CA Paris, 1re ch. H, 29 avril 2009, n° ECEC0915859X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Philips France (SAS), Avantage (SARL), Sony France (SA)
Défendeur :
Pernot, Association FO Consommateurs, Président de l'Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magendie
Présidents de chambre :
MM. Pimoulle, Fossier
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Jourdier
Avoué :
SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Esteben, Billard, Choffel, Michel-Chabre
LA COUR,
Vu les recours formés :
- le 13 janvier 2006 par la SAS Philips France (ci-après : la société Philips),
- le 16 janvier 2006 par la SA Sony France (ci-après : la société Sony),
en annulation, subsidiairement en réformation, de la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-66 du 5 décembre 2005 relative à la saisine de la SARL Avantage à l'encontre de pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'électronique grand public ;
Vu le mémoire déposé le 14 février 2006 par la société Philips à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 2 octobre 2006 ;
Vu le mémoire déposé le 13 février 2006 par la société Sony à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 2 octobre 2006 ;
Vu le mémoire en intervention de la SARL Avantage, déposé le 13 septembre 2006, soutenu par ses observations déposées le 9 octobre 2006 ;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 22 mai 2006 ;
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, en date du 18 mai 2006, tendant au rejet des recours ;
Vu les observations écrites du Ministère public, du 9 octobre 2006 ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique (n° 664 FS-P+B), prononcé le 3 juin 2008 ;
Vu les déclarations de saisine de la Cour d'appel de Paris par la société Philips, le 19 juin 2008, par la société Avantage, le 16 juillet 2008, et par la société Sony, le 16 juillet 2008 ;
Vu les conclusions d'intervention volontaire déposées au greffe le 16 juillet 2008 par M. Joseph Pernot, soutenues par son mémoire du 11 décembre 2008 ;
Vu les observations déposées au greffe le 9 septembre 2008 par la société Sony "tendant à faire constater l'irrecevabilité de la société Avantage et de M. Joseph Pernot " et ses mémoires déposés le 29 octobre 2008 et le 17 février 2009 ;
Vu les mémoires déposés au greffe par la société Philips le 29 octobre 2008 et le 19 février 2009;
Vu les conclusions d'intervention volontaire déposées au greffe le 10 décembre 2008 par l'association FO Consommateurs ;
Vu le mémoire déposé au greffe le 11 décembre 2008 par la société Avantage ;
Vu les observations écrites du ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, déposées le 13 janvier 2009 ;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence déposées le 13 janvier 2009;
Vu les observations écrites du Ministère public, du 12 mars 2009, mises à la disposition des parties à l'audience ;
Les sociétés requérantes et leurs conseils, qui ont eu la parole en dernier le représentant du ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, celui du Conseil de la concurrence et le Ministère public entendus en leurs plaidoiries et observations orales ;
Sur quoi,
Considérant que, saisi par la société Avantage de pratiques qu'elle estimait anticoncurrentielles, mises en œuvre par des fournisseurs et des distributeurs de produits d'électronique grand public, le Conseil de la concurrence (le Conseil), par décision n° 05-D-66 du 5 décembre 2005, a dit établi que plusieurs sociétés dont la société Philips et la société Sony ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en mettant en œuvre, de novembre 1997 à fin 1998, une entente avec leurs distributeurs relative à l'application de prix conseillés sur un certain nombre de produits d'électronique grand public et a prononcé des sanctions pécuniaires de 16 millions d'euro à l'encontre de chacune d'elles ;
Que par arrêt du 19 juin 2007, cette cour, entre autres dispositions, a déclaré irrecevable l'intervention de la société Avantage et rejeté les recours de la société Philips et de la société Sony ;
Que statuant sur les pourvois de la société Sony et de la société Philips, la Cour de cassation, par arrêt du 3 juin 2008, a jugé que la cour d'appel avait violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales en recevant à titre de preuves des enregistrements de communications téléphoniques réalisés par la partie saisissante à l'insu de l'auteur des propos tenus et, en conséquence cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 19 juin 2007, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée ;
1. Sur la procédure :
1.1. Sur la recevabilité de la saisine de la société Avantage :
Considérant en l'état de la cassation et de l'annulation en toutes ses dispositions de l'arrêt du 19 juin 2007, quoiqu'aucun des moyens des pourvois des sociétés Sony et Philips n'aient attaqué la partie de l'arrêt cassé relative à la recevabilité de l'intervention de la société Avantage, laquelle n'avait pas formé de pourvoi, que la juridiction de renvoi est investie de la connaissance de l'entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit ; que, dès lors, la société Avantage se trouve replacée dans l'état où elle se trouvait avant l'arrêt cassé ;
Considérant que l'article R. 464-14 du Code de commerce oblige les demandeurs à un recours contre une décision du Conseil de la concurrence, dans les cinq jours qui suivent le dépôt de la déclaration de recours, à en adresser une copie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux parties auxquelles la décision du Conseil de la concurrence a été notifiée ; que cette formalité ouvre à ces dernières l'alternative organisée par les articles R. 464-16 et R. 464-17 du même Code, soit de former un recours incident, soit de se joindre à l'instance devant la cour d'appel, l'exercice de l'une ou l'autre de ces facultés dans le délai d'un mois de la notification du recours principal conférant la qualité de partie devant la cour ; que, dans les deux cas, l'article R. 464-12 est applicable qui dispose, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, que l'expose des moyens invoqués doit être déposé dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence ; que les parties devant le Conseil peuvent encore être mises en cause d'office à tout moment par le premier Président ou son délégué usant de la prérogative que lui confère l'article R. 464-17, alinéa 2, du Code de commerce ;
