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Décisions

TPICE, 8e ch., 30 avril 2009, n° T-13/03

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nintendo Co., Ltd, Nintendo of Europe GmbH

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ribeiro

Juges :

MM. Papasavvas, Wahl (rapporteur)

Avocats :

Mes Kennedy-Loest, Killick

TPICE n° T-13/03

30 avril 2009

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

Antécédents du litige

1. Entreprises en cause

1 La première requérante, Nintendo Co., Ltd (ci-après " NCL " ou " Nintendo "), société cotée en bourse ayant son siège à Kyoto (Japon), est la société de tête du groupe de sociétés Nintendo, spécialisées dans la production et la distribution de consoles de jeux vidéo et de cartouches de jeux destinées à être utilisées sur ces consoles.

2 Les activités de Nintendo dans l'Espace économique européen (EEE) sont menées, sur certains territoires, par des filiales qu'elle détient à 100 %, la principale filiale étant Nintendo of Europe GmbH (ci-après " NOE " ou " Nintendo "), la seconde requérante. À l'époque des faits, NOE coordonnait certaines activités commerciales de Nintendo en Europe et était son distributeur exclusif en Allemagne.

3 Sur d'autres territoires de vente, Nintendo avait désigné des distributeurs exclusifs indépendants. Ainsi, The Games Ltd, une division commerciale de John Menzies Distribution Ltd, filiale à 100 % de John Menzies plc, est devenue en août 1995 le distributeur exclusif de Nintendo pour le Royaume-Uni et l'Irlande, et l'est restée jusqu'au 31 décembre 1997 au moins.

2. Procédure administrative

Enquête relative au secteur des jeux vidéo (affaire IV/35.587 PO Video Games)

4 En mars 1995, la Commission a engagé une enquête relative au secteur des jeux vidéo (affaire IV/35.587 PO Video Games). Dans le cadre de cette enquête, la Commission a adressé, les 26 juin et 19 septembre 1995, des demandes de renseignements à Nintendo, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), en vue d'obtenir des informations portant notamment sur ses distributeurs et filiales, sur les accords de distribution formellement conclus avec ces entreprises et sur ses conditions générales de vente. NOE a répondu à ces demandes par lettres datées du 31 juillet et du 26 septembre 1995.

Enquête complémentaire portant spécifiquement sur le système de distribution de Nintendo (affaire IV/35.706 PO Nintendo Distribution)

5 À la suite de ses conclusions préliminaires, la Commission a engagé, en septembre 1995, une enquête complémentaire portant spécifiquement sur le système de distribution de Nintendo (affaire IV/35.706 PO Nintendo Distribution).

6 Dans le cadre de cette enquête, la Commission a, le 9 octobre 1995, adressé à Nintendo une demande de renseignements. Plusieurs réunions, portant sur la politique de distribution de Nintendo, se sont tenues entre les représentants de cette dernière et la Commission. Nintendo a par ailleurs fourni diverses versions des accords qu'elle a conclus avec certains de ses distributeurs.

Enquête faisant suite à la plainte déposée par Omega Electro BV (affaire IV/36.321 Omega - Nintendo)

7 Le 26 novembre 1996, Omega Electro, société qui opère dans le secteur de l'importation et de la vente de jeux électroniques, a introduit une plainte en vertu de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17, qui concernait essentiellement la distribution de cartouches et de consoles de jeux Nintendo, au motif notamment que Nintendo entravait le commerce parallèle et pratiquait un système de prix de revente imposés aux Pays-Bas. À la suite de cette plainte, la Commission a étendu son enquête (affaire IV/36.321 Omega - Nintendo). Le 7 mars 1997, elle a envoyé une demande de renseignements à Nintendo et à John Menzies. Dans sa réponse du 16 mai 1997, Nintendo a admis que certains de ses accords de distribution et certaines de ses conditions générales contenaient des restrictions au commerce parallèle à l'intérieur de l'EEE. En octobre 1997, la Commission a adressé à John Menzies une nouvelle demande de renseignements, à laquelle cette dernière a répondu le 1er décembre 1997, en fournissant certaines informations sur l'entente litigieuse.

8 Par lettre du 23 décembre 1997, Nintendo a indiqué à la Commission qu'elle avait pris conscience d'" un problème grave lié au commerce parallèle à l'intérieur de la Communauté " et a exprimé son souhait de coopérer avec la Commission.

9 Le 13 janvier 1998, John Menzies a fourni d'autres informations. Les 21 janvier, 1er avril et 15 mai 1998, Nintendo a transmis à la Commission des centaines de documents. Le 15 décembre 1998, une réunion s'est tenue entre la Commission et des représentants de Nintendo au cours de laquelle a été évoquée la question de l'octroi éventuel de compensations aux tiers lésés par l'entente litigieuse.

10 En outre, à la suite de son aveu, Nintendo a pris des mesures visant à garantir à l'avenir le respect du droit communautaire et a offert des compensations financières aux tiers ayant subi un préjudice financier du fait de ses actions.

11 Le 26 avril 2000, la Commission a adressé une communication des griefs à Nintendo et aux autres entreprises concernées, pour violation de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'EEE (ci-après l'" accord EEE "). Nintendo et les autres entreprises concernées ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs retenus par la Commission, dans lesquelles Nintendo et plusieurs de ces entreprises ont demandé l'application de la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération "). Aucune des parties n'a demandé la tenue d'une audition formelle. Nintendo n'a pas contesté la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs.

12 S'agissant plus particulièrement des requérantes, la réponse à la communication des griefs a été envoyée à la Commission le 7 juillet 2000.

3. Décision litigieuse

13 Le 30 octobre 2002, la Commission a adopté la décision 2003-675-CE, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (COMP/35.587 PO Video Games, COMP/35.706 PO Nintendo Distribution et COMP/36.321 Omega - Nintendo) (JO 2003, L 255, p. 33, ci-après la " Décision "). La Décision a été notifiée à NOE et à NCL, respectivement, les 8 et 11 novembre 2002.

14 La Décision comprend notamment les dispositions suivantes :

" Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81, paragraphe 1,[...] CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant, pour les périodes indiquées, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées, sur les marchés des consoles de jeux spécialisées et des cartouches de jeux compatibles avec les consoles de jeux spécialisées fabriquées par Nintendo, ayant pour objet et pour effet de restreindre les exportations parallèles des consoles et des cartouches de jeux Nintendo :

- [NCL et NOE], de janvier 1991 à la fin de décembre 1997,

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour sanctionner l'infraction commise par les entreprises visées à l'article 1er :

- [NCL et NOE], conjointement et solidairement responsable[s], une amende de 149,128 millions d'euro,

[...] "

15 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la Décision, de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "). Elle a en revanche décidé de ne pas tenir compte de la communication sur la coopération en raison de la nature verticale de l'infraction.

16 En premier lieu, la Commission a déterminé le montant de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.

17 À cet égard, la Commission a, tout d'abord, considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave, eu égard à la nature de celle-ci, à ses effets concrets sur le marché et à l'étendue du marché géographique concerné.

18 Ensuite, la Commission a estimé que, puisque l'infraction unique et continue en cause concernait plusieurs entreprises de tailles extrêmement différentes, il fallait procéder à un traitement différencié des entreprises concernées afin de tenir compte du poids spécifique de chacune d'elles et, par conséquent, des effets réels de leur comportement infractionnel sur la concurrence. À cet effet, les entreprises en cause ont été réparties en trois groupes, en fonction de l'importance relative de chacune d'elles par rapport à Nintendo, en tant que distributeur des produits concernés dans l'EEE. La comparaison a été effectuée par référence à la part de chaque entreprise dans le volume total des consoles et des cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE en 1997, la dernière année au cours de laquelle l'infraction a été commise. Sur cette base, Nintendo a été placée seule dans le premier groupe tandis que John Menzies figurait seule dans le deuxième groupe. Pour ces entreprises, la Commission a fixé le montant de départ préliminaire au titre de la gravité à 23 millions d'euro dans le cas de Nintendo et de 8 millions d'euro dans le cas de John Menzies. S'agissant des autres entreprises visées, un montant de départ préliminaire de 1 million d'euro a été retenu.

19 En outre, afin d'assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif, d'une part, et de tenir compte de la taille et des ressources globales de Nintendo, de John Menzies et d'Itochu Corp., d'autre part, la Commission a augmenté ces montants de départ. S'agissant, plus précisément, de Nintendo, la Commission a estimé qu'en dehors de sa taille, nettement inférieure à celle d'Itochu, il fallait tenir compte du fait qu'elle était le fabricant des produits ayant fait l'objet de l'infraction. Compte tenu de ces éléments, la Commission a appliqué un coefficient multiplicateur de 3 aux montants déterminés pour Nintendo et pour Itochu, et de 1,25 concernant John Menzies, de sorte que les montants de départ ont été fixés à 69 millions d'euro dans le cas de Nintendo, à 10 millions d'euro dans celui de John Menzies et à 3 millions d'euro pour Itochu.

20 En ce qui concerne la durée de l'infraction commise par chaque entreprise, le montant de départ a été majoré de 10 % par an, aboutissant à une majoration de 65 % pour Nintendo et de 20 % pour John Menzies.

21 En conséquence, la Commission a fixé le montant de base de l'amende imposée à Nintendo à 113,85 millions d'euro.

22 En deuxième lieu, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l'amende infligée à Nintendo a été majoré, d'une part, de 50 % au motif que cette entreprise avait été le meneur et l'instigateur de l'infraction et, d'autre part, de 25 % parce qu'elle avait poursuivi l'infraction après les premiers actes d'investigation menés dans le cadre de l'enquête de la Commission, en juin 1995. Le montant de base de l'amende infligée à John Menzies a fait l'objet d'une augmentation de 20 % correspondant, premièrement, à une majoration de 10 % pour tenir compte du fait qu'elle avait poursuivi l'infraction après le début de l'enquête de la Commission et, deuxièmement, à une majoration de 10 % en raison de son refus de coopérer avec la Commission.

23 En troisième lieu, dans le cadre de l'examen des circonstances atténuantes, la Commission a, tout d'abord, considéré qu'il était justifié de réduire l'amende imposée à l'une des entreprises visées, à savoir Concentra - Produtos para crianças, SA, distributeur exclusif de Nintendo pour le Portugal, en raison de son rôle exclusivement passif au cours de la majeure partie de la période en cause. La Commission a, ensuite, accordé à Nintendo une réduction de 300 000 euro, pour tenir compte des compensations financières offertes par cette entreprise aux tiers lésés par l'entente litigieuse qui avaient été identifiés dans la communication des griefs. Enfin, des réductions de 40 % et de 25 % ont été respectivement accordées à John Menzies et à Nintendo eu égard à leur coopération effective avec la Commission. Les autres entreprises visées ne se sont en revanche vu reconnaître aucune circonstance atténuante.

Procédure et conclusions des parties

24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 janvier 2003, les requérantes ont introduit le présent recours.

25 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

26 Par lettre datée du 7 mai 2008, les requérantes ont indiqué qu'elles renonçaient au moyen pris d'une majoration erronée de l'amende au titre de la première année d'infraction.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est tenue le 19 mai 2008. À cette occasion, la Commission a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur la renonciation susmentionnée.

