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Décisions

TPICE, 8e ch., 30 avril 2009, n° T-12/03

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Itochu Corp.

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ribeiro

Juges :

MM. Papasavvas, Wahl (rapporteur)

Avocats :

Mes Shibasaki, van Gerven, Franchoo

TPICE n° T-12/03

30 avril 2009

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

Antécédents du litige

1. Entreprises en cause

1 Nintendo Co., Ltd (ci-après " NCL " ou " Nintendo "), société cotée en bourse ayant son siège à Kyoto (Japon), est la société de tête du groupe de sociétés Nintendo, spécialisées dans la production et la distribution de consoles de jeux vidéo et de cartouches de jeux destinées à être utilisées sur ces consoles.

2 Les activités de Nintendo dans l'Espace économique européen (EEE) sont menées, sur certains territoires, par des filiales qu'elle détient à 100 %, la principale filiale étant Nintendo of Europe GmbH (ci-après " NOE " ou " Nintendo "). À l'époque des faits, NOE coordonnait certaines activités commerciales de Nintendo en Europe et était son distributeur exclusif en Allemagne.

3 Sur d'autres territoires de vente, Nintendo a désigné des distributeurs exclusifs indépendants. Ainsi, The Games Ltd, une division commerciale de John Menzies Distribution Ltd, filiale à 100 % de John Menzies plc, est devenue en août 1995 le distributeur exclusif de Nintendo pour le Royaume-Uni et l'Irlande, et l'est restée jusqu'au 31 décembre 1997 au moins.

4 Itochu Hellas EPE, filiale détenue directement ou indirectement à 100 % par la requérante, Itochu Corp., société ayant son siège et implantée au Japon, ou par ses filiales (dont Itochu Europe), était, quant à elle, le distributeur exclusif indépendant de Nintendo pour la Grèce, du 14 mai 1991 jusqu'au 28 février 1997.

2. Procédure administrative

Enquête relative au secteur des jeux vidéo (affaire IV/35.587 PO Video Games)

5 En mars 1995, la Commission a engagé une enquête relative au secteur des jeux vidéo (affaire IV/35.587 PO Video Games). Dans le cadre de cette enquête, la Commission a adressé, les 26 juin et 19 septembre 1995, des demandes de renseignements à Nintendo, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), en vue d'obtenir des informations portant notamment sur ses distributeurs et filiales, sur les accords de distribution formellement conclus avec ces entreprises et sur ses conditions générales de vente. NOE a répondu à ces demandes par lettres datées du 31 juillet et du 26 septembre 1995.

Enquête complémentaire portant spécifiquement sur le système de distribution de Nintendo (affaire IV/35.706 PO Nintendo Distribution)

6 À la suite de ses conclusions préliminaires, la Commission a engagé, en septembre 1995, une enquête complémentaire portant spécifiquement sur le système de distribution de Nintendo (affaire IV/35.706 PO Nintendo Distribution).

7 Dans le cadre de cette enquête, la Commission a, le 9 octobre 1995, adressé à Nintendo une demande de renseignements. Plusieurs réunions portant sur la politique de distribution de Nintendo se sont tenues entre les représentants de cette dernière et la Commission. Nintendo a par ailleurs fourni diverses versions des accords qu'elle a conclus avec certains de ses distributeurs.

Enquête faisant suite à la plainte déposée par Omega Electro BV (affaire IV/36.321 Omega - Nintendo)

8 Le 26 novembre 1996, Omega Electro, société qui opère dans le secteur de l'importation et de la vente de jeux électroniques, a introduit une plainte en vertu de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17, qui concernait essentiellement la distribution de cartouches et de consoles de jeux Nintendo, au motif notamment que Nintendo entravait le commerce parallèle et pratiquait un système de prix de revente imposés aux Pays-Bas. À la suite de cette plainte, la Commission a étendu son enquête (affaire IV/36.321 Omega - Nintendo). Le 7 mars 1997, elle a envoyé une demande de renseignements à Nintendo et à John Menzies. Dans sa réponse du 16 mai 1997, Nintendo a admis que certains de ses accords de distribution et certaines de ses conditions générales contenaient des restrictions au commerce parallèle à l'intérieur de l'EEE. En octobre 1997, la Commission a adressé à John Menzies une nouvelle demande de renseignements, à laquelle cette dernière a répondu le 1er décembre 1997, en fournissant certaines informations sur l'entente litigieuse.

9 Par lettre du 23 décembre 1997, Nintendo a indiqué à la Commission qu'elle avait pris conscience d'" un problème grave lié au commerce parallèle à l'intérieur de la Communauté " et a exprimé son souhait de coopérer avec la Commission.

10 Le 13 janvier 1998, John Menzies a fourni d'autres informations. Les 21 janvier, 1er avril et 15 mai 1998, Nintendo a transmis à la Commission des centaines de documents. Le 15 décembre 1998, une réunion s'est tenue entre la Commission et des représentants de Nintendo au cours de laquelle a été évoquée la question de l'octroi éventuel de compensations aux tiers lésés par l'entente litigieuse.

11 En outre, à la suite de son aveu, Nintendo a pris des mesures visant à garantir à l'avenir le respect du droit communautaire et a offert des compensations financières aux tiers ayant subi un préjudice financier du fait de ses actions.

12 Par courrier daté du 9 juin 1999, la Commission a demandé à Itochu Hellas de lui indiquer si les documents la concernant versés dans les dossiers de la Commission contenaient des données confidentielles. Dans cette lettre, il était également indiqué que la Commission envisageait l'ouverture d'une procédure formelle à l'encontre de certaines sociétés, parmi lesquelles figurait Itochu Hellas.

13 Le 26 avril 2000, la Commission a adressé une communication des griefs à Nintendo et aux autres entreprises concernées, en particulier à Itochu avec copie à Itochu Hellas, pour violation de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'EEE (ci-après l'" accord EEE "). Nintendo et les autres entreprises concernées ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs retenus par la Commission, dans lesquelles Nintendo et plusieurs de ces entreprises ont demandé l'application de la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération "). Aucune des parties n'a demandé la tenue d'une audition formelle. Nintendo n'a pas contesté la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs.

14 Une réponse à la communication des griefs a été envoyée à la Commission au nom d'Itochu et d'Itochu Hellas le 28 juillet 2000. Il y était notamment indiqué que, compte tenu de l'absence de tout contrôle exercé sur les activités d'Itochu Hellas par Itochu, cette dernière devait être ignorée aux fins de la procédure.

15 Le 31 octobre 2001, la Commission a adressé à Itochu Europe une demande en vue notamment d'obtenir des informations sur les statuts et le fonctionnement interne d'Itochu Hellas et d'Itochu Europe. Il y a été répondu, au nom de ces deux sociétés, par lettre datée du 26 novembre 2001. Par courrier daté du 9 septembre 2002, la Commission a adressé à Itochu une demande portant en particulier sur le rapport annuel de cette dernière. Il y a été répondu par lettre du 27 septembre 2002.

3. Décision litigieuse

16 Le 30 octobre 2002, la Commission a adopté la décision 2003-675-CE, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (COMP/35.587 PO Video Games, COMP/35.706 PO Nintendo Distribution et COMP/36.321 Omega - Nintendo) (JO 2003, L 255, p. 33, ci-après la " Décision "). La Décision a été notifiée à Itochu le 11 novembre 2002.

17 La décision comprend notamment les dispositions suivantes :

" Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, [CE] et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant, pour les périodes indiquées, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées, sur les marchés des consoles de jeux spécialisées et des cartouches de jeux compatibles avec les consoles de jeux spécialisées fabriquées par Nintendo, ayant pour objet et pour effet de restreindre les exportations parallèles des consoles et des cartouches de jeux Nintendo :

[...]

- Itochu [...], du 16 décembre 1991 au 28 février 1997,

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour sanctionner l'infraction commise par les entreprises visées à l'article 1er :

[...]

- Itochu [...], une amende de 4,5 millions d'euro,

[...]

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

[...]

- Itochu [...]

[...] "

18 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la Décision, de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "). Elle a en revanche décidé de ne pas tenir compte de la communication sur la coopération en raison de la nature verticale de l'infraction.

19 En premier lieu, la Commission a déterminé le montant de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.

20 À cet égard, la Commission a, tout d'abord, considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave, eu égard à la nature de celle-ci, à ses effets concrets sur le marché et à l'étendue du marché géographique concerné.

21 Ensuite, la Commission a estimé que, puisque l'infraction unique et continue en cause concernait plusieurs entreprises de tailles extrêmement différentes, il fallait procéder à un traitement différencié des entreprises concernées afin de tenir compte du poids spécifique de chacune d'elles et, par conséquent, des effets réels de leur comportement infractionnel sur la concurrence. À cet effet, les entreprises en cause ont été réparties en trois groupes, en fonction de l'importance relative de chacune d'elles par rapport à Nintendo, en tant que distributeur des produits concernés dans l'EEE. La comparaison a été effectuée par référence à la part de chaque entreprise dans le volume total des consoles et des cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE en 1997, la dernière année au cours de laquelle l'infraction a été commise. Sur cette base, Nintendo a été placée seule dans le premier groupe tandis que John Menzies figurait seule dans le deuxième groupe. Pour ces entreprises, la Commission a fixé le montant de départ préliminaire au titre de la gravité à 23 millions d'euro dans le cas de Nintendo et à 8 millions d'euro dans le cas de John Menzies. S'agissant d'Itochu et des autres entreprises visées, un montant de départ préliminaire de 1 million d'euro a été retenu.

22 En outre, afin d'assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif, d'une part, et de tenir compte de la taille et des ressources globales de Nintendo, de John Menzies et d'Itochu, d'autre part, la Commission a augmenté ces montants de départ. S'agissant, plus précisément, de Nintendo, la Commission a estimé qu'en dehors de sa taille, nettement inférieure à celle d'Itochu, il fallait tenir compte du fait qu'elle était le fabricant des produits ayant fait l'objet de l'infraction. Compte tenu de ces éléments, la Commission a appliqué un coefficient multiplicateur de 3 aux montants déterminés pour Nintendo et pour Itochu, et de 1,25 concernant John Menzies, de sorte que les montants de départ ont été fixés à 69 millions d'euro dans le cas de Nintendo, à 10 millions d'euro dans celui de John Menzies et à 3 millions d'euro pour Itochu.