Considérant que la société Avantage a reçu notification des recours respectivement les 18 et 26 janvier 2006 ; qu'elle a déclaré intervenir volontairement le 21 août 2006, soit après l'expiration du délai d'un mois précédemment visé ; que cette initiative n'a pu avoir pour effet de pallier la négligence de cette société qui n'a pas déclaré en temps utile se joindre à l'instance ;
Considérant qu'il doit être constaté que, au contraire de ce qu'elle affirme, la société Avantage n'a pas été mise en cause d'office par le premier Président ou son délégué en vertu de l'article R. 464-17 alinéa 2, du Code de commerce ; que l'ordonnance du 23 octobre 2006 à laquelle elle se réfère n'avait d'autre objet que de lui notifier le calendrier de procédure et ne préjugeait pas de la recevabilité de son intervention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la déclaration d'intervention de la société Avantage sera déclarée irrecevable comme tardive ;
1.2. Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Joseph Pernot :
Considérant que la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Joseph Pernot, contestée par les sociétés Philips et Sony, s'apprécie au regard des articles 329, alinéa 2, et 330 du Code de procédure civile, auxquelles il n'est pas dérogé par les articles R. 464-10 et suivants du Code de commerce et qui sont donc applicables devant la Cour d'appel de Paris statuant sur les recours formés contre les décisions du Conseil de la concurrence ;
Considérant que M. Pernot, qui ne figure pas parmi les personnes ou organismes énumérés par l'article L. 462-5 du Code de commerce, et qui n'a donc pas qualité pour saisir le Conseil de la concurrence d'une prétention quelconque, n'est pas recevable à intervenir à titre principal, son intervention ne pouvant dès lors être qu'accessoire pour appuyer les prétentions d'une autre partie ;
Considérant que M. Pernot, qui se présente comme actionnaire majoritaire de la société Avantage, dont les activités seraient suspendues et qui se trouverait " au bord du dépôt de bilan du fait du refus de vente des fournisseurs ", ce qui lui aurait fait perdre son emploi, entend soutenir les prétentions de cette société ;
Mais considérant, l'intervention volontaire de la société Avantage étant irrecevable, que celle de M. Pernot l'est aussi par voie de conséquence ;
1.3. Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'association FO Consommateurs :
Considérant que l'association FO Consommateurs, association agréée ayant pour objet, selon l'article 1er de ses statuts, " l'information, la formation et la défense des consommateurs sur tous les plans ", qui n'était pas partie devant le Conseil déclare intervenir volontairement et accessoirement au soutien de l'action du ministre chargé de l'Economie ; qu'elle réclame, aux termes de ses conclusions, la confirmation de la décision du Conseil et la condamnation des sociétés requérantes à lui payer 20 000 euro de dommages-intérêts au titre du préjudice subi par les consommateurs, outre une indemnité de procédure ;
Considérant que le ministre chargé de l'Economie observe à juste titre que la demande de dommages-intérêts ainsi présentée par l'association FO Consommateurs, outre qu'elles n'a de sens, au regard de l'article 329 du Code de procédure civile, que dans le cadre d'une intervention non pas accessoire, mais principale puisqu'elle élève une prétention à son profit n'est pas recevable dans la mesure où le Conseil de la concurrence - et pas davantage la Cour d'appel de Paris statuant sur les recours formés contre ses décisions - n'est pas compétent pour statuer sur la réparation des préjudices causés par les pratiques anticoncurrentielles dont il a à connaître ;
Considérant par ailleurs, que le ministre chargé de l'Economie, qui n'a pas formé de recours principal ou incident contre la décision du Conseil, n'est pas partie à l'instance devant la cour et ne forme aucune prétention ; que, dès lors, l'intervention volontaire de l'association FO Consommateurs ne peut être accessoire à l'action du ministre chargé de l'Economie ;
Considérant que l'intervention volontaire de l'association FO Consommateurs sera en conséquence déclarée irrecevable ;
1.4. Sur le moyen de nullité de la procédure, tiré de l'irrecevabilité à titre d'éléments de preuve des enregistrements téléphoniques et leur transcription produits par la société Avantage :
Considérant que la société Avantage a produit au soutien de sa saisine du Conseil des cassettes contenant les enregistrements de conversations que son responsable, M. Pernot avait tenues avec les représentants de fournisseurs ou de grossistes avec lesquels il était entré en relation, accompagnées de leur transcription ;
Que le Conseil ayant refusé d'écarter ces enregistrements bien qu'il fût soutenu qu'ils avaient été obtenus de façon déloyale pour avoir été recueillis a l'insu des interlocuteurs de M. Pernot, les requérantes lui font le grief d'une erreur de droit en ce qu'il a refusé d'appliquer le principe général de la loyauté de la preuve et a rattaché les règles de preuve de la procédure suivie devant lui à celles de la procédure pénale ;
Considérant que l'article 6 § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, implique que chaque partie dispose de la faculté, non seulement de faire connaître les éléments nécessaires au succès de ses prétentions, mais aussi de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision ; qu'il n'emporte en lui-même aucune conséquence quant à l'admissibilité des preuves, qui demeure régie par le droit national, mais exige seulement que la procédure, prise dans son ensemble, garantisse un procès équitable ;
