Livv
Décisions

TPICE, 8e ch., 30 avril 2009, n° T-18/03

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

CD-Contact Data GmbH

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ribeiro

Juges :

MM. Papasavvas, Wahl (rapporteur)

Avocats :

Mes de Pree, Wesseling

TPICE n° T-18/03

30 avril 2009

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

Antécédents du litige

1. Entreprises en cause

1 Nintendo Co., Ltd (ci-après " NCL " ou " Nintendo "), société cotée en bourse ayant son siège à Kyoto (Japon), est la société de tête du groupe de sociétés Nintendo, spécialisées dans la production et la distribution de consoles de jeux vidéo et de cartouches de jeux vidéo destinées à être utilisées sur ces consoles.

2 Les activités de Nintendo dans l'Espace économique européen (EEE) sont menées, sur certains territoires, par des filiales qu'elle détient à 100 %, la principale filiale étant Nintendo of Europe GmbH (ci-après " NOE " ou " Nintendo "). À l'époque des faits, NOE coordonnait certaines activités commerciales de Nintendo en Europe et était son distributeur exclusif en Allemagne.

3 Sur d'autres territoires de vente, Nintendo avait désigné des distributeurs exclusifs indépendants. Ainsi, The Games Ltd, une division commerciale de John Menzies Distribution Ltd, filiale à 100 % de John Menzies plc, est devenue en août 1995 le distributeur exclusif de Nintendo pour le Royaume-Uni et l'Irlande, et l'est restée jusqu'au 31 décembre 1997 au moins.

4 La requérante, CD-Contact Data GmbH, était, quant à elle, le distributeur exclusif de Nintendo pour la Belgique et le Luxembourg, depuis avril jusqu'au 31 décembre 1997 au moins.

2. Procédure administrative

Enquête relative au secteur des jeux vidéo (affaire IV/35.587 PO Video Games)

5 En mars 1995, la Commission a engagé une enquête relative au secteur des jeux vidéo (affaire IV/35.587 PO Video Games). Dans le cadre de cette enquête, la Commission a adressé, les 26 juin et 19 septembre 1995, des demandes de renseignements à Nintendo, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), en vue d'obtenir des informations portant notamment sur ses distributeurs et filiales, sur les accords de distribution formellement conclus avec ces entreprises et sur ses conditions générales de vente. NOE a répondu à ces demandes par lettres datées du 31 juillet et du 26 septembre 1995.

Enquête complémentaire portant spécifiquement sur le système de distribution de Nintendo (affaire IV/35.706 PO Nintendo Distribution)

6 À la suite de ses conclusions préliminaires, la Commission a engagé, en septembre 1995, une enquête complémentaire portant spécifiquement sur le système de distribution de Nintendo (affaire IV/35.706 PO Nintendo Distribution).

7 Dans le cadre de cette enquête, la Commission a, le 9 octobre 1995, adressé à Nintendo une demande de renseignements. Plusieurs réunions, portant sur la politique de distribution de Nintendo, se sont tenues entre les représentants de cette dernière et la Commission. Nintendo a par ailleurs fourni diverses versions des accords qu'elle a conclus avec certains de ses distributeurs.

Enquête faisant suite à la plainte déposée par Omega Electro BV (affaire IV/36.321 Omega - Nintendo)

8 Le 26 novembre 1996, Omega Electro, société qui opère dans le secteur de l'importation et de la vente de jeux électroniques, a introduit une plainte en vertu de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17, qui concernait essentiellement la distribution de cartouches et de consoles de jeux Nintendo, au motif notamment que Nintendo entravait le commerce parallèle et pratiquait un système de prix de revente imposés aux Pays-Bas. À la suite de cette plainte, la Commission a étendu son enquête (affaire IV/36.321 Omega - Nintendo). Le 7 mars 1997, elle a envoyé une demande de renseignements à Nintendo et à John Menzies. Dans sa réponse du 16 mai 1997, Nintendo a admis que certains de ses accords de distribution et certaines de ses conditions générales contenaient des restrictions au commerce parallèle à l'intérieur de l'EEE. En octobre 1997, la Commission a adressé à John Menzies une nouvelle demande de renseignements, à laquelle cette dernière a répondu le 1er décembre 1997, en fournissant certaines informations sur l'entente litigieuse.

9 Par lettre du 23 décembre 1997, Nintendo a indiqué à la Commission qu'elle avait pris conscience d'" un problème grave lié au commerce parallèle à l'intérieur de la Communauté " et a exprimé son souhait de coopérer avec la Commission.

10 Le 13 janvier 1998, John Menzies a fourni d'autres informations. Les 21 janvier, 1er avril et 15 mai 1998, Nintendo a transmis à la Commission des centaines de documents. Le 15 décembre 1998, une réunion s'est tenue entre la Commission et des représentants de Nintendo au cours de laquelle a été évoquée la question de l'octroi éventuel de compensations aux tiers lésés par l'entente litigieuse.

11 En outre, à la suite de son aveu, Nintendo a pris des mesures visant à garantir à l'avenir le respect du droit communautaire et a offert des compensations financières aux tiers ayant subi un préjudice financier du fait de ses actions.

12 Par courrier daté du 9 juin 1999, la Commission a demandé à la requérante de lui indiquer si les documents la concernant versés dans les dossiers de la Commission contenaient des données confidentielles. Dans cette lettre, il était également indiqué que la Commission envisageait l'ouverture d'une procédure formelle à l'encontre de certaines sociétés, parmi lesquelles figurait la requérante.

13 Le 26 avril 2000, la Commission a adressé une communication des griefs à Nintendo et aux autres entreprises concernées, parmi lesquelles figurait la requérante, pour violation de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'EEE (ci-après l'" accord EEE "). Nintendo et les autres entreprises concernées ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs retenus par la Commission, dans lesquelles Nintendo et plusieurs de ces entreprises ont demandé l'application de la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération "). Aucune des parties n'a demandé la tenue d'une audition formelle. Nintendo n'a pas contesté la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs.

14 S'agissant plus particulièrement de la requérante, la réponse à la communication des griefs a été envoyée à la Commission le 13 juillet 2000. Une réunion informelle entre le requérante et les services de la Commission a eu lieu le 16 octobre 2000. À la suite de cette réunion, la requérante a présenté, le 6 novembre 2000, une réponse additionnelle à la communication des griefs.

3. Décision litigieuse

15 Le 30 octobre 2002, la Commission a adopté la décision 2003-675-CE, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (COMP/35.587 PO Video Games, COMP/35.706 PO Nintendo Distribution et COMP/36.321 Omega - Nintendo) (JO 2003, L 255, p. 33, ci-après la " Décision "). La Décision a été notifiée à la requérante le 8 novembre 2002.

16 La décision comprend notamment les dispositions suivantes :

" Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, [CE] et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant, pour les périodes indiquées, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées, sur les marchés des consoles de jeux spécialisées et des cartouches de jeux compatibles avec les consoles de jeux spécialisées fabriquées par Nintendo, ayant pour objet et pour effet de restreindre les exportations parallèles des consoles et des cartouches de jeux Nintendo :

[...]

- [la requérante], du 28 octobre 1997 à la fin de décembre 1997.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour sanctionner l'infraction commise par les entreprises visées à l'article 1er :

[...]

- [la requérante], une amende de 1 million d'euros.