23 En ce qui concerne la durée de l'infraction commise par chaque entreprise, le montant de départ a été majoré de 10 % par an, aboutissant à une majoration de 50 % pour Itochu.

24 Par conséquent, la Commission a fixé le montant de base de l'amende imposée à Itochu à 4,5 millions d'euro.

25 En deuxième lieu, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l'amende infligée à Nintendo a été majoré, d'une part, de 50 % au motif que cette entreprise avait été le meneur et l'instigateur de l'infraction et, d'autre part, de 25 % parce qu'elle avait poursuivi l'infraction après les premiers actes d'investigation menés dans le cadre de l'enquête de la Commission, en juin 1995. Le montant de base de l'amende infligée à John Menzies a fait l'objet d'une augmentation de 20 % correspondant, premièrement, à une majoration de 10 % pour tenir compte du fait qu'elle avait poursuivi l'infraction après le début de l'enquête de la Commission et, deuxièmement, à une majoration de 10 % en raison de son refus de coopérer avec la Commission.

26 En troisième lieu, dans le cadre de l'examen des circonstances atténuantes, la Commission a, tout d'abord, considéré qu'il était justifié de réduire l'amende imposée à l'une des entreprises visées, à savoir Concentra - Produtos para crianças, SA (ci-après " Concentra "), distributeur exclusif de Nintendo pour le Portugal, en raison de son rôle exclusivement passif au cours de la majeure partie de la période en cause. La Commission a, ensuite, accordé à Nintendo une réduction de 300 000 euro, pour tenir compte des compensations financières offertes par cette entreprise aux tiers lésés par l'entente litigieuse qui avaient été identifiés dans la communication des griefs. Enfin, des réductions de 40 % et de 25 % ont été respectivement accordées à John Menzies et à Nintendo eu égard à leur coopération effective avec la Commission. Les autres entreprises visées ne se sont en revanche vu reconnaître aucune circonstance atténuante.

Procédure et conclusions des parties

27 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 janvier 2003, la requérante a introduit le présent recours.

28 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

29 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est tenue le 20 mai 2008.

30 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler les articles 1er, 3 et 5 de la Décision, dans la mesure où ils concluent à une violation par elle de l'article 81, paragraphe 1, CE, lui infligent une amende et lui adressent cette décision ou, à titre subsidiaire, réduire substantiellement le montant de cette amende ;

- condamner la Commission aux dépens.

31 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

32 La requérante demande, à titre principal, l'annulation partielle de la Décision et, à titre subsidiaire, l'annulation ou la réduction de l'amende qui lui a été infligée.

1. Sur la demande d'annulation partielle de la Décision

Arguments des parties

33 À l'appui de sa demande en annulation, la requérante soulève un moyen unique, tiré d'une erreur de droit en ce que la Décision lui est adressée. Elle fait valoir qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de l'infraction commise en l'espèce par Itochu Hellas et, partant, être désignée comme le destinataire de la Décision.

34 Elle souligne, à titre liminaire, qu'elle est une " société commerciale multisectorielle " japonaise (sogo shosha) dont les activités sont principalement centrées sur le marché japonais. Son organisation décentralisée impliquerait que ses filiales opèrent de manière autonome. En l'espèce, il conviendrait de souligner que seule Itochu Hellas a conclu un contrat de distribution exclusive et échangé de la correspondance avec NCL. Par ailleurs, Itochu ne détiendrait directement qu'une part minime des actions d'Itochu Hellas. De même, le chiffre d'affaires d'Itochu Hellas ne représenterait que 0,004 % du chiffre d'affaires consolidé d'Itochu en 1997. Enfin, Itochu n'exercerait aucune autorité hiérarchique ni aucun contrôle sur les activités d'Itochu Hellas.

35 Or, selon la requérante, pour tenir une société-mère responsable des actes de sa filiale, la Commission doit démontrer que la première a effectivement exercé une influence décisive sur la seconde. Il ressortirait en effet de l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C-286-98 P, Rec. p. I-9925), ainsi que des conclusions de l'avocat général M. Mischo sous cet arrêt (Rec. p. I-9928), que le simple fait qu'une filiale soit détenue par une société-mère ne suffit pas, à lui seul, à établir la responsabilité de la société-mère.

36 Il incomberait notamment à la Commission d'apporter des preuves de ce que la filiale n'agit pas de façon autonome et d'établir que la société-mère a effectivement exercé un contrôle sur sa filiale " dans le contexte de l'infraction alléguée " (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48-69, Rec. p. 619, points 131 et suivants). L'existence d'un contrôle abstrait de la société-mère n'étant pas suffisant, la Commission ne serait pas en droit d'inférer, au risque de porter gravement atteinte aux droits de la défense, une présomption de contrôle du fait qu'Itochu Hellas est indirectement et entièrement détenue par Itochu.

37 En l'espèce, la Commission n'aurait pas été en mesure de fournir des indications, même limitées, de la participation d'Itochu à l'infraction. En particulier, elle n'aurait pas été à même de présenter une correspondance entre Itochu Hellas et Itochu ayant trait aux activités de Nintendo.

38 À cet égard, premièrement, la requérante considère que c'est à tort que la Commission a affirmé, au considérant 360 de la Décision, que la réponse à la communication des griefs " a été fournie par Itochu [...], au nom d'Itochu [...] et d'Itochu Hellas ". Elle avance que, dans la mesure où la communication des griefs lui avait été adressée, elle devait y répondre aux fins précisément de clarifier la nature des rapports qu'elle entretenait avec Itochu Hellas. Selon elle, cette réponse s'insérait dans le cadre de l'exercice de ses droits de la défense.

39 La requérante précise que, si elle avait choisi de ne pas répondre à la communication des griefs, cela aurait pu être interprété comme une acceptation du choix de la Commission de la désigner comme destinataire. Ainsi, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T-354-94, Rec. p. II-2111), la Commission aurait précisément considéré que l'absence de commentaires quant à la responsabilité de Stora vis-à-vis de ses filiales dans la réponse à la communication des griefs devait être considérée comme un aveu effectif de cette responsabilité.

40 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a eu tort de la considérer comme ayant été son seul interlocuteur au cours de la procédure administrative. Elle fait valoir que, dans l'arrêt du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 39 supra (points 41 à 48), confirmé par l'arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra (points 27 à 29), le Tribunal est parvenu à la conclusion que la requérante s'était présentée comme étant le seul interlocuteur de la Commission en ce qui concerne tout le groupe Stora en se fondant, en substance, sur deux éléments, à savoir, d'une part, le fait qu'un seul mandat avait été donné pour représenter Stora Kopparbergs Bergslags AB, la société-mère, et ses différentes filiales et, d'autre part, la circonstance que la société-mère n'avait jamais contesté au cours de la procédure administrative être le destinataire correct de la correspondance de la Commission ou de la communication des griefs.

41 Or, ces éléments ne seraient manifestement pas réunis en l'espèce.

42 S'agissant du premier élément, la requérante rappelle, tout d'abord, qu'Itochu Hellas et Itochu ont donné, dès le départ, des mandats séparés à leurs conseils et leur ont donné indépendamment et à des moments différents des instructions. Il en ressortirait clairement que, contrairement à la situation visée dans l'arrêt du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 39 supra, Itochu n'a jamais " coordonné " la correspondance adressée par Itochu Hellas ou par Itochu Europe à la Commission.

43 S'agissant du second élément, la requérante fait valoir qu'elle a continuellement contesté le choix de la Commission de lui communiquer les documents relatifs à l'infraction alléguée. Ainsi, dans la réponse à la communication des griefs, qui constituait la première occasion qu'elle avait de clarifier la nature de ses relations avec Itochu Hellas, elle aurait clairement indiqué qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de l'infraction et, partant, être désignée comme destinataire de la Décision. La nature des rapports entre Itochu, Itochu Europe et Itochu Hellas aurait encore été explicitée dans divers courriers adressés à la Commission et datés respectivement du 26 novembre 2001 et du 27 septembre 2002 (voir point 15 ci-dessus).

44 Troisièmement, la requérante soutient que, dans l'hypothèse où le Tribunal devrait rejeter son argument selon lequel elle n'a pas agi comme le seul interlocuteur de la Commission au cours de la procédure administrative ou dans le cas où le Tribunal conclurait qu'il lui incombait de fournir des preuves du comportement autonome d'Itochu Hellas, il conviendrait de se référer aux éléments exposés ci-après. Tout d'abord, il faudrait relever qu'Itochu, en tant que société multisectorielle agissant de manière décentralisée, n'interfère pas dans les activités quotidiennes de ses filiales, seules responsables de leur politique commerciale et dont certaines, parmi lesquelles Itochu Hellas, emploient un personnel important. De même, Itochu Europe fonctionne de manière décentralisée et se contente de superviser les activités principales et les performances financières de ses filiales. Ensuite, l'activité de vente et de distribution de consoles de jeux et de cartouches de jeux serait loin d'être l'activité principale d'Itochu Europe ou d'Itochu. En outre, il serait important de mentionner que c'est Itochu Hellas et non Itochu qui a signé l'accord de distribution avec Nintendo. Plus largement, Itochu n'aurait jamais été impliquée, de près ou de loin, dans la négociation, la conclusion ou l'exécution de cet accord de distribution. Or, les dispositions restrictives contenues dans ledit accord constitueraient les seuls éléments sur lesquels la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence d'une infraction commise par Itochu Hellas.

45 Dans la réplique, la requérante fait valoir que, contrairement à ce qu'allègue la Commission, les preuves qu'elle a fournies ne sont pas nouvelles, puisqu'elles ont été communiquées dans sa réponse à la communication des griefs. Par ailleurs, la Commission ayant modifié l'argumentation exposée dans la communication des griefs, la requérante ne pourrait être critiquée pour avoir fourni toutes les preuves nécessaires au Tribunal en vue de réfuter ces allégations. En tout état de cause, ces preuves devraient être prises en considération, dans la mesure où, contrairement à ce qui est admis dans le cadre d'une procédure d'examen d'une aide d'État notifiée, il appartiendrait à la Commission de réunir les preuves nécessaires de la participation de la requérante à l'infraction.

46 La Commission conteste l'ensemble des arguments de la requérante. Elle indique, en substance, que, en l'espèce, il serait incontestable qu'Itochu Hellas est, bien que de manière indirecte, détenue à 100 % par Itochu. La Commission aurait donc été en droit de présumer que la société-mère, Itochu, exerçait en fait une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale Itochu Hellas et, partant, de lui imputer la responsabilité du comportement infractionnel (considérant 355 de la Décision). En outre, la requérante n'aurait pas fourni d'éléments de preuve suffisants susceptibles de réfuter cette présomption.