Considérant, au regard du droit communautaire, en l'absence d'une réglementation spécifique de la preuve, que tous les moyens de preuve que les droits Procéduraux des Etats membres admettent sont recevables ; que les infractions aux articles 81 et 82 du traité CE peuvent être établies par tout moyen ;
Considérant que les dispositions du Code de procédure civile, qui ont essentiellement pour objet de définir les conditions dans lesquelles une partie peut obtenir du juge une décision sur le bien fondé d'une prétention dirigée contre une autre partie et reposant sur la reconnaissance d'un droit subjectif, ne s'appliquent pas à la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence qui, dans le cadre de sa mission de protection de l'ordre public économique, exerce des poursuites à des fins répressives le conduisant à prononcer des sanctions primitives ;
Considérant qu'il en résulte que, devant le Conseil de la concurrence, l'admissibilité d'un élément de preuve recueilli dans des conditions contestées doit s'apprécier au regard des fins poursuivies, de la situation particulière et des droits des parties auxquelles cet élément de preuve est opposé ;
Considérant, en l'espèce, que, si les enregistrements opérés par M. Pernot ont constitué de sa part un procédé déloyal à l'égard de ceux dont les propos ont été insidieusement captés, ils ne doivent pas pour autant être exclus du débat et ainsi privés de toute vertu probante par la seule application d'un principe énoncé abstraitement, mais seulement s'il est avéré que la production de ces éléments a concrètement porte atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire et aux droits de la défense de ceux auxquels ils sont opposés ;
Considérant que le Conseil n'a utilisé à la charge des sociétés Philips et Sony que les seuls enregistrements des conversations téléphoniques entre M. Pernot et les représentants des sociétés SCIE CREL (M. Gauthier) SNER (M. Dauvergne) ; qu'aucune des personnes dont les propos ont été recueillis à leur insu, invitées à s'expliquer par la suite dans le cadre de l'instruction, n'a protesté contre la déloyauté du procède, ni émis de doute sur l'authenticité des enregistrements, ni contesté la teneur des entretiens ; que ces personnes n'ont pas prétendu qu'elles se seraient exprimées comme elles l'ont fait sous la pression d'une contrainte quelconque, n'ont pas renié leurs propos, n'ont pas même insinué qu'elles en auraient tenu d'autres si elles avaient su être enregistrées, les ont au contraire confirmés en les explicitant et en apportant des précisions complémentaires ;
Considérant que les propos enregistrés portent uniquement sur des sujets professionnels à l'exclusion de toute allusion touchant à l'intimité de la vie privée ;
Considérant que la société Philips, qui réclame la mise à l'écart des débats, non seulement des enregistrements eux-mêmes, mais encore de toutes les pièces subséquentes qui s'y réfèrent directement ou indirectement, comprenant les procès-verbaux d'audition des interlocuteurs de M. Pernot ainsi que le rapport d'enquête et ses annexes, fonde cette demande sur le rappel du principe de loyauté des preuves sans même tenter d'expliquer en quoi l'application de ce principe se trouverait violée en l'espèce à son égard, alors qu'elle ne fait état d'aucun doute sur l'authenticité des enregistrements ou la fidélité des transcriptions ;
Considérant que la société Sony soutient que les enregistrements litigieux ont été à l'origine de l'enquête et au coeur de l'instruction et que leur déloyauté originelle interdit absolument de s'y référer, de sorte que l'usage qui en a été fait vicie irrémédiablement toute la procédure ;
Mais considérant que les deux sociétés requérantes, dès lors que ce ne sont pas les propos de leurs représentants qui ont été enregistrés à leur insu qui leur sont opposés, ne sont pas fondées à se prévaloir du principe qui garantit à toute personne le droit de ne pas s'auto-incriminer ;
Qu'il n'est pas contesté qu'elles ont eu connaissance de ces pièces, ont été en mesure d'en discuter non seulement la nature mais aussi le contenu et encore d'apporter des éléments de preuve contraires ; que, dès lors qu'elles ont ainsi disposé de toute latitude de combattre ces éléments à charge dans le cadre d'un débat contradictoire, elles ne font la preuve d'aucune atteinte concrète au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire ou aux droits de la défense ;
Considérant, par ailleurs, dans le contexte particulier d'ententes qui présentent le plus souvent un caractère occulte, où les victimes sont généralement désarmées et confrontées à la difficulté de fournir des éléments suffisamment probants à l'appui de leur saisine pour caractériser les manœuvres elles-mêmes déloyales de partenaires économiques puissants et connaissant bien les lois du marché, comme en l'espèce, que l'utilisation de tels éléments de preuve n'est pas disproportionnée aux fins poursuivies par le droit de la régulation économique ;
Considérant, en définitive, qu'en l'absence de texte réglementant la production des preuves par les parties à l'occasion de procédures suivies devant lui sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que le Conseil, qui bénéficie d'une autonomie procédurale tant à l'égard du droit judiciaire privé national qu'à l'égard du droit communautaire, a retenu, en se fondant sur sa mission de protection de l'ordre public économique, sur le caractère répressif de ces poursuites conduisant au prononcé de sanctions pécuniaires et sur l'efficacité qui en est attendue, que les enregistrements en cause, qui étaient produits par la partie saisissante et non par les enquêteurs ou le rapporteur, ne pouvaient être écartés au seul motif qu'ils avaient été obtenus de façon prétendument déloyale, qu'ils étaient recevables dès lors qu'ils avaient été soumis à la contradiction et qu'il lui appartenait seulement d'en apprécier la valeur probante ; que le moyen de nullité de la procédure tiré de l'irrecevabilité à titre de preuve des enregistrements litigieux et des pièces subséquentes sera rejeté ; que les pièces en cause seront maintenues dans le débat ;
1.5. Sur la validité des procès-verbaux d'audition des représentants des sociétés SCIE CREL et SNER :