28 Lors de cette même audience, les requérantes ont distribué aux membres du Tribunal et à la défenderesse un document consistant en une version corrigée d'une annexe du mémoire en duplique. Par cette annexe, la Commission entendait mettre en évidence les coopérations respectives des entreprises concernées à son enquête. Les parties entendues, le Tribunal a décidé de verser au dossier ce document et a imparti à la Commission un délai pour formuler des observations sur ledit document. À la suite du dépôt de ces observations, la procédure orale a été close.

29 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler l'article 3 de la Décision, dans la mesure où il leur impose une amende ;

- dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, annuler ou réduire le montant de l'amende à un montant jugé approprié ;

- prendre toute autre mesure appropriée ;

- condamner la Commission aux dépens.

30 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours dans son intégralité ;

- condamner les requérantes aux dépens.

En droit

31 À l'appui de leur recours, les requérantes font valoir que la Commission a violé des formes substantielles, le traité CE et les règles relatives à son application en leur imposant une amende de près de 150 millions d'euro, soit la plus forte amende imposée pour une infraction verticale et, à la date de la Décision, la quatrième amende la plus importante jamais infligée à une entreprise individuelle pour une infraction unique. Selon les requérantes, l'amende est illégale en raison, d'une part, de son montant manifestement disproportionné et, d'autre part, des vices entachant chacune des différentes étapes de son calcul.

32 Les arguments invoqués par les requérantes, qui ont ainsi tous trait à la fixation du montant de l'amende, concernent, premièrement, la gravité de l'infraction, deuxièmement, l'application d'un coefficient multiplicateur au titre de la dissuasion, troisièmement, la durée de l'infraction, quatrièmement, la majoration de l'amende pour circonstances aggravantes et, cinquièmement, l'existence de circonstances atténuantes.

33 Avant d'aborder l'examen des moyens soulevés par les requérantes, il importe de rappeler qu'il ressort des considérants 366 à 464 de la Décision que les amendes imposées par la Commission du fait des infractions constatées à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE l'ont été en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et que la Commission, ainsi qu'elle l'a expressément confirmé, a déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices.

34 Si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l'observation de laquelle l'administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l'administration ne peut s'écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d'égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 91, et la jurisprudence citée).

1. Sur la fixation du montant de départ préliminaire de l'amende infligée aux requérantes

Arguments des parties

35 Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir fixé le point de départ de l'amende au titre de la gravité à 23 millions d'euro et soulèvent, à cet égard, deux moyens, tirés, respectivement, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut de motivation.

36 Les requérantes font, à titre principal, grief à la Commission d'avoir fixé le montant de l'amende au titre de la gravité en se fondant sur " la part de chaque partie dans le volume total des consoles et cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE ". Le recours à cet élément, qui serait sans précédent, serait arbitraire et inapproprié. En premier lieu, l'approche retenue par la Commission impliquerait que ledit montant aurait été plus élevé si Nintendo avait choisi de distribuer ses produits par l'intermédiaire de filiales détenues à 100 %, et moins élevé si elle avait choisi de distribuer ses produits par l'intermédiaire de distributeurs indépendants, alors qu'il n'y aurait aucun rapport logique entre la culpabilité relative et absolue d'une entreprise commettant une infraction et la structure qu'elle a adoptée pour la distribution de ses propres produits. En deuxième lieu, cette approche ne tiendrait aucun compte de la concurrence inter-marques ou intra-marque. À cet égard, les requérantes font observer que la fourniture de consoles et de cartouches de jeux vidéo est caractérisée par une forte concurrence inter-marques. Enfin, la position de Nintendo en tant que producteur aurait fait l'objet d'une double prise en compte dans la mesure où cette position aurait été également prise en compte au stade des circonstances aggravantes (considérant 229 de la Décision).

37 Les requérantes soutiennent, à titre subsidiaire, que la Commission n'a pas motivé, ou, à tout le moins, n'a pas suffisamment motivé, la méthodologie utilisée et le montant ainsi retenu. Elles considèrent que les explications fournies par la Commission dans son mémoire en défense ne sont pas davantage satisfaisantes dans la mesure où elles sont erronées et contraires tant au raisonnement suivi dans la Décision qu'aux lignes directrices.

38 À cet égard, en premier lieu, les requérantes estiment que, en soutenant, dans son mémoire en défense, que le montant de départ de 23 millions d'euro refléterait un seul aspect de la gravité de l'infraction, à savoir les relations entre les filiales de distribution de Nintendo et les clients, tandis que le coefficient multiplicateur tiendrait compte d'un autre aspect, c'est-à-dire du rôle des requérantes en tant que fabricant et fournisseur de leurs distributeurs indépendants, la Commission s'est écartée du raisonnement suivi dans la Décision. D'après cette dernière, le coefficient multiplicateur reflète seulement la nécessité de dissuader les entreprises de commettre des infractions, tandis que le montant de 23 millions a été imposé au titre de la gravité.

39 En tout état de cause, l'argumentation développée par la Commission dans son mémoire en défense serait erronée. Ce mémoire laisserait entendre que le montant imposé pour un aspect de l'infraction a été fondé sur le montant imposé pour un autre aspect de celle-ci, alors que des montants distincts auraient pu être calculés au titre de la gravité, pour chacun de ces aspects, à la lumière de l'ensemble des faits.

40 En deuxième lieu, la Commission se serait également écartée de ses propres lignes directrices en appliquant un coefficient au titre de la dissuasion pour ajuster la pondération des montants initiaux retenus au titre de la gravité, alors que les lignes directrices établiraient une distinction claire entre l'application de pondérations pour tenir compte de l'impact réel du comportement délictueux de chaque entreprise dans des affaires impliquant plusieurs parties et l'ajustement du montant retenu au titre de la gravité pour garantir un effet dissuasif suffisant.

41 En troisième lieu, les requérantes soulignent, en réponse à l'argument de la Commission selon lequel elles auraient bénéficié d'un rabais considérable par rapport aux amendes infligées pour des cartels, qu'une distinction fondamentale doit être opérée entre les affaires portant sur des restrictions horizontales et celles concernant des restrictions verticales, distinction confirmée par l'applicabilité de la communication sur la coopération aux seules restrictions horizontales.

42 La Commission conteste l'ensemble des arguments soulevés par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

43 Ainsi qu'il ressort de la Décision, la Commission a déterminé, en l'espèce, le montant des amendes imposées aux entreprises concernées en se fondant sur plusieurs éléments, conformément à la méthodologie exposée dans les lignes directrices.

44 En effet, la Commission a, dans un premier temps, indiqué que, tenant compte de la nature du projet commun, de ses effets sur le marché et du fait qu'il a restreint le commerce parallèle dans l'ensemble de l'EEE, les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave à l'article 81, paragraphe 1, CE, ce qui les rend passibles d'une amende d'au moins 20 millions d'euro, conformément au point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices (considérants 374 à 384 de la Décision).

45 Tenant compte du fait qu'était en cause une infraction unique et continue impliquant plusieurs entreprises de tailles très différentes, elle a, ensuite, effectué, en conformité avec le point 1 A, troisième alinéa, des lignes directrices, un traitement différencié de celles-ci (voir considérants 385 à 391 de la Décision). Pour ce faire, elle a tenu compte de la part de chaque partie dans le volume total des consoles et des cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE au cours de la dernière année d'infraction, à savoir l'année 1997 (voir considérant 386 de la Décision).

46 Sur cette base, le " montant de départ préliminaire " de l'amende établi pour Nintendo a été fixé à 23 millions d'euro (considérant 391 de la Décision). Enfin, aux fins de garantir à l'amende un effet dissuasif suffisant, la Commission a multiplié ce montant par trois, eu égard non seulement à la taille et aux ressources globales de Nintendo, mais également à sa qualité de fabricant des produits. Le montant de départ de l'amende imposée à Nintendo a donc été fixé à 69 millions d'euro (considérants 392 à 396 de la Décision).

47 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission ne s'est pas exclusivement fondée sur les chiffres correspondant à la part de chaque partie dans le volume total des ventes de consoles et de cartouches Nintendo au cours de l'année de référence.

48 Par ailleurs, pour autant que l'argumentation des requérantes doive être interprétée comme visant à critiquer le recours à ces chiffres dans le cadre du traitement différencié effectué par la Commission aux considérants 385 à 391 de la Décision, elle ne saurait davantage être retenue.

49 En effet, il importe de rappeler que le traitement différencié vise, ainsi que la Commission l'a indiqué au considérant 385 de la Décision, à tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise impliquée et, par conséquent, des effets réels de son comportement infractionnel, notamment lorsque les entreprises ayant commis des infractions de même type sont de taille très différente.

50 S'agissant d'un ensemble d'accords et de pratiques concertées de nature verticale ayant pour objet et pour effet de restreindre les exportations parallèles de consoles et de cartouches de jeux, les parts respectives détenues par les parties dans la distribution des produits en cause sont représentatives du poids spécifique de chaque entreprise dans le système de distribution litigieux. La Commission n'a donc commis aucune erreur manifeste d'appréciation en se référant auxdites parts aux fins du traitement différencié opéré dans le cadre de la détermination des montants préliminaires des amendes infligées aux entreprises concernées.

51 Contrairement à ce que prétendent les requérantes, l'approche de la Commission ne méconnaît pas le fait que la fourniture de consoles et de cartouches de jeux vidéo est caractérisée par une forte concurrence entre marques. Il importe en effet de rappeler que, ainsi que la Commission l'a souligné, la référence aux parts de marché détenues par chacune des entreprises visées dans la distribution des produits Nintendo a simplement été utilisée aux fins de définir la responsabilité relative de chacune d'elles dans l'infraction en cause. Or, ainsi que cela ressort clairement de la Décision (voir, notamment, considérant 374), le but de l'infraction était précisément de limiter la concurrence au niveau de la distribution des produits Nintendo. Partant, la circonstance que le marché des consoles et des cartouches de jeux soit davantage caractérisé par une forte concurrence entre marques que par une concurrence intra-marque, à supposer qu'elle soit établie, n'est pas un élément dont la Commission devait tenir compte aux fins de la détermination du montant de départ préliminaire spécifique de l'amende imposée aux requérantes.

52 Le fait que la Commission n'ait jusqu'alors jamais eu recours aux données contestées dans le cadre de la catégorisation d'entreprises ayant participé à une infraction unique s'explique par le fait que c'est la première fois que celle-ci a envisagé, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs confirmé dans ses écritures, une telle catégorisation dans une décision se prononçant sur des comportements de nature verticale.

53 S'agissant du grief tiré d'une violation de l'obligation de motivation, il y a lieu de rappeler qu'il ressort d'une jurisprudence constante que, en ce qui concerne la fixation d'amendes au titre de violations du droit de la concurrence, la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu'elle indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction commise, sans être tenue d'y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l'amende (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C-279-98 P, Rec. p. I-9693, points 38 à 47, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-191-98, T-212-98 à T-214-98, Rec. p. II-3275, point 1522).

54 En l'occurrence, il ressort des considérations précédentes que la Commission a suffisamment exposé les différentes étapes de détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et qu'elle a, dès lors, satisfait à son obligation de motivation.

55 En conséquence, l'ensemble des griefs dirigés à l'encontre de la fixation du montant de départ préliminaire de l'amende en fonction de la gravité doit être rejeté.