Appréciation du Tribunal

47 Il y a lieu de rappeler que le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 290).

48 Le fait qu'une filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société-mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique, pour l'essentiel, les instructions qui lui sont données par la société-mère (arrêts de la Cour Imperial Chemical Industries/Commission, point 36 supra, points 132 et 133 ; du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52-69, Rec. p. 787, point 44 ; Sandoz/Commission, 53-69, Rec. p. 845, point 13, et du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6-72, Rec. p. 215, point 15).

49 Dans le cas particulier où une société-mère détient 100 % du capital de sa filiale, qui est l'auteur d'un comportement infractionnel, la Cour a indiqué, dans son arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission (107-82, Rec. p. 3151, point 50), qu'il n'était pas nécessaire de vérifier si ladite société avait effectivement influencé la politique commerciale de sa filiale, dans la mesure où cette dernière suit nécessairement la politique tracée par les mêmes organes statutaires qui fixent la politique de la société-mère. Dans une telle hypothèse, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société-mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Il incombe, dès lors, à la société-mère, contestant devant le juge communautaire une décision de la Commission de lui infliger une amende pour un comportement commis par sa filiale, de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer l'autonomie de cette dernière (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314-01, Rec. p. II-3085, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra, point 29).

50 Si, ainsi que le fait valoir la requérante, il est vrai que la Cour a évoqué aux points 28 et 29 de l'arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra, hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d'autres circonstances, telles que la non-contestation de l'influence exercée par la société-mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n'en demeure pas moins que lesdites circonstances n'ont été relevées par la Cour que dans le but d'exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement pour conclure que celui-ci n'était pas fondé uniquement sur la détention de la totalité du capital de la filiale par sa société-mère. Partant, le fait que la Cour a confirmé l'appréciation du Tribunal dans cette affaire ne saurait avoir pour conséquence de modifier le principe consacré au point 50 de l'arrêt AEG-Telefunken/Commission, point 49 supra.

51 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société-mère pour conclure que cette dernière exerce une influence déterminante sur sa politique commerciale. La Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la société-mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale, sauf si cette société prouve que sa filiale n'applique pas pour l'essentiel les directives qu'elle émet et se comporte, dès lors, de façon autonome sur le marché.

52 En l'espèce, il est constant qu'au cours de la période pertinente, qui s'étend du 16 décembre 1991 au 28 février 1997, la requérante détenait, directement ou indirectement, 100 % du capital d'Itochu Hellas.

53 Dès lors, la Commission était en droit de présumer qu'Itochu exerçait effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale d'Itochu Hellas. Il incombe donc à la requérante, sur la base des considérations qui précèdent, d'apporter des éléments afin de démontrer que sa filiale déterminait sa politique commerciale de façon autonome de sorte à ne pas constituer, avec elle, une entité économique unique et donc une seule entreprise au sens de l'article 81 CE.

54 À cet égard, la requérante a avancé que la réponse à la communication des griefs avait été principalement donnée au nom d'Itochu Hellas, qu'elle ne s'est pas présentée comme le seul interlocuteur de la Commission, qu'en sa qualité de groupe multisectoriel, elle n'intervenait pas directement dans les activités commerciales de ses filiales (et encore moins de ses filiales indirectes telles qu'Itochu Hellas), que la vente et la distribution des produits en cause en l'espèce n'étaient pas sa principale activité, qu'elle n'a jamais été impliquée dans la négociation, la conclusion ou la mise en œuvre de l'accord de distribution exclusive conclu entre Itochu Hellas et Nintendo et, enfin, que cette première employait un grand nombre d'employés locaux.

55 Ces arguments ont trait, en substance, d'une part, à l'attitude de la requérante au cours de la procédure administrative et, d'autre part, à l'organisation et au fonctionnement du groupe Itochu.

56 S'agissant, premièrement, des arguments se rapportant au déroulement de la procédure administrative, ils doivent être déclarés inopérants. Le fait, à le supposer établi, que la requérante ne se soit pas présentée comme l'interlocuteur unique de la Commission au cours de ladite procédure et qu'elle ait continuellement contesté le choix de la Commission de lui adresser les documents en cause n'est pas de nature à renverser la présomption susmentionnée. En effet, à l'instar de l'approche suivie dans l'arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 35 supra, les considérations relatives à l'attitude de la requérante au cours de la procédure administrative, reprises au considérant 361 de la Décision, sont surabondantes et ne viennent qu'étayer la conclusion à laquelle la Commission est parvenue s'agissant de l'imputabilité du comportement infractionnel d'Itochu Hellas et, partant, du choix du destinataire de la Décision.

57 S'agissant, deuxièmement, des arguments tirés de l'organisation et du fonctionnement du groupe Itochu, formé d'une société japonaise multisectorielle prétendument caractérisée par une organisation décentralisée et autonome des activités de ses filiales et de ses sous-filiales, ils ne peuvent davantage être retenus dès lors que la requérante n'a présenté aucun élément concret à l'appui de cette allégation, si ce n'est la circonstance non pertinente à cet égard selon laquelle Itochu Hellas emploie un grand nombre d'employés locaux.

58 Par ailleurs, il ne saurait être tenu compte du fait que la requérante n'aurait jamais été impliquée dans la négociation, la conclusion ou la mise en œuvre de l'accord de distribution conclu avec Nintendo ou encore de la circonstance qu'Itochu Hellas avait, s'agissant des produits Nintendo, développé une activité distincte de l'activité principale du groupe Itochu. En effet, il n'est aucunement exigé pour imputer à une société-mère les actes commis par sa filiale de prouver que ladite société-mère a été directement impliquée dans, ou a eu connaissance, des comportements incriminés. Ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés. En l'occurrence, la requérante se borne à affirmer qu'elle n'a pas eu connaissance des activités d'Itochu Hellas et nie les avoir activement soutenues sans apporter la moindre preuve qu'elle n'exerçait pas une influence déterminante sur le comportement d'Itochu Hellas ni d'éléments de preuve quant à l'autonomie de cette dernière.

59 Il s'ensuit que la requérante n'a pas renversé la présomption selon laquelle elle exerçait effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale Itochu Hellas par des éléments de preuve suffisants.

60 Il y a lieu par conséquent de rejeter le présent moyen.

2. Sur la demande d'annulation ou de réduction de l'amende

61 Au soutien de sa demande d'annulation ou de réduction de l'amende qui lui a été infligée, la requérante soulève six moyens. Le premier est tiré d'une violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 253 CE ainsi que des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité en ce qu'Itochu se serait vu infliger, en raison du traitement différencié opéré par la Commission, une amende proportionnellement plus élevée que celles qui ont été imposées aux autres destinataires de la Décision. Le deuxième moyen est tiré d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement en ce que la Commission a majoré le montant de l'amende infligée à Itochu au titre de la dissuasion. Par son troisième moyen, la requérante avance que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation et a violé le principe de proportionnalité en majorant le montant de l'amende infligée à Itochu de 50 % au titre de la durée de l'infraction. Le quatrième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation ainsi que des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, en ce que la Commission a omis, sans justification adéquate, de tenir compte de certaines circonstances atténuantes. Le cinquième moyen est pris d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en ce que la Commission a infligé une amende qui excède les 10 % du chiffre d'affaires d'Itochu Hellas au cours de l'exercice précédent. Enfin, par son sixième moyen, la requérante avance que la Commission a violé les droits de la défense.

62 Avant d'aborder l'examen des moyens soulevés par la requérante, il importe de rappeler qu'il ressort des considérants 366 à 464 de la Décision que les amendes imposées par la Commission du fait des infractions constatées à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE l'ont été en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et que la Commission a, ainsi qu'elle l'a expressément confirmé, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices.

63 Si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l'observation de laquelle l'administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l'administration ne peut s'écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d'égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 91, et la jurisprudence citée).

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation ainsi que des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité s'agissant du traitement différencié opéré par la Commission

Arguments des parties

64 Premièrement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir indiqué les chiffres exacts sur la base desquels elle a réparti les entreprises en trois catégories. En particulier, la Commission omettrait de mentionner les montants et les parts respectives des ventes de produits Nintendo au sein de l'EEE en 1997 de chacune des entreprises visées, à l'exception de celles de Nintendo et de John Menzies. La requérante aurait donc été privée de la possibilité d'exercer effectivement ses droits de la défense et de vérifier le bien-fondé du traitement différencié opéré par la Commission. Ce faisant, la Commission aurait méconnu l'obligation de motivation prévue à l'article 253 CE.

65 Dans la réplique, la requérante précise qu'il ressort de la jurisprudence qu'il incombe à la Commission de justifier le choix des seuils entre les différentes catégories qu'elle a créées. Elle ajoute également que la révélation tardive, dans le mémoire en défense, de la part de marché attribuée à Itochu Hellas ne pourrait être prise en considération aux fins d'évaluer si les droits de la défense d'Itochu ont été respectés par la Commission.

66 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a violé les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité. En effet, les quelques données chiffrées fournies par la Commission indiqueraient que la part de marché détenue par Itochu Hellas était inférieure à 0,5 %. En classant la requérante dans la même catégorie que d'autres distributeurs impliqués, bien que leurs situations respectives au sein du marché en cause aient été significativement différentes, la Commission n'aurait pas tenu compte du poids spécifique des entreprises en cause.

67 Dans la réplique, la requérante fait observer que la marge d'appréciation dont dispose la Commission pour fixer le montant des amendes n'est pas illimitée, puisque la Commission est tenue au respect des principes généraux du droit. Par conséquent, lorsqu'elle décide de procéder à un traitement différencié, la Commission serait tenue au respect des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité. De plus, le traitement différencié devrait à tout le moins refléter l'impact réel du comportement de l'entreprise sur la concurrence. Or, il serait disproportionné de la part de la Commission de regrouper les six sociétés restantes dans une seule catégorie. La Commission aurait dû envisager une quatrième catégorie pour les entreprises les plus petites et appliquer un montant de départ inférieur à 1 million d'euro pour cette catégorie. En effet, la différence de taille relative par rapport à Nintendo entre John Menzies et la plus grande entreprise de la troisième catégorie serait beaucoup moins importante que la différence entre cette dernière et Itochu Hellas.