Considérant que la société Sony reproche au Conseil de ne pas avoir écarté des débats les procès-verbaux d'audition des représentants des sociétés SCIE CREL et SNER, respectivement des 18 septembre et 5 décembre 2002, qui ne mentionnent pas les questions posées aux personnes dont les déclarations ont été recueillies ;
Mais considérant que le procès-verbal du 5 décembre 2002, intéressant un représentant de la société SNER, n'a pas été contesté devant le Conseil de la concurrence, seule la société SCIE CREL ayant discuté celui du 18 septembre 2002 ; qu'en tout état de cause ces procès-verbaux pouvaient être maintenus au dossier dès lors, ainsi que le Conseil l'a rappelé, qu'aucun texte n'impose la transcription des questions posées à l'occasion de l'établissement des procès-verbaux prévus par l'articles L. 450-2 et L. 450-3 du Code de commerce ; qu'il n'est au demeurant pas soutenu que les personnes entendues n'auraient pas été informées de l'objet de l'enquête préalablement à leur audition, ni fait état de faits précis établissant l'existence de manœuvres déloyales de la part des enquêteurs qui les auraient conduites à se méprendre sur la portée de leurs déclarations ;
2. Sur les pratiques qualifiées d'entente :
Considérant que la société Avantage, créée en juillet 1997 avec pour objet la vente au détail de produits d'électronique grand public dits produits bruns (téléviseurs, matériel Hifi et vidéo), ayant, selon elle, rencontré des difficultés d'approvisionnement auprès des fournisseurs et des grossistes parce qu'elle prétendait pratiquer des prix de vente inférieurs aux prix conseillés par ces mêmes fournisseurs, a saisi le Conseil en produisant, pour preuve de ses allégations, les enregistrements sur cassettes audio et leur transcription de conversations téléphoniques dont il a été précédemment question (§ 7 à 9), des listes de tarifs de certains fournisseurs sur lesquelles apparaissaient de manière manuscrite les prix conseillés, notamment un tarif hors taxe Sony (§ 11 et 12), des tableaux datés du 29 juin 1998 dans lesquels elle a retranscrit les prix conseillés par les fabricants et par la société SNER, grossiste, ainsi que les prix de 618 références (télévisions, magnétoscopes DVD, chaînes Hi-Fi, caméscopes) présentes dans les catalogues de publicités de 37 enseignes, catalogues annonçant des prix valables au printemps/été 1998 (mai à septembre), selon la durée de vie des catalogues considérés (§ 18);
Que l'enquête a permis de recueillir en outre, entre autres éléments de preuve :
- des catalogues publiés par la plupart des distributeurs comportant les prix de vente TTC de produits bruns au niveau national au cours de périodes similaires, la plupart de ces catalogues contenant une " clause de remboursement de la différence " selon laquelle le consommateur peut se faire rembourser la différence si, dans un délai de 30 jours en général, il trouve le même article ailleurs à un prix inférieur dans la même zone de chalandise (définie selon les enseignes comme un rayon de 15 à 35 kilomètres autour de l'enseigne dans laquelle l'acte d'achat a été effectué) (§ 13 et 14),
- des relevés de prix effectués chaque mois entre septembre 1998 et mars 1999 par l'Institut français de recherches (IFR) dans les mêmes points de vente des régions de Paris, Lyon, Marseille et Grenoble (§ 19),
- les contrats de coopération commerciale proposés notamment par Philips à ses distributeurs ;
Considérant que le Conseil a retenu que les catalogues diffusés par les distributeurs, au cours du printemps-été 1998, faisaient apparaître, pour les principales catégories de produits d'électronique grand public, des prix de vente au public remarquablement concentrés autour d'un même prix, correspondant soit au prix conseillé par le fabricant, soit au prix conseillé par la société SNER et que les relevés de prix IFR effectués chaque mois, de septembre 1998 à mars 1999, dans les mêmes points de vente des régions de Paris, Lyon, Marseille et Grenoble montraient une concentration remarquable des prix relevés dans les magasins autour d'un même prix ; que le Conseil a encore retenu que lesdits contrats de coopération commerciale conduisaient nécessairement le distributeur à accepter la politique tarifaire de la société Philips ;
Que le Conseil a ensuite rappelé qu'un alignement des prix pouvait résulter d'une série d'ententes verticales entre un fournisseur et chacun de ses distributeurs autour d'un prix de revente déterminé par ce fournisseur, et que cette hypothèse est tenue pour démontrée s'il existe, en premier lieu, des indices permettant de penser que des prix de vente au détail ont été évoqués au cours de négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, en deuxième lieu, des éléments montrant qu'un système de contrôle des prix a été mis en place, et indiqué de surcroît que, selon sa pratique décisionnelle, une entente entre un fabricant et ses distributeurs pouvait également être démontrée s'il existe entre eux un contrat prévoyant que le distributeur s'engage à respecter la politique commerciale de son cocontractant en matière de politique tarifaire ou permettant au fabricant de contrôler la publicité sur les prix faite par le distributeur ;
Qu'il a déduit de ces constatations et rappels qu'il existait en l'espèce un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant une entente anticoncurrentielle entre les sociétés Sony et Philips et leurs distributeurs respectifs ;
Que les sociétés requérantes contestent chacun des indices retenus par le Conseil ;
2.1. Sur l'entente imputée à la société Philips :
Considérant que la société Philips fait valoir que les preuves ne sont pas rapportées :
- de l'évocation des prix de détails entre elle-même et ses distributeurs, aucun élément en ce sens n'ayant été relevé et seuls deux grossistes isolés ayant, de façon imprécise, fait allusion à une telle pratique alors que le tarif de base de la SNER n'est pas susceptible d'établir l'entente alléguée et que les catalogues visés par la société Avantage ne contiennent aucune référence Philips non encore commercialisée à la date d'édition de ces catalogues.