[...] "

17 S'agissant des événements survenus en Belgique et au Luxembourg, la Commission relève en particulier qu'" [i]l était clair pour [la requérante] qu'elle devait veiller à ce que ses clients ne procèdent pas à des exportations parallèles ". Cela ressortirait d'une télécopie envoyée par la requérante à NOE le 28 octobre 1997 par laquelle elle aurait assuré ne vouloir aucune exportation (voir considérants 195 et 196 de la Décision). Selon la Commission, ce courrier, qui visait à répondre à une lettre de NOE par laquelle cette dernière lui demandait si un de ses clients aurait pu vendre des produits Nintendo à des clients de Nintendo France SARL, montrerait que la requérante et Nintendo " étaient parvenues à un 'concours de volontés' sur le fait qu'il ne devait pas y avoir d'exportations [...] et que [la requérante] surveillait les livraisons aux clients [...] qui pourraient être soupçonnés d'exporter " (voir considérant 317 de la Décision).

18 La Commission mentionne également le fait que, de septembre à décembre 1997, la requérante a eu un échange de correspondance avec NOE sur les importations parallèles dans son territoire dans l'espoir que ce " problème " serait réglé (voir considérant 197 de la Décision).

19 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la Décision, de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "). Elle a en revanche décidé de ne pas tenir compte de la communication sur la coopération en raison de la nature verticale de l'infraction.

20 En premier lieu, la Commission a déterminé le montant de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.

21 Dans ce contexte, la Commission a, tout d'abord, considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave, eu égard à la nature de celle-ci, à ses effets concrets sur le marché et à l'étendue du marché géographique concerné.

22 Ensuite, la Commission a estimé que, puisque l'infraction unique et continue en cause concernait plusieurs entreprises de tailles extrêmement différentes, il fallait procéder à un traitement différencié des entreprises concernées afin de tenir compte du poids spécifique de chacune d'elles et, par conséquent, des effets réels de leur comportement infractionnel sur la concurrence. À cet effet, les entreprises en cause ont été réparties en trois groupes, en fonction de l'importance relative de chacune d'elles par rapport à Nintendo, en tant que distributeur des produits concernés dans l'EEE. La comparaison a été effectuée par référence à la part de chaque entreprise dans le volume total des consoles et des cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE en 1997, la dernière année au cours de laquelle l'infraction a été commise. Sur cette base, Nintendo a été placée seule dans le premier groupe tandis que John Menzies figurait seule dans le deuxième groupe. Pour ces entreprises, la Commission a fixé le montant de départ préliminaire au titre de la gravité à 23 millions d'euros dans le cas de Nintendo et à 8 millions d'euros dans le cas de John Menzies. S'agissant des autres entreprises visées, un montant de départ préliminaire de 1 million d'euros a été retenu.

23 En outre, afin d'assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif, d'une part, et de tenir compte de la taille et des ressources globales de Nintendo, de John Menzies et d'Itochu Corp., d'autre part, la Commission a augmenté ces montants de départ. S'agissant, plus précisément, de Nintendo, la Commission a estimé qu'en dehors de sa taille, nettement inférieure à celle d'Itochu, il fallait tenir compte du fait qu'elle était le fabricant des produits ayant fait l'objet de l'infraction. Compte tenu de ces éléments, la Commission a appliqué un coefficient multiplicateur de 3 aux montants déterminés pour Nintendo et pour Itochu, et de 1,25 concernant John Menzies, de sorte que les montants de départ ont été fixés à 69 millions d'euros dans le cas de Nintendo, à 10 millions d'euros dans celui de John Menzies et à 3 millions d'euros pour Itochu.

24 En ce qui concerne la durée de l'infraction commise par chaque entreprise, le montant de départ a été majoré de 10 % par an. La requérante n'ayant participé à l'infraction que pendant un peu plus de deux mois, la Commission a considéré que le montant de départ de l'amende qui lui a été infligée ne devait pas être augmenté.

25 Par conséquent, la Commission a fixé le montant de base de l'amende imposée à la requérante à 1 million d'euros.

26 En deuxième lieu, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l'amende infligée à Nintendo a été majoré, d'une part, de 50 % au motif que cette entreprise avait été le meneur et l'instigateur de l'infraction et, d'autre part, de 25 % parce qu'elle avait poursuivi l'infraction après les premiers actes d'investigation menés dans le cadre de l'enquête de la Commission, en juin 1995. Le montant de base de l'amende infligée à John Menzies a fait l'objet d'une augmentation de 20 % correspondant, premièrement, à une majoration de 10 % pour tenir compte du fait qu'elle avait poursuivi l'infraction après le début de l'enquête de la Commission et, deuxièmement, à une majoration de 10 % en raison de son refus de coopérer avec la Commission.

27 En troisième lieu, dans le cadre de l'examen des circonstances atténuantes, la Commission a, tout d'abord, considéré qu'il était justifié de réduire l'amende imposée à l'une des entreprises visées, à savoir Concentra - Produtos para crianças, SA (ci-après " Concentra "), distributeur exclusif de Nintendo pour le Portugal, en raison de son rôle exclusivement passif au cours de la majeure partie de la période en cause. La Commission a, ensuite, accordé à Nintendo une réduction de 300 000 euros, pour tenir compte des compensations financières offertes par cette entreprise aux tiers lésés par l'entente litigieuse qui avaient été identifiés dans la communication des griefs. Enfin, des réductions de 40 % et de 25 % ont été respectivement accordées à John Menzies et à Nintendo eu égard à leur coopération effective avec la Commission. Les autres entreprises visées ne se sont en revanche vu reconnaître aucune circonstance atténuante.

Procédure et conclusions des parties

28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2003, la requérante a introduit le présent recours.

29 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

30 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est tenue le 21 mai 2008.

31 Lors de cette audience, la Commission a produit, à la demande du Tribunal, un certain nombre de documents, à l'égard desquels la requérante a été invitée à présenter ses observations. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2008, la requérante a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur lesdits documents. À la suite du dépôt de cette lettre, le Tribunal a décidé qu'il y avait lieu de clore la procédure orale.

32 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la Décision en tant qu'elle lui est adressée, en tout ou en partie, en particulier les articles 1er et 3 ;

- condamner la Commission aux dépens.

33 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

34 À l'appui de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier est tiré d'une violation de l'article 81 CE, de l'obligation de motivation ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation. Le second moyen est pris de la violation des principes de bonne administration, d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que d'une violation de l'obligation de motivation.

35 Lors de l'audience, la requérante a également fait valoir que, eu égard à la durée de la procédure tant administrative que contentieuse, le montant de l'amende qui lui a été infligée devrait à tout le moins être réduit.

1. Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 81 CE, de l'obligation de motivation ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

36 La requérante soutient que la Commission ne pouvait conclure, sur la base des documents qu'elle a cités dans la Décision, à l'existence d'un accord ou de pratiques concertées entre elle et Nintendo. Partant, la Commission aurait non seulement fait une application erronée de l'article 81 CE, mais également méconnu l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l'article 253 CE.

37 Elle fait valoir, tout d'abord, que l'accord de distribution qu'elle a conclu avec Nintendo au mois d'avril 1997 permettait, aux termes de son article 4.6, les " exportations passives " et ne contenait aucune clause limitant le commerce en violation de l'article 81 CE.

38 La requérante rappelle, ensuite, qu'elle n'a jamais conclu ou participé à un accord visant à entraver le commerce parallèle. Elle soutient, à cet égard, qu'elle exportait de manière passive et à une grande échelle les produits de Nintendo et qu'elle approvisionnait en connaissance de cause des clients qui soit revendaient lesdits produits à des clients établis en dehors de la Belgique et du Luxembourg, soit étaient eux-mêmes établis en dehors de ces territoires. Le dossier de la Commission ne comporterait aucun élément indiquant que les clients de la requérante se seraient vu opposer un refus de livraison au motif qu'ils se trouvaient en dehors desdits territoires ou que les produits livrés seraient par la suite exportés.