68 La Commission conteste l'ensemble des arguments soulevés par la requérante.

Appréciation du Tribunal

69 Selon la méthode définie dans les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant déterminé en fonction de la gravité de l'infraction. L'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les " infractions peu graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d'euro, les " infractions graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 et 20 millions d'euro, et les " infractions très graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 millions d'euro (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret). À l'intérieur de chacune de ces catégories, l'échelle des sanctions retenues permet, selon les lignes directrices, de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa). Il est en outre nécessaire, selon les lignes directrices, de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

70 À l'intérieur de chacune des trois catégories d'infraction ainsi définies, il peut convenir, selon les lignes directrices, de pondérer, dans certains cas, le montant déterminé, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature, et d'adapter en conséquence le point de départ du montant de base selon le caractère spécifique de chaque entreprise (point 1 A, sixième alinéa).

71 En l'espèce, la requérante ne conteste ni le caractère très grave de l'infraction en cause, ni les appréciations sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure au caractère très grave de ladite infraction, appréciations qui se rapportent à la nature de celle-ci, à son incidence réelle sur le marché et à l'étendue du marché géographique en cause (considérants 374 à 384 de la Décision). La requérante ne met pas davantage en cause le principe même de la répartition des membres d'une entente en plusieurs catégories. Elle reproche en revanche à la Commission d'avoir, d'une part, méconnu les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité en la classant dans la même catégorie que d'autres entreprises de taille plus importante et, d'autre part, failli à son obligation de motivation sur ce point.

72 S'agissant du grief tiré d'une méconnaissance des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité dans le classement par catégories, la requérante fait valoir en substance que, en la classant dans la même catégorie que d'autres distributeurs impliqués, bien que leurs situations respectives au sein du marché en cause aient été significativement différentes, la Commission n'a pas tenu compte du poids spécifique des entreprises en cause. Elle précise que le traitement différencié devrait à tout le moins refléter l'impact réel du comportement de l'entreprise sur la concurrence et que la Commission aurait dû envisager une quatrième catégorie pour les entreprises les plus petites, parmi lesquelles elle figure, et fixer un montant de départ inférieur à 1 million d'euro pour cette catégorie.

73 À cet égard, le Tribunal rappelle que la méthode consistant à répartir les membres d'une entente en catégories aux fins de réaliser un traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ des amendes, dont le principe a d'ailleurs été validé par la jurisprudence du Tribunal, bien qu'elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d'une même catégorie, entraîne une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26-02, Rec. p. II-713, point 83, et la jurisprudence citée).

74 Certes, une telle répartition en catégories doit respecter le principe d'égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié. Par ailleurs, selon la jurisprudence, le montant des amendes doit, au moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction. Pour vérifier si une répartition des membres d'une entente en catégories est conforme aux principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité sur l'exercice du pouvoir d'appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit toutefois se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée, sans substituer d'emblée son appréciation à celle de la Commission (arrêt Daiichi Pharmaceutical/Commission, point 73 supra, points 84 et 85).

75 En l'occurrence, la Commission a estimé que les " entreprises concernées [pouvaient] en principe être subdivisées en trois groupes, en fonction de l'importance relative de chacune d'entre elles par rapport à Nintendo [...], en tant que distributeur des produits concernés (et uniquement de ceux-ci) dans l'EEE, la comparaison se faisant sur la base de la part de chaque partie dans le volume total des consoles et cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE en 1997, la dernière année au cours de laquelle l'infraction a été commise " (considérant 386 de la Décision). Nintendo (dont la part de marché a été estimée à [confidentiel] (1) %) et John Menzies (ayant une part de marché de [confidentiel] %) ont ainsi chacune été placées respectivement dans le premier et le deuxième groupe. Les autres entreprises concernées (avec des parts de marché allant de [confidentiel] à [confidentiel] %), parmi lesquelles figure Itochu, ont été placées dans le troisième groupe.

76 Le choix de la Commission de regrouper les entreprises ayant une part de marché dans la distribution des produits en cause inférieure à [confidentiel] % ne saurait être qualifié d'arbitraire et ne dépasse pas les limites du pouvoir d'appréciation dont elle dispose en la matière.

77 Le fait que les montants de départ afférents à chacune des catégories ne sont pas strictement proportionnels aux parts de marché respectives des entreprises concernées ne saurait être censuré dans la mesure où il n'est que le résultat du système de répartition par catégories et de la forfaitisation des montants qu'il implique. En effet, il convient de rappeler que, même si, en raison de la répartition en groupes, certaines entreprises se voient appliquer un montant de base identique alors qu'elles sont de tailles différentes, il convient de conclure que la différence de traitement est objectivement justifiée par la prééminence accordée à la nature de l'infraction par rapport à la taille des entreprises lors de la détermination de la gravité de l'infraction (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 411, et la jurisprudence citée).

78 En l'espèce, s'il existe certes des différences, en termes relatifs, entre les parts de marché détenues par les entreprises classées dans le même groupe, ces différences ne sont pas, en termes absolus, d'une importance telle qu'elles justifiaient que la requérante soit classée dans un groupe différent. En particulier, la méthode adoptée par la Commission n'a pas abouti à une représentation grossièrement déformée des marchés en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 159). En effet, le marché en cause, à savoir le marché de la distribution des produits Nintendo, était, à l'époque des faits, dominé par Nintendo et ses filiales. Les distributeurs indépendants, à l'exception de John Menzies, n'occupaient dans le système de distribution en cause qu'une place relativement modeste (voir considérants 388 à 390 de la Décision).

79 Contrairement à ce que la requérante fait valoir, la Commission n'était pas tenue de différencier davantage les entreprises en cause en fonction de leur part de marché dans la distribution des produits en cause. Dès lors que, ainsi qu'il ressort des considérations exposées ci-dessus, l'approche choisie par la Commission n'est ni incohérente ni dénuée de justification objective, et eu égard à la prééminence qui doit être accordée à la gravité de l'infraction, il est sans pertinence de savoir si, comme le soutient la requérante, une classification des membres en quatre catégories, plutôt qu'en trois, aurait mieux reflété le poids relatif des entreprises concernées.

80 Par ailleurs, la requérante ne saurait prétendre que l'amende qui lui a été infligée était disproportionnée compte tenu de l'impact limité de son comportement sur le marché, dès lors que, ainsi que cela a été rappelé au point 70 ci-dessus et ainsi qu'il ressort des considérants 385 à 390 de la Décision, il a été tenu compte, dans le cadre du traitement différencié, du poids spécifique de la requérante dans le volume total des consoles et des cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE en 1997 et, par conséquent, des effets réels de son comportement infractionnel sur la concurrence.

81 Il doit donc être conclu que l'existence d'écarts relatifs importants entre les parts de marché des entreprises appartenant à la dernière catégorie, qui est inhérente au système de répartition par catégories et à la forfaitisation qu'il implique, est objectivement justifiée. La faculté de la Commission de procéder au classement en catégories serait privée d'une grande partie de son utilité si tout écart entre parts de marché, s'il est important en termes relatifs, alors même qu'il correspond à un écart très peu important en termes de points de pourcentage, s'opposait au classement de différentes entreprises dans la même catégorie.

82 S'agissant du grief tiré d'une violation de l'obligation de motivation au regard de la répartition en catégories, il y a lieu de rappeler qu'il ressort d'une jurisprudence constante que, en ce qui concerne la fixation d'amendes au titre de violations du droit de la concurrence, la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu'elle indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction commise, sans être tenue d'y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant de l'amende (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C-279-98 P, Rec. p. I-9693, points 38 à 47 ; arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-191-98, T-212-98 à T-214-98, Rec. p. II-3275, points 1522 et 1523). L'indication de données chiffrées relatives au mode de calcul du montant des amendes, pour utiles que soient de telles données, n'est pas indispensable au respect de l'obligation de motivation (voir arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Salzgitter/Commission, C-182-99 P, Rec. p. I-10761, point 75, et la jurisprudence citée).

83 En l'espèce, la Commission a clairement énoncé, dans la Décision, les éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction (voir considérants 373 et suivants), et, parmi eux, les éléments de calcul relatifs à leur classement en catégories. Le fait que la Commission a omis d'indiquer séparément les parts de marché de chacune des entreprises placées dans la troisième catégorie n'a pas empêché la requérante de contester cet aspect de la décision attaquée de manière circonstanciée. Il s'ensuit que la Commission n'a pas violé l'obligation de motivation en ce qui concerne le classement en catégories.

84 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement dans la majoration du montant de départ de l'amende au titre de la dissuasion

Arguments des parties

85 La requérante fait valoir que la Commission a violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement en décidant qu'il convenait de multiplier par trois le montant de départ de l'amende qui lui a été infligée afin d'assurer son effet dissuasif.

86 Premièrement, elle considère que, outre le fait que la Commission ne pouvait pas, en raison de sa qualité de société-mère, lui infliger une amende et, dès lors, se référer à sa taille et à ses ressources globales, il n'y avait aucune raison d'augmenter ce montant compte tenu du chiffre d'affaires très réduit d'Itochu Hellas. Conformément au point 1 A, deuxième alinéa, quatrième tiret, des lignes directrices, la Commission aurait dû apprécier si la taille et les ressources globales d'Itochu Hellas, et non celles d'Itochu, justifiaient une augmentation du montant de départ de l'amende à des fins dissuasives. Or, il y aurait lieu de constater, d'une part, que le chiffre d'affaires d'Itochu Hellas, tel que repris dans la communication des griefs, était relativement beaucoup moins important que celui des autres entreprises concernées et, d'autre part, que ce chiffre a diminué de manière significative depuis 1997. La Commission aurait ainsi dû tenir compte du fait, signalé dans la réponse à la communication des griefs, qu'Itochu Hellas n'était plus le distributeur de Nintendo depuis 1997.

