156. EDF soutient que les prétendues pratiques abusives dénoncées par Solaire Direct, concernant le verrouillage du marché de l'approvisionnement en équipements photovoltaïques ne reposent sur aucun fondement.

157. Comme cela a été précédemment exposé, l'instruction a en effet permis de constater que les difficultés rencontrées en la matière sont généralisées à l'ensemble des opérateurs de la filière et que ces derniers ont tendance, comme c'est le cas de la saisissante, à s'approvisionner sur les marchés étrangers.

158. De plus, la saisissante n'a apporté aucun élément, autre que la constatation de l'échec de deux séries de négociations commerciales, permettant de justifier ses allégations à cet égard.

159. Il résulte de ce qui précède que les faits dénoncés par la saisine, s'agissant d'un prétendu verrouillage du marché amont de l'approvisionnement en équipements photovoltaïques, ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants pour caractériser l'existence d'une pratique anticoncurrentielle.

5. SUR LA PROPOSITION D'ENGAGEMENTS D'EDF SA ET EDF ENR

160. Les propositions d'engagements soumises par les entreprises concernées, le 22 décembre 2008, peuvent être résumées de la façon suivante :

• EDF a proposé de s'engager à ne plus faire référence ni au Conseil Energie Solaire, ni aux offres photovoltaïques d'EDF ENR, de quelque façon que ce soit, dans la Lettre Bleu Ciel d'EDF qui est adressée aux clients aux tarifs réglementés avec leur facture.

• Les entreprises concernées ont, par ailleurs, proposé de s'engager à ce que les informations utiles à l'activité solaire photovoltaïque ne soient jamais obtenues par l'opérateur historique dans le cadre de son activité de fournisseur d'électricité aux tarifs réglementés et que ces informations ne puissent être collectées que par les télé-conseillers du 3929.

• EDF a proposé de s'engager à ce que les téléopérateurs du 3929 transmettent directement à EDF ENR, avec l'accord des appelants, uniquement les noms, coordonnées et informations utiles au photovoltaïque transmises par ces derniers et n'organisent plus les rendez-vous téléphoniques entre les appelants intéressés et un conseiller spécialisé de la division DS3E d'EDF SA.

• EDF ENR s'est en outre engagée à commercialiser progressivement ses offres photovoltaïques Bleu Ciel par le biais de canaux commerciaux qui lui seraient propres dans le courant de l'année 2010 et d'achever cette transition, au plus tard, le 30 juin 2010.

• En attendant d'avoir développé ses propres canaux de commercialisation, EDF a proposé de fournir au Conseil, dans les six mois à compter de la décision sur les engagements souscrits, une étude réalisée par un tiers indépendant chargé de vérifier que la rémunération de l'apport de prospects par EDF à EDF ENR correspond à un prix de marché et d'ajuster le montant de la rémunération payée à EDF en fonction des résultats de cette étude.

• EDF a proposé de s'engager à assurer la mise en place d'une formation de ses salariés commerciaux et techniques intervenant dans la commercialisation et la promotion des offres photovoltaïques d'EDF ENR, de façon à éviter d'entretenir la confusion des consommateurs entre les activités de l'opérateur historique et celles de sa filiale.

• Elle a enfin proposé de s'engager à ce que la mise en œuvre des engagements fasse l'objet d'une présentation aux services d'instruction à l'issue d'une période de 12 mois à compter de la décision de l'Autorité.

161. Lors de la séance du 24 février 2009, les services d'instruction ont souligné l'insuffisance de ces engagements et préconisé l'adoption des mesures conservatoires discutées lors de la première séance du 26 novembre 2008. Les témoins entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce et la saisissante ont également insisté sur l'inadéquation des engagements proposés par rapport aux préoccupations de concurrence exprimées. A l'issue de cette deuxième séance, EDF a fait savoir qu'elle était disposée à soumettre au Conseil une nouvelle proposition d'engagements.

162. Faisant application du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article L. 464-2 du Code de commerce, le Conseil, qui n'est jamais tenu de décider de rendre obligatoires les engagements proposés par les parties, a informé EDF, à l'issue d'une suspension de la séance, de sa volonté de ne pas poursuivre l'application de la procédure d'engagements. Après en avoir délibéré, il a en effet considéré que les problèmes de concurrence soulevés dans le cadre de la présente affaire ne pouvaient être résolus de manière satisfaisante par les engagements proposés, pour les raisons suivantes.