2. Sur la majoration du montant de départ préliminaire de l'amende infligée aux requérantes aux fins de garantir un effet dissuasif suffisant

56 Les requérantes contestent non seulement le fait que la Commission ait multiplié par trois le montant de départ préliminaire de l'amende au titre de la dissuasion, mais également le principe même d'une augmentation de l'amende à ce titre. À cet égard, les requérantes soulèvent deux moyens, tirés, d'une part, d'une erreur de droit manifeste, d'une violation des principes de proportionnalité et non bis in idem ainsi que des droits de la défense et d'une incohérence avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et, d'autre part, d'un défaut de motivation, d'une violation du principe d'égalité de traitement et d'une application erronée de la méthodologie exposée dans les lignes directrices.

Sur le premier moyen, tiré d'une erreur de droit manifeste, d'une violation des principes de proportionnalité et non bis in idem ainsi que des droits de la défense et d'une incohérence avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission

Arguments des parties

57 En premier lieu, les requérantes allèguent que, dans la mesure où il n'était pas nécessaire d'appliquer un facteur multiplicateur afin de garantir qu'elles respectent dans le futur le droit communautaire, la Commission a violé le principe de proportionnalité.

58 Selon elles, la Commission doit, avant d'appliquer un facteur multiplicateur aux fins d'assurer l'effet dissuasif de l'amende, examiner s'il existe un risque que, en l'absence d'une telle majoration, l'auteur de l'infraction viole de nouveau les règles de la concurrence. Or, en l'espèce, rien dans la communication des griefs ni dans la Décision ne suggérerait qu'un tel risque existe dans le cas des requérantes. Bien au contraire, la Commission aurait elle-même reconnu, tant dans la communication des griefs que dans la Décision (considérant 95), que " Nintendo [avait] aussi pris ce qui semble constituer des mesures crédibles visant à garantir à l'avenir le respect du droit communautaire ". Les requérantes rappellent, à cet égard, qu'elles ont adopté de nombreuses mesures, à savoir l'aveu volontaire et la cessation volontaire de l'infraction en décembre 1997, une coopération entière avec la Commission, le versement de compensations aux tiers, la conclusion d'accords de distribution non exclusifs avec leurs distributeurs et la mise en œuvre d'un programme mondial de mise en conformité aux règles de concurrence.

59 Quant à la distinction faite par la Commission, dans son mémoire en défense, entre la dissuasion générale et la dissuasion spécifique et l'argument selon lequel l'application du coefficient multiplicateur peut être justifiée au titre de la première, les requérantes répliquent qu'un tel argument est contraire tant aux lignes directrices qu'à la pratique antérieure de la Commission. Ainsi, dans l'affaire dite " Conduites précalorifugées " citée par la Commission, l'objectif même du coefficient aurait été d'empêcher toute récidive de la part d'ABB Asea Brown Boveri Ltd (ci-après " ABB ") [décision 1999-60-CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (IV/35.691/E-4 ? Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), considérant 168]. De surcroît, contrairement à ce que prétend la Commission, cette affaire ne constituerait pas un précédent pertinent en faveur de l'imposition d'un coefficient à une entreprise ayant adopté un programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence dans la mesure où la Commission aurait expressément mis en doute l'efficacité du programme préexistant d'ABB (décision Conduites précalorifugées, précitée, considérant 172).

60 En deuxième lieu, les requérantes font valoir qu'en appliquant pour la première fois, dans une affaire visant des restrictions de nature verticale, un facteur multiplicateur au titre de la dissuasion la Commission s'est écartée de sa pratique antérieure.

61 À cet égard, les requérantes rappellent que, pour justifier en l'espèce l'application du coefficient multiplicateur aux fins d'assurer l'effet dissuasif de l'amende, la Commission s'est fondée, d'une part, sur la taille de Nintendo et, d'autre part, sur sa qualité de fabricant. Or, dans de précédentes affaires concernant des infractions verticales, aucun facteur n'aurait été appliqué aux fabricants au titre de la dissuasion, malgré le fait que, dans chacune de ces affaires, une amende avait été infligée auxdits fabricants et que les entreprises sanctionnées étaient, à une exception près, plusieurs fois plus importantes que les requérantes. Tel aurait été le cas dans les affaires dites " Volkswagen I " et " Volkswagen II ", " Mercedes Benz " et " Opel " [respectivement, décision 98-273-CE de la Commission, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (IV/35.733 - VW) (JO L 124, p. 60) ; décision 2001-711-CE de la Commission, du 29 juin 2001, dans une procédure prévue par l'article 81 [CE] (Affaire COMP/F-2/36.693 - Volkswagen) (JO L 262, p. 14) ; décision 2002-758-CE de la Commission, du 10 octobre 2001, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP/36.264 - Mercedes-Benz) (JO 2002, L 257, p. 1), et décision 2001-146-CE de la Commission, du 20 septembre 2000, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP/36.653 - Opel) (JO 2001, L 59, p. 1)]. Par ailleurs, aucune des entreprises impliquées dans ces affaires n'aurait mis volontairement fin à son infraction ou n'aurait coopéré avec la Commission d'une quelconque manière. Certaines de ces entreprises auraient même été des récidivistes.

62 En réponse à l'allégation de la Commission selon laquelle il conviendrait d'appliquer un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion uniquement dans les affaires où plusieurs parties seraient sanctionnées, les requérantes font observer que les éléments retenus pour justifier, en l'espèce, l'application d'un tel coefficient, à savoir la taille et la qualité de fabricant de Nintendo, sont communs aux affaires impliquant une seule ou plusieurs parties. L'approche préconisée par la Commission serait donc irrationnelle et discriminatoire.

63 Quant à l'argument de la Commission selon lequel le recours à un coefficient multiplicateur au titre de la dissuasion se justifierait par la nécessité d'imposer un montant préliminaire d'amende bas afin de ne pas pénaliser les autres parties, notamment les petits distributeurs, les requérantes répliquent que, dans la Décision, aucun lien juridique ou mathématique direct entre le montant déterminé au titre de la gravité pour Nintendo et le montant fixé au titre de la gravité pour les distributeurs n'a été établi. En tout état de cause, la Commission n'aurait pas été obligée d'augmenter le montant retenu au titre de la gravité pour les petits distributeurs pour la simple et unique raison qu'elle avait fixé un montant plus élevé pour Nintendo.

64 En troisième lieu, les requérantes prétendent qu'en tenant compte, au considérant 395 de la Décision, de la qualité de Nintendo de fabricant des produits en cause pour appliquer un facteur multiplicateur au titre de la dissuasion la Commission s'est fondée sur un élément non pertinent, commettant ainsi une erreur de droit manifeste.

65 Sur ce point, l'arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission (100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 75), ne constituerait pas un précédent pertinent. En effet, la Cour ne suggérerait pas dans cet arrêt que le simple fait qu'une entreprise soit un fabricant justifie en soi une augmentation du montant de l'amende. La Cour aurait déclaré que l'élément pertinent à prendre en compte pour le calcul du montant de l'amende est le rôle joué par le fabricant dans l'infraction et non le fait qu'il s'agit d'un fabricant. En outre, le point 75 de cet arrêt, visé par la Commission, ne concernerait pas le calcul du montant de l'amende, mais la question de savoir si le fabricant avait participé à une infraction verticale avec ses distributeurs.

66 En tout état de cause, selon les requérantes, ce n'est pas parce que Nintendo est le fabricant des produits en cause qu'il serait, plus que toute autre partie, susceptible de violer ultérieurement le droit de la concurrence.

67 Les requérantes considèrent, en quatrième lieu, que la Commission a violé le principe non bis in idem en prenant en compte la qualité de Nintendo de fabricant non seulement lors de la majoration au titre de la dissuasion, mais aussi au titre de la circonstance aggravante tenant au rôle de meneur et d'instigateur de l'infraction joué par Nintendo. Elles font valoir que, dans le cas d'une infraction verticale, les rôles de fabricant et de meneur se confondent en pratique. Le fabricant occuperait une position centrale en ce qu'il désignerait les distributeurs, approuverait les conditions dans lesquelles ces derniers seraient livrés et entretiendrait des rapports commerciaux permanents avec chacun d'eux. Tout fabricant impliqué dans une infraction verticale à laquelle participeraient également ses distributeurs jouerait donc un rôle central.

68 Les requérantes estiment, en cinquième lieu, que la Commission a violé leurs droits de la défense en ne mentionnant pas, dans la communication des griefs, son intention d'appliquer un facteur multiplicateur au titre de la dissuasion. Elles font notamment observer que, dans l'affaire Conduites précalorifugées, la Commission avait spécifiquement informé ABB qu'il serait tenu compte de la nécessité de garantir à l'amende un effet dissuasif (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T-31-99, Rec. p. II-1881, points 64 et 83).

69 La Commission conteste l'ensemble des griefs soulevés par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

70 Il y a lieu de rappeler que le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE, ou de l'article 82 CE, constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d'accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire. Cette mission comporte le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 65 supra, point 105, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, point 297).

71 Il s'ensuit que la Commission a le pouvoir de décider du niveau du montant des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif lorsque des infractions d'un type déterminé sont encore relativement fréquentes, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire en matière de concurrence, en raison du profit que certaines des entreprises intéressées peuvent en tirer (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 65 supra, point 108, et Jungbunzlauer/Commission, point 70 supra, point 298). L'objectif de dissuasion ayant trait à la conduite des entreprises au sein de la Communauté ou de l'EEE, le facteur de dissuasion est évalué en prenant en compte une multitude d'éléments, et non pas la seule situation particulière de l'entreprise concernée (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C-289-04 P, Rec. p. I-5859, point 23 ; voir également, en ce sens, arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 70 supra, point 300).

72 Aussi la Commission n'est-elle nullement tenue, lorsqu'elle apprécie la nécessité de majorer le montant des amendes aux fins de leur assurer un effet dissuasif, de procéder à une évaluation de la probabilité que les entreprises en cause récidivent (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T-101-05 et T-111-05, Rec. p. II-4949, point 47).

73 En l'espèce, les requérantes ne sauraient donc prétendre que la Commission a violé le principe de proportionnalité en ce qu'elle n'était en droit de majorer le montant d'une amende aux fins d'assurer à cette dernière un effet dissuasif que dans l'éventualité où il existerait un risque que les entreprises concernées violent de nouveau les règles en matière de concurrence. Ainsi que l'a souligné la Commission, la recherche de l'effet dissuasif ne vise pas uniquement les entreprises précisément visées par la décision infligeant des amendes. Il convient également d'inciter les entreprises de taille similaire et disposant de ressources analogues à s'abstenir de participer à des infractions similaires aux règles de la concurrence.

74 Les mesures préventives prises par les requérantes, qui consistent notamment en un programme de mise en conformité au droit communautaire de la concurrence, leur coopération au cours de la procédure administrative ainsi que les compensations qu'elles ont offertes aux tiers n'affectent pas la réalité de l'infraction commise et ne doivent pas être prises en compte au stade de l'évaluation de la gravité de l'infraction. Ces circonstances peuvent, le cas échéant, être prises en compte dans le cadre de l'examen de l'existence des circonstances atténuantes.

75 S'agissant du grief pris de ce que la Commission se serait écartée de sa politique antérieure en ce qu'aucune majoration pour dissuasion n'aurait été appliquée jusqu'alors aux amendes infligées aux participants à une infraction verticale, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et des décisions concernant d'autres affaires ne revêtent qu'un caractère indicatif en ce qui concerne l'existence éventuelle d'une discrimination, étant donné qu'il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C-167-04 P, Rec. p. I-8935, points 201 et 205, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C-76-06 P, Rec. p. I-4405, point 60).