- de mécanismes de contrôle des prix publics à son initiative,
- de l'acquiescement des distributeurs, d'une part parce qu'il n'est pas démontrée que ces derniers auraient appliqué des prix prétendument conseillés, la notion d'alignement remarquable n'étant pas définie par le Conseil, son analyse statistique de même que les relevés de la société Avantage n'étant pas fiables et la décision ne montrant pas que l'alignement prétendument observé ne pouvait pas s'expliquer par d'autres causes que l'entente alléguée, d'autre part parce que l'analyse du Conseil quant à la " charte partenaire qualité " est erronée ;
2.1.1. Sur l'évocation des prix :
Considérant, s'agissant de l'évocation des prix comme de chacun des indices dont le constat est nécessaire pour la démonstration de l'entente, que la preuve peut en être apporté par tout moyen ; que la circonstance que le dossier ne comporte pas la preuve que la société Philips aurait édité une liste de prix de revente de ses produits, ainsi que la constaté le Conseil (§ 258) ne suffit pas à écarter l'hypothèse d'une communication de tels prix par d'autres procédés ;
Considérant, à cet égard, que le Conseil a exactement mesuré la portée des propos tenus au téléphone et des déclarations de M. Gauthier, président de la SCIE CREL, (§ 52 et suivants, 160) selon lesquels : " Philips indique des prix " généralement constatés " ou " prix maximum " à l'attention des revendeurs finaux tels Darty, FNAC, Auchan, sachant que ces enseignes sont les principales références pour les consommateurs [...]. Par rapport aux prix généralement constatés ou conseillés par Philips ou d'autres fournisseurs, ceux-ci ont pour intérêt de fixer une limite maximum et nous sont communiqués oralement par des représentants de Philips ou des autres fournisseurs " ;
Que de même, M. Dauvergne, responsable de la société SNER, après avoir suggéré à M. Pernot, au cours d'une conversation téléphonique se rapportant aux relations de la société Avantage avec la société Philips, de ne pas " casser les prix " en lui conseillant même la solution alternative consistant à offrir au client de lui reprendre son ancien matériel pour une somme forfaitaire, (§ 69), lui a déclaré " Ah mais les prix on peut très bien vous les communiquer c'est pas un secret " (§ 7l) ;
Considérant qu'il ressort d'autres propos didactiques de M. Gauthier, expliquant à M. Pernot les difficultés auxquelles il s'exposerait en persistant à vouloir pratiquer des prix de revente jugés trop faibles, qu'il existait en effet une politique tarifaire imposée par Philips (§ 106) ; que M. Dauvergne, également à propos des relations entre Philips et la société Avantage, a évoqué " la règle du jeu " (§ 87) et expliqué par la suite qu'il avait alors fait " référence au respect des prix conseillés par les différentes marques auprès des revendeurs ", ajoutant d'ailleurs que le tarif de la société SNER " tenait compte des recommandations des fournisseurs ainsi que des relevés de prix IFR " (§ 161) ;
Considérant que cette dernière explication se trouve confortée par la convergence observée entre les tarifs de base de la société SNER et les prix pratiques par d'autres distributeurs, non contestée par la société Philips, étant observé que la référence aux relevés de prix de l'institut IFR, loin d'invalider la thèse d'une communication des prix conseillés, explique au contraire comment chacun des distributeurs adapte ses prix en suivant les indications données par les représentants commerciaux des fabricants, ainsi que l'a évoqué le dirigeant de la société Marcopoly (§ 164) ;
Considérant, que c'est ainsi à juste titre que le Conseil a retenu à la charge de la société Philips le premier indice d'une entente verticale ;
2.1.2. Sur l'acquiescement des distributeurs :
Considérant que le Conseil, pour estimer que les distributeurs de la société Philips avaient acquiescé à l'invitation de pratiquer les prix de détail évoqués par le fabricant, a retenu, premièrement, que ces prix étaient en effet appliqués dans une proportion suffisamment remarquable pour témoigner de cet acquiescement, deuxièmement, que le cadre juridique des relations contractuelles entre la société Philips et ses distributeurs marquait l'implication de ces derniers dans l'application de la politique tarifaire du fabricant ;
Considérant, sur le premier point, que le Conseil, exploitant les éléments statistiques fournis par la société Avantage en annexe à sa saisine, est parvenu à la conclusion, détaillée au § 267 de la décision, qu'au total, sur 151 prix relevés, 118 étaient égaux ou supérieurs au prix conseillé, soit un taux de suivi de 78 % et que, par ailleurs, dans un nombre de points de vente variant de 3 à 59, répartis sur l'ensemble de la France, pour quelques références de produits Philips, les données recueillies par l'IFR permettaient de constater que leurs prix sont remarquablement concentrés autour d'un même prix ;
Considérant que de telles observations n'ont pas pour objet de démontrer l'existence d'un prix unique au voisinage ou au dessus duquel la distribution serait anormalement concentrée, mais seulement de mettre en évidence un indice, insuffisant à lui seul à prouver une pratique anticoncurrentielle, mais destiné à montrer, par l'examen d'un nombre suffisant de relevés effectués, sur une région géographique assez étendue, concernant plusieurs produits et dans des points de vente relevant de mode de distribution diversifiés, une application des prix conseillés par les distributeurs suffisamment fréquente pour être remarquée et analysée à la lumière d'autres indices d'une entente ;