163. D'une part, la confusion entretenue du point de vue des consommateurs entre les activités d'EDF sur le marché des tarifs réglementés, d'une part, et celles d'EDF ENR, d'autre part, perdurerait dans la mesure où les conseillers du 3929 continueraient à collecter auprès des appelants des informations qu'ils transmettraient ensuite à EDF ENR. L'engagement selon lequel les téléopérateurs du 3929 transmettraient directement à EDF ENR, avec l'accord des appelants, uniquement les noms, coordonnées et informations utiles au photovoltaïque, et n'organiseraient plus les rendez-vous téléphoniques entre les appelants intéressés et un conseiller spécialisé de la division DS3E d'EDF SA, serait sans effet sur cette confusion. De la même façon, le fait qu'EDF ne puisse s'engager à développer des canaux commerciaux propres à EDF avant le 30 juin 2010 apparaît de nature à faire perdurer cette confusion de façon injustifiée.

164. D'autre part, ces engagements n'empêcheraient pas les forces commerciales d'EDF ENR de proposer des offres photovoltaïques en bénéficiant d'un accès à des données non reproductibles par ses concurrents, dans la mesure où le 3929 est appelé notamment parce qu'il figure sur la facture envoyée aux clients aux tarifs réglementés d'EDF. Les opérateurs du 3929 ont donc un accès privilégié à la base de clients d'EDF, ce qui peut être justifié lorsqu'ils remplissent une fonction de conseil général en énergies renouvelables, mais non lorsqu'ils collectent des informations qu'ils transmettent ensuite à une filiale d'EDF opérant sur un marché concurrentiel.

165. Au surplus, s'agissant de la proposition faite par EDF, à l'issue de la séance du 24 février 2009, de proposer de nouveaux engagements répondant plus complètement aux problèmes de concurrence identifiés, l'Autorité relève que EDF avait tout loisir, dans le délai qui lui avait été imparti, à l'issue de la première séance - soit jusqu'au 15 décembre 2008, date ensuite prorogée au 22 décembre à la demande de l'entreprise - de faire cette proposition. L'entreprise était d'autant plus à même de le faire qu'elle avait été informée le 5 décembre 2008 par les services d'instruction, par un courrier électronique dont le contenu a été rappelé au cours de la seconde séance tenue par le Conseil, du caractère insuffisant des engagements proposés. Or, les engagements exposés ci-dessus, déposés le 22 décembre 2008, ne diffèrent que très peu de ceux proposés le 5 décembre 2008. Dès lors, il y a lieu de considérer qu'une nouvelle prolongation de délais ne pouvait être accordée à EDF sans remettre en cause la réalisation de l'un des objectifs poursuivis par la procédure d'engagement, qui est " d'accélérer la résolution des affaires " (point 6 du communiqué de procédure du Conseil de la concurrence relatif aux engagements en matière de concurrence en date du 3 avril 2008, repris le 2 mars 2009 par l'Autorité de la concurrence).

D. SUR LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES

1. EN CE QUI CONCERNE LES MESURES CONSERVATOIRES DEMANDÉES PAR SOLAIRE DIRECT

166. L'article L. 464-1 du Code de commerce donne au Conseil le pouvoir de " prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt du consommateur ou à l'entreprise plaignante " et elles " doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence ".

167. Accessoirement à sa saisine au fond, Solaire Direct a sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, le prononcé des mesures conservatoires suivantes :

- " faire cesser sous astreintes, dont le montant est laissé à l'appréciation du Conseil, la diffusion par EDF de sa publicité Bleu Ciel au travers de l'envoi des factures d'électricité auprès des particuliers en tarifs régulés ;

- donner accès, à Solaire Direct, et à toute autre entreprise développant des offres photovoltaïques globales qui en ferait la demande, aux données pertinentes (superficie de l'habitation, habitudes de consommation d'énergie, etc.) pour cette activité et issues de la base des clients soumis au tarif régulé d'EDF ; à défaut, qu'EDF s'engage à renoncer à utiliser ladite base lors des démarchages commerciaux qu'elle effectue pour proposer son offre photovoltaïque globale aux particuliers ou aux entreprises ;

- enjoindre à EDF de cesser, à l'occasion de ses campagnes publicitaires, d'user de son statut particulier lié à sa mission de service public pour promouvoir ses activités concurrentielles, en particulier sur les chaînes du service public qu'elles soient radiophoniques ou télévisées ;