76 En outre, il importe de souligner que lesdites entreprises doivent notamment tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission peut décider d'élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé (arrêt Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 75 supra, point 61).

77 Il s'ensuit que le grief tiré d'un défaut de cohérence avec la pratique antérieure de la Commission doit être rejeté.

78 S'agissant de l'allégation selon laquelle la Commission aurait commis une erreur de droit en se référant, dans le cadre de la majoration à des fins dissuasives, au fait que Nintendo était le fabricant des produits en cause, elle ne saurait davantage être retenue.

79 En effet, s'il est vrai que la taille des entreprises est généralement un élément devant être pris en compte dans le cadre de la fixation du montant de l'amende, il ne saurait être exclu que, aux fins d'assurer à l'amende un effet dissuasif suffisant, d'autres éléments puissent être pris en compte. À cet égard, la qualité de fabricant des produits peut se rapporter dans le cas d'infractions de nature verticale, à l'instar de la taille de l'entreprise, à un élément représentatif de sa capacité effective à causer un dommage important à la concurrence. En effet, dans un tel cas, le fabricant des produits en cause, qui occupe une place centrale dans le système de distribution desdits produits, doit faire preuve d'une vigilance toute particulière et s'assurer qu'il respecte les règles de concurrence dans la conclusion des accords de distribution.

80 En conséquence, dans la fixation du montant de l'amende à un niveau qui lui assure un effet dissuasif suffisant, la Commission pouvait sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation tenir compte du fait que Nintendo occupait une place unique dans le système de distribution litigieux eu égard à sa qualité de fabricant.

81 Les requérantes ne sauraient, aux fins d'invalider cette appréciation, prétendre que le fabricant des produits en cause n'est pas plus enclin que d'autres entreprises à violer ultérieurement le droit de la concurrence. En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 72 ci-dessus, la majoration de l'amende à des fins dissuasives est sans rapport avec la probabilité que les entreprises en cause récidivent.

82 En ce qui concerne l'affirmation des requérantes selon laquelle la Commission a violé le principe non bis in idem en tenant compte de leur qualité de fabricant non seulement dans le cadre de la majoration aux fins de dissuasion, mais également au titre des circonstances aggravantes, force est tout d'abord de constater que ce principe ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce. En effet, ledit principe interdit de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 338). Or, les requérantes n'ont nullement été sanctionnées deux fois pour le même comportement.

83 En tout état de cause, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission a tenu compte, au titre des circonstances aggravantes, non de la circonstance que Nintendo était le fabricant des produits en cause, élément de nature objective, mais du fait que celle-ci avait été le meneur et l'instigateur de l'infraction, ce qui se rapporte à un élément subjectif visant à qualifier son rôle dans l'infraction en cause. Il ne peut être avancé, pour infirmer cette conclusion, que, dans le cadre d'infractions de nature verticale, le rôle de meneur est forcément exercé par le fabricant des produits en cause. En effet, rien ne permet d'exclure qu'une infraction de nature verticale soit menée par une entreprise ayant uniquement la qualité de distributeur et non de fabricant des produits visés.

84 S'agissant, enfin, du grief tiré d'une violation des droits de la défense en ce que la Commission n'aurait pas mentionné dans la communication des griefs son intention de majorer les amendes infligées aux requérantes aux fins de leur assurer un effet dissuasif suffisant, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu'elle va examiner s'il convient d'infliger des amendes aux entreprises concernées et qu'elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d'entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l'infraction supposée et le fait d'avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l'infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23-99, Rec. p. II-1705, point 199 ; voir également, en ce sens, arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 65 supra, point 21).

85 Il s'ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission par la possibilité de présenter des observations sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits reprochés. Par ailleurs, les entreprises bénéficient d'une garantie supplémentaire, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, dans la mesure où le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer ou réduire l'amende, en vertu de l'article 17 du règlement n° 17 (arrêt LR AF 1998/Commission, point 84 supra, point 200).

86 En l'occurrence, la Commission a clairement indiqué, dans la communication des griefs, les principaux éléments dont elle envisageait de tenir compte pour la fixation du montant des amendes, éléments qui visent non seulement la durée et la gravité de l'infraction (point 353 à 360 de la communication des griefs), mais également d'autres paramètres (point 361 de la communication des griefs).

87 Le fait que la Commission n'a pas mentionné la possibilité d'une application d'un coefficient multiplicateur pour garantir l'effet dissuasif des amendes imposées aux requérantes ne saurait constituer une violation des droits de la défense de ces dernières. En effet, conformément aux lignes directrices, la portée dissuasive des amendes constitue un des éléments en fonction desquels doit être établie la gravité des infractions (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219-95 P, Rec. p. I-4411, point 33, et arrêt BASF et UCB/Commission, point 72 supra, point 45). Il ne saurait être exigé de la Commission qu'elle indique de façon plus détaillée tous les éléments dont elle entend tenir compte dans la détermination du montant des amendes au stade de la communication des griefs.

88 Par conséquent, le grief pris d'une violation des droits de la défense doit également être rejeté.

89 Eu égard à tout ce qui précède, la présent moyen ne saurait prospérer.

Sur le second moyen, tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement et de l'obligation de motivation ainsi que d'une application erronée de la méthodologie exposée dans les lignes directrices

Arguments des parties

90 En premier lieu, les requérantes prétendent qu'en appliquant un facteur multiplicateur de 3 au montant préliminaire de l'amende aux fins de lui assurer un effet dissuasif la Commission a violé le principe d'égalité de traitement. En effet, le facteur multiplicateur appliqué au montant de l'amende infligée aux requérantes au titre de la dissuasion aurait dû être identique ou proche du facteur de 1,25 appliqué à John Menzies, Nintendo étant, en termes de chiffre d'affaires, plus de vingt fois plus petite qu'Itochu, mais seulement deux fois plus grande que John Menzies. En l'espèce, la majoration de l'amende infligée aux requérantes au titre de la dissuasion serait proportionnellement la même que celle imposée à Itochu et huit fois plus élevée que celle appliquée à John Menzies. En termes absolus, cette majoration serait 57 fois plus importante que l'augmentation imposée à John Menzies.

91 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que l'application d'un facteur multiplicateur au titre de l'effet dissuasif a entraîné une augmentation du montant total de l'amende qui leur a été infligée de 99,6 millions d'euro. À cet égard, elles font valoir que, en omettant d'expliquer pour quelles raisons un coefficient multiplicateur de 3 devait leur être appliqué et en quoi une telle augmentation était nécessaire, alors qu'une augmentation de 1,73 million d'euro a été jugée suffisante dans le cas de John Menzies, la Commission a failli à son obligation de motivation.

92 En réponse à l'argument de la Commission selon lequel la différence entre l'augmentation de l'amende infligée aux requérantes au titre de la dissuasion et celle imposée à John Menzies s'explique par le fait que Nintendo était le fabricant des produits en cause, les requérantes précisent que la majoration des amendes au titre de la dissuasion ne devrait pas être fondée sur la place des entreprises dans la chaîne économique, mais sur la nécessité de garantir pour l'avenir le respect du droit de la concurrence.

93 En dernier lieu, les requérantes considèrent que la Commission a méconnu les lignes directrices en appliquant un facteur multiplicateur au titre de la dissuasion dès la deuxième phase du calcul de l'amende. Selon elles, c'est uniquement par rapport au montant final de l'amende, c'est-à-dire après majoration au titre de la durée de l'infraction et des circonstances aggravantes, que la Commission doit vérifier que l'amende a un effet dissuasif suffisant.

94 La Commission conclut au rejet de l'ensemble des griefs soulevés par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

95 S'agissant, en premier lieu, de l'affirmation selon laquelle la Commission a violé le principe d'égalité de traitement en ce que le facteur multiplicateur qui lui a été appliqué aurait dû être identique à celui appliqué à John Menzies, soit un facteur de 1,25 et non de 3, il convient de rappeler que, en vertu du principe d'égalité de traitement, la Commission ne peut traiter des situations comparables de manière différente ou des situations différentes de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 453, et la jurisprudence citée).

96 Or, force est de constater que Nintendo et John Menzies sont loin de présenter des positions comparables : non seulement leurs parts dans les ventes des produits en cause (respectivement de [confidentiel] (1) % et de [confidentiel] %) sont très différentes, mais leurs positions dans le système de distribution (respectivement fabricant et distributeur exclusif de grande dimension) ne sont pas comparables. Aux fins d'assurer l'effet dissuasif des amendes, la Commission n'a, partant, pas méconnu le principe d'égalité de traitement.

97 S'agissant du grief tiré d'une violation de l'obligation de motivation, il suffit de rappeler que, eu égard aux exigences en matière de motivation des décisions rendues en matière d'amendes (voir point 53 ci-dessus) et compte tenu de ses considérants 392 à 396, la Décision n'est entachée d'aucun défaut de motivation concernant l'effet dissuasif de l'amende infligée.

98 Enfin, l'allégation selon laquelle la Commission a méconnu les lignes directrices en ce que la majoration aux fins de dissuasion aurait dû être appliquée au stade final de la détermination du montant des amendes ne saurait être davantage retenue.

99 Ce grief procède d'une lecture erronée des lignes directrices. En effet, les lignes directrices évoquent la finalité de dissuasion en leur point 1 A, selon lequel il " sera [...] nécessaire [...] de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ". Ainsi que le Tribunal a déjà eu l'occasion de le préciser, la nécessité d'assurer un tel effet constitue une exigence générale devant guider la Commission tout le long du calcul du montant de l'amende et n'appelle pas nécessairement que ce calcul soit caractérisé par une étape spécifique destinée à une évaluation globale de toutes les circonstances pertinentes aux fins de la réalisation de cette finalité (voir, en ce sens, arrêt BASF et UCB/Commission, point 72 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

100 Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les moyens dirigés à l'encontre de la détermination du montant de départ en fonction de la gravité doivent être rejetés.

3. Sur la majoration du montant de départ de l'amende au titre de la durée de l'infraction

101 Dans leur requête, les requérantes ont soulevé, à l'encontre de la majoration de l'amende au titre de la durée, deux moyens, tirés, d'une part, d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de droit et d'un défaut de motivation, en ce que la Commission aurait augmenté l'amende de 10 % pour chaque année de participation à l'infraction, et, d'autre part, d'une erreur de droit en raison de la majoration de l'amende pour la première année de participation à l'infraction.

102 Les requérantes ayant déclaré renoncer au second moyen (voir point 26 ci-dessus), il ne sera procédé ci-après qu'à l'examen du premier moyen.

Arguments des parties

103 En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en appliquant la majoration maximale de 10 % pour chaque année complète de participation à l'infraction, soit une majoration totale de 65 %.

104 Selon les requérantes, une telle approche n'aurait été appropriée que si la gravité de l'infraction avait été la même pour chaque année. Or, tel n'aurait pas été le cas en l'espèce. En effet, d'après la Décision, l'intensité, l'effet et l'étendue géographique de l'infraction auraient évolué au cours du temps. Ainsi, l'infraction aurait été moins grave au cours de la période de quatre ans et trois mois se situant entre janvier 1991 et mars 1995 qu'elle ne l'a été au cours de la période de deux ans et huit mois allant d'avril 1995 à décembre 1997. Par ailleurs, la Commission n'aurait pas tenu compte de la demande formulée en ce sens par les requérantes dans la réponse à la communication des griefs.