Considérant, à cet égard, que le Conseil a réfuté avec pertinence (§ 274) les critiques formulées par la société requérante à l'égard de la méthode suivie en soulignant que les catalogues exploités provenaient d'enseignes appartenant à tous les secteurs de la distribution, que la zone géographique couverte était relativement large, que les prix étudiés correspondaient à des références nombreuses (12 téléviseurs, 10 magnétoscopes, 8 chaînes Hi-Fi pour Philips) ; qu'il a montré par ailleurs (§ 278) que l'analyse les relevés IFR de décembre 1998 produits par la société Philips elle-même à l'appui de ses observations à la notification de griefs confirmait une concentration remarquable des prix pratiqués autour d'un même niveau en faisant apparaître des taux de suivi moyen du prix le plus fréquemment constaté supérieurs à 70 % ; qu'il en a exactement déduit (§ 280) que la concentration des prix constatée ne pouvait s'expliquer ni par des biais d'échantillonnage, ni par des erreurs de lecture des résultats des relevés et n'était n'est pas non plus contredite par les autres données produites par la société Philips ;
Considérant enfin que le Conseil a tout aussi pertinemment rejeté l'objection de la société Philips selon laquelle cette concentration pouvait s'expliquer par un parallélisme spontané de comportements en soulignant qu'elle avait été constatée pour des enseignes appartenant à des types de distribution distincts, comme telles offrant des services variables pour des coûts nécessairement différents ;
Considérant, sur le second point, que le Conseil a exactement analysé la portée des propositions faites aux distributeurs de s'engager, en adhérant à la " charte partenaire qualité service " annexée à ses contrats de coopération commerciale, à " prendre toutes les précautions pour que les publicités ne soient pas en contradiction avec les campagnes de publicité nationale de Philips ou néfastes pour l'image de marque de Philips ", ou " d'informer Philips de tous les faits constatés chez les adhérents à l'occasion d'une opération et susceptibles d'engager la responsabilité de Philips ou de porter atteinte à l'image de marque de Philips " ; qu'en effet, dans la mesure où les publicités des revendeurs portent sur les prix, l'acceptation de tels engagements par les distributeurs les conduit nécessairement à accepter de participer à l'application de la politique tarifaire de la société Philips ;
2.1.3. Sur l'existence d'un contrôle des prix de détail conseillés par Philips :
Considérant que les engagements contractuels figurant dans la charte qualité service précédemment évoqués, dans la mesure où ils incitent les distributeurs qui les acceptent à contrôler les documents publicitaires des revendeurs, lesquels comportent tous le prix de vente des produits, participent de l'existence d'un contrôle des prix que cette surveillance et les mesure de rétorsion éventuelles qui en résultent ont été explicitement évoquées dans les entretiens que M. Pernot a eus avec M. Gauthier et M. Dauvergne qui ont désignés nommément la société Philips comme imposant les prix marchés (§ 106) ou disposant d'une capacité de nuisance dissuasive, notamment par leur influence sur les banques dispensatrices de crédit (§ 81) ;
Considérant que M. Gauthier, dirigeant de la SCIE CREL, a expliqué (§ 160) que l'équipe de vente de sa société comptait sept commerciaux sur le terrain qui constataient que les prix conseillés étaient réellement pratiqués par les grandes enseignes de la distribution ; qu'il a précisé qu'il avait eu des pressions de la part de la société Philips à l'époque des faits pour ne pas livrer les produits de sa marque à la société Avantage ; que ces indications montrent la mise en place d'un contrôle des prix de la part de la société Philips même si M. Gauthier prend soin de noter qu'une démarche aussi insistante que celle menée à l'égard de la société Avantage était exceptionnelle ;
Que M. Dauvergne, commentant certains propos qu'il avait tenus à M. Pernot en rapport avec les difficultés que ce dernier lui exposait avoir rencontrées avec la société Philips, (§ 69) selon lesquels : " même si on vous livre, ils sauront très vite parce qu'ils relèvent les numéros [...] partant de là, moi aussi je peux me faire bloquer si réellement vous cassez les prix ", a expliqué (§ 161) qu'il avait prononcé cette phrase en faisant allusion à une situation réelle que certains de ses collègues avaient déjà vécue de la part de Philips ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est par des motifs exacts, complets et pertinents que la cour fait siens que le Conseil a retenu à l'égard de la société Philips l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants établissant le grief d'entente avec ses distributeurs qui lui était imputé ;
2.2. Sur l'entente imputée à la société Sony :
Considérant, au contraire de ce que soutient la société Sony au sujet du standard de preuve, que la preuve d'une entente entre un fabricant et l'ensemble de ses distributeurs n'exige pas que ces derniers soient identifiés ni que la participation individuelle de chacun d'entre eux soit établie avec précision lorsque, comme il sera ci-après démontré en l'espèce, se trouvent réunis les trois indices déjà mentionnés d'une évocation des prix de détails entre le fabricant et son réseau de distribution, laquelle peut prendre la forme d'une diffusion de prix conseillés, l'application effective de ces prix et l'existence d'un contrôle possible ;
2.2.1. Sur l'évocation des prix :
Considérant que la société Sony ne conteste pas qu'elle a communiqué des prix conseillés à la société Avantage, cette communication étant prouvée par la remise du prix de base assorti de prix de vente au détail TTC manuscrits, au représentant de cette société Avantage lors de l'ouverture de son compte en septembre 1997, puis par la transmission en télécopie dès octobre suivant, d'un correctif pour les prix qui avaient évolue entre temps ;