- dans l'hypothèse probable où le Conseil ferait droit à la présente demande, ordonner la diffusion, aux frais d'EDF, de sa décision par insertion d'extraits dans la Lettre Bleu Ciel, sur une surface égale à 25 % de ladite lettre à tous les clients à qui cette lettre a déjà été adressée, ainsi que la publication de la décision par insertion d'extraits sous forme d'une bannière de 25 % de la surface de l'écran sur le site Internet d'EDF Bleu Ciel pendant deux mois; ordonner la publication, aux frais d'EDF, de la décision par insertion d'un quart de page, à une date laissée à la convenance de Solaire Direct, dans un quotidien régional de chacun des départements où Solaire Direct interviendra à la date de la décision, ainsi que dans le Journal des Maires, le Moniteur, deux quotidiens nationaux, dont un quotidien économique, et deux " news magazines " hebdomadaires nationaux au choix du Conseil de la concurrence ;

- toute autre mesure que le Conseil de la concurrence estimerait efficace pour rétablir la situation concurrentielle au vu de l'instruction que ses rapporteurs auront menée ".

168. Dans ses observations du 12 novembre 2008, la saisissante a également demandé le prononcé des deux autres mesures conservatoires suivantes:

- " restreindre le numéro d'appel 3929 à la seule fourniture de conseils " généraux" relatifs à l'énergie solaire, comme l'y autorise la loi du 13 juillet 2005. A l'occasion de ces appels, le client potentiel serait effectivement renvoyé à une liste de "professionnels sélectionnés" pour leur compétence - comme le suggère du reste la Lettre Bleu Ciel - par exemple ceux inscrits au Syndicat des Energies Renouvelables. Solaire Direct suggère d'ailleurs que la liste desdits professionnels ou sa mise à jour soit régulièrement contrôlée par un tiers indépendant, tel que l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie), organisme ayant vocation à conseiller les particuliers dans le secteur de l'énergie, ou même le Syndicat professionnel précité ;

- créer un nouveau numéro d'appel, totalement distinct du n° 3929, réservé aux seules offres commerciales photovoltaïques présentées par EDF ENR. Vers lesquelles les clients pourraient - de leur propre chef - directement s'orienter s'ils le souhaitent. Ledit numéro ne pourrait faire l'objet d'une publicité que dans la liste des professionnels sélectionnés visée ci-dessus, ou par le biais d'un canal médiatique distinct de l'offre Bleu Ciel d'EDF. Une étanchéité totale sur les clients prospectés et les informations récoltées entre le numéro dédié au CES et celui présentement suggéré devrait être respectée par EDF SA et EDF ENR. En outre, ce second numéro ne devrait naturellement pas figurer sur la facture d'électricité adressée aux clients en tarif réglementé d'EDF ".

2. EN CE QUI CONCERNE L'ATTEINTE À LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR INTERESSE

169. L'article L. 464-1 du Code de commerce permet néanmoins au Conseil de la concurrence de prendre, dans les mêmes conditions que celles applicables aux demandes formées devant lui, " les mesures conservatoires qui lui apparaissent nécessaires ", indépendamment de celles demandées par les parties, pourvu que soit démontrée une atteinte grave et immédiate à l'un des intérêts protégés par l'article L. 464-1 précité.

a) La gravité de l'atteinte

170. Des pratiques anticoncurrentielles émanant d'un opérateur historique susceptibles de fausser le libre jeu sur un marché émergent, connexe de celui sur lequel il détient une position dominante héritée de son monopole légal, intervenant lors d'une étape clé de développement de ce marché, peuvent causer une atteinte grave et immédiate aux intérêts des concurrents, au secteur et, in fine, aux consommateurs finals.

171. Le Conseil a ainsi observé, notamment dans sa décision n° 07-D-33 (53), que " des abus de domination mis en œuvre sur un marché naissant sont d'une gravité particulière en raison du caractère potentiellement structurant qu'ils ont pour le marché, voire le secteur en cause ". Dans cette dernière décision, le Conseil n'a pu intervenir que postérieurement à la survenance du dommage, pour sanctionner l'abus constaté. De même, la cour d'appel, confirmant la décision du Conseil n° 02-MC-03 précitée, a jugé, s'agissant de la gravité et de l'immédiateté de l'atteinte, que " les pratiques évoquées par le Conseil comme susceptibles de constituer un abus de position dominante [représentent] une discrimination structurelle résultant des conditions opérationnelles de la commercialisation des packs ADSL qui a été retenue, à bon droit, par le Conseil ; que ces pratiques portent une atteinte grave à la concurrence en ce qu'elles renforcent les tendances monopolistiques des secteurs concernés et permettent à France Télécom de structurer le marché à sa guise, en donnant à sa filiale un avantage décisif sur ses concurrents, lié à une meilleure connaissance de son infrastructure de réseau par la commercialisation du service ADSL dans ses agences ".