87 Deuxièmement et à titre subsidiaire, la requérante avance pour le cas où le Tribunal considérerait que c'est à bon droit que la Commission a adressé la Décision à Itochu, que la multiplication par trois du montant de départ de l'amende infligée à cette dernière viole également les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité. Elle relève, à cet égard, que la Commission a appliqué le même facteur multiplicateur à Nintendo, pour tenir compte non seulement de sa taille et de ses ressources globales, mais également de son rôle de fabricant des produits en cause et, partant, de " meneur naturel " de l'infraction. Par ailleurs, la Commission aurait décidé d'appliquer un facteur multiplicateur de seulement 1,25 à John Menzies, alors même que ce distributeur a, contrairement à Itochu Hellas, joué un rôle actif et très important dans l'infraction. Enfin, la Commission n'aurait pas pris en considération la structure décentralisée d'Itochu, alors même qu'un facteur multiplicateur aux fins de la dissuasion ne devrait être appliqué que dans les cas où la société-mère a pris part à l'infraction de manière effective. Elle rappelle que, eu égard à sa qualité de société multisectorielle, la distribution des produits Nintendo n'a jamais fait partie de ses activités commerciales et qu'elle n'a jamais été impliquée dans la correspondance relative à cette activité de distribution. Cette circonstance la distinguerait fortement des autres destinataires de la Décision.

88 La Commission conclut au rejet de l'ensemble des griefs soulevés par la requérante.

Appréciation du Tribunal

89 S'agissant de la première branche du présent moyen, force est de constater qu'elle repose sur la prémisse selon laquelle la Commission a eu tort d'adresser la Décision à Itochu. Cette dernière a d'ailleurs implicitement admis que l'examen de cette branche du moyen, qui repose sur le postulat que la Commission aurait dû apprécier si la taille et les ressources globales d'Itochu Hellas, et non d'Itochu, justifiaient une majoration du montant de l'amende à des fins dissuasives, n'est pas nécessaire dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait que la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en adressant la Décision à Itochu.

90 Dès lors que le moyen soulevé au soutien de la demande d'annulation partielle de la Décision a été rejeté, il n'y a plus lieu d'examiner cette branche, qui est inopérante.

91 S'agissant de la seconde branche du deuxième moyen, il est, en substance, reproché à la Commission d'avoir méconnu les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité en appliquant, aux fins d'assurer aux amendes un effet dissuasif, d'une part, le même facteur de majoration à Itochu et à Nintendo, alors même que leurs rôles respectifs dans l'infraction alléguée étaient sensiblement différents, et, d'autre part, un facteur de majoration bien moindre à John Menzies, alors même que cette dernière avait joué un rôle actif et important dans ladite infraction.

92 À cet égard, le Tribunal rappelle que le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE, ou de l'article 82 CE, constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d'accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire. Cette mission comporte le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 105, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, point 297).

93 Il s'ensuit que la Commission a le pouvoir de décider du niveau du montant des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif lorsque des infractions d'un type déterminé sont encore relativement fréquentes, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire en matière de concurrence, en raison du profit que certaines des entreprises intéressées peuvent en tirer (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 92 supra, point 108, et Jungbunzlauer/Commission, point 92 supra, point 298). L'objectif de dissuasion ayant trait à la conduite des entreprises au sein de la Communauté ou de l'EEE, le facteur de dissuasion est évalué en prenant en compte une multitude d'éléments, et non pas la seule situation particulière de l'entreprise concernée (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C-289-04 P, Rec. p. I-5859, point 23 ; voir également, en ce sens, arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 92 supra, point 300).

94 Partant, la requérante ne saurait se fonder sur les différences existant dans les rôles respectifs des entreprises en cause dans l'infraction pour contester le caractère égalitaire et proportionné de la majoration du montant des amendes effectuée au titre de la recherche de l'effet dissuasif.

95 Au demeurant, contrairement à ce qu'allègue la requérante, il ne ressort nullement de la Décision que la Commission s'est exclusivement référée, aux fins de déterminer le facteur de dissuasion des amendes, au rôle effectivement joué par chacun des participants à l'infraction.

96 En l'occurrence, la Commission a estimé nécessaire d'augmenter le montant de départ de l'amende infligée à certaines entreprises, à savoir Nintendo, John Menzies et Itochu, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises. Les montants de départ des amendes infligées à Nintendo et Itochu ont été, en conséquence, multipliés par 3. Le facteur multiplicateur appliqué à l'amende infligée à John Menzies a, quant à lui, été fixé à 1,25.

97 L'application d'un coefficient multiplicateur de 3 aux montants de départ des amendes infligées respectivement à Nintendo et à Itochu est ainsi motivée aux considérants 393 à 395 de la Décision :

" Dans la présente affaire, pour Nintendo [...], John Menzies [...] et Itochu [...], il est nécessaire de réajuster le montant de départ de l'amende à la hausse, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises.

Itochu [...] a fait valoir que, comme elle avait entre-temps cessé de distribuer les produits en cause, il n'y avait pas de raison d'augmenter son amende à des fins de dissuasion [...] Or, il faut garantir un effet dissuasif, et ce indépendamment du fait que l'entreprise ait ou non continué à entretenir des relations bilatérales avec les autres participants à l'infraction, une fois celle-ci terminée.

Il convient tout particulièrement d'assurer un effet dissuasif suffisant en ce qui concerne Nintendo [...], car, en dehors de sa taille (qui est nettement inférieure à celle d'Itochu [...]), il faut également tenir compte du fait qu'elle est le fabricant des produits ayant fait l'objet de l'infraction [...] "

98 Il ressort de ces passages que, tout en faisant référence au fait que Nintendo était le fabricant des produits, élément qui renvoie à une caractéristique de l'entreprise indépendante de son rôle dans l'infraction en cause, la Commission s'est focalisée sur la taille des entreprises, en particulier sur la taille très importante d'Itochu.

99 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le présent moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation du principe de proportionnalité dans la majoration du montant de l'amende au titre de la durée de l'infraction

Arguments des parties

100 Premièrement, la requérante fait valoir que la Commission ne pouvait, s'agissant d'Itochu Hellas, considérer que l'infraction avait commencé à partir de la date effective de l'accord de distribution conclu avec Nintendo, c'est-à-dire le 16 décembre 1991, et qu'elle s'était poursuivie jusqu'à la date d'expiration dudit contrat, c'est-à-dire le 28 février 1997. La Commission aurait plutôt dû déterminer la période au cours de laquelle les pratiques alléguées, impliquant Itochu Hellas, ont été effectives.

101 Selon la requérante, la Commission a fondé cette " approche formaliste " sur certaines dispositions du contrat de distribution, qui, d'après elle, d'une part, prévoyaient qu'Itochu Hellas ne pouvait vendre les produits en cause qu'à des agents établis en Grèce et agréés par Nintendo et, d'autre part, restreignaient également les exportations parallèles à l'intérieur de l'EEE par des clients d'Itochu Hellas. Or, dans la réponse à la communication des griefs, de nombreux éléments de preuve auraient été portés à l'attention de la Commission, indiquant que ces clauses n'avaient pas été mises en œuvre par les parties. Itochu Hellas aurait notamment fait valoir, à cet égard, que, tout d'abord, Nintendo n'avait jamais approuvé ses agents et n'était jamais intervenue dans la désignation de ceux-ci, ensuite, Itochu Hellas n'avait pas imposé la moindre restriction à l'exportation à ses quelque 300 clients et/ou agents et, enfin, elle avait elle-même pratiqué le commerce parallèle en tentant d'obtenir des produits provenant de sources alternatives et en vendant certains produits Nintendo à des clients se situant en dehors de la Grèce. La requérante précise, dans sa réplique, qu'elle a également indiqué dans la réponse à la communication des griefs que la Commission ne pouvait pas se contenter de prendre en considération les termes de l'accord de distribution.

102 La requérante soutient, en outre, qu'il n'y avait pas, à proprement parler, d'" accord " entre Itochu Hellas et Nintendo portant sur ces clauses restrictives, parce qu'il n'y avait pas de concours de volontés entre ces deux sociétés. La Commission aurait dû examiner à quel moment Itochu Hellas s'était livrée ou envisageait de se livrer à des pratiques restrictives, à l'instar de ce qu'elle a fait pour le distributeur Nortec AE. Dans la réplique, la requérante a fait valoir que les conditions de l'accord de distribution lui avaient été imposées par Nintendo. Le comportement de Nintendo serait donc unilatéral et il appartiendrait à la Commission d'établir l'existence d'un acquiescement, exprès ou tacite, de la part d'Itochu Hellas (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T-41-96, Rec. p. II-3383, points 71 et 72).

103 Il ressortirait également du point 1 B des lignes directrices que la Commission ne peut augmenter le montant de départ de l'amende au titre de la durée de l'infraction que dans la mesure où cette augmentation vise des restrictions ayant un impact négatif et de longue durée sur les consommateurs. Dès lors, si, au cours d'une certaine période, l'infraction n'a pas eu d'impact négatif sur le consommateur, aucune augmentation dudit montant au titre de la durée ne serait justifiée.

104 En l'espèce, la Commission n'aurait pas été en mesure de fournir la moindre preuve de la participation d'Itochu Hellas au " plan " conçu par Nintendo en vue de combattre le commerce parallèle, excepté pour certains incidents survenus en 1996 et pour un cas isolé en 1993. La période infractionnelle serait, en ce qui concerne Itochu Hellas, par conséquent bien plus brève que celle retenue dans la Décision.

105 Deuxièmement, et à titre subsidiaire, la requérante argue que la Commission aurait dû, à tout le moins et conformément au principe de proportionnalité, tenir compte du rôle passif d'Itochu Hellas dans l'infraction alléguée, ou encore du fait que la période d'infraction alléguée, allant de décembre 1991 à février 1997, comprenait de longues périodes au cours desquelles Itochu Hellas n'était pas impliquée et a joué un rôle passif dans l'infraction alléguée. La requérante suggère, en conséquence, que, si la Commission devait considérer que l'infraction a duré plus d'un an, elle devrait augmenter le montant de départ de l'amende d'Itochu, en raison de la durée, d'un pourcentage inférieur à 10 % (par exemple 5 %), eu égard au rôle passif joué par Itochu Hellas. Cette approche serait conforme à la pratique décisionnelle de la Commission dans les affaires dites " Volkswagen " et " Conduites précalorifugées " [respectivement, décision 98-273-CE de la Commission, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (IV/35.733 - VW) (JO L 124, p. 60), et décision 1999-60-CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1)]. À titre encore plus subsidiaire, la Commission devrait, à tout le moins, appliquer un pourcentage de majoration au titre de la durée plus réduit pour les années au cours desquelles l'infraction alléguée a été très sporadique, voire inexistante. Un tel pourcentage devrait, en tout état de cause, être appliqué au moins pour les périodes pour lesquelles la Commission n'a pas fourni la moindre preuve de la participation d'Itochu Hellas à l'infraction alléguée (c'est-à-dire pour la période allant jusqu'à avril-mai 1995 et à partir de mai 1996 jusqu'à février 1997). La requérante fait par ailleurs observer que, au cours de cette dernière période, les employés d'Itochu Hellas impliqués dans la distribution des produits Nintendo avaient quitté l'entreprise et que Nintendo envisageait déjà de mettre fin à l'accord avec Itochu Hellas.