39 La requérante avance qu'il existait une différence claire entre les faits la concernant et ceux visant les autres distributeurs destinataires de la Décision. En effet, l'étendue des constatations de la Commission concernant son comportement serait très limitée. La conclusion de la Commission, selon laquelle des éléments de preuve suffisants permettaient de conclure que la requérante avait participé à un accord ou à une pratique concertée avec Nintendo afin de limiter les exportations parallèles, semblerait se fonder davantage sur les constatations relatives à la politique de Nintendo en matière de distribution au début des années 90 que sur une appréciation spécifique et objective des documents concernant la requérante.

40 La requérante soutient en particulier que la Commission aurait omis de tenir compte du fait qu'elle n'est devenue distributeur des produits en cause qu'en avril 1997, c'est-à-dire au cours de la période pendant laquelle Nintendo a revu sa politique générale en matière de distribution et a cherché à se conformer aux règles communautaires en matière de concurrence. Dans un tel contexte, la Commission ne pouvait se contenter de se fonder sur la conviction que les distributeurs nouvellement désignés ont simplement été intégrés dans le plan de distribution antérieurement mis en place.

41 En l'occurrence, il n'existerait aucune preuve attestant l'existence d'un concours de volontés entre la requérante et Nintendo ou d'un acquiescement, tacite ou exprès, de la requérante à la politique unilatérale de Nintendo. La Commission aurait méconnu les exigences concernant le niveau de preuve d'un accord posées par la jurisprudence. La requérante soutient que, ainsi qu'elle l'a fait valoir dans sa réponse à la communication des griefs, les facteurs qui amènent à conclure à l'existence d'un accord horizontal ne peuvent, dans tous les cas, être considérés comme suffisants pour établir l'existence d'un accord vertical. La requérante considère notamment que, si les contacts entre des fournisseurs et des distributeurs sont logiques et acceptables du point de vue du droit de la concurrence, il n'en est pas de même des rapports horizontaux entretenus entre des concurrents.

42 S'agissant, premièrement, des preuves de l'existence d'une entrave aux exportations parallèles à partir de la Belgique et du Luxembourg, la Commission se serait fondée sur un seul document, à savoir une télécopie adressée à NOE par la requérante le 28 octobre 1997. Or, selon la requérante, la Commission a procédé à une lecture partielle et contestable de ce document. Par cette télécopie, la requérante aurait simplement souhaité informer Nintendo que les ventes effectuées vers le marché français, à propos desquelles Nintendo s'était plainte, ne pouvaient s'analyser dans les faits comme des " ventes actives " par l'intermédiaire d'un grossiste établi en Belgique. Ladite télécopie se référerait uniquement à la décision " unilatérale " de la requérante de répartir la distribution des produits, compte tenu des quantités limitées dont elle disposait. Il n'y aurait en revanche aucune référence à un quelconque accord ou engagement de la requérante de limiter les exportations. Dans sa réplique, la requérante soutient que, par crainte que Nintendo limite son approvisionnement ou mette fin à son accord de distribution exclusive, elle a pu lui donner l'impression qu'elle n'exportait pas ses produits vers d'autres territoires.

43 S'agissant, deuxièmement, des preuves de l'interdiction des importations parallèles vers la Belgique et le Luxembourg, la requérante fait valoir que la Commission s'est là encore fondée sur une lecture biaisée et incomplète des documents en cause, à savoir une série de lettres envoyées par elle à Nintendo. Par ces lettres, la requérante entendait simplement s'assurer que le prix qu'elle payait à Nintendo pour les produits en cause n'était pas trop élevé.

44 S'agissant, troisièmement, de la preuve de l'existence d'une pratique concertée, la requérante estime que les documents présentés au cours de la procédure administrative montrent clairement qu'elle n'a pas participé à une pratique concertée ayant pour objet d'entraver les exportations parallèles des produits Nintendo. En particulier, aucun de ces documents n'indiquerait que la requérante a limité ses ventes à des clients se situant en dehors de la Belgique ou du Luxembourg, sauf dans l'hypothèse où elle se trouvait en rupture de stock. Bien au contraire, ces documents indiqueraient qu'elle était un exportateur parallèle actif des produits Nintendo et qu'elle participait au commerce parallèle de ceux-ci.

45 La Commission conteste l'ensemble de ces arguments.

Appréciation du Tribunal

Sur l'existence d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE

46 Selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, il faut et il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 256, et du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T-41-96, Rec. p. II-3383, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 112, et du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, point 86).

47 En ce qui concerne la forme d'expression de ladite volonté commune, il suffit qu'une stipulation soit l'expression de la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément à ses termes (arrêt Bayer/Commission, point 46 supra, point 68 ; voir également, en ce sens, arrêts ACF Chemiefarma/Commission, point 46 supra, point 112, et van Landewyck e.a./Commission, point 46 supra, point 86).

48 La notion d'accord, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, telle qu'elle a été interprétée par la jurisprudence, suppose l'existence d'une concordance de volontés entre deux parties au moins. La forme de cette concordance de volontés n'est pas importante pour autant qu'elle constitue l'expression fidèle de celles-ci. Cette concordance de volontés peut résulter tant des clauses d'un contrat, tel un contrat de distribution, que des comportements respectifs des entreprises en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 juillet 2006, Commission/Volkswagen, C-74-04 P, Rec. p. I-6585, point 39).

49 S'agissant de l'administration de la preuve d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, il importe de rappeler que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185-95 P, Rec. p. I-8417, point 58, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 86). À cet égard, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l'existence de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62-98, Rec. p. II-2707, point 43, et la jurisprudence citée).

50 S'agissant, enfin, de la portée du contrôle juridictionnel, il y a lieu de rappeler que, lorsqu'il est saisi d'un recours en annulation d'une décision d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit exercer de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T-325-01, Rec. p. II-3319, point 81 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42-84, Rec. p. 2545, point 34, et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 62).

51 Avant d'aborder l'examen des éléments matériels retenus en l'espèce par la Commission, il y a lieu de préciser que, contrairement à ce qu'elle prétend, il ne saurait être tiré argument de ce que Nintendo, l'autre partie à l'accord, aurait expressément déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, accepter la manière dont la Commission a présenté les faits dans ladite communication et aurait ainsi pleinement admis l'existence d'un accord et de pratiques concertées avec la requérante. En effet, l'éventuelle reconnaissance par Nintendo, l'autre partie à l'accord de distribution, de certains faits ne peut en aucun cas remettre en cause le droit de la requérante de contester lesdits faits devant le Tribunal. Cette considération est, en l'espèce, d'autant plus valable que la requérante a précisément contesté, dans ses réponses à la communication des griefs, avoir commis une quelconque infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE.

52 Par ailleurs, il convient de relever que la Commission ne s'est pas, contrairement à ce que semble indiquer la requérante dans ses écritures, référée, pour conclure à l'existence d'un accord contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE, aux termes de l'accord de distribution conclu entre Nintendo et la requérante pris en tant que tel. À cet égard, la Commission a relevé, au considérant 196 de la Décision, que " [l]e texte de l'accord de distribution conclu entre [la requérante] et Nintendo permettait à la première d'exporter passivement ". En effet, à la différence de ce qui avait été constaté pour certains des distributeurs visés par la Décision, l'accord de distribution, conclu entre la requérante et Nintendo près de deux ans après le début de l'enquête de la Commission et portant sur le système de distribution en cause, ne contenait, en tant que tel, aucune clause prohibée par l'article 81, paragraphe 1, CE.