172. En l'espèce, il ressort de l'analyse concurrentielle précédemment exposée que les pratiques de l'opérateur historique sont de nature à dissuader les clients potentiels de la filière, intéressés par la production d'électricité photovoltaïque, de faire appel aux services des concurrents de la filiale d'EDF. Ces pratiques peuvent, par conséquent, restreindre l'accès au marché connexe émergent des services offerts aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque pour les concurrents d'EDF ENR. Les comportements constatés sont ainsi susceptibles d'entraver gravement et de fausser durablement le développement de la concurrence dans le contexte de forte croissance de la filière photovoltaïque décrit par l'ensemble des opérateurs de cette filière. De telles pratiques, si elles étaient autorisées à perdurer, auraient un effet structurant sur le marché connexe en cause.

173. L'atteinte à l'exercice de la concurrence découlant des pratiques constatées est d'autant plus grave, en l'espèce, que le comportement de l'opérateur historique revêt un certain caractère d'exemplarité. A cet égard, il convient, au surplus, de rappeler que le Conseil, la Commission européenne et la CRE, ainsi que d'autres régulateurs sectoriels, ont pu signaler que les situations dans lesquelles est introduite la confusion entre l'activité d'un opérateur historique dans le cadre de sa mission de service public et l'activité de ses filiales en secteur concurrentiel permettent à ces dernières de retirer un profit indu au détriment de leurs concurrents sur un marché, par opposition à une situation dans laquelle les entreprises se font concurrence par les mérites. EDF ne pouvait donc ignorer les principes ressortant de l'ensemble des décisions et avis rendus par ces autorités qui font l'objet d'un rappel dans la présente décision.

174. Enfin, comme EDF ENR l'a elle-même exposé, sa décision de recourir au support commercial de deux divisions d'EDF SA relève d'un choix d'opportunité et celle-ci aurait pu faire appel à une solution moins attentatoire au droit de la concurrence, permettant de bien différencier son activité de celle de l'opérateur historique, fournisseur d'électricité en tarifs réglementés. Elle a, au contraire, opté, en dépit des nombreux avertissements des autorités compétentes à cet égard, pour une formule permettant d'entretenir la confusion des consommateurs à son profit.

b) Le caractère immédiat de l'atteinte

175. En premier lieu, le marché sur lequel les pratiques ont été relevées est un marché émergent, comme le relève le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, qui opère le raccordement des installations photovoltaïques, en parlant de marché en pleine " explosion ". Les effets risquent donc d'être très difficilement réversibles alors que l'année en cours présente une importance déterminante pour que la structuration du marché s'opère selon les mérites respectifs.

176. Il convient également, en deuxième lieu, de rappeler que les contrats d'achat d'électricité photovoltaïque conclus avec EDF ont une durée de 20 ans, ce qui renforce le caractère irréversible de l'atteinte en l'espèce.

177. Ce constat doit, en troisième lieu, être rapproché du fait qu'EDF ENR a obtenu la majorité de ses contrats (au moins 80 % de ses objectifs déclarés pour la fin de l'année 2008) par la plateforme téléphonique du 3929, comme cela a été confirmé lors de la séance du 26 novembre 2008 sur la base des chiffres communiqués par EDF dans le cadre de l'instruction (54).

178. Tous ces éléments attestent à la fois de l'existence d'un lien entre les pratiques alléguées et d'une atteinte grave et immédiate à la concurrence dans un secteur en plein développement, sur lequel les actions de l'opérateur historique peuvent jouer un rôle structurant.

179. En conséquence, il y a lieu d'enjoindre à EDF de mettre fin aux pratiques qui introduisent, vis-à-vis des consommateurs, une confusion entre les activités d'EDF, fournisseur d'électricité aux tarifs réglementés, et les activités concurrentielles de sa filiale EDF-ENR. Il y a également lieu d'enjoindre à EDF de ne plus mettre à disposition de sa filiale des moyens qui ne peuvent être reproduits par ses concurrents sur le marché de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'énergie photovoltaïque.