106 La Commission conteste l'ensemble des arguments soulevés par la requérante.

Appréciation du Tribunal

107 Le présent moyen s'articule, en substance, en deux branches. Dans une première branche, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en affirmant qu'elle avait participé à l'infraction alléguée du 16 décembre 1991 au 28 février 1997 et en décidant qu'il convenait de majorer le montant de départ de 50 %, en vertu du point 1 B, premier alinéa, des lignes directrices. Dans une seconde branche, invoquée à titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû appliquer un taux de majoration par année d'infraction inférieur à 10 % compte tenu du rôle passif d'Itochu Hellas et des longues périodes au cours desquelles cette dernière n'était pas impliquée dans l'infraction. En omettant de le faire, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité.

- Sur la première branche, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination de la période au cours de laquelle la requérante a participé à l'infraction

108 Il convient, à titre liminaire, de constater que la requérante n'a invoqué le moyen relatif à la durée de l'infraction qu'à titre subsidiaire, au soutien d'une demande d'annulation ou de réduction de l'amende qui lui a été infligée. Néanmoins, il résulte des écritures de la requérante que celle-ci conteste, en substance, la légalité de la Décision en ce qu'elle constate, ainsi qu'il est indiqué dans l'article 1er de son dispositif, que l'infraction s'est étalée sur une période allant du 16 décembre 1991 au 28 février 1997. Il convient également de constater que, dans ses écritures, la requérante a expressément conclu à l'annulation de l'article 1er de la Décision. Eu égard à ce qui précède, il y a donc lieu de considérer que, par le présent moyen, la requérante vise non seulement l'annulation ou la réduction de l'amende, mais également l'annulation partielle de la Décision et notamment l'article 1er de son dispositif, en ce que la Commission y constaterait à tort que l'infraction s'est poursuivie du 16 décembre 1991 au 28 février 1997 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, points 210 à 213).

109 S'agissant de la détermination de la période infractionnelle, il y a lieu de rappeler que l'article 15, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement nº 17 prescrit la prise en considération, outre de la gravité de l'infraction, de la durée de celle-ci pour déterminer le montant de l'amende. À cet égard, il importe également de rappeler que l'article 81, paragraphe 1, CE interdit les accords ayant soit pour objet, soit pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. Ainsi, lorsqu'un accord ayant un objet anticoncurrentiel n'est pas mis en œuvre, il convient néanmoins de tenir compte de la durée pendant laquelle cet accord a existé, c'est-à-dire de la période s'étant écoulée entre la date de sa conclusion et la date à laquelle il y a été mis fin (arrêts du Tribunal CMA CGM e.a./Commission, point 77 supra, point 280, et du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49-02 à T-51-02, Rec. p. II-3033, point 185).

110 En l'espèce, il n'est pas contesté qu'Itochu Hellas a conclu avec Nintendo un accord de distribution visant à limiter le commerce parallèle. L'infraction ayant été établie sur le fondement de cet accord, la Commission était en droit de considérer que la période infractionnelle correspondait à la durée de cet accord.

111 La Commission a ainsi relevé, au considérant 351 de la Décision, que la participation d'Itochu Hellas à l'infraction avait duré du 16 décembre 1991 (date de signature de l'accord de distribution) au 28 février 1997 (date à laquelle le contrat de distribution a pris fin), soit pendant cinq ans et deux mois.

112 Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait, à le supposer avéré, que les dispositions de l'accord n'ont pas été mises en œuvre pendant de longues périodes n'est aucunement pertinent dans le cadre de la détermination de la période infractionnelle.

113 Par ailleurs, la requérante ne saurait à cet égard prétendre que Nortec a bénéficié d'un traitement plus favorable, puisque, alors même que cette entreprise avait conclu un accord de distribution avec Nintendo, la Commission a décidé de prendre en compte la période effective au cours de laquelle elle avait participé à l'infraction. En effet, l'accord de distribution conclu entre Nintendo et Nortec ne contenait, contrairement à celui conclu entre Nintendo et Itochu Hellas, qui restreignait expressément la possibilité d'exporter parallèlement les produits en cause (voir considérant 264 de la Décision), aucune clause restrictive de concurrence. La Commission s'est donc fondée, pour établir la participation de Nortec à l'infraction en cause, non pas sur les termes d'un quelconque accord de distribution mais sur un ensemble de courriers qu'elle a échangés avec Nintendo.

114 La requérante ne saurait davantage se prévaloir du fait que les termes de l'accord auraient été imposés à Itochu Hellas en ce que cette dernière n'avait d'autre choix que de les accepter. En effet, la requérante est restée en défaut d'expliquer en quoi cette circonstance devrait avoir une influence sur la détermination de la période au cours de laquelle elle a participé à l'infraction. Par ailleurs, la requérante aurait pu dénoncer les éventuelles pressions dont elle a fait l'objet aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n° 17, plutôt que de participer aux activités en question (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T-17-99, Rec. p. II-1647, point 50, et du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T-62-02, Rec. p. II-5057, point 63).

115 Par ailleurs, l'appréciation de l'éventuelle passivité du rôle joué par Itochu doit s'effectuer au stade de l'examen des circonstances atténuantes.

116 Quant aux autres arguments d'Itochu, tirés de la prétendue absence d'effets nuisibles de l'infraction, ils concernent en réalité l'examen de la gravité intrinsèque de l'infraction et non celui de sa durée. Contrairement à ce qu'allègue la requérante, le point 1 B des lignes directrices, aux termes duquel, " [d]'une manière générale, la majoration pour les infractions de longue durée sera désormais considérablement renforcée par rapport à la pratique antérieure en vue de sanctionner réellement les restrictions qui ont produit durablement leurs effets nocifs à l'égard des consommateurs ", ne conditionne pas une majoration au titre de la durée à la preuve que l'infraction en cause a eu un impact négatif et de longue durée sur les consommateurs.

117 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que la première branche du présent moyen ne saurait prospérer.

- Sur la seconde branche, prise d'une violation du principe de proportionnalité dans la fixation du taux de majoration par année d'infraction

118 Conformément au point 1 B des lignes directrices, la Commission a la possibilité, en ce qui concerne les infractions de longue durée (au-delà de cinq ans), de majorer le montant retenu pour la gravité de l'infraction d'un taux pouvant aller jusqu'à 10 % par année d'infraction.

119 En l'espèce, la Commission a constaté, au considérant 403 de la Décision, que la requérante avait participé à l'infraction pendant une durée de cinq ans et deux mois, soit une longue durée au sens des lignes directrices, et elle a majoré l'amende en raison de sa durée de 50 %. Ce faisant, la Commission a respecté les règles qu'elle s'est imposées dans les lignes directrices. De plus, cette augmentation de 50 % eu égard à la durée de l'infraction n'est, en l'espèce, pas manifestement disproportionnée.

120 Le simple fait que la Commission se soit réservée une possibilité de majoration par année d'infraction jusqu'à 10 % ne l'oblige nullement à fixer ce taux en fonction de l'intensité de l'infraction ou encore des différents degrés d'implication de chacun des contrevenants.

121 S'agissant, tout d'abord, de l'argument selon lequel la Commission aurait dû appliquer un taux de majoration plus réduit compte tenu du fait que la requérante n'a joué qu'un rôle passif dans l'infraction ou, à tout le moins, du fait que les comportements qui lui sont reprochés sont sporadiques voire rares, il ne saurait prospérer. En effet, il convient de rappeler que, selon la méthodologie exposée dans les lignes directrices, l'évaluation de la gravité relative de la participation à l'infraction de chacune des entreprises concernées, compte tenu en particulier de leur activité ou passivité, est effectuée au stade de la prise en compte des circonstances aggravantes et atténuantes, conformément aux points 2 et 3 des lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224-00, Rec. p. II-2597, point 265).

122 En l'occurrence, la Commission a précisément, et en conformité avec la méthodologie exposée dans les lignes directrices, examiné si la requérante avait joué un rôle passif au stade de l'examen des circonstances atténuantes.

123 S'agissant, ensuite, de l'affirmation selon laquelle, l'infraction reprochée à la requérante ayant été d'une intensité très variable, la Commission était tenue de retenir un taux de majoration bien moindre, à tout le moins pour une partie de la période retenue, il suffit de rappeler qu'une augmentation de l'amende en fonction de la durée n'est pas limitée à l'hypothèse où il existerait une relation directe entre la durée et un préjudice accru causé aux objectifs communautaires visés par les règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202-98, T-204-98 et T-207-98, Rec. p. II-2035, point 106, et arrêt Michelin/Commission, point 47 supra, point 278).

124 Quant à la référence effectuée par la requérante aux décisions de la Commission prises respectivement dans les affaires Volkswagen et Conduites précalorifugées, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et des décisions concernant d'autres affaires ne revêtent qu'un caractère indicatif en ce qui concerne l'existence éventuelle d'une discrimination, étant donné qu'il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C-167-04 P, Rec. p. I-8935, points 201 et 205, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C-76-06 P, Rec. p. I-4405, point 60).

125 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le moyen visant la majoration du montant de l'amende au titre de la durée doit être rejeté comme non fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation ainsi que des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, en raison de l'absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

Arguments des parties

126 Premièrement, la requérante fait valoir que, en ne réduisant pas le montant de l'amende qui lui a été infligée en raison du rôle passif d'Itochu Hellas dans l'infraction alléguée, sans justification adéquate, la Commission a violé l'article 253 CE. En outre, en retenant cette circonstance atténuante à l'égard de Concentra et non à l'égard d'Itochu, la Commission aurait violé le principe d'égalité de traitement.