105 Les requérantes soutiennent également qu'en appliquant la majoration maximale de 10 % pour chaque année complète de participation à l'infraction la Commission s'est écartée de la pratique qu'elle suivait jusqu'alors s'agissant de la détermination des amendes pour les infractions verticales de longue durée, pratique dont il ressort qu'une telle majoration n'a été appliquée qu'au cours des années durant lesquelles l'infraction a été la plus grave. À titre d'exemple, dans l'affaire Volkswagen I, la Commission aurait appliqué l'augmentation maximale de 10 % uniquement pour les quatre années au cours desquelles l'infraction était la plus intense, alors même que l'infraction, d'une durée totale de dix ans, avait affecté le commerce parallèle pendant toute cette période.

106 En deuxième lieu, la Commission n'aurait pas motivé, ou n'aurait pas motivé à suffisance de droit, l'écart ainsi opéré par rapport à sa politique et à sa pratique antérieure.

107 En troisième lieu, en réponse à l'explication de la Commission selon laquelle l'augmentation maximale de 10 % était justifiée par la nature très grave de l'infraction à tous les stades de sa mise en œuvre, les requérantes soulignent qu'en vertu des lignes directrices la nature très grave d'une infraction doit être prise en considération uniquement au moment de fixer le montant initial au titre de la gravité (point 1 A des lignes directrices).

108 Enfin, quant à l'argumentation de la Commission selon laquelle une majoration maximale au titre de la durée était nécessaire pour compenser le montant relativement faible retenu au titre de la gravité, les requérantes répliquent qu'un tel raisonnement est contraire aux lignes directrices et impliquent une triple prise en compte de la gravité résultant, premièrement, de la fixation du montant de départ de 23 millions d'euro au titre de la gravité, deuxièmement, de l'application d'un coefficient multiplicateur au titre de la dissuasion, mais qui, selon la Commission, concernerait également la gravité, et, troisièmement, de l'application de cette augmentation maximale de 10 % au titre de la durée pour compenser le montant trop bas retenu initialement.

109 La Commission conteste le bien-fondé de l'ensemble de ces arguments.

Appréciation du Tribunal

110 Conformément au point 1 B des lignes directrices, la Commission a la possibilité, en ce qui concerne les infractions de longue durée (au-delà de cinq ans), de majorer le montant retenu pour la gravité de l'infraction d'un taux pouvant aller jusqu'à 10 % par année d'infraction.

111 En l'espèce, la Commission a constaté, au considérant 397 de la Décision, que les requérantes avaient participé à l'infraction pendant une durée de six ans et onze mois, soit une longue durée au sens des lignes directrices, et a majoré l'amende en raison de sa durée de 65 %. Ce faisant, la Commission a respecté les règles qu'elle s'est imposées dans les lignes directrices. De plus, cette augmentation de 65 % eu égard à la durée de l'infraction n'est, en l'espèce, pas inappropriée.

112 Le simple fait que la Commission se soit réservée une possibilité de majoration par année d'infraction allant jusqu'à 10 % ne l'oblige nullement à fixer ce taux en fonction de l'intensité de l'infraction ou encore des différents degrés d'implication de chacun des contrevenants.

113 En conséquence, l'allégation selon laquelle, l'infraction reprochée ayant été d'une intensité et d'une gravité très variables, la Commission était tenue de retenir un taux de majoration bien moindre, à tout le moins pour une partie de la période retenue, ne saurait être retenue. En effet, la majoration de l'amende en fonction de la durée n'est pas limitée à l'hypothèse où il existerait une relation directe entre la durée et un préjudice accru causé aux objectifs communautaires visés par les règles de concurrence (arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202-98, T-204-98 et T-207-98, Rec. p. II-2035, point 106, et du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 278).

114 Contrairement à ce qu'avancent les requérantes, la Commission n'a nullement indiqué dans sa défense qu'une majoration maximale de l'amende au titre de la durée était nécessaire pour compenser le montant relativement faible retenu au titre de la gravité, mais seulement qu'elle avait tenu compte des variations d'intensité de l'infraction dans la fixation du montant de départ de l'amende au titre de la gravité.

115 Quant à la référence effectuée par les requérantes aux décisions prises antérieurement par la Commission, notamment dans l'affaire Volkswagen I, il convient de rappeler qu'une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (voir la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus).

116 Dans de telles circonstances, il n'incombait pas à la Commission d'expliquer pourquoi le taux de majoration au titre de la durée de l'infraction appliqué en l'espèce était différent de celui décidé dans ses décisions antérieures. La Commission n'a, à cet égard, pas failli à l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l'article 253 CE.

117 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le moyen visant la majoration du montant de l'amende au titre de la durée doit être rejeté comme non fondé.

4. Sur l'augmentation, au titre des circonstances aggravantes, du montant de base de l'amende infligée aux requérantes

Sur la prise en compte du rôle de meneur et d'instigateur de l'entente

118 Les requérantes contestent le rôle de meneur et d'instigateur de l'infraction que leur a attribué la Commission. Elles soulèvent, à ce titre, deux moyens, tirés, premièrement, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit et, deuxièmement, d'une incohérence avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ainsi que d'une violation du principe de non-discrimination et de l'obligation de motivation.

Sur le premier moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit dans l'attribution aux requérantes d'un rôle de meneur et d'instigateur de l'infraction

- Arguments des parties

119 Les requérantes allèguent que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation ainsi qu'une erreur de droit en concluant que le rôle qu'elles ont joué dans l'infraction constituait une circonstance aggravante et en majorant en conséquence le montant de l'amende.

120 À cet égard, elles rappellent, tout d'abord, que, dans le cadre d'infractions verticales, les rôles de fabricant et de meneur se confondent en pratique. Les requérantes précisent, ensuite, que, pour que le rôle joué par une entreprise constitue une circonstance aggravante, il est nécessaire qu'il rende l'infraction, ou la participation de l'entreprise à cette infraction, plus grave qu'elle ne l'aurait été sans son intervention en qualité de meneur.

121 En l'espèce, rien dans la Décision n'indiquerait que le rôle joué par Nintendo, d'une part, est allé au-delà du rôle qu'elle assume en sa qualité de fabricant et, d'autre part, a aggravé l'infraction.

122 Plus précisément, les faits attestant du rôle de Nintendo en tant que meneur et instigateur de l'entente, tels qu'exposés aux considérants 228 à 238 de la Décision, feraient référence à trois types de comportement, à savoir le " contrôle ", la " mise en œuvre " et le " respect " de l'infraction. Le " contrôle " concernerait le contrôle du commerce parallèle, tandis que le " respect " viserait le fait que NOE a, à l'occasion, cherché l'appui d'autres sociétés du groupe Nintendo. Or, aucune de ces catégories de comportement n'aggraverait l'infraction ou le rôle joué par Nintendo dans celle-ci. S'agissant de la " mise en œuvre " de l'infraction, les faits mentionnés au considérant 237 de la Décision, qui y sont relatifs, démontreraient que Nintendo était fortement influencée par ses distributeurs indépendants. Ces faits s'analyseraient donc comme une réaction, au moins en partie, aux demandes d'actions émanant des distributeurs et non comme un " cas extrême d'organisation et de mise en œuvre d'une infraction ", ainsi que le prétend la Commission dans son mémoire en défense.

123 Enfin, dans leur mémoire en réplique, les requérantes soulignent que la Commission a fait référence à sa pratique décisionnelle dans les affaires visant des ententes horizontales. Ce faisant, la Commission admettrait que les requérantes doivent être traitées comme si elles avaient participé à un cartel, alors même qu'elle leur a refusé le bénéfice de la communication sur la coopération.

124 La Commission conteste l'ensemble des arguments des requérantes.

- Appréciation du Tribunal

125 Il importe de souligner, à titre liminaire, que la prise en considération du rôle de chef de file est conforme à la jurisprudence et aux lignes directrices.

126 S'agissant de la jurisprudence, il a été jugé que, lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d'examiner la gravité relative de la participation de chacune d'elles (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 623), ce qui implique, en particulier, d'établir leurs rôles respectifs dans l'infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 150). Il en résulte, notamment, que le rôle de " chef de file " joué par une ou plusieurs entreprises dans le cadre d'une entente doit être pris en compte aux fins du calcul du montant de l'amende, dans la mesure où les entreprises ayant joué un tel rôle doivent, de ce fait, porter une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, points 57 et 58, et du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C-298-98 P, Rec. p. I-10157, point 45 ; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347-94, Rec. p. II-1751, point 291).

127 Quant aux lignes directrices, elles prévoient, en leur point 2, au titre des circonstances aggravantes, une liste non exhaustive de circonstances pouvant conduire à une augmentation du montant de base de l'amende comprenant, notamment, le " rôle de meneur ou d'incitateur de l'infraction ".

128 En l'occurrence, il importe de relever que la Commission a fait référence à un certain nombre d'éléments pour conclure que Nintendo avait été le meneur et l'instigateur de l'infraction en cause (voir considérants 228 à 238 et 406 de la Décision). La Commission a, en effet, exposé que Nintendo contrôlait, mettait en œuvre et s'assurait du respect d'un certain nombre de mesures visant à limiter le commerce parallèle.

129 Force est de constater que la Commission n'a pas commis d'erreurs en considérant que ces éléments de fait, dont l'existence n'a pas été contestée par les requérantes, indiquaient que Nintendo avait été le meneur et l'instigateur de l'infraction.

130 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n'est pas exigé, pour qualifier une entreprise de " meneur " et pour majorer le montant de l'amende qui lui a été infligée, de prouver qu'en l'absence du rôle joué par ladite entreprise l'infraction commise aurait été moins grave. En effet, un tel argument procède d'une confusion entre l'appréciation de la gravité de l'infraction dans l'absolu et l'examen de la gravité relative de la participation de chacune des entreprises concernées au titre de l'examen des circonstances aggravantes et atténuantes.

131 De même, les requérantes ne sauraient davantage prétendre qu'un tel rôle de meneur ou d'instigateur de l'infraction ne peut être constaté que dans le cadre d'ententes horizontales et non dans le cadre d'ententes verticales telles que celle visée en l'espèce. En effet, le fait que, s'agissant de telles restrictions, ce rôle se confond généralement avec celui du fabricant n'exclut pas que peut être prise en compte, aux fins du calcul du montant de l'amende, une telle circonstance aggravante.

132 S'agissant enfin de l'argument tiré de l'incompatibilité de la conclusion selon laquelle Nintendo a été le meneur de l'entente avec le refus de la Commission d'appliquer la communication sur la coopération, force est de constater que les requérantes n'ont pas indiqué en quoi il existerait, dans le cadre du calcul du montant des amendes, un lien entre l'application de cette communication et l'appréciation de l'existence de circonstances aggravantes à l'égard des entreprises.

133 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

Sur le second moyen, tiré d'une incohérence avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et d'une violation du principe de non-discrimination ainsi que de l'obligation de motivation

- Arguments des parties

134 Les requérantes font valoir qu'en appliquant une majoration de 50 % de l'amende compte tenu du rôle de Nintendo en tant que meneur et instigateur de l'infraction la Commission s'est écartée de sa pratique antérieure en matière d'infractions verticales. Cet écart serait à ce point substantiel qu'il constituerait une violation du principe de non-discrimination. En effet, le rôle de Nintendo n'aurait pas été plus important que le rôle des fabricants en cause dans les affaires antérieures en matière d'accords verticaux, affaires dans lesquelles des majorations bien moins élevées auraient été imposées pour circonstances aggravantes, telle la majoration de 20 % appliquée dans les affaires Volkswagen I et II.