53 Il y a également lieu de préciser que, contrairement à ce qui ressort de l'argumentation développée par la requérante, la Commission ne s'est nullement référée, s'agissant de la requérante, à l'existence d'une pratique concertée entre elle et Nintendo, mais seulement à la conclusion d'un " accord " (voir considérant 196 de la Décision) contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE. Partant, les arguments de la requérante relatifs à l'absence de pratique concertée sont inopérants.

54 En l'absence de preuve documentaire directe de la conclusion d'un accord écrit entre Nintendo et la requérante concernant la limitation ou la réduction des exportations passives, la Commission a estimé que la participation de cette dernière à un accord contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE était attestée par les comportements de cette dernière, tels qu'exprimés dans sa correspondance.

55 Dans ces circonstances, il convient d'examiner si, eu égard à la teneur de cet échange de courriers, la Commission a établi à suffisance de droit l'existence d'un concours de volontés entre la requérante et Nintendo en vue de limiter le commerce parallèle.

56 À cet égard, il importe de rappeler que la Commission s'est référée, dans la Décision, à un ensemble de preuves écrites, et tout particulièrement à une télécopie adressée par la requérante à NOE le 28 octobre 1997. Il est constant entre les parties que cette télécopie faisait suite à une plainte du 24 octobre 1997 adressée par Nintendo France à NOE au sujet notamment d'exportations de produits depuis la Belgique, territoire sur lequel la requérante était le distributeur agréé de Nintendo.

57 Cette plainte indique en particulier ce qui suit :

" Même si ce type d'importations parallèles est inévitable, nous pensons que NOE dispose de différents moyens d'aider [Nintendo France] à limiter ces problèmes. Les plus efficaces sont les suivants :

1. [...]

2. négocier avec les distributeurs pour éviter ces importations.

Certains (nous savons que tel est le cas en Belgique et en Italie) les organisent presque officieusement avec certains grossistes et même avec certains détaillants. Que se passerait-il si nous faisions la même chose en exportant un article très demandé au rabais à leurs clients ? "

58 Dans la télécopie du 28 octobre 1997 adressée à NOE à la suite de cette plainte, la requérante explique qu'elle n'a pas été en mesure de fournir certaines quantités de produit à BEM, un grossiste établi en Belgique se livrant potentiellement au commerce parallèle. Cette télécopie, mentionnée en partie au considérant 195, est ainsi libellée :

" J'ai vérifié votre information et n'ai trouvé aucune concordance avec notre information.

1) [BEM] a reçu jusqu'à présent en différentes livraisons 960 pièces de Lylat Wars. C'est juste assez pour approvisionner ses quelque 100 clients se trouvant dans la partie francophone de la Belgique.

2) Comme, au démarrage de Contact Data Belgium, [BEM] a livré des consoles en France, nous sommes très prudents avec ce client et ne lui livrerons jamais de grandes quantités.

3) Nous avons reçu seulement 7 000 pièces de Lylat Wars et nous sommes dans l'impossibilité de livrer 5 000 exemplaires du logiciel à un seul client.

[...]

Comme nous l'avons discuté la semaine dernière avec vous, nous sommes très prudents dans nos livraisons, car nous ne voulons aucune exportation, car nous avons besoin de ces produits pour notre marché belge. "

59 Contrairement à ce que la Commission avance, il ne ressort pas clairement du libellé de cette télécopie que la requérante avait connaissance du fait qu'elle était censée empêcher les exportations parallèles et qu'elle souhaitait se défendre contre les allégations de Nintendo France relatives à de telles exportations parallèles en provenance de la Belgique. En particulier, il ne saurait être déduit avec la certitude requise que la " prudence " dont fait état la requérante à l'égard des clients se livrant à des exportations en général atteste que celle-ci avait approuvé la politique de limitation du commerce parallèle litigieuse. Aussi l'interprétation défendue par la requérante, selon laquelle la référence aux quantités limitées de produits dont elle disposait doit s'analyser comme une information portant sur son impossibilité matérielle de procéder à des ventes actives par l'intermédiaire d'un grossiste établi en Belgique, ne peut-elle être a priori écartée.

60 Toutefois, ainsi que cela a été rappelé au point 58 ci-dessus, la télécopie du 28 octobre 1997 fait directement suite à l'envoi du courrier du 24 octobre 1997 par lequel Nintendo France s'était plainte des exportations parallèles depuis la Belgique, qui constituait alors le territoire sur lequel la requérante était le distributeur exclusif des produits concernés, et avait demandé à NOE de prendre les mesures nécessaires aux fins de remédier aux " problèmes " que ces exportations lui causaient. La requérante a ainsi estimé nécessaire de se justifier sur les quantités dont elle disposait et les conditions dans lesquelles elle exportait les produits en cause à la suite de la plainte portant sur les exportations parallèles à partir de la Belgique.

61 S'agissant des documents relatifs aux importations parallèles en Belgique et au Luxembourg, la Commission s'est référée au fait qu'un système de coopération pratique et d'échanges d'informations sur le commerce parallèle avait été mis en place entre Nintendo et certains de ses distributeurs agréés, parmi lesquels figurerait la requérante. S'agissant de cette dernière, sa participation au système d'échange d'informations ressortirait de plusieurs courriers cités au considérant 197 de la Décision.

62 Le libellé de ces différents courriers permet, dans le prolongement des considérations exposées ci-dessus, de conclure qu'ils avaient pour objet de dénoncer les importations parallèles de produits Nintendo en Belgique et qu'ils s'inséraient dans le système d'échange d'informations mis en place par Nintendo.

63 Dans la lettre du 4 septembre 1997 adressée à NOE avant la période pertinente, la requérante a notamment déclaré ce qui suit :

" Nos clients annulent leurs commandes de consoles N64, car ils peuvent apparemment les acquérir à moindre prix en France [...] Cela devra incontestablement être notre principale priorité lors de nos discussions à Monaco. Une action immédiate dans ce domaine est sans aucun doute requise. "

64 La lettre de la requérante à NOE du 3 novembre 1997, également évoquée par la Commission au considérant 197 de la Décision, mentionne notamment :

" L'offre suivante se trouve maintenant sur le marché belge : 1 420 pièces de N64 HW [...] avec un manuel allemand. "

65 Dans la télécopie envoyée le 12 novembre 1997 à Nintendo France, qui n'avait aucune compétence dans la fixation des prix d'achat des produits, la requérante formule les observations suivantes :

" Nous venons juste de recevoir une brochure de Toys'R'Us qui propose SNES Donkey Kong Country 3 à un prix à la consommation en Belgique de 1 495 [francs belges] (environ 249 [francs français]) alors qu'il est proposé pour 372 [francs français] [hors taxe] dans votre dernière liste de prix. S'agit-il d'importations parallèles ou d'une promotion spéciale sur cet article ? "

66 Quant au document du 4 décembre 1997, envoyé par NOE à la requérante, il consiste en une demande d'informations sur les marchandises importées en parallèle.

67 La circonstance que la requérante ait, en pratique, participé au commerce parallèle en exportant des produits à des clients se situant en dehors de la Belgique et du Luxembourg n'est pas de nature à remettre en cause la conclusion exposée au point 62 ci-dessus. En effet, le fait qu'une entreprise, dont la participation à une concertation illégale en vertu de l'article 81, paragraphe 1, CE est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d'une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique qui s'écarte de celle convenue peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T-62-02, Rec. p. II-5057, point 130).

