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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 23 avril 2009, n° 07-03653

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alençon Plastic (SAS)

Défendeur :

Groupe Seb Moulinex (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Calle

Conseillers :

Mmes Boissel Dombreval, Vallansan

Avoués :

SCP Grandsard Delcourt, SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte

Avocats :

SCP Dubos, Selas Vogel & Vogel

CA Caen n° 07-03653

23 avril 2009

Vu le jugement du Tribunal de commerce d'Alençon du 8 octobre 2007, qui a débouté la SAS Alençon Plastic de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SAS Groupe Seb Moulinex (GSM) la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu l'appel de la société Alençon Plastic et ses conclusions du 18 mars 2008 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement et condamner la société GSM à lui payer la somme de 2 217 719 euro au titre de l'indemnité pour rupture abusive des relations commerciales outre 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de la société GSM du 24 septembre 2008 par lesquelles elle demande à la cour, à titre principal de confirmer le jugement, à titre subsidiaire débouter la société Alençon Plastic de ses demandes indemnitaires et en tout état de cause condamner la société Alençon Plastic à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Attendu que dans le cadre de la reprise par le groupe Seb de l'entreprise Moulinex, en redressement judiciaire, la société Alençon Plastic s'est vue accorder en 2002 par le Tribunal de commerce de Nanterre la reprise de l'activité d'injection plastique du site Moulinex d'Alençon; que ce rachat d'actif s'est accompagné d'un accord de sous-traitance signé le 21 décembre 2001 avec la société GSM; que la clause "durée" de ce contrat stipule "le présent contrat est conclu pour une durée initiale de trois ans, à compter de sa date de signature. Il sera ensuite renouvelable deux fois pour un an par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une des parties par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois avant l'échéance".

Attendu qu'après avoir renouvelé deux fois le contrat en application de la clause, la société GSM a refusé de continuer ses relations commerciales avec la société Alençon Plastic et réclamé la restitution des outillages en février 2007; que, reprochant à son partenaire d'avoir ainsi violé l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, la société Alençon Plastic a, par acte du 3 mai 2007, fait assigner la société GSM en responsabilité civile;

Attendu qu'en application de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, l'entrepreneur engage sa responsabilité en cas de rupture brutale de relations commerciales établies, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages;

Attendu que si ce texte s'applique indifféremment à toutes les relations tissées entre entreprises, même celles qui pourraient être à durée déterminée, c'est à la condition que, par la nature et la durée des relations commerciales réelles ainsi créées, l'entreprise dépendante ait pu s'attendre à continuer ses relations et que la rupture ne lui permette pas d'organiser son après-contrat;

Attendu qu'en l'espèce, le contrat était à durée déterminée; que la clause établie à cet effet a été rédigée dans des termes ne permettant pas de se tromper sur l'enjeu, en particulier en ce que le renouvellement tacite n'a été prévu que deux fois;

Attendu qu'en particulier, c'est cette durée dont il a été tenu compte par les partenaires institutionnels pour le financement de l'opération; qu'en effet, l'avis favorable du comité d'agrément sollicité dans le cadre du dossier de garantie Sofaris précise dans la présentation du projet que "le contrat passé par la société Alençon Plastic et Seb est d'une durée de trois ans et doit permettre la création de 48 emplois. L'objectif d'Alençon Plastic est de diversifier rapidement son chiffre d'affaires pour porter la part de Seb à 40 % dans les trois ans contre 60 % la première année "; que la Banque de France dans un courrier adressé le 20 juin 2002 au dirigeant de la société Alençon Plastic concernant le rapport relatif à la simulation financière de l'entreprise, conclut que les simulations financières établies sur les exercices clos en septembre 2002, septembre 2003 et septembre 2004 portent la trace de l'opération de croissance exceptionnelle due à la reprise des matériels de Moulinex. "A ce stade des opérations de reprise et grâce au contrat signé pour une durée de trois ans avec le groupe Seb-Moulinex, l'augmentation du chiffre d'affaires serait de près de 65 % en 2002-2003 puis un peu supérieur à 32 % pour l'exercice suivant";