135 De surcroît, la Commission n'aurait pas justifié, ou n'aurait pas justifié à suffisance de droit, un tel écart par rapport à sa politique et à sa pratique antérieure.

136 La Commission réfute l'ensemble des arguments soulevés par les requérantes.

- Appréciation du Tribunal

137 S'agissant du grief tiré de ce que la Commission se serait écartée de sa pratique antérieure en matière d'infractions verticales, il suffit de rappeler qu'une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (voir la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus). Il s'ensuit que le grief tiré d'une violation du principe de non-discrimination, qui se fonde sur la différence entre la majoration retenue en l'espèce et celles appliquées dans d'autres affaires, doit également être rejeté.

138 De même, dans de telles circonstances, il n'incombait pas à la Commission d'expliquer pourquoi le montant de la majoration appliqué en l'espèce était différent de celui retenu dans ses décisions antérieures. En tout état de cause, la Décision (voir considérants 228 à 238 et 406) indique clairement les éléments dont la Commission a tenu compte et répond ainsi aux exigences en matière de motivation telles qu'elles ressortent de la jurisprudence (voir point 53 ci-dessus). La Commission n'a ainsi pas failli à l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l'article 253 CE.

139 Partant, il convient de rejeter le présent moyen.

Sur la majoration du montant de l'amende infligée aux requérantes pour poursuite de l'infraction

140 À titre surabondant, les requérantes font observer que la Commission n'a jamais imposé un pourcentage aussi élevé (25 %) ni une sanction financière aussi importante (28,5 millions d'euro) au titre des circonstances aggravantes pour poursuite de l'infraction. Une telle majoration serait manifestement excessive, en comparaison notamment avec le montant de départ de 23 millions d'euro retenu au titre de la gravité de l'infraction.

141 La Commission rejette l'ensemble de ces allégations.

142 Le Tribunal rappelle que la Commission est en droit de tenir compte du fait qu'une entreprise a poursuivi une infraction après le début de l'enquête en tant que circonstance aggravante, étant donné qu'un tel comportement témoigne de la détermination particulière des participants à l'entente de continuer leur infraction en dépit du risque de se voir imposer une sanction (arrêt LR AF 1998/Commission, point 84 supra, point 369).

143 En l'espèce, les requérantes ne contestent pas le principe même d'une telle majoration, mais le taux de cette majoration.

144 La majoration de l'amende infligée à Nintendo de 25 % au titre de la poursuite de l'infraction apparaît justifiée par les circonstances de l'espèce. En effet, il ressort des faits exposés par la Commission dans la Décision, dont la matérialité n'est nullement contestée, que NOE et NCL ont poursuivi leur comportement illicite après avoir eu connaissance de l'enquête de la Commission. Les faits évoqués au considérant 410 de la Décision démontrent par ailleurs la détermination toute particulière de NOE et NCL à poursuivre l'infraction au cours des années 1996 et 1997, soit pendant une durée de près de deux ans après leur connaissance de l'enquête, laquelle date au plus tard de juin 1995.

145 Dans ces circonstances, la Commission était en droit de reprocher aux requérantes, en tant que circonstance aggravante, cette poursuite de l'infraction et, en conséquence, de majorer de 25 % le montant de l'amende qui leur a été infligée.

146 Partant, le présent moyen doit être rejeté.

5. Sur la réduction du montant de l'amende accordée aux requérantes au titre des circonstances atténuantes

147 Les requérantes soutiennent que leur coopération et l'ensemble des circonstances atténuantes méritaient une réduction de l'amende considérablement plus élevée que la réduction de 25 % qui leur a été accordée. En effet, il existerait différents éléments sur la base desquels une réduction plus substantielle aurait pu être accordée, à savoir l'application, au cas d'espèce, de la communication sur la coopération, l'égalité de traitement avec John Menzies, une juste qualification de la coopération offerte par les requérantes et la prise en compte des compensations versées aux tiers et du programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence adopté par les requérantes.

Sur le premier moyen, tiré d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en raison du refus par la Commission d'appliquer la communication sur la coopération

Arguments des parties

148 Les requérantes font valoir que, en refusant d'appliquer la communication sur la coopération et en les privant, de ce fait, de la possibilité de bénéficier de la réduction maximale de 50 % prévue au point D de cette communication, la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation.

149 Les requérantes soutiennent qu'elles ont volontairement reconnu l'infraction et totalement coopéré avec la Commission à partir du 23 décembre 1997. Nintendo aurait été ainsi la première entreprise à faire un aveu volontaire et, partant, la première à coopérer avec la Commission. À la connaissance des requérantes, il n'existerait pas d'autre cas de coopération aussi substantielle et spontanée que celle qu'elles ont fournie en l'espèce.

150 En ce qui concerne, plus précisément, le refus de la Commission d'appliquer la communication sur la coopération au motif que la présente affaire vise une infraction verticale et non une entente secrète, les requérantes font valoir qu'un tel refus est incompatible avec le fait que l'infraction en cause a été traitée comme une telle entente secrète au regard de la sanction. Selon les requérantes, la Commission ne saurait tout à la fois soutenir que l'importance de l'amende était justifiée au motif que l'infraction était comparable à une entente horizontale et nier qu'il s'agit d'une telle entente dans le cadre de l'examen des circonstances atténuantes. Par ailleurs, tout comportement donnant droit à une réduction de l'amende, d'après la communication sur la coopération, devrait être considéré comme une " circonstance atténuante " au sens des lignes directrices. Dès lors, la Commission serait tenue, lorsqu'elle envisage d'infliger une amende, de tenir compte de l'ensemble des circonstances atténuantes et, notamment, de celles mentionnées dans ladite communication.

151 À cet égard, les requérantes prétendent qu'elles relèvent, à tout le moins, des dispositions du point D, paragraphe 2, premier et deuxième tirets, de la communication sur la coopération, qui prévoient une réduction de 10 à 50 % de l'amende si, d'une part, avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise et si, d'autre part, après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels celle-ci fonde ses accusations.

152 En effet, la documentation fournie volontairement par les requérantes avant la communication des griefs représenterait 74 % des documents sur lesquels se serait fondée la Commission dans la communication des griefs et 84 % des documents sur lesquels la Commission se serait appuyée dans la Décision. La Commission l'aurait d'ailleurs reconnu au point 216 de la communication des griefs. De plus, les requérantes auraient accepté non seulement les faits établis par la Commission dans la communication des griefs, mais également les conclusions qu'elle en a tirées.

153 Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les requérantes estiment qu'elles auraient dû bénéficier de la réduction maximale de 50 % prévue au point D de la communication sur la coopération. Cela serait d'ailleurs conforme à la pratique de la Commission, consistant à accorder des réductions d'amende substantielles, comprises entre 30 et 50 %, à des entreprises dont la coopération aurait été manifestement moins complète et moins extensive que celle fournie par les requérantes.

154 Elles se réfèrent notamment à l'affaire dite " Nathan Bricolux " [décision 2001-135-CE de la Commission, du 5 juillet 2000, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP.F.1. 36.516 - Nathan-Bricolux) (JO 2001, L 54, p. 1), considérant 134], dans laquelle la Commission aurait accordé une réduction de 40 % au titre d'une coopération qui n'était pas allée jusqu'à la production volontaire de preuves documentaires. Elles mentionnent également l'affaire Conduites précalorifugées, dans laquelle la Cour aurait octroyé à ABB une réduction de 30 % pour avoir fourni à la Commission des informations sur l'origine de l'entente, l'ayant aidée à l'établissement des faits relatifs à l'infraction, et une réduction distincte pour ne pas avoir contesté les faits après l'envoi de la communication des griefs.

155 Enfin, selon les requérantes, l'argument de la Commission selon lequel les preuves auraient une valeur réduite en l'absence de coopération rapide ne saurait être accueilli. En effet, les requérantes auraient déjà été sanctionnées par une augmentation de 25 % au titre des circonstances aggravantes pour poursuite de l'infraction, de sorte qu'une faible réduction de l'amende en raison d'une coopération tardive aboutirait à une double prise en compte en violation du principe non bis in idem. En tout état de cause, la réduction au titre de la coopération ne dépendrait pas de l'ordre chronologique dans lequel les preuves sont présentées [voir, en ce sens, décision 2001-418-CE de la Commission, du 7 juin 2000, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/36.545/F3 ? Acides aminés) (JO 2001, L 152, p. 24), et décision 2002-742-CE de la Commission, du 5 décembre 2001, relative à une procédure au titre de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-1/36.604 - Acide citrique) (JO 2002, L 239, p. 18)].

156 La Commission conteste l'ensemble des griefs soulevés par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

157 En premier lieu, il y a lieu d'écarter l'application en l'espèce de la communication sur la coopération. Il ressort en effet clairement de cette communication, dont le but est d'encourager les entreprises à révéler l'existence d'ententes particulièrement difficile à détecter, qu'elle n'est applicable que dans les cas où sont visées des infractions de nature horizontale, tels les cartels. Cette communication vise, en son point A, paragraphe 1, premier alinéa, le cas des " ententes secrètes pour fixer des prix, des quotas de production ou de vente, se partager les marchés ou interdire les importations ou les exportations ".

158 Pour autant que les arguments des requérantes doivent être compris comme une demande visant à revendiquer un droit à une application par analogie de ladite communication dans la mesure où l'infraction visée en l'espèce aurait été traitée comme un cartel du point de vue de la sanction, ils ne sauraient davantage prospérer. En effet, ainsi que le souligne la Commission, il n'existe pas de lien entre la qualification de l'infraction en cause de très grave et l'appréciation de la coopération qui a été fournie au cours de la procédure administrative. De même, il ne saurait être soutenu que la Commission avait l'obligation d'accorder une réduction plus importante de l'amende dans la mesure où elle a conclu à l'existence d'une circonstance aggravante pour poursuite de l'infraction.

159 Partant, les requérantes ne peuvent se prévaloir de la communication sur la coopération ni des règles qu'elle consacre pour revendiquer un droit à obtenir une réduction plus importante de l'amende au titre de leur coopération.

160 En second lieu, s'agissant de l'appréciation de l'ampleur de la coopération fournie par les requérantes, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une réduction de l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative trouve son fondement dans la considération selon laquelle une telle coopération facilite la tâche de la Commission de constater une infraction (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T-311-94, Rec. p. II-1129, point 325, et Finnboard/Commission, T-338-94, Rec. p. II-1617, point 363). Dès lors, pour justifier la réduction du montant d'une amende au titre de la coopération, le comportement d'une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, point 499, et la jurisprudence citée).

161 Si la Commission ne saurait, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d'une entente, méconnaître le principe d'égalité de traitement, question qui sera examinée par la suite, elle bénéficie d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par les différents membres d'une entente (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, point 88). Partant, seule une erreur manifeste d'appréciation est susceptible d'être censurée.

162 En l'occurrence, rien ne permet de conclure que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en accordant aux requérantes une réduction du montant de l'amende pour coopération de l'ordre de 25 %. En particulier, et ce à l'instar des hypothèses dans lesquelles la communication sur la coopération est d'application, le fait qu'une coopération aille au-delà de la non-contestation de la matérialité des faits n'est pas déterminant, dans la mesure où la Commission dispose d'une large marge d'appréciation pour apprécier le niveau de réduction de l'amende qu'elle entend accorder à ce titre.