Décision

Article 1er : Il est enjoint à EDF, à titre conservatoire et dans l'attente d'une décision au fond, dans un délai qui ne pourra excéder un mois à compter de la notification de la présente décision, de supprimer, dans tous les supports de communication portant la marque Bleu Ciel d'EDF, toute référence à l'activité d'EDF ENR dans la filière solaire photovoltaïque. Ces supports sont constitués, de façon non limitative, de la Lettre Bleu Ciel, de la facture de fourniture d'électricité EDF, des publicités par les médias sur l'offre Bleu Ciel, de la plateforme téléphonique du 3929, mais aussi de toute autre plateforme téléphonique conduisant au serveur vocal Bleu Ciel d'EDF, ainsi que du site Internet Bleu Ciel.

Article 2 : Il est enjoint à EDF, à titre conservatoire et dans l'attente d'une décision au fond, dans un délai qui ne pourra excéder un mois à compter de la présente décision, de faire cesser, toute référence, par les agents répondant au 3929, aux services offerts par EDF-ENR.

Article 3 : Il est enjoint à EDF, à titre conservatoire et dans l'attente d'une décision au fond, dans un délai qui ne pourra excéder un mois à compter de la présente décision, de mettre fin à toute communication à EDF-ENR d'informations recueillies par le 3929. Cette injonction vise la prise de rendez-vous mais aussi la transmission de renseignements sur les personnes intéressées par la production d'énergie photovoltaïque.

Article 4 : Il est enjoint à EDF, à titre conservatoire et dans l'attente d'une décision au fond, dans un délai qui ne pourra excéder un mois à compter de la présente décision, de ne plus mettre à la disposition d'EDF-ENR d'informations dont EDF dispose du fait de ses activités de fournisseur de services d'électricité aux tarifs réglementés.

Notes :

1 Cotes 31 à 44.

2 Cote 893.

3 Voir à ce sujet document intitulé " Note de présentation de la marque Bleu Ciel d'EDF, de la Lettre Bleu Ciel d'EDF et des supports commerciaux spécifiques aux offres photovoltaïques ", cotes 779 à 781.

4 Cote 780.

5 Cotes 677 et 678.

6 Cotes 786 à 789.

7 Cote 1227.

8 Presse quotidienne régionale : " avec chaque jour 17 millions de lecteurs et plus de 5 millions d'exemplaires diffusés, la P.Q.R est le premier média d'information des Français ". (voir à ce sujet, le site Internet : http://www.pqr.org/quotidiens/pagelistetitre.2005-06-16.6476503659).

9 Cotes 695 à 737.

10 Cote 889.

11 " Réponse aux questions complémentaires en date du 3 septembre 2008 ", cotes 889 à 894.

12 Idem.

13 Cote 890.

14 Cotes 1144 à 1180.

15 Cote 892.

16 Cote 1034.

17 Cotes 1222 à 1227.

18 Cote 1658.

19 Observations de la CRE du 31 octobre 2008, relatives à la saisine de Solaire Direct à l'encontre d'EDF devant le Conseil de la concurrence, cotes 1650 à 1659.

20 Procès-verbal d'audition du 2 octobre 2008, cotes 1303 à 1310.

21 Idem.

22 Article 38 de la loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

23 Procès-verbal d'audition du 2 octobre 2008, cotes 1303 à 1310.

24Audition du 3 octobre 2008, cotes 1032 à 1036.

25 Communication financière d'EDF EN du 29 août 2008, cotes 1065 et 1125.

26 Cote 1034.

27 Cotes 1331 à 1399.

28 Cotes 1619 et 1623.

29 Voir, à cet égard, notamment l'exemplaire versé au dossier par la rapporteure : page entière consacrée au Conseil EDF Bleu Ciel dans l'Express de la semaine du 4 au 10 septembre, n° 2983, " Spécial Immobilier Paris ", cote 3156.

30 S'agissant notamment des activités de messagerie de la SNCF via le Sernam (n° 95-A-18), des services financiers de la poste (n° 96-A-10), du service d'hydrographie et d'océanographie de la marine (n° 97-A-10), de la RATP (n° 97-A-20), de la coexistence au sein d'une même structure juridique et commerciale d'activités de télécommunications exercées en situation concurrentielle et sous monopole (n° 97-A-07), des principes à respecter ou les dispositions à prévoir pour assurer le fonctionnement concurrentiel du marché électrique dans le cadre tracé par la directive européenne 96-92-CE (n° 98-A-05), des principes de séparation comptable entre activités de production, transport, distribution d'électricité et autres activités (n° 00-A-29 et n° 02-A-06), des risques de préemption du marché des services de renseignements téléphoniques par les opérateurs déjà en place (n° 05-A-16).