Que ces explications sur le caractère ponctuel de cette pratique qu'elle n'aurait mise en œuvre qu'à titre exceptionnel pour aider cette société à se repérer sur ce marché, nouveau pour elle, sont contredites par les déclarations concordantes des représentants des sociétés SCIE SCREL et SNER, M. Gauthier ayant affirmé, pour la première, (§ 106) : " Et bien il y a Sony qui impose, c'est vrai, un peu les prix marchés " et M. Dauvergne ayant expliqué, pour la seconde (§ 161) : " aussi bien Sony qui était le deuxième fournisseur de la SNER que [...] et tous les autres fabricants de produits bruns agissent pour que les prix de revente conseillés soient strictement respectés " ; qu'en outre, le représentant de la société Marcopoly a déclaré pour sa part, au sujet des principaux fournisseurs d'électronique grand public avec lesquels sa société traitait habituellement, dont Sony, désignée en tête de ceux-ci (§ 164) : " Les grandes marques de l'EGP font toutes des prix de revente conseillés dans leur catalogue que nous mêmes nous appliquons car les prix conseillés nous permettent de ressortir un taux de marge de 15 à 20 % ce que nous considérons comme un minimum par rapport aux charges d'une société comme la nôtre" ; que cette dernière déclaration, descriptive du fonctionnement global du marché en cause, ne perd pas toute valeur probante du seul fait que la société Marcopoly n'est devenue distributeur de la société Sony qu'à partir de 1999;
Considérant enfin qu'il ressort des relevés de prix produits par la société Avantage (§ 18) que, s'agissant des produits Sony, le rapprochement des prix conseillés tels que figurant sur les tarifs communiqués par ce fabricant à la société Avantage de ceux qui figurent sur le catalogue de la société SNER a permis au Conseil d'en déduire justement que ces prix avaient également été diffusés à ce distributeur par la société Sony (§ 308) ;
2.2.2 Sur l'acquiescement des distributeurs :
Considérant que, pour retenir que les prix conseillés par la société Sony sont effectivement généralement appliqués par les distributeurs, le Conseil s'est fondé, premièrement sur les relevés de prix produits par la société Avantage (§18), deuxièmement sur les relevés de prix IFR (§ 19) ;
Considérant que l'examen des premiers révèle, comme l'a exactement exposé le Conseil, (§ 309) que les prix tels que conseillés par Sony à la société Avantage sont appliqués par les autres distributeurs avec un taux de suivi de 94 % pour 25 références de téléviseurs, de 86 % pour 14 références de magnétoscopes, de 98 % pour 18 références de caméscopes, de 98 % pour 14 références de chaines Hi-Fi ;
Que les seconds, réalisés entre septembre 1998 et mars 1999, dans un nombre de points de vente variant de 3 à 59, répartis sur l'ensemble de la France, pour quelques références de produits Sony, permettent de constater que leurs prix sont remarquablement concentrés autour d'une même valeur ; que la tendance à la baisse du taux de suivi à mesure que le temps passe, invoquée par la société Sony, n'infirme pas ce constat, mais vérifie au contraire les déclarations du représentant de la SNER à M. Pernot (§ 69) d'où il résulte que l'application des prix conseillés est suivie avec une attention d'autant plus grande que le produit concerné est nouveau ;
Considérant que les critiques formulées par la société Sony à l'encontre de la représentativité des deux séries de relevés de prix et de la validité des conclusions qui en sont tirées appellent des observations de même nature - auxquelles il est renvoyé - que celles précédemment exposées à propos des critiques, voisines, exprimées par la société Philips, étant précisé que le Conseil, au contraire de ce que prétend la société Sony, a examiné (§ 315 à 317) les explications apportées par les distributeurs entendus lors de l'enquête qui tendaient à relativiser la force probante des relevés produits par la société Avantage ; qu'il les a écartées à juste titre comme dépourvues de pertinence au terme d'une analyse qui figure dans le débat et ne constitue aucune atteinte au principe du contradictoire ;
2.2.3. Sur l'existence d'un contrôle des prix :
Considérant que la société Sony conteste ajuste titre les motifs de la décision du Conseil tirés d'un examen des contrats commerciaux passés entre elle et ses distributeurs qui seraient révélateurs d'une politique de contrôle des prix dans la mesure où les contrats en cause sont tous postérieurs à la période de l'entente incriminée ; que le fait que la société Sony se soit employée à faire régner sur le marché un certain ordre dans les prix de détail est néanmoins avéré par les conditions commerciales plus de son encours ou l'exigence d'un paiement à la livraison, opposées à la société Avantage et les difficultés de leurs relations apparues à la suite de la publicité parue le 11 novembre 1997 par laquelle cette société annonçait " jusqu'à 20 % * moins cher sur Télé-vidéo-Hifi-audio ; qu'il est confirmé par les déclarations concordantes des dirigeants des sociétés SNER et SCIE CREL (§ 83 et 106) selon lesquelles les représentants des marques passent les trois quarts ou 70 % du temps à faire remonter les prix ", contredisant ainsi l'argument de veille tarifaire invoqué par la requérante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le Conseil a estimé que l'enquête et l'instruction comportaient des éléments de preuve suffisants pour que soit retenue à l'encontre de la société Sony l'entente telle que définie dans le grief notifié ;
3. Sur les sanctions :
Considérant que l'article L. 464-2, II du Code de commerce, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, dispose : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non-exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos [...]." ;
3.1 Sur la gravité des faits reprochés :
Considérant que les ententes verticales sur les prix, constitutives de "restrictions caractérisées " au sens du règlement européen n° 2790 du 27 décembre 1999 éclairé par les lignes directrices de la Commission, même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les pratiques anticoncurrentielles les plus graves ;
Considérant que le Conseil a rappelé à juste titre que, par principe, une entente constituée en vue de mettre en place un système de prix imposés sur un marche revêtait une particulière gravité et jugé exactement que tel était cas en l'espèce où par les pratiques incriminées, les fabricants en cause avaient diffusé et fait respecter des prix minimum confiés de revente de produits d'électronique grand public en s'opposant aux distributeurs tentés de pratiquer des prix plus avantageux pour les consommateurs ; que cette gravité contrairement à ce que soutient la société Sony, n'est pas atténuée par le fait que certains distributeurs ont pu néanmoins appliquer des prix inférieurs à ceux pratiqués par les enseignes de la distribution traditionnelle sans subir de représailles de sa part ;
