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Décisions

Cass. soc., 11 mars 2009, n° 07-40.813

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Fossard (Epoux)

Défendeur :

Distribution Casino (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Texier (faisant fonction)

Avocats :

Me Le Prado, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

Cons. prud'h. Saint-Etienne, du 13 déc. …

13 décembre 2005

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 décembre 2006), que, le 1er octobre 1984, M. et Mme Fossard ont signé avec la société Distribution Casino un contrat de gérance pour l'exploitation de la succursale de Voiron, puis du magasin d'Echirolles, puis de la superette de Berre l'Etang ; qu'à la suite d'un inventaire réalisé le 17 janvier 2003 faisant apparaître un solde débiteur, les époux Fossard ont été convoqués à un entretien qui a eu lieu le 5 avril 2003 et se sont vu notifier la rupture de leur contrat de cogérance le 8 avril 2003 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour demander la requalification de leur relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et, en conséquence, le paiement de rappels de salaires et de diverses indemnités consécutives à leur licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de M. et Mme Fossard fondées sur l'existence d'un contrat de travail, alors, selon le moyen, que l'existence d'un contrat de travail se détermine uniquement au regard des conditions de fait dans lesquelles l'activité professionnelle est exercée ; qu'en rejetant l'existence d'un contrat de travail au seul motif que les différentes sujétions auxquelles étaient soumis les époux Fossard étaient conformes à l'article L. 782-1 du Code du travail ou à l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales sans rechercher si, dans les faits, ces sujétions et la manière dont elles étaient appliquées par la société Casino aux époux Fossard n'avaient pour effet de placer ces derniers dans un état de subordination juridique, la cour d'appel, qui n'a pas statué au regard des conditions de fait dans lesquelles l'activité professionnelle des époux Fossard était exercée, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 782-1 du Code du travail, ainsi que de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés et hypermarchés du 18 juillet 1963 ;

Mais attendu que la cour d'appel, se fondant sur les éléments de fait et de preuve versés aux débats, a relevé que les époux Fossard étaient liés à la société par un contrat de cogérance, qu'ils étaient rémunérés à la commission, libres d'organiser leur gestion et ne recevaient aucune directive sur l'organisation de leur travail, qu'ils pouvaient se substituer des remplaçants et embaucher du personnel ; qu'elle en a déduit à bon droit qu'en l'absence de démonstration d'un lien de subordination, il n'y avait pas de contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen qui est recevable : - Vu l'article L. 782-7 du Code du travail, devenu L. 7322-1 ; - Attendu que, pour dire que le contrat avait été rompu à la suite d'une faute grave, l'arrêt retient que, selon l'article 16 du contrat de cogérance signé par M. et Mme Fossard, constitue une faute lourde le cas de manquant de marchandises ou d'espèces provenant des ventes ; qu'un inventaire réalisé contradictoirement le 8 février 2002 a fait apparaître un manquant de marchandises et un excédant d'emballages ; que l'arrêté de compte, signé le 9 avril 2002, a fait ressortir un solde débiteur ; qu'ultérieurement, un inventaire du 17 janvier 2003 a révélé un manquant de marchandises et un excédent d'emballages plus important ; que M. et Mme Fossard ne critiquent pas la régularité des opérations d'inventaire et ne contestent pas l'arrêté de comptes qu'ils ont approuvé le 21 mars 2003 ; que le fait de ne pas être en mesure de présenter les marchandises dont ils étaient dépositaires ou d'en restituer le prix, constitue un manquement grave aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat de cogérance ;

Attendu, cependant, que si le gérant non salarié d'une succursale peut-être rendu contractuellement responsable de l'existence d'un déficit d'inventaire en fin de contrat et tenu d'en rembourser le montant, il doit, aux termes de l'article L. 782-7 du Code du travail devenu L. 7322-1, bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale ; qu'il en résulte qu'il ne peut être privé, dès l'origine, par une clause du contrat, du bénéfice des règles protectrices relatives à la rupture des relations contractuelles ;

Qu'en statuant comme elle a fait, en se bornant à se référer à la clause contractuelle, alors qu'un contrat ne peut prévoir par avance les conséquences d'une rupture pour faute, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux Fossard de leurs demandes d'indemnité de rupture et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de gérance, l'arrêt rendu le 15 décembre 2006, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.