163 Il reste toutefois à examiner si la Commission n'a pas méconnu le principe d'égalité de traitement en accordant à John Menzies une réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée bien supérieure à la réduction accordée aux requérantes.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement et de l'obligation de motivation

Arguments des parties

164 Les requérantes allèguent, tout d'abord, que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement en leur accordant une réduction de 25 % au titre de la coopération contre 40 % pour John Menzies, alors même que leur coopération volontaire était antérieure à celle de John Menzies et considérablement plus étendue que celle de cette dernière.

165 En réponse à l'argument de la Commission selon lequel la lettre du 23 décembre 1997 ne serait qu'une offre de coopération, les requérantes précisent que, tant dans la communication des griefs (point 217) que dans la Décision (considérant 458), la Commission affirme que Nintendo a reconnu l'infraction en décembre 1997. En toute hypothèse, une partie ne devrait pas être la première à fournir des preuves pour avoir droit à une réduction de 50 % au regard du point D, paragraphe 2, deuxième tiret, de la communication sur la coopération. Le pourcentage de réduction dépendrait en réalité de la valeur des preuves fournies. À cet égard, les requérantes joignent à leur mémoire en réplique les preuves fournies à la Commission, preuves qui, à elles seules, justifieraient une réduction d'au moins 50 %.

166 Les requérantes estiment en outre que la différence de traitement par rapport à John Menzies n'a pas été correctement motivée dans la Décision.

167 La Commission fait observer, s'agissant de l'argument des requérantes selon lequel leur contribution aurait été antérieure à celle de John Menzies, qu'il s'appuie exclusivement sur la lettre du 23 décembre 1997 qu'elles ont adressé à la Commission. Or, cette lettre ne constituerait qu'une offre de coopération, laquelle se serait concrétisée ultérieurement, plus précisément, le 21 janvier 1998, soit, après celle de John Menzies, le 13 janvier 1998. En effet, cette lettre ne contiendrait ni reniement des déclarations écrites antérieures ni reconnaissance de l'infraction. Les requérantes y reconnaîtraient certes quelque chose, mais sans indiquer ce dont il pourrait s'agir et qui pourrait permettre à la Commission de se fonder sur cette seule lettre comme preuve de l'implication des requérantes dans l'infraction.

168 Quant au grief relatif à un défaut de motivation, celui-ci serait non fondé dans la mesure où la Décision préciserait les raisons pour lesquelles une réduction moins importante a été accordée aux requérantes, à savoir la contribution plus rapide de John Menzies et la valeur moins probante des communications des requérantes en date du 21 janvier 1998 (considérants 455 à 460 de la Décision).

Appréciation du Tribunal

169 Il résulte du point 3, sixième tiret, des lignes directrices, disposition applicable en l'espèce, que le montant de base de l'amende infligée à une entreprise peut être diminué lorsque celle-ci a effectivement collaboré à la procédure en dehors du champ d'application de la communication sur la coopération.

170 Il résulte de la jurisprudence que la Commission ne saurait, dans le cadre de l'appréciation de la coopération fournie par des entreprises au cours de la procédure administrative engagée pour entente prohibée, méconnaître le principe d'égalité de traitement, principe général du droit communautaire, qui, selon une jurisprudence constante, est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir la jurisprudence citée au point 95 ci-dessus).

171 L'appréciation du degré de la coopération fournie par des entreprises ne saurait dépendre de facteurs purement hasardeux. Une différence de traitement des entreprises en cause doit donc être imputable à des degrés de coopération non comparables, notamment dans la mesure où ils ont consisté en la fourniture d'informations différentes ou en la fourniture de ces informations à des stades différents de la procédure administrative, ou dans des circonstances non analogues (voir arrêt Groupe Danone/Commission, point 95 supra, point 454, et la jurisprudence citée).

172 Aussi, pour autant que des entreprises fournissent à la Commission, au même stade de la procédure administrative et dans des circonstances analogues, des informations semblables concernant les faits qui leur sont reprochés, les degrés de la coopération qu'elles fournissent doivent être considérés comme comparables, avec la conséquence que ces entreprises doivent être traitées de manière égale s'agissant de la détermination du montant de l'amende qui leur est infligée (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 160 supra, points 501 et 573, et la jurisprudence citée).

173 En l'occurrence, la Commission a indiqué, s'agissant de l'ampleur de la coopération de John Menzies à l'enquête, ce qui suit :

- la déclaration de John Menzies du 13 janvier 1998 a été faite spontanément (considérant 455 de la Décision) ;

- cette déclaration a beaucoup contribué à l'établissement de la preuve d'une coopération étendue entre John Menzies et Nintendo en vue de juguler les exportations parallèles (considérant 456, première phrase, de la Décision) ;

- cette déclaration comprenait des informations sur les démarches dont John Menzies avait fait l'objet afin de réaliser des ventes passives à l'exportation (considérant 456, deuxième phrase, de la Décision).

174 S'agissant, en revanche, de la coopération offerte par Nintendo, la Commission a relevé que :

- Nintendo avait reconnu les faits le 23 décembre 1997 (considérant 94 et considérant 458, première phrase, de la Décision) ;

- Nintendo avait spontanément communiqué à la Commission après John Menzies un grand nombre de documents, les 21 janvier, 1er avril et 15 mai 1998, qui avaient " contribué " à établir la preuve de l'infraction et à améliorer la connaissance que la Commission avait des faits à partir de sa propre enquête et des documents remis par John Menzies (considérant 458, première et deuxième phrases, de la Décision) ;

- ces documents avaient également " servi " à établir la participation de plusieurs entreprises ainsi que la portée géographique de l'infraction (considérant 458, troisième phrase, de la Décision).

175 Il résulte de ces constatations que la Commission a clairement exposé les éléments dont elle a tenu compte dans la réduction des amendes au titre de la coopération des entreprises et que l'obligation de motivation a été respectée s'agissant de l'application de cette circonstance atténuante.

176 S'agissant du respect du principe d'égalité de traitement, afin de conclure à l'existence d'une différence significative entre les degrés de coopération qu'ont respectivement fournie des entreprises, il y a lieu de comparer la coopération fournie tant du point de vue chronologique, ce qui implique dans un premier temps un examen du stade auquel la coopération a été fournie, que qualitatif, ce qui conduit dans un second temps à comparer les conditions dans lesquelles les entreprises ont coopéré et la valeur intrinsèque des informations communiquées par chacune d'elles au titre de cette coopération (voir point 172 ci-dessus).

177 Or, s'agissant, tout d'abord, des stades de la procédure administrative auxquels les entreprises en cause ont coopéré, il n'est pas contesté en l'espèce que la coopération effective de John Menzies est légèrement antérieure à celle des requérantes. En effet, la coopération spontanée de John Menzies est matérialisée par sa déclaration du 13 janvier 1998, alors que celle des requérantes a débuté le 21 janvier 1998. Toutefois, le fait que les requérantes ont effectivement commencé à coopérer avec la Commission huit jours après John Menzies ne justifie pas à lui seul que la réduction de l'amende au titre de la coopération accordée à John Menzies soit plus importante que celle dont Nintendo a bénéficié.

178 Il faut à cet égard rappeler que, pour être considérées comme comparables, les coopérations des entreprises ne doivent pas nécessairement intervenir le même jour, mais au même stade de la procédure.

179 Or, il ne ressort ni de la Décision ni du dossier que la date où John Menzies a coopéré et celle où la Commission a reçu les informations de Nintendo correspondent à des stades différents de l'enquête de la Commission. La Commission a d'ailleurs confirmé lors de l'audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, que les informations portant sur l'existence de l'entente fournies par Nintendo avaient été communiquées au même stade de la procédure administrative que celles fournies par John Menzies.

180 Il résulte de ce qui précède que l'argument de la Commission selon lequel les informations et les documents transmis par Nintendo ont été de moindre valeur que ceux transmis par John Menzies dans la mesure où ils ont été communiqués plus tardivement ne peut être retenu. En conséquence, aucun élément d'ordre chronologique ne pouvait être considéré comme ayant été déterminant aux fins de l'appréciation comparative de la valeur de la coopération (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone, point 95 supra, point 467).

181 S'agissant, ensuite, des conditions dans lesquelles les entreprises en cause ont coopéré avec la Commission, il ressort clairement de la Décision que Nintendo comme John Menzies ont communiqué de façon spontanée les documents ayant servi à établir l'existence et la portée géographique de l'infraction.

182 S'agissant, enfin, du contenu des informations fournies respectivement par John Menzies et par Nintendo, il y a lieu de relever que, selon la Commission, la lettre du 4 avril 1996 adressée par NOE à John Menzies ainsi que la réponse de cette dernière du 11 avril 1996 " ont beaucoup contribué à l'établissement de la preuve d'une coopération étendue [...] en vue de juguler les exportations parallèles " (voir considérant 456 de la Décision). Or, il ressort du dossier, en particulier du document déposé par les requérantes lors de l'audience, sur lequel la Commission a eu l'occasion de formuler des observations (voir point 28 ci-dessus), que ces deux lettres, évoquées aux considérants 127 à 131 de la Décision, ont été produites spontanément non seulement par John Menzies, mais également par Nintendo.

183 La coopération de Nintendo à la procédure engagée par la Commission doit donc être considérée comme ayant été comparable à celle fournie par John Menzies. Nintendo aurait donc dû bénéficier à ce titre du même niveau de réduction d'amende que celui accordé à John Menzies, à savoir 40 %, dès lors que ces deux entreprises ont produit les documents pertinents au même stade de la procédure.

184 S'agissant en outre de la question de savoir si les requérantes devaient, ainsi qu'elles le font valoir, bénéficier d'un taux de réduction d'amende supérieur à 40 %, il doit être constaté, ainsi que la Commission l'a indiqué au considérant 458 de la Décision, que les autres documents fournis spontanément par les requérantes les 21 janvier, 1er avril et 15 mai 1998 avaient non seulement contribué à améliorer la connaissance qu'elle avait des faits à partir de sa propre enquête, mais " également servi à établir la participation de plusieurs parties ainsi que la portée géographique de l'infraction ".

185 Il ressort en particulier du document déposé par les requérantes lors de l'audience, sur lequel la Commission a eu l'occasion de formuler des observations, qu'un certain nombre de constatations reprises dans la Décision, aux considérants 103 à 108, 110, 116 à 119, 122 à 125, 127 à 130, 132, 133, 136, 138 à 150, 152 à 157, 160, 164 et 167 (relatifs aux événements constatés au Royaume-Uni et en Irlande) ; aux considérants 170 à 181 (relatifs aux événements constatés en Espagne) ; aux considérants 182, 184 et 185 (relatifs aux événements aux Pays-Bas) ; aux considérants 187 à 189 (relatifs aux événements en France) ; aux considérants 190 à 197 (relatifs aux événements en Belgique et au Luxembourg) ; aux considérants 199 à 201 (relatifs au événements en Allemagne) ; aux considérants 204 et 206 à 209 (relatifs aux événements en Grèce) ; aux considérants 210, 211 et 213 (relatifs aux événements au Portugal) ; aux considérants 214 à 215 et 217 à 219 (relatifs aux événements en Italie) et aux considérants 223, 224, 226 et 227 (relatifs aux événements au Danemark, en Norvège, en Suède, en Finlande et en Islande), reposent sur les informations fournies par Nintendo. À cet égard, il importe également de constater que Nintendo, en sa qualité de partie à l'ensemble des accords de distribution litigieux, a été en mesure de fournir des informations précises sur les termes et la mise en œuvre de ceux-ci.