68 Enfin, s'agissant des preuves de l'interdiction des importations parallèles vers la Belgique et le Luxembourg, la requérante ne saurait prétendre que les lettres citées par la Commission (voir points 63 à 66 ci-dessus) auraient été mal interprétées, en ce que, par celles-ci, elle entendait simplement s'assurer que le prix qu'elle payait à Nintendo pour les produits en cause n'était pas trop élevé. En effet, il ressort d'une lecture de l'ensemble de ces courriers, en particulier de la télécopie du 12 novembre 1997 (voir point 65 ci-dessus), que ceux-ci abordaient la question du prix des produits en cause en rapport plus ou moins direct avec l'existence d'importations parallèles.

69 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que c'est sans commettre d'erreur que la Commission a conclu à la participation de la requérante à un accord ayant pour objet de limiter le commerce parallèle.

70 Partant, le grief tiré d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE doit être rejeté.

Sur l'existence d'une violation de l'obligation de motivation

71 La requérante fait valoir, en substance, que la Commission n'a pas procédé à un exposé de la situation de chacun des distributeurs. Ce faisant, la Commission serait partie du postulat que tous les distributeurs étaient convenus avec Nintendo d'entraver le commerce parallèle indépendamment de la date et des circonstances de la conclusion des accords de distribution.

72 Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, la Décision indique clairement les éléments factuels propres à chacun des distributeurs en cause. S'agissant plus particulièrement de la requérante, la Décision apporte de nombreuses précisions portant notamment sur les événements constatés en Belgique et au Luxembourg (considérants 194 à 197) et sur les arguments relatifs à l'existence d'un accord prohibé et à la portée de l'infraction (considérants 313 à 330).

73 Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l'article 253 CE doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et du Tribunal du 20 mars 2002, Lögstör Rör/Commission, T-16-99, Rec. p. II-1633, point 368).

74 À cet égard, force est de constater que, ainsi que cela ressort de l'examen de la première branche du premier moyen, la Décision fait apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission et permet à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d'exercer son contrôle.

75 Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

2. Sur le second moyen, tiré de la violation des principes de bonne administration, d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

76 La requérante soutient que, lors de la fixation du montant de l'amende pour violation de l'article 81 CE, la Commission doit toujours prendre en considération séparément la situation de chaque entreprise impliquée. Elle devrait notamment tenir compte des différences existant entre les rôles respectifs joués par les entreprises en cause dans l'infraction ainsi que des différences quant au degré de participation ou quant à la durée de celle-ci. Or, selon la requérante, la Commission aurait méconnu ces principes en infligeant à la requérante une amende d'un montant comparable voire supérieur aux montants des amendes infligées aux autres distributeurs de Nintendo, alors que la prétendue infraction qu'elle aurait commise était d'un impact et d'une durée plus limités.

77 Par ailleurs, la Commission n'aurait tenu compte à l'égard de la requérante ni des diverses circonstances atténuantes prévues dans les lignes directrices ni des caractéristiques de sa situation particulière.

78 À cet égard, elle fait tout d'abord valoir que son comportement n'est révélateur ni d'une intention ni d'une conscience d'un comportement infractionnel. Elle n'aurait jamais pris part à un accord formel tendant à limiter les importations parallèles, reçu de questionnaire ou participé à des réunions au cours desquelles la problématique des importations parallèles a fait l'objet de discussions. La requérante souligne qu'elle était un petit distributeur ne disposant pas des connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui permettent aux entreprises de plus grande dimension d'apprécier le caractère infractionnel de leur comportement.

79 La requérante estime ensuite que, à supposer qu'elle ait participé à une infraction, elle n'y a joué qu'un rôle passif, ce qui devrait conduire, conformément aux lignes directrices, à une diminution du montant de l'amende qui lui a été infligée. La Commission n'aurait en effet pas prouvé qu'elle a joué un rôle actif en informant Nintendo des importations parallèles des produits de cette dernière. La requérante aurait même agi en violation du prétendu accord en livrant des produits à des sociétés implantées à l'étranger et à des sociétés implantées sur son territoire tout en sachant que les produits seraient exportés. Elle souligne également que, à l'époque des prétendues limitations au commerce parallèle, elle ne figurait pas parmi les distributeurs de Nintendo et qu'elle n'était donc pas au courant desdites limitations.

80 La requérante considère que, si de telles circonstances ne devaient pas conduire à l'annulation de l'amende qui lui a été infligée, elles devraient, à tout le moins, amener le Tribunal à réduire celle-ci de 50 % conformément au principe d'égalité de traitement. Elle relève en effet que Concentra a bénéficié d'une telle réduction alors même que son propre rôle n'était pas moins actif que celui de la requérante. Dans sa réplique, la requérante indique notamment que Concentra avait, comme elle, communiqué des informations à NOE.

81 La requérante considère en outre que son prétendu comportement illégal n'a eu, en toute hypothèse, qu'un impact limité sur le marché. Elle rappelle qu'elle n'a pas appliqué le prétendu accord et que, en comparaison notamment des comportements des autres distributeurs, l'infraction qui lui a été reprochée est d'une durée très courte.

82 La requérante reproche par ailleurs à la Commission d'avoir violé le principe d'égalité de traitement en répartissant les auteurs de l'infraction en trois groupes. Plus précisément, elle se plaint d'avoir été placée dans le même groupe, en ce qui concerne le montant de départ de l'amende, que plusieurs distributeurs qui ont participé à la prétendue infraction pendant de bien plus longues périodes et qui, contrairement à elle, ont activement pris part à l'infraction. En traitant de la même façon des situations différentes, c'est-à-dire en infligeant la même amende de base d'un million d'euros à ces sociétés, la Commission aurait méconnu le principe d'égalité de traitement.

83 Dans sa réplique, la requérante fait valoir, notamment, que les différences, en termes de parts de marché, entre les entreprises du troisième groupe sont supérieures aux différences entre les entreprises dans les trois groupes. Ainsi, il est difficilement compréhensible que, eu égard aux parts moyennes respectives des entreprises concernées dans la vente des produits en cause, Concentra, Linea GIG SpA, Nortec AE, Bergsala AB, Itochu et la requérante aient été placées dans un seul et même groupe, alors que John Menzies et Nintendo ont été placées dans des groupes différents. Cette différence serait d'autant plus inexpliquée si on se réfère aux montants de base des amendes qui ont été fixés pour chacun de ces groupes.

84 La requérante reproche encore à la Commission de s'être, aux fins du classement des entreprises en cause en trois groupes, exclusivement fondée sur les parts de marché détenues par chacune d'elles, ce qui témoignerait de l'absence de prise en compte de l'impact réel de leur comportement respectif.

85 La requérante estime en outre que la décision d'infliger une amende d'un million d'euros à un distributeur dépendant et de taille réduite pour un prétendu accord d'une durée maximale de deux mois, qui n'a jamais été appliqué et qui, en réalité, a été violé de façon permanente, enfreint le principe de proportionnalité.

86 La requérante reproche encore à la Commission de ne l'avoir contactée que le 9 juin 1999, date à laquelle l'enquête était en voie d'être finalisée. La Commission l'aurait donc privée de la possibilité de coopérer et, partant, de bénéficier d'une réduction du montant de base de l'amende à ce titre d'au moins 40 %. Le fait que la Commission n'ait pas estimé utile de l'informer de l'enquête en lui demandant des informations constitue une indication de son rôle limité dans le système mis en place par Nintendo.

87 La requérante prétend enfin que la Commission a violé le principe de bonne administration et les droits de la défense en la privant de la possibilité de présenter ses observations au cours d'une audition formelle en présence de tiers. Elle fait valoir que les entreprises intéressées doivent être mises en mesure de faire connaître leur point de vue à propos des griefs retenus contre elles et des pièces sur lesquelles ces griefs sont fondés. Le droit des parties d'être entendues lors d'une audition formelle tenue sous la présidence d'un conseiller-auditeur indépendant serait particulièrement important dans le cadre de l'application des dispositions du traité relatives à la concurrence ; en effet, il s'agirait de la seule occasion de communiquer ses observations à des tiers indépendants qui peuvent influencer la décision de la Commission.