Attendu qu'entre les parties, la société Alençon Plastic écrit le 18 novembre 2004 à la société GSM que dans quelques semaines, le contrat de sous-traitance arrivera à la première échéance et demande, outre le maintien des volumes confiés, l'ajustement des prix et une avance financière, "la reconduction du contrat initial par un avenant d'une durée égale à la première, soit trois ans, nous permettant ainsi d'amortir les nombreux investissements mis en place "; qu'enfin par courrier du 28 septembre 2006, la société GSM, qui n'avait pas à respecter, au terme du contrat, le préavis de trois mois réservé par la clause aux deux renouvellements de l'accord, rappelle à la société Alençon Plastic que le contrat prendra fin le 21 décembre 2006;

Attendu que, contrairement à ce que soutient la société Alençon Plastic, le contrat ne s'est pas poursuivi jusqu'au 18 avril 2008, date de restitution des moules; que ce maintien provisoire des commandes était justifié par les négociations en cours, dont les parties savaient dès février 2007 qu'elles étaient en train d'échouer, puisque la société GSM confirme alors sa demande de rapatriement des moules;

Attendu qu'il résulte de tous ces éléments que si une relation commerciale était établie, elle était à durée déterminée et n'a pas fait l'objet d'un renouvellement tacite autre que ceux qui étaient prévus dans le contrat; qu'ainsi, le sous-traitant ne pouvait pas croire que les relations contractuelles allaient se perpétuer aux mêmes conditions; que d'ailleurs, il résulte d'un communiqué du 6 novembre 2006 que la société Alençon Plastic, dès avant la fin des relations contractuelles, s'était rapprochée du groupe Accoform et qu'elle a été reprise par la société Euronyl, dirigée à compter de cette date par un nouveau président; que cette restructuration est présentée par les deux dirigeants des sociétés comme étant le résultat d'une évolution des marchés, des besoins de clients et l'internalisation de la demande; qu'ainsi, la société Alençon Plastic a pu anticiper la perte de son client et retrouver de nouveaux marchés;

Attendu en outre que si l'invitation à négocier les conditions d'une poursuite de la collaboration contenue dans le courrier précité peut s'analyser en une manifestation de reconduction des relations établies, elle ne peut être appréciée que par rapport à la durée limitée du contrat que chacune des parties avait à l'esprit à ce moment; que la lecture des échanges de messages et courriers communiqués ne permet aucunement de révéler que la société GSM a entretenu l'espoir d'une poursuite des relations; qu'au contraire, la décision de la société GSM de ne pas pérenniser les relations a été justifiée par le refus de la société Alençon Plastic de réduire ses prix, lesquels seraient, selon la société GSM, jusqu'à 13 % plus élevés que les prix du marché, ce qui était la condition du maintien des relations ; qu'en particulier le 16 octobre 2006, alors que les difficultés rencontrées par la société Alençon Plastic à l'égard de la société GSM pour l'exécution du contrat pendant toute sa durée avaient trouvé des solutions, la société Alençon Plastic adresse des critiques par messagerie informatique et menace de bloquer les livraisons;

Attendu qu'il résulte des éléments qui précèdent que le tribunal a exactement jugé que l'article L. 442-6-5° du Code de commerce ne pouvait s'appliquer en l'espèce et que la demande de la société Alençon Plastic devait être rejetée; que le jugement sera en conséquence confirmé;

Attendu que succombant en son appel, la société Alençon Plastic, a contraint la société GSM à exposer des frais irrépétibles qui ne sauraient demeurer à sa charge et dont le montant sera fixé à la somme réclamée de 3 000 euro;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions; Condamne la SAS Alençon Plastic à payer à la SAS Groupe Seb Moulinex (GSM) la somme complémentaire de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la SAS Alençon Plastic aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.