31 Rapport annuel du Conseil pour l'année 2003, étude thématique intitulée " Les monopoles publics dans le jeu concurrentiel ".

32 Conseil de la concurrence, avis n° 05-A-16 du 28 juillet 2005, relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes relative à la transition vers un nouveau format de numérotation pour les services de renseignements téléphoniques.

33 Confirmée par la Cour d'appel de Paris, par un arrêt du 31 mars 2009.

34 Décision n° 04-D-70 du 16 décembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des pompes funèbres de la région Saint-Germain-en-Laye. Deux autres affaires ont conduit à la sanction de comportements similaires la même année, à savoir, la décision n° 04-D-21 du 17 juin 2004 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché des pompes funèbres de la région grenobloise et la décision n°04-D-37 du 27 juillet 2004, relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché des pompes funèbres dans le Val de Marne.

35 Paragraphe 179 de la décision.

36 " Questionnaire à l'intention des opérateurs dans le secteur de la production d'énergie photovoltaïque " et réponse du 29 juillet 2008, cotes 656 à 659.

37 Procès verbal d'audition du 15 juillet 2008, cote 690.

38 Cotes 1219 et 1220.

39 " Procès-verbal d'audition du 15 juillet 2008, cote 690; " Offres photovoltaïques : données chiffrées sur l'apport de prospects à EDF ENR par l'intermédiaire de la plateforme téléphonique du 3929 " cotes 1219 et 1220, précités en notes 2 et 4.

40 Cotes 802 à 806.

41 Cote 3134.

42 Voir également à ce sujet, la figure en cote 1488.

43 Décision n° 07-MC-03 du 15 octobre 2007, relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom dans le secteur de l'accès à Internet à haut débit.

44 Cote 33.

45 Communication financière d'EDF EN du 29 août 2008, cotes 1065 et 1125.

46 Cote 2852.

47 Avis n° 00-A-03 du 22 février 2000, relatif à l'acquisition de la société Clemessy par les groupes EDF Cogema et Siemens.

48 Conseil de la concurrence, décision n° 02-MC-03 du 27 février 2002, relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société T- Online France, confirmée, en ce point, par la Cour d'appel de Paris, par un arrêt du 9 avril 2002.

49 Observations de la société Solaire Direct du 12 novembre 2008, annexe 2, cotes 2151 et 2152.

50 Décision n° 00-D-47 du 22 novembre 2000, relative aux pratiques mises en œuvre par EDF et sa filiale Citélum sur le marché de l'éclairage public.

51 Décisions n° 00-D-57 du 6 décembre 2000, relative à des pratiques mises en œuvre par la SEM Gaz Electricité de Grenoble et les sociétés GESTE et GEG Achats sur le marché des prestations de services dans le domaine de l'énergie et du bâtiment et n° 02-D-63 du 8 octobre 2002, relative à des pratiques constatées dans le secteur des télécommunications.

52 Décision n° 00-D-54 du 28 novembre 2001, relative au comportement de l'institut national de la consommation (INC) : " La publicité télévisuelle de ses publications (...) a procuré à l'INC un avantage concurrentiel certain en lui permettant d'augmenter de manière sensible ses ventes en kiosque et d'atteindre ainsi des niveaux de chiffres d'affaires et de parts de marché jamais égalés ; de plus, l'INC était le seul, sur ce marché, à pouvoir faire de la publicité à la télévision ; en effet, ses concurrents ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour financer de telles campagnes à la télévision. La publicité illicite effectuée à la télévision par l'INC a eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur le marché de la presse consumériste ; elle a pu faire obstacle au développement d'une compétition par les seuls mérites ; même si l'UFC n'a pas enregistré, en valeur absolue, une chute de ses ventes, la pratique en cause a pu limiter ses perspectives de progression ainsi que celles des autres opérateurs et exercer un effet dissuasif sur de nouvelles entrées éventuelles sur le marché ; mise en œuvre par une entreprise en position dominante, une telle pratique constitue un abus prohibé par l'article L. 420-2 du Code de commerce. "

53 Conseil de la concurrence, décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007, relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'accès à Internet à haut débit.

54 Procès-verbal d'audition du 15 juillet 2008, cote 690; " Offres photovoltaïques : données chiffrées sur l'apport de prospects à EDF ENR par l'intermédiaire de la plateforme téléphonique du 3929 " cotes 1219 et 1220.