88 En l'espèce, la Commission aurait exercé un " abus d'influence " sur la requérante afin qu'elle renonce à son droit à une audition en présence de tiers indépendants. La requérante soutient que, si la Commission n'a pas expressément fait pression sur elle pour qu'elle renonce à son droit à une audition formelle, elle l'a fortement poussée à se contenter d'une audition informelle, arguant que cette possibilité constituerait une économie de temps et de moyens. La Commission aurait par conséquent de facto limité les droits de la défense de la requérante au cours de la procédure administrative. La requérante signale à cet égard que, alors même qu'elle a renoncé à ce droit en raison du souhait exprimé par la Commission de rendre une décision aussi vite que possible, plus de deux années se seraient écoulées entre sa demande et l'adoption de la Décision. Elle estime également que la Commission aurait dû, en toute hypothèse, prendre en compte sa coopération consistant en l'absence de demande d'une telle audition et, par conséquent, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée.

89 Dans sa réplique, la requérante indique qu'elle n'a pas soutenu que la Commission avait exercé sur elle des pressions directes ou explicites pour qu'elle renonce à se défendre au cours d'une audition formelle menée par un conseiller-auditeur. De même, elle n'aurait pas prétendu que la Commission ne l'avait pas informée de son droit à une audition formelle. De plus, elle reconnaît que c'est aux destinataires de la communication des griefs qu'il appartient de demander une audition formelle. La requérante fait cependant valoir qu'elle s'est sentie obligée de renoncer à ce droit parce qu'elle avait été informée par le fonctionnaire responsable du dossier que les autres parties y avaient déjà renoncé et que les services de la Commission souhaitaient parvenir à une décision le plus rapidement possible. La pratique suivie par la Commission est, selon la requérante, contraire à l'article 10 du règlement (CE) nº 2842-98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18), tel que précisé par l'article 4 de la décision 2001-462-CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), qui prévoit que les auditions sont conduites par un conseiller-auditeur. Il découlerait de ces dispositions que toutes les questions ayant trait au droit des parties à une audition doivent être examinées par le conseiller-auditeur et non par les responsables du dossier au sein de la Commission qui décident de l'affaire. Les responsables du dossier n'auraient donc pas la faculté de contacter les parties afin de discuter de l'opportunité d'organiser une audition. La requérante estime que, dans la mesure où une telle violation des formes substantielles ne devrait pas conduire en soi à l'annulation de la Décision en ce qu'elle la vise, la Commission aurait dû au moins en tenir compte lors de la fixation du montant de l'amende.

90 La Commission conteste l'ensemble de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

91 La requérante avance, dans le cadre de son second moyen, divers arguments qui se rapportent, d'une part, à la manière dont le montant de l'amende qui lui a été infligée a été fixé et, d'autre part, au déroulement de la procédure administrative.

92 Les griefs soulevés posent la question du respect, premièrement, des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité dans la détermination du montant des amendes, deuxièmement, des droits de la défense de la requérante et du principe de bonne administration lors de la procédure administrative ayant précédé l'adoption de la Décision et, troisièmement, de l'obligation de motivation.

Sur le respect des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité dans la détermination du montant de l'amende infligée à la requérante

93 En l'occurrence, il importe de rappeler qu'il ressort des considérants 366 à 464 de la Décision que les amendes imposées par la Commission du fait des infractions constatées à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE l'ont été en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et que la Commission a, ainsi qu'elle l'a expressément confirmé dans sa défense, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices.

94 Si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l'observation de laquelle l'administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l'administration ne peut s'écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d'égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 91, et la jurisprudence citée).

95 Or, en faisant valoir que la Commission a omis de tenir compte de sa situation particulière à différents stades du calcul du montant de l'amende, la requérante effectue, dans une large mesure, une confusion entre, d'une part, l'appréciation de l'impact concret d'une infraction sur le marché aux fins de l'évaluation de sa gravité (point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices), dans le cadre de laquelle il y a lieu de prendre en considération les effets résultant de l'ensemble de l'infraction et non le comportement effectif de chaque entreprise, et, d'autre part, l'appréciation du comportement individuel de chaque entreprise aux fins de l'évaluation des circonstances aggravantes ou atténuantes (points 2 et 3 des lignes directrices), dans le cadre de laquelle il y a lieu, conformément au principe d'individualité des peines et des sanctions, d'examiner la gravité relative de la participation de l'entreprise à l'infraction.

96 En effet, lorsque la Commission se fonde sur l'impact de l'infraction pour en évaluer la gravité, conformément au point 1 A, premier et deuxième alinéas, des lignes directrices, les effets à prendre en compte à ce titre sont ceux résultant de l'ensemble de l'infraction à laquelle toutes les entreprises ont participé, de sorte qu'une prise en considération du comportement individuel ou de données propres à chaque entreprise n'est pas pertinente à cet égard (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 203).

97 Cependant, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d'examiner la gravité relative de la participation à l'infraction de chacune d'elles (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 623, et Commission/Anic Partecipazioni, point 49 supra, point 150), afin de déterminer s'il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes.

98 Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe d'individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en vertu des règles communautaires de concurrence (arrêt Union Pigments/Commission, point 67 supra, point 119 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 63).

99 Les points 2 et 3 des lignes directrices prévoient à cet égard une modulation du montant de base de l'amende en fonction de certaines circonstances aggravantes et atténuantes, qui sont propres à chaque entreprise concernée.

100 Il convient donc d'examiner séparément les arguments soulevés par la requérante selon qu'ils se rapportent à la détermination du montant de base en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction ou à l'établissement de certaines circonstances atténuantes.

- Sur la détermination du montant de base de l'amende : répartition des entreprises concernées en vue de la détermination du montant de départ spécifique de l'amende et durée de la participation à l'infraction

101 Selon la méthode définie dans les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant déterminé en fonction de la gravité de l'infraction. L'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les " infractions peu graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d'euros, les " infractions graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 et 20 millions d'euros, et les " infractions très graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 millions d'euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret). À l'intérieur de chacune de ces catégories, l'échelle des sanctions retenues permet, selon les lignes directrices, de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa). Il est en outre nécessaire, selon les lignes directrices, de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

102 À l'intérieur de chacune des trois catégories d'infraction ainsi définies, il peut convenir, selon les lignes directrices, de pondérer, dans certains cas, le montant déterminé, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature, et d'adapter en conséquence le point de départ du montant de base selon le caractère spécifique de chaque entreprise (point 1 A, sixième alinéa).

103 En l'espèce, la requérante ne conteste ni le caractère très grave de l'infraction en cause, ni les appréciations sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure au caractère très grave de ladite infraction, appréciations qui se rapportent à la nature de celle-ci, à son incidence réelle sur le marché et à l'étendue du marché géographique en cause (considérants 374 à 384 de la Décision). La requérante ne met pas davantage en cause le principe même de la répartition des membres d'une entente en plusieurs catégories. Elle reproche en revanche à la Commission d'avoir méconnu les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, d'une part, en classant dans la même catégorie des entreprises de taille différente et, d'autre part, en méconnaissant les différences d'implication tant en termes de durée que d'intensité des différentes entreprises dans l'infraction en cause.

104 À cet égard, le Tribunal rappelle que la méthode consistant à répartir les membres d'une entente en catégories aux fins de réaliser un traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ des amendes, dont le principe a d'ailleurs été validé par la jurisprudence du Tribunal, bien qu'elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d'une même catégorie, entraîne une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26-02, Rec. p. II-713, point 83, et la jurisprudence citée).