127 La requérante soutient, tout d'abord, que, dans l'hypothèse où il devrait être jugé que c'est à juste titre que la Décision lui a été adressée, il importerait de tenir compte de son rôle exclusivement passif dans l'infraction litigieuse. La requérante fait ensuite observer qu'Itochu Hellas avait déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, que le dossier de la Commission ne contenait que des éléments de preuve extrêmement limités concernant sa participation à l'infraction alléguée. À cet égard, Itochu Hellas, en tant que petit distributeur des produits Nintendo au sein de l'EEE, serait un acteur mineur dans le mécanisme global conçu par Nintendo pour combattre les importations parallèles.

128 En outre, le rôle joué par Itochu Hellas était, selon la requérante, au moins aussi passif que celui joué par Concentra. Or, la Commission aurait réduit le montant de base de l'amende de Concentra de 50 % en raison de cette passivité (considérants 212, 213 et 421 de la Décision). Selon la requérante, Itochu Hellas s'est contentée d'informer Nintendo de l'existence du commerce parallèle, tout comme l'a fait Concentra. Le seul élément distinctif invoqué par la Commission serait qu'Itochu Hellas aurait fait rapport à Nintendo " dans l'espoir que NOE réglerait ce problème ". Une telle " attente ", identifiée par la Commission, ne saurait être considérée comme une preuve qu'Itochu Hellas a joué un rôle actif dans l'infraction.

129 À cet égard, il conviendrait de rappeler que l'accord de distribution qu'Itochu Hellas a conclu avec Nintendo était un accord standard et qu'elle ne disposait d'aucune latitude pour négocier les termes de celui-ci. Dès lors, la situation des distributeurs indépendants de Nintendo, en particulier celle d'Itochu Hellas, qui n'avaient d'autre choix que de consentir audit contrat, devrait être distinguée de celle des concessionnaires visés dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, BMW Belgium e.a./Commission (32-78, 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435). La requérante précise que, compte tenu de la position de Nintendo en Grèce et des risques de pertes qu'elle pouvait encourir, Itochu Hellas n'avait d'autre choix que d'accepter les termes de l'accord de distribution. Ainsi, les activités de Nintendo auraient représenté une grande partie des activités d'Itochu Hellas de 1991 à 1996 et leur perte en 1997 aurait sérieusement affecté Itochu Hellas. À la date de résiliation de l'accord par Nintendo, en 1998-1999, son chiffre d'affaires serait tombé à 12 ou 13 % de son chiffre d'affaires de 1997.

130 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a violé l'article 253 CE en refusant, sans justification adéquate, de tenir compte du fait qu'Itochu Hellas n'avait pas mis en œuvre les pratiques restrictives en cause. Elle indique, tout d'abord, qu'Itochu Hellas a exporté des produits Nintendo en provenance de Grèce et qu'elle a réalisé un certain nombre de ventes au sein de l'EEE, notamment en Espagne. La clause litigieuse de l'accord de distribution, en vertu de laquelle Itochu Hellas ne pouvait vendre qu'à des revendeurs établis en Grèce et approuvés par Nintendo, n'aurait jamais été décidée ou mise en œuvre. En pratique, Nintendo elle-même ne serait jamais intervenue dans la sélection ou la désignation des revendeurs d'Itochu Hellas et n'aurait jamais fait de commentaires à cet égard. La requérante avance ensuite qu'il ressort du dossier de la Commission qu'il y avait un volume continu et significatif d'importations parallèles vers la Grèce au cours de la période de l'infraction alléguée. Cela attesterait le fait qu'Itochu Hellas ne s'est pas opposée au commerce parallèle des produits Nintendo. Enfin, elle nie également avoir essayé d'exploiter l'infraction à son profit, ainsi que l'attestent les pertes qu'elle a subies au cours de la période en cause.

131 La Commission conteste l'ensemble des griefs soulevés par la requérante.

Appréciation du Tribunal

132 Il convient en l'espèce d'examiner si c'est à bon droit et sans violer l'obligation de motivation que la Commission a refusé, premièrement, de reconnaître que la requérante avait joué un rôle passif dans l'infraction et, deuxièmement, de conclure que celle-ci n'avait pas mis en œuvre ladite infraction.

- Sur le caractère passif du rôle joué par la requérante dans l'infraction

133 Il y a lieu, à titre liminaire, de considérer que, pour autant que les arguments de la requérante visent à contester l'implication personnelle d'Itochu dans l'entente litigieuse, ils doivent, au terme de l'examen du moyen soulevé au soutien de la demande d'annulation partielle de la Décision, être rejetés.

134 Par ailleurs, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d'examiner la gravité relative de la participation à l'infraction de chacune d'elles (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 623, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 150), afin de déterminer s'il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes.

135 En particulier, le " rôle exclusivement passif ou suiviste " d'une entreprise dans la réalisation de l'infraction peut, s'il est établi, constituer une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, étant précisé que ce rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un " profil bas ", c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission (T-220-00, Rec. p. II-2473, point 167).

136 En l'espèce, la requérante prétend, en substance, qu'Itochu Hellas n'était qu'un acteur mineur dans le cadre du mécanisme global de limitation des importations parallèles conçu par Nintendo et que son rôle était au moins aussi passif que celui joué par Concentra. Elle soutient en outre que, compte tenu de sa situation économique, Itochu Hellas n'était pas en mesure de refuser les termes de l'accord de distribution qui lui ont été imposés par Nintendo.

137 À cet égard, en premier lieu, force est de constater qu'Itochu Hellas ayant effectivement conclu l'accord de distribution litigieux et, partant, formellement marqué son accord sur le principe d'une limitation du commerce parallèle, la requérante ne peut se prévaloir de ce que celle-ci n'a joué qu'un rôle passif dans l'infraction.

138 S'agissant, en deuxième lieu, de l'allégation selon laquelle elle n'était qu'un acteur mineur dans le mécanisme de limitation des importations parallèles, il convient de relever que, ainsi que l'a souligné la Commission aux considérants 206 et 429 de la Décision, Itochu Hellas a, à plusieurs reprises, communiqué spontanément à Nintendo des informations sur les importations parallèles vers son territoire. Ce faisant, elle a participé au mécanisme mis en place par Nintendo et son comportement révèle, à tout le moins, une attitude favorable et active quant au contrôle de l'entente. Le fait qu'Itochu Hellas n'a pas empêché ou tenté d'empêcher les importations parallèles des produits en cause ne constitue en aucun cas la preuve d'une participation " exclusivement " passive de cette dernière à l'infraction en cause. En effet, un tel comportement, s'il était avéré, ne témoignerait que d'un moindre zèle dans la conduite de l'entente, sans toutefois remettre en cause la pleine implication de la requérante dans celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T-48-02, Rec. p. II-5259, point 80). Il ne suffit donc pas que, pendant certaines périodes ou à l'égard de certaines dispositions de l'accord, l'entreprise concernée ait adopté un " profil bas ".

139 La requérante ne saurait davantage se prévaloir du fait qu'Itochu Hellas ait été contrainte à conclure l'accord de distribution pour réclamer le bénéfice de circonstances atténuantes. En effet, à supposer même qu'il soit établi que Nintendo ait imposé les termes de l'accord de distribution, ce qui est loin d'être démontré, il n'en reste pas moins que, en communiquant des informations portant sur le commerce parallèle, elle s'est conformée audit accord, sans adopter de rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l'infraction.

140 En tout état de cause, à supposer même que la requérante ait été contrainte à conclure l'accord de distribution litigieux, eu égard aux liens de dépendance économique qui caractérisent ses rapports avec Nintendo, elle ne saurait se prévaloir de cette circonstance, dès lors qu'elle aurait pu dénoncer lesdites pressions aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n° 17, plutôt que de participer aux activités en question (voir la jurisprudence citée au point 114 ci-dessus).

141 S'agissant, en outre, du grief tiré de ce que la Commission aurait violé le principe d'égalité de traitement en reconnaissant le bénéfice de la circonstance atténuante tenant à un rôle exclusivement passif à Concentra et non à la requérante, il ne saurait être davantage retenu. En effet, il ressort des constatations factuelles de la Commission, non contestées par la requérante, que les rôles joués par ces deux entreprises dans l'infraction n'étaient pas comparables. Si elles ont toutes deux spontanément communiqué à Nintendo des informations portant sur le commerce parallèle de produits Nintendo et lui ont demandé son aide à cet égard, force est de constater que la correspondance entre Nintendo et Concentra, échangée à quatre reprises entre janvier 1996 et novembre 1997, était plus sporadique que celle échangée entre Nintendo et Itochu (voir considérants 206, 212 et 213 de la Décision). De plus et surtout, il ressort des faits relatés par la Commission qu'Itochu a fourni à Nintendo des informations précises concernant l'incidence et l'origine du commerce parallèle et que la correspondance d'Itochu a permis, au moins en une occasion, de mettre fin à des exportations parallèles à partir du Royaume-Uni (voir considérants 206 et 429 de la Décision). La Commission pouvait donc distinguer le rôle joué par la requérante dans l'infraction de celui joué par Concentra et, par conséquent, n'accorder de réduction d'amende, au titre de la circonstance atténuante prise du caractère passif du rôle dans l'infraction, qu'à cette dernière.

142 S'agissant, enfin, du grief tiré de la violation de l'obligation de motivation, il y a lieu, d'abord, de renvoyer à la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus et, ensuite, de constater que la Commission a, en refusant à la requérante le bénéfice de la circonstance atténuante invoquée, indiqué, dans la Décision (voir considérants 427 à 429), les éléments d'appréciation qui l'ont conduite à ne pas retenir de circonstance atténuante pour rôle purement passif ou suiviste à l'égard de la requérante. Dès lors, elle n'a commis, sur ce point, aucune violation de l'obligation de motivation qui lui incombe.

143 Il y a donc lieu de conclure que c'est à bon droit et de manière suffisamment motivée que la Commission a conclu au rejet de la circonstance atténuante invoquée. La première branche du présent moyen doit donc être rejetée.

- Sur l'application effective de l'infraction par la requérante

144 Aux termes du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, la " non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles " peut également constituer une circonstance atténuante.

145 Il ressort de la jurisprudence que la Commission n'est tenue de reconnaître l'existence d'une circonstance atténuante du fait de l'absence de mise en œuvre d'une entente que si l'entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu'elle s'est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu'elle n'a pas adhéré à l'accord en apparence et, de ce fait, incité d'autres entreprises à mettre en œuvre l'entente en cause. Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d'une entente illicite et bénéficier ensuite d'une réduction de l'amende au motif qu'elles n'avaient joué qu'un rôle limité dans la mise en œuvre de l'infraction, alors que leur attitude a incité d'autres entreprises à se comporter de manière plus nuisible à la concurrence (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44-00, Rec. p. II-2223, points 277 et 278).