Qu'il a encore pertinemment souligné que ces pratiques sont d'autant plus graves qu'elles ont été mises en œuvre par de grands groupes d'envergure internationale, dont les comportements sont susceptibles d'être regardés comme la norme par les agents économiques du secteur ;
3.1 Sur l'importance du dommage à l'économie :
Considérant que le dommage à l'économie est présumé dès lorsque l'existence d'une entente est établie ; qu'il s'apprécie en fonction de la perturbation générale affectant le fonctionnement normal du marché et l'entrave portée au libre jeu de la concurrence par les pratiques en cause ;
Considérant qu'il n'est pas nécessaire que le dommage à l'économie soit chiffré avec précision dès lors que les éléments qui permettent d'en mesurer l'importance sont suffisants ; qu'il ne se réduit pas à une perte objectivement mesurable, mais s'apprécie notamment en fonction de l'étendue du marché affecté par les pratiques anticoncurrentielles, de la durée et des effets conjoncturels ou structurels de ces pratiques ;
Considérant, en l'espèce, que les pratiques ont été constatées de novembre 1997, date à laquelle la société Avantage a diffusé la publicité qui a été à l'origine de ses difficultés, à fin 1998;
Considérant que le Conseil a évalué la taille du marché, notamment à partir des les pratiques ont été constatées, soit les téléviseurs, les magnétoscopes, lecteurs de DVD, les chaînes hi-fi et les caméscopes pouvait être estimée à environ la moitié ; qu'il y a lieu de corriger cette estimation à la baisse puisque les caméscopes rie sont pas visés par les pratiques incriminées, ce qui, pour la période considérée, conduit à réduire de 2,6 à 2,2 milliards d'euro l'évaluation à retenir, correction qui ne remet pas en cause de manière sensible l'ordre de grandeur du marché affecté ;
Considérant que les indications contenues dans la décision (§ 366) relatives aux parts de marché des sociétés Philips et Sony ne sont pas contestées ; que le Conseil a exactement noté que, compte tenu de la position des entreprises en cause sur le marché, les pratiques tendant à imposer un prix minimum n' avaient pas seulement pour effet de réduire la concurrence intra-marque, mais aussi d'affaiblir la concurrence inter-marques dans la mesure où elles facilitent les comparaisons de prix entre concurrents ;
Considérant que les caractéristiques du marché affecté, telles que les décrivent les sociétés requérantes, soit une offre atomisée, l'absence de barrières à l'entrée et une faible concentration de la distribution, qui en font un marché concurrentiel dynamique sur lequel les prix étaient à la baisse, ne conduisent pas pour autant à conclure que le dommage à l'économie serait, comme elles le soutiennent, négligeable ; que les prix auraient en effet connu une baisse plus marquée si les fabricants n'avaient déployé leurs efforts pour les maintenir à un certain niveau ;
Considérant que le Conseil n'a pas affirmé, au contraire de ce que tentent de faire accroire les sociétés requérantes, que les prix des produits en cause auraient subi, du fait des pratiques incriminée, une hausse généralisée et simultanée de là 2 %, mais seulement indiqué que, sur un marché de la taille retenue, une hausse de cette grandeur aurait produit un dommage à l'économie " de l'ordre de 26 à 52 millions d'euro ", tout en retenant, comme facteur d'atténuation, que " l'alignement des prix et leur surveillance sont particulièrement forts pour les nouveaux produits puis s'affaiblissent au fur et à mesure que ceux-ci deviennent plus matures " ;
Considérant, enfin, que l'article L. 464-2 du Code de commerce susvisé n'impose pas de rechercher la part de marché affecté par la pratique en cause, ni de préciser la part spécifique et personnelle des entreprises sanctionnées sur ce marché ; qu'il exige seulement de déterminer l'ordre de grandeur du dommage à l'économie afin d'en tenir compte dans la fixation proportionnelle de la sanction, que la cour fait sienne l'analyse du Conseil sur ce point ; qu'il en résulte que la violation du principe de la personnalité des peines alléguée par la société Philips n'est pas constituée ;
3.3. Sur la situation des entreprises :
Considérant que l'exactitude des données relatives au chiffre d'affaires des sociétés Philips et Sony telles que retenues comme base de calcul des sanctions prononcées contre ces sociétés n'est pas contestée ;
Considérant, au contraire de ce que soutient la société Sony, que le chiffre d'affaires à prendre en compte est le chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée et non pas celui réalisé seulement dans le secteur d'activité où la pratique incriminée s'est manifestée, les dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce ne prévoyant aucune restriction de cette nature ; qu'il en résulte que la disproportion alléguée par la requérante n'est pas démontrée ;
Considérant enfin qu'en tenant compte du comportement personnel des sociétés requérantes, chacune ayant, à sa manière, exercé des mesures de rétorsion contre la société Avantage parce qu'elle refusait d'entrer dans l'entente, la société Philips en exerçant des pressions sur les grossistes susceptibles de la livrer, la société Sony en entravant par diverses mesures insidieuses, son déploiement commercial, le Conseil a fait une exacte appréciation du principe de proportionnalité prévu par le texte susvisé en fixant à 16 millions d'euro la sanction infligée à chacune d'entre elles ;
Considérant, en définitive, que les recours seront rejetés ;
Par ces motifs : Déclare irrecevables les interventions volontaires de la société Avantage, de M. Joseph Pernot et de l'association FO Consommateurs ; Rejette les recours de la SAS Philips France et de la SA Sony France, Condamne les sociétés requérantes aux dépens.