105 Certes, une telle répartition en catégories doit respecter le principe d'égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié. Par ailleurs, selon la jurisprudence, le montant des amendes doit, au moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction. Pour vérifier si la répartition des membres d'une entente en catégories est conforme aux principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité sur l'exercice du pouvoir d'appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit toutefois se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée, sans substituer d'emblée son appréciation à celle de la Commission (arrêt Daiichi Pharmaceutical/Commission, point 104 supra, points 84 et 85).

106 En l'occurrence, la Commission a estimé que les " entreprises concernées [pouvaient] en principe être subdivisées en trois groupes, en fonction de l'importance relative de chacune d'entre elles par rapport à Nintendo [...], en tant que distributeur des produits concernés (et uniquement de ceux-ci) dans l'EEE, la comparaison se faisant sur la base de la part de chaque partie dans le volume total des consoles et cartouches de jeux Nintendo achetées aux fins de leur distribution dans l'EEE en 1997, la dernière année au cours de laquelle l'infraction a été commise " (considérant 386 de la Décision). Nintendo (dont la part de marché a été estimée à [confidentiel] (1) %) et John Menzies (ayant une part de marché de [confidentiel] %) ont ainsi chacune été placées respectivement dans le premier et le deuxième groupe. Les autres entreprises concernées (avec des parts de marché allant de [confidentiel] à [confidentiel] %), parmi lesquelles figure la requérante, ont été placées dans le troisième groupe.

107 Le choix de la Commission de regrouper les entreprises ayant une part de marché dans la distribution des produits en cause inférieure à [confidentiel] % ne saurait être qualifié d'arbitraire et ne dépasse pas les limites du pouvoir d'appréciation dont elle dispose en la matière.

108 Le fait que les montants de départ afférents à chacune des catégories ne sont pas strictement proportionnels aux parts de marché respectives des entreprises concernées ne saurait être censuré dans la mesure où il n'est que le résultat du système de répartition par catégories et de la forfaitisation des montants qu'il implique. En effet, il convient de rappeler que, même si, en raison de la répartition en groupes, certaines entreprises se voient appliquer un montant de base identique alors qu'elles sont de tailles différentes, il convient de conclure que la différence de traitement est objectivement justifiée par la prééminence accordée à la nature de l'infraction par rapport à la taille des entreprises lors de la détermination de la gravité de l'infraction (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 411, et la jurisprudence citée).

109 En l'espèce, s'il existe certes des différences, en termes relatifs, entre les parts de marché détenues par les entreprises classées dans le même groupe, ces différences ne sont pas, en termes absolus, d'une importance telle qu'elles justifiaient que la requérante soit classée dans un groupe différent. En particulier, la méthode adoptée par la Commission n'a pas abouti à une représentation grossièrement déformée des marchés en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 159). En effet, le marché en cause, à savoir le marché de la distribution des produits Nintendo, était, à l'époque des faits, dominé par Nintendo et ses filiales. Les distributeurs indépendants, à l'exception de John Menzies, n'occupaient dans le système de distribution en cause qu'une place relativement modeste (voir considérants 388 à 390 de la Décision).

110 Il doit donc être conclu que l'existence d'écarts relatifs importants entre les parts de marché des entreprises appartenant à la dernière catégorie, qui est inhérente au système de répartition par catégories et à la forfaitisation qu'il implique, est objectivement justifiée. La faculté de la Commission de procéder au classement en catégories serait privée d'une grande partie de son utilité si tout écart entre parts de marché, s'il est important en termes relatifs, alors même qu'il correspond à un écart très peu important en termes de points de pourcentage, s'opposait au classement de différentes entreprises dans la même catégorie.

111 La requérante ne peut, dans ce cadre, reprocher à la Commission de ne pas avoir, à ce stade, tenu compte des différences d'implication de chacune des entreprises en cause dans la mesure où lesdites différences ne peuvent être appréhendées qu'au stade de l'examen des circonstances atténuantes (voir points 97 à 99 ci-dessus).

112 S'agissant, enfin, de l'argument selon lequel la Commission aurait omis de tenir compte de la très courte durée de la participation de la requérante à l'infraction, il suffit de rappeler que, conformément à la méthodologie exposée dans les lignes directrices, le montant de l'amende est modulé en fonction de la durée après la détermination du montant de l'amende fixé en fonction de la gravité.

113 Au demeurant, la Commission a clairement indiqué, au considérant 404 de la Décision, que, dans la mesure où la participation de la requérante n'était que d'un peu plus de deux mois, elle avait décidé de ne pas majorer à ce titre le montant préliminaire de l'amende fixé en fonction de la gravité. Partant, la Commission a dûment tenu compte de la durée relativement courte de participation de la requérante à l'infraction en cause.

- Sur l'existence de circonstances atténuantes et sur le respect du principe d'égalité de traitement à cet égard

114 En l'occurrence, il convient d'examiner si c'est à bon droit que la Commission a refusé de tenir compte de certaines circonstances à l'égard de la requérante, à savoir, premièrement, le fait qu'elle n'avait pas de connaissances lui permettant de prendre conscience du caractère infractionnel de son comportement et, deuxièmement, le fait qu'elle n'a joué qu'un rôle passif dans l'infraction.

115 S'agissant de la première circonstance alléguée, elle ne saurait, ainsi que l'a d'ailleurs souligné la Commission, être retenue comme une circonstance atténuante au sens des lignes directrices. La référence au point 1 A des lignes directrices au fait que, " [d]e manière générale, il pourra également être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence " n'implique pas, a contrario, que la Commission ait l'obligation de tenir compte de la taille modeste de certaines entreprises.

116 S'agissant de la seconde circonstance alléguée, à savoir le rôle prétendument passif de la requérante dans l'infraction, il y a lieu de rappeler que la Commission a, au considérant 431 de la Décision, indiqué que celle-ci avait communiqué spontanément des informations sur le commerce parallèle à NOE et que, partant, sa participation devait être considérée comme active. La Commission renvoie à cet égard au considérant 197 de la Décision, qui mentionne quatre lettres de la requérante datées respectivement du 4 septembre, du 3 novembre, du 12 novembre et du 4 décembre 1997.

117 La lettre du 4 septembre 1997, citée au point 63 ci-dessus, est antérieure à la période infractionnelle et est, pour cette raison, sans pertinence. Les lettres du 3 novembre et du 4 décembre 1997, qui ont été envoyées à NOE, signalent l'existence d'offres de produits Nintendo sur les marchés belge et luxembourgeois. La lettre du 12 novembre 1997 atteste quant à elle que la requérante s'était mise en rapport avec Nintendo France et seulement avec cette dernière à propos de cartouches de jeux qu'elle soupçonnait être importées parallèlement.