146 Or, les circonstances invoquées par la requérante dans le cadre de cette branche ne permettent pas de conclure qu'elle s'est écartée clairement et d'une manière considérable de l'accord convenu avec Nintendo au point d'avoir perturbé le fonctionnement de celui-ci.

147 De même, Itochu ne peut valablement invoquer le fait qu'elle n'a pas tenté d'exploiter l'infraction à son profit, puisqu'elle a, au cours de la période infractionnelle, subi des pertes et rencontré certaines difficultés économiques. Outre le fait que la Commission n'est pas tenue de tenir compte de tels éléments dans le cadre de l'appréciation de l'existence de circonstances atténuantes (voir, en ce sens, en matière de cartels, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 345), il n'est pas établi que ces prétendues difficultés présentaient un lien avec la non-application effective des mesures litigieuses. Il y a notamment lieu d'observer que la requérante a elle-même admis, dans sa réponse à la communication des griefs, que les performances médiocres qu'Itochu Hellas avait enregistrées au cours de la période infractionnelle s'expliquaient par une série de facteurs indépendants de l'application de l'accord qu'elle avait conclu avec Nintendo.

148 S'agissant par ailleurs du grief tiré de la violation de l'obligation de motivation, il y a lieu, d'abord, de renvoyer à la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus et, ensuite, de constater que la Commission a, en refusant à la requérante le bénéfice de la circonstance atténuante invoquée, indiqué, dans la Décision (voir considérants 434 à 437), les éléments d'appréciation qui l'ont conduite à ne pas retenir au profit de la requérante de circonstance atténuante pour la non-application de l'accord litigieux. Dès lors, elle n'a commis, sur ce point, aucune violation de l'obligation de motivation qui lui incombe.

149 Dans ces conditions, Itochu ne saurait non plus bénéficier d'une réduction du montant de l'amende au titre de cette dernière circonstance atténuante.

150 Eu égard à l'ensemble de ces considérations, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé.

Sur le cinquième moyen, pris d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en raison de la fixation d'une amende excédant la limite des 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice comptable précédent

Arguments des parties

151 La requérante soutient que la Commission a enfreint l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 dans la mesure où la Décision inflige une amende dépassant 10 % du chiffre d'affaires d'Itochu Hellas au cours de l'exercice précédant l'année d'adoption de la Décision. Elle affirme que la Décision aurait dû être adressée à Itochu Hellas et que toute amende éventuelle aurait dû lui être infligée. Le seuil de 10 % aurait donc dû être évalué à la lumière du chiffre d'affaires d'Itochu Hellas en 2001, qui s'élevait à 423 475 euro. En infligeant une amende d'un montant de 4,5 millions d'euro, qui correspond à plus de 50 % des chiffres d'affaires annuels d'Itochu Hellas depuis l'année 1991, à l'exception de l'année 1994, la Commission aurait méconnu ce seuil. La requérante demande, dès lors, au Tribunal de ramener l'amende qui lui a été infligée par l'article 3 de la Décision à un montant qui n'excède pas 42 348 euro, soit la somme équivalant à 10 % du chiffre d'affaires d'Itochu Hellas au cours de l'année 2001.

152 Dans la réplique, la requérante réfute l'argument de la Commission selon lequel le présent moyen contredit le moyen tiré d'une imputabilité erronée de l'infraction à la requérante en ce qui concerne les mesures demandées. Elle considère que le Tribunal peut décider de ne pas annuler la Décision mais de réévaluer le montant de l'amende, en prenant en considération la position qu'occupe Itochu Hellas sur le marché. Le présent moyen serait dès lors également invoqué à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le Tribunal n'annulerait pas la Décision ainsi que la requérante le demande dans son premier chef de conclusions.

153 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

154 L'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 prévoit que les amendes infligées par la Commission à des entreprises ayant enfreint l'article 81 CE ou l'article 82 CE peuvent être portées à " dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction ".

155 En l'occurrence, Itochu soutient que la Commission devait fixer le montant de l'amende en ayant égard au chiffre d'affaires d'Itochu Hellas, seule responsable de l'infraction.

156 Or, ainsi que cela ressort de l'examen du moyen soulevé par Itochu au soutien de sa demande d'annulation partielle de la Décision, c'est à bon droit que la Commission a adressé la Décision à Itochu en ce qu'elle devait être tenue pour responsable de l'infraction.

157 Partant, le présent moyen ne saurait être retenu dans la mesure où la Commission doit, aux fins de l'application du plafond de 10 %, tenir compte du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, à savoir l'entreprise qui s'est vu imputer l'infraction et qui, de ce fait, a été déclarée responsable et s'est vu notifier la décision infligeant l'amende (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 116 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission,T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 390).

158 Il résulte de ces considérations que le présent moyen doit être rejeté.

Sur le sixième moyen, pris d'une violation des droits de la défense

Arguments des parties

159 La requérante fait valoir qu'Itochu Hellas et Itochu ont déduit de la formulation de la communication des griefs que la Commission avait prétendument identifié une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE d'une nature tant verticale qu'horizontale. En examinant l'aspect horizontal de l'infraction alléguée, la réponse à la communication des griefs, fournie au nom d'Itochu Hellas et d'Itochu, a été rédigée en gardant à l'esprit l'application possible de la communication sur la coopération, dont l'application est limitée à une coopération avec la Commission par des entreprises impliquées dans une entente horizontale secrète.

160 Dès lors, sur plusieurs points, Itochu Hellas et Itochu ont, dans leur réponse à la communication des griefs, choisi de ne pas contester l'interprétation des faits donnée par la Commission. Ce faisant, elles n'auraient pas été à même d'exercer leurs droits de la défense dans toute la mesure du possible, ou, à tout le moins, ont adopté une stratégie de défense qu'elles n'auraient peut-être pas adoptée si elles n'avaient pas été induites en erreur par la Commission. Ainsi, Itochu Hellas ne disposant d'aucun document concernant la distribution des produits Nintendo, la seule manière pour elle de coopérer avec la Commission aurait été de ne pas contester la matérialité des faits.

161 La requérante considère que, en limitant l'appréciation juridique de l'infraction dans la Décision à un accord vertical, la Commission a fait en sorte qu'il n'ait plus été possible pour les entreprises impliquées de bénéficier d'une réduction du montant de l'amende sur la base de la communication sur la coopération. Une telle méthode déloyale violerait les droits de la défense des entreprises impliquées, puisqu'elles auraient pu développer une stratégie de défense différente de celle consistant simplement à ne pas contester les faits.

162 Selon la requérante, ce changement d'approche a pour conséquence qu'Itochu ne peut bénéficier d'une réduction de 10 % du montant de son amende, infligée en raison du comportement d'Itochu Hellas dans le cadre d'une infraction verticale, alors qu'elle aurait pu bénéficier d'une telle réduction si elle avait été impliquée dans une entente horizontale. La requérante en conclut que, dans l'hypothèse où le Tribunal devrait considérer que la Commission n'a pas violé les droits de la défense, Itochu devrait tout de même bénéficier d'une réduction du montant de son amende d'au moins 10 %, parce qu'elle n'a pas matériellement contesté les faits exposés dans la communication des griefs de la Commission.

163 La requérante avance, dans sa réplique, que, si, ainsi que le soutient la Commission, toute coopération effective peut être prise en compte en tant que circonstance atténuante en dehors du cadre de la communication sur la coopération, la réduction du montant de l'amende qui en découle n'est pas soumise aux mêmes conditions. En particulier, cette communication n'exigerait pas que, pour bénéficier d'une réduction du montant de l'amende en raison de l'absence de contestation des faits en cause, une telle coopération existe dans une situation où la communication des griefs est fondée sur une série complexe de faits liés entre eux.

164 La Commission objecte que les allégations de la requérante sont viciées tant en fait qu'en droit. La réduction du montant de l'amende sollicitée par la requérante au titre de sa prétendue coopération ne pourrait en tout état de cause être retenue.

Appréciation du Tribunal

165 Il importe, tout d'abord, de relever que, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, il ne ressort nullement de la communication des griefs que la Commission avait entendu limiter, au stade de la procédure administrative, son appréciation juridique à l'aspect horizontal de l'infraction alléguée.

166 À cet égard, le fait que la Commission ait fait référence, dans la communication des griefs, à la terminologie et à la jurisprudence ayant trait à des ententes horizontales ne peut l'avoir, en tant que telle, induite en erreur.

167 Par ailleurs, la réponse apportée par la requérante à la communication des griefs démontre clairement que, de l'avis même de celle-ci, l'infraction alléguée concernait une relation de nature verticale.

168 En outre, le fait que la Commission ait décidé d'abandonner les griefs visant les éventuels aspects horizontaux de l'infraction ne saurait en aucun cas avoir joué en défaveur de la requérante. À cet égard, il importe de rappeler que l'exigence selon laquelle la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, fussent-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission est respectée lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer.

169 Lorsque la communication des griefs fournit une indication claire de la nature de l'infraction au droit de la concurrence reprochée à l'entreprise en cause et les faits essentiels invoqués à cet égard, celle-ci est en mesure de répondre à cette accusation et de défendre ses droits. Une présentation ultérieure des griefs dans la décision adoptée par la Commission qui qualifie un accord économique de " vertical " ou d'" horizontal " ne constitue pas une modification matérielle des griefs tels que présentés dans la communication des griefs (arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T-325-01, Rec. p. II-3319, points 188, 189 et 192).

170 Par conséquent, c'est sans violer les droits de la défense de la requérante que la Commission a limité, dans la décision attaquée, la description de l'infraction en cause aux aspects verticaux de celle-ci.

171 En tout état de cause, le changement de formulation adopté par la Commission n'a aucunement privé la requérante de la prise en compte de sa coopération dans la mesure où elle n'a jamais demandé le bénéfice de la communication sur la coopération, conformément à son point E, et où la coopération effective des entreprises en cause a été prise en compte en dehors du champ d'application de cette communication (voir considérants 454 à 464 de la Décision).

172 À la lumière de ce qui précède, le dernier moyen de la requérante doit également être rejeté.

173 Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

174 En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Itochu Corp. est condamnée aux dépens.