186 Toutefois, il y a lieu de considérer que, en dépit du volume considérable des informations fournies, ces documents n'étaient pas indispensables pour permettre à la Commission d'établir l'existence des accords et des pratiques concertées en cause et, partant, l'existence de l'infraction reprochée. En effet, les indications fournies par Nintendo ne pouvaient pas, contrairement aux lettres des 4 et 11 avril 1996 (voir point 182 ci-dessus), être utilisées en tant que telles comme base probante principale de la décision de constatation d'une infraction sur le marché des consoles de jeux vidéo spécialisées fabriquées par Nintendo et des cartouches de jeux compatibles avec ces consoles de jeux. À cet égard, il importe de rappeler que les informations à la base des constatations reprises aux considérants 103 à 108, 110, 116 à 119, 122 à 125, 127 à 130, 132, 133, 136, 138 à 150, 152 à 157, 160, 164, 167, 170 à 182, 184, 185, 187 à 197, 199 à 201, 204, 206 à 211, 213 à 215, 217 à 219, 223, 224, 226 et 227 ont seulement permis de préciser l'identité des distributeurs impliqués dans l'infraction et la portée géographique de cette dernière.

187 Il ressort par ailleurs des éléments du dossier qu'un certain nombre de ces informations, à savoir celles qui sont, dans la Décision, à la base des considérants 103 (existence, durée et termes de l'accord de distribution conclu entre Nintendo UK Ltd et Nintendo), 108, 110, 123, 167 (faits relatifs aux accords de distribution conclus entre Nintendo et The Games), 170, 171, 176 (existence, durée et termes de l'accord de distribution conclu entre Nintendo España, SA et Nintendo), 182 (termes des accords formels conclus entre Nintendo Netherlands BV et ses clients), 189 (courrier adressé par Nintendo France SARL s'agissant des risques d'exportations à partir du territoire français), 190, 191, 194, 196 (existence et termes des accords de distribution en Belgique et au Luxembourg), 199 (exportations parallèles depuis l'Allemagne), 204 (termes de l'accord conclu entre Itochu Hellas EPE et Nintendo), 210, 211 (termes et durée des accords de distribution conclus entre Nintendo et ses distributeurs au Portugal), 214, 215 (termes et durée des accords de distribution conclus entre Nintendo et son distributeur en Italie), ont été obtenues par la Commission en réponse aux demandes de renseignements qu'elle avait adressées aux requérantes (voir, notamment, considérants 86 à 93 de la Décision et, en particulier, les considérants 86 et 87, qui se réfèrent à l'invitation de la Commission à fournir des informations portant notamment sur les distributeurs et filiales et sur le contenu des accords de distribution formels conclus entre Nintendo et ses distributeurs en France, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, en Grèce et au Portugal), réponses pour lesquelles une réduction d'amende au titre de la coopération est exclue dès lors qu'elles visaient à se conformer aux obligations qui incombaient aux requérantes en vertu de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement nº 17 (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, point 95 supra, point 451, et la jurisprudence citée). Partant, les indications portant sur l'étendue géographique de l'entente litigieuse et l'identité des distributeurs impliqués dans celle-ci ne justifiaient pas une réduction d'amende supplémentaire au titre de la coopération effective de Nintendo. La Commission était en effet en mesure d'établir l'étendue géographique de l'entente et l'identité des distributeurs impliqués dans celle-ci en l'absence même des informations fournies spontanément par les requérantes.

188 Il découle de ces considérations que la coopération de Nintendo ne justifiait pas une réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée supérieure à 40 %.

189 Eu égard à tout ce qui précède, le présent moyen doit être partiellement accueilli et il convient de réformer en conséquence la Décision en accordant aux requérantes un taux de réduction d'amende identique à celui accordé à John Menzies. Les conséquences concrètes de cette réformation seront précisées ci-après.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense du fait de la dénaturation des efforts de Nintendo

Arguments des parties

190 Les requérantes estiment que la Commission a violé leurs droits de la défense en modifiant au détriment des requérantes son appréciation des faits de l'espèce et/ou les conclusions de droit qu'elle en a tirées. À cet égard, les requérantes font observer que, au point 216 de la communication des griefs, la Commission a déclaré avoir tenu compte " de la contribution des requérantes à l'établissement de l'existence d'une infraction ", alors que, dans la Décision, elle a déclaré que les documents fournis avaient seulement contribué à confirmer l'existence de l'infraction.

191 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

192 Il convient de rappeler que, par leur recours, les requérantes visent exclusivement à obtenir une annulation ou une réduction de l'amende qui leur a été infligée.

193 Dès lors, le présent moyen doit être déclaré inopérant dans la mesure où les requérantes n'indiquent pas en quoi la différence terminologique existant entre la communication des griefs et la Décision s'agissant de leur contribution à l'établissement de l'existence de l'infraction a pu avoir une influence sur le montant de l'amende qui leur a été infligée.

194 En tout état de cause, l'article 19, paragraphe 1, du règlement nº 17 et l'article 7 du règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18), prévoient expressément que, lorsque la Commission se propose d'imposer une amende, les entreprises en cause doivent avoir l'occasion de présenter leurs observations au sujet des griefs retenus par celle-ci. C'est donc par leurs observations sur la durée, la gravité et la prévisibilité du caractère anticoncurrentiel de l'infraction que les droits de la défense des entreprises en cause sont garantis devant la Commission en ce qui concerne la détermination du montant de l'amende (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83-91, Rec. p. II-755, point 235).

195 En conséquence, il convient de rejeter le présent moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime en raison de l'importance insuffisante accordée aux compensations versées aux tiers et de l'absence de toute prise en compte du programme de mise en conformité

Arguments des parties

196 Selon les requérantes, la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime, d'une part, en ne réduisant pas l'amende d'un montant équivalant au versement des compensations qu'elles ont offertes aux tiers identifiés dans la communication des griefs et, d'autre part, en ne tenant pas compte du programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence qu'elles ont mis en place.

197 S'agissant des compensations versées aux tiers, premièrement, les requérantes rappellent que ces compensations qualifiées de " substantielles " dans la Décision s'élevaient à un montant de 375 000 euro.

198 Deuxièmement, les requérantes soulignent que le versement de ces compensations n'a été entrepris qu'à la suite de l'assurance donnée par la Commission, lors de la réunion du 15 décembre 1998, de la pertinence de l'adoption de ces mesures pour le calcul du montant de l'amende. À cet égard, les requérantes précisent qu'une confiance légitime naît lorsqu'un fonctionnaire de haut grade de la Commission, chargé par cette dernière d'une affaire déterminée, donne des assurances précises dans le cadre d'une enquête formelle et qu'il sait que l'entreprise faisant l'objet de l'enquête se fondera sur ces assurances pour engager des dépenses importantes.

199 Troisièmement, la Commission aurait reconnu que le versement de compensations à des tiers constituait une " circonstance atténuante " au sens des lignes directrices (considérants 421 à 464 de la Décision). Cependant, elle n'aurait accordé aucune réduction aux requérantes au sens économique du terme, l'amende n'ayant été réduite que de 300 000 euro.

200 Enfin, le traitement réservé par la Commission aux requérantes n'encouragerait pas d'autres entreprises à verser volontairement de telles compensations à l'avenir.

201 La Commission conteste l'ensemble de ces arguments.

Appréciation du Tribunal

202 Par ce moyen, les requérantes suggèrent que, contrairement aux assurances qui leur ont été données par la Commission lors de la réunion du 15 décembre 1998, la Commission n'a pas ou pas suffisamment tenu compte, d'une part, des compensations qu'elles ont offertes aux tiers et, d'autre part, du programme de respect de la législation qu'elles ont mis en place auprès de leurs employés.

203 À cet égard, il faut rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire a fait naître chez lui des espérances fondées. Nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 33, et la jurisprudence citée).

204 S'agissant, tout d'abord, des compensations offertes par Nintendo aux tiers lésés, il faut rappeler que la Commission a décidé de réduire l'amende infligée à NOE et à NCL de 300 000 euro afin de tenir compte des compensations qu'elles ont offertes aux tiers identifiés dans la communication des griefs comme ayant subi un préjudice financier du fait des comportements infractionnels (voir considérants 440 et 441 de la Décision).

205 Il ressort du dossier que le montant total des versements aux tiers est de 375 000 euro.

206 Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission ne leur a jamais donné l'assurance que l'intégralité desdits versements serait déduit du montant de l'amende qui leur a été infligée.

207 En effet, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la réunion du 15 décembre 1998, le représentant de la Commission a simplement indiqué que le versement de compensations aux tiers " serait pertinent dans le calcul de l'amende ". Cette déclaration ne peut, en aucun cas, être qualifiée d'assurance précise et inconditionnelle que la totalité desdites compensations serait déduite du montant final de l'amende.

208 En tout état de cause, pour pouvoir faire naître une confiance légitime, les assurances fournies doivent émaner de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, s'agissant d'une déclaration du directeur général compétent en matière de concurrence, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, points 152 et 153). Eu égard à la compétence exclusive du collège des membres de la Commission pour adopter une décision infligeant une amende, un fonctionnaire de la Commission ne peut aucunement avoir fourni à Nintendo, lors d'une réunion informelle avec ses représentants, des assurances précises émanant d'une source autorisée et fiable quant à la déduction des compensations offertes aux tiers du montant final de l'amende.

209 Il s'ensuit que le grief pris d'une violation du principe de protection de la confiance légitime au regard de la prise en compte des compensations offertes aux tiers par Nintendo dans la détermination du montant final de l'amende ne saurait être retenu.

210 Ces considérations sont également valables s'agissant de la prise en compte du programme de respect du droit de la concurrence mis en place par Nintendo.

211 En tout état de cause, la Commission n'était nullement tenue de prendre en compte la mise en place du programme de mise en conformité qui, à supposer qu'il puisse être analysé comme une forme de coopération, a été engagé par l'entreprise de sa propre initiative, et non à la suite d'assurances précises fournies par la Commission.

212 En conséquence, le présent moyen ne peut être retenu.

6. Sur la détermination du montant final de l'amende

213 Ainsi qu'il résulte des points 169 à 189 ci-dessus, il convient de réformer la Décision, en tant qu'elle ne retient qu'un taux de réduction de 25 % au titre de la coopération fournie par les requérantes.

214 Pour le reste, les considérations de la Commission exposées dans la Décision ainsi que la méthode de calcul des amendes appliquée en l'espèce demeurent inchangées.

215 Le montant final de l'amende est donc calculé comme suit : le montant de base de l'amende (113,85 millions d'euro) est majoré de 75 % au titre, d'une part, du rôle de meneur de l'entente de Nintendo (50 %) et, d'autre part, de la poursuite de l'infraction (25 %), soit un montant de 199,2375 millions d'euro. Ce montant est réduit de 40 % au titre de la coopération et d'un montant de 300 000 euro en raison des compensations offertes par les requérantes aux tiers, ce qui aboutit à un montant total de 119,2425 millions d'euro.

Sur les dépens

216 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

déclare et arrête :

1) Le montant de l'amende infligée à Nintendo Co., Ltd et Nintendo of Europe GmbH est fixé à 119,2425 millions d'euro.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chaque partie supportera ses propres dépens.