118 Quant à Concentra, les éléments à la base de la constatation du rôle passif joué par celle-ci sont exposés aux considérants 212, 213 et 421 de la Décision. Il y est notamment indiqué que, s'il n'existe aucune preuve que Concentra ait empêché ou essayé d'empêcher le commerce parallèle, il existe toutefois des " preuves indiquant que Concentra a notifié à NOE les importations parallèles au Portugal et lui a demandé son aide à cet égard " (voir considérants 212 et 213 de la Décision). Il n'est pas contesté que, sur les quatre courriers de Concentra à NOE ou Nintendo of America, Inc., cités au considérant 213 de la Décision, trois font suite à l'envoi d'un questionnaire et un a été communiqué spontanément. Dans la lettre envoyée spontanément en date du 21 novembre 1997, citée en partie au considérant 213 de la Décision, Concentra a signalé :

" Nous sommes malheureusement sûrs que certains détaillants ne résisteront pas à cette possibilité d'augmenter leur marge sur la N64 [et demandé à NOE de l'aider dans la mesure où] nous espérons que Nintendo trouvera une solution à cette situation dans un avenir très proche. "

119 Force est de constater que les documents cités par la Commission ainsi que les circonstances dans lesquelles ils ont été communiqués ne font apparaître aucune différence notable entre le rôle joué par la requérante dans l'infraction et celui joué par Concentra. La différence de traitement opérée par la Commission est d'autant moins justifiée que, d'une part, la requérante a effectué une entrée particulièrement tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 168, et la jurisprudence citée) et, d'autre part, Concentra avait conclu avec Nintendo un accord de distribution formel restrictif de la concurrence, ce qui n'était pas le cas de la requérante.

120 Il résulte de ces considérations que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement en concluant que la requérante n'a pas joué un rôle exclusivement passif dans l'infraction tout en reconnaissant à Concentra le bénéfice de cette circonstance atténuante.

121 Le présent moyen doit donc être partiellement accueilli et il convient de réformer en conséquence la Décision en accordant à la requérante un taux de réduction d'amende identique à celui accordé à Concentra au titre de la circonstance atténuante tenant au caractère passif du rôle joué dans l'infraction litigieuse, soit une réduction de 50 %. Les conséquences concrètes de cette réformation seront précisées ci-après.

Sur le respect des droits de la défense de la requérante et du principe de bonne administration

122 S'agissant de l'allégation selon laquelle la Commission aurait incité la requérante à renoncer à son droit à une audition formelle, force est de constater qu'elle n'est nullement étayée. En effet, la requérante a mentionné le fait que " la Commission [lui] a notifié le 3 juillet 2000 [...] que tous les autres destinataires avaient renoncé à leur droit à une audition et que la Commission voulait progresser dans l'affaire aussi rapidement que possible " et que, ce faisant, elle l'aurait implicitement poussée à renoncer à son droit à une audition formelle.

123 Cette indication ne saurait constituer la preuve d'une violation des droits de la défense ou encore du principe de bonne administration. En outre, la Commission a clairement indiqué dans la lettre accompagnant la communication des griefs qu'il incombait aux parties, conformément au règlement nº 2842-98, de demander dans leurs observations écrites à développer leurs arguments lors d'une audition orale.

124 L'argument tiré de ce que la Commission aurait méconnu l'article 10 du règlement nº 2842-98 tel que précisé par l'article 4 de la décision 2001-462, qui repose sur une prémisse erronée, ne saurait davantage être retenu. En effet, ces dispositions prévoient respectivement que " [l]es auditions sont conduites par le conseiller-auditeur " (article 10 du règlement n° 2842-98) ou encore que " [l]e conseiller-auditeur organise et préside les auditions prévues par les dispositions d'application des articles 81 [CE] et 82 [CE] " (article 4 de la décision 2001-462). Il n'en ressort nullement que seuls les conseillers-auditeurs peuvent contacter les entreprises incriminées aux fins de discuter et de les informer de la tenue éventuelle d'une audition formelle. Une telle prise de contact, qui s'insère dans le cadre des activités administratives courantes, n'empiète pas, dès lors, sur la mission conférée au conseiller-auditeur.

125 Par ailleurs, le fait que la requérante ait choisi de ne pas demander une audition orale ne saurait être interprété comme une coopération lui ouvrant le bénéfice à une réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée. En effet, doit être considérée comme une coopération, ouvrant droit, le cas échéant, à une réduction du montant de l'amende au titre du point 3 des lignes directrices, une coopération " effective de l'entreprise à la procédure ", à savoir un comportement qui a permis à la Commission de constater l'existence de l'infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297-98 P, Rec. p. I-10101, point 36, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, point 83). La renonciation à une audition formelle, à supposer qu'elle ait permis à la Commission de ne pas retarder l'adoption de la Décision, ne saurait être qualifiée de coopération au sens du point 3 des lignes directrices.

126 La requérante ne saurait davantage prétendre que la Commission l'a privée d'une possibilité de coopérer en ne l'informant de l'enquête que le 9 juin 1999. En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 125 ci-dessus, une réduction éventuelle du montant de l'amende infligée à une entreprise au titre du point 3 des lignes directrices suppose de sa part une " coopération effective ". Or, en l'espèce, rien ne permet de conclure que la requérante était en mesure de fournir une telle coopération, dès lors qu'elle prétend elle-même qu'elle n'avait pas connaissance des pratiques incriminées.

127 Partant, l'ensemble des griefs se rapportant au déroulement de la procédure administrative doit être rejeté.

Sur le respect de l'obligation de motivation

128 S'agissant de l'allégation d'une insuffisance de motivation de la Décision concernant l'appréciation de la situation particulière de la requérante, il suffit d'observer qu'il résulte des considérants 194 à 197, 313 à 330, 352, 359, 404, 430 et 431 de la Décision que la Commission a clairement fait référence à des éléments propres à la situation de celle-ci. Une telle motivation satisfait aux exigences de l'article 253 CE, tel qu'interprété par la jurisprudence rappelée au point 73 ci-dessus.

3. Sur le moyen soulevé lors de l'audience, relatif à la durée des procédures administrative et contentieuse

129 S'agissant, enfin, de l'argumentation de la requérante soulevée lors de l'audience tendant à ce que le montant de l'amende qui lui a été infligée soit réduit compte tenu de la durée des procédures administrative et contentieuse, elle ne saurait davantage prospérer.

130 En effet, pour autant que ce moyen vise la durée de la procédure administrative menée par la Commission, il doit être déclaré irrecevable, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, dans la mesure où ledit moyen, qui n'a pas été invoqué dans la requête introductive d'instance, ne peut pas être considéré comme l'ampliation d'un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d'instance et n'est pas fondé sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Par ailleurs, dans les circonstances de la présente affaire, il n'y a pas lieu d'examiner d'office le moyen tiré du délai déraisonnable de la procédure devant la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 1999, SGA/Commission, T-189-95, T-39-96 et T-123-96, Rec. p. II-3587, point 46, confirmé par ordonnance de la Cour du 13 décembre 2000, SGA/Commission, C-39-00 P, Rec. p. I-11201, points 42 à 45).

131 Quant à la mise en cause de la durée de la procédure devant le Tribunal, force est de constater que l'éventuel caractère excessif de celle-ci n'est pas de nature à affecter la légalité de la Décision que le Tribunal est appelé à contrôler. Il s'ensuit qu'un tel moyen est inopérant.

4. Sur la détermination du montant final de l'amende

132 Ainsi qu'il résulte des points 116 à 121 ci-dessus, il convient de réformer la Décision, en ce qu'elle n'a pas reconnu à la requérante le bénéfice de la circonstance atténuante tenant à son rôle exclusivement passif dans l'infraction tout en reconnaissant le bénéfice de cette circonstance atténuante à Concentra.

133 Pour le reste, les considérations de la Commission exposées dans la Décision ainsi que la méthode de calcul des amendes appliquée en l'espèce demeurent inchangées.

134 Le montant final de l'amende est donc calculé comme suit : le montant de base de l'amende infligée à la requérante (1 million d'euros) est réduit de 50 % au titre de la circonstance atténuante tenant à son rôle exclusivement passif dans l'infraction, ce qui aboutit à un montant final de 500 000 euros.

Sur les dépens

135 En vertu de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

déclare et arrête :

1) Le montant de l'amende infligée à CD-Contact Data GmbH est fixé à 500 000 euros.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chaque partie supportera ses propres dépens.