CA Paris, 5e ch. A, 7 janvier 2009, n° 08-08843
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Antix (SA)
Défendeur :
GLPC International Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fèvre
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Petit Lesenechal, SCP Fanet-Serra
Avocats :
Mes Farthouat, Fabre, Amar
Suite à la rupture des relations contractuelles intervenue le 20 octobre 2006 entre la société Antix et son agent commercial au Royaume-Uni, GLPC, à l'initiative de la société Antix, l'agent commercial a, par acte du 2 avril 2007, assigné en réparation la société Antix devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 1er avril 2008, cette juridiction a condamné la société Antix à payer à la société GLPC 243 246 euro à titre d'indemnité de préavis, 2 918 950 euro à titre d'indemnité compensatrice, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2007 et capitalisation, outre 40 000 euro pour violation de l'obligation de loyauté et 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LA COUR,
Vu la déclaration d'appel de la société Antix du 5 mai 2008 et ses dernières conclusions du 28 octobre 2008 sollicitant l'infirmation en raison des fautes graves commises par l'agent et, subsidiairement, ramener le préjudice à meilleure proportion, 30 000 euro étant, en outre réclamés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les dernières écritures de la société GLPC du 22 octobre 2008 par lesquelles celle-ci demande la confirmation du jugement et 30 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Vu l'ordonnance de clôture du 5 novembre 2008 ;
Sur les fautes graves alléguées de l'agent commercial
Considérant que pour ne pas avoir à régler les indemnités accordées par les premiers juges, l'appelante soutient que la société GLPC n'aurait respecté ni son obligation de non-concurrence ni son obligation de loyauté à son égard et que ces faits constituent des fautes graves ;
Considérant que la société GLPC estime, au contraire, n'avoir commis aucune faute, les parties ayant dès l'origine écarté toute application de la clause non-concurrence prévue à l'article 6 du contrat ; que dès lors GLPC a été un agent commercial loyal pour avoir régulièrement informé Antix de ses efforts auprès des clients et ne pas avoir favorisé d'entreprises concurrentes ;
Considérant qu'à titre subsidiaire, la société GLPC déclare que ses fautes éventuelles n'auraient pas le caractère de fautes graves, Antix ayant attendu de nombreuses années avant de faire des objections ;
Considérant que pour estimer que l'application de la clause de non-concurrence figurant à l'article 6 du contrat a été écartée dès l'origine par les parties, la société GLPC soutient l'existence d'un accord tacite sur ce point de la société Antix, cette dernière ayant pleinement connaissance qu'à la date de signature du contrat la société GLPC représentait déjà plusieurs fabricants français ayant à leurs catalogues des meubles identiques à ceux fabriqués par la société Antix et objet de la clause de non-concurrence ;
Mais considérant que c'est à celui qui est tenu par une clause de non-concurrence introduite au contrat et lui interdisant explicitement d'"assurer la représentation et la vente de produits identiques ou similaires aux produits contractuels" de démontrer l'accord, éventuellement tacite, de son cocontractant à renoncer à cette clause ; que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'elle peut être non expresse mais doit être non équivoque ;
Considérant que pour prétendre démontrer cet accord, la société GLPC produit des catalogues à compter de 1998 montrant qu'elle commercialisait au Royaume-Uni les meubles d'autres sociétés ;
Considérant, toutefois, que son engagement de non-concurrence ne pouvant s'apprécier que par rapport à des meubles similaires ou identiques à ceux produits par la société Antix, le caractère très vague et général des documents produits est insuffisant pour démontrer qu'elle aurait vendu dès ces dates, voire même depuis l'origine du contrat comme elle le prétend, des produits soumis à la clause de non-concurrence, que, ce faisant, elle ne prouve pas que la société Antix, qui n'aurait pas réagi au vu des catalogues portés à sa connaissance, aurait tacitement renoncé à la clause de non-concurrence contenue à l'article 6 du contrat ;
Considérant, au contraire, qu'il résulte des pièces produites aux débats que dès que la société Antix a eu connaissance de ce que la société GLPC commercialisait notamment les meubles de la société Couture, dont GLPC ne conteste pas le caractère identique ou similaire à ceux produits par la société Antix, cette dernière société a demandé des explications à son agent le 27 mai 2005 pour lui rappeler aussitôt la teneur de son engagement de non-concurrence (courrier du 23 décembre 2005) ;
Considérant que cette chronologie des faits touchant à la représentation par GLPC de produits directement concurrents ou identiques de ceux de la société Antix, à compter seulement de 2005, est également confirmée par l'attestation M. J-M Paule, directeur commercial de GLPC de 1995 à 2001 ;
Considérant que ces faits qui démontrent à la fois le manquement par la société GLPC à son obligation de non-concurrence et le non-respect par celle-ci de l'obligation de loyauté, les réponses inexactes apportées aux demandes d'information de la société Antix quant aux produits commercialisés à partir de 2005 montrant que la société GLPC a caché à son cocontractant la réalité des faits litigieux ;
Considérant que ces fautes, qui, portant atteinte au mandat d'intérêt commun pour avoir méconnu celui-ci au bénéfice exclusif de l'agent, empêchent nécessairement le maintien des relations contractuelles et constituent, de la part de l'agent commercial, des fautes graves justifiant la rupture immédiate et sans préavis des relations contractuelles et qu'il soit privé, par application des dispositions des articles L. 134-11 à 13 du Code de commerce de toute indemnité compensatrice et de préavis ;
Considérant en conséquence que le jugement déféré devra être réformé de ce chef ;
Sur le manquement allégué de la société Antix à l'obligation de loyauté
Considérant que GLPC réclame, à ce titre, 40 000 euro, estimant avoir été victime tant en 2005 que 2006 de manœuvres déloyales de la part de la société Antix ; Considérant que la société Antix conteste ces allégations ;
Considérant qu'il résulte de l'attestation de M. O. Vanhaecke, directeur commercial de la société Antix de 2004 à 2006 que cette société a, début 2005, pris contact avec les sociétés Mutiyork et Marks and Spencer afin de leur proposer des ventes directes ;
Considérant que ces négociations qui ont eu lieu sans que la société GLPC en soit informée n'ont cependant pas abouti ; qu'ainsi la société GLPC n'a subi aucun préjudice de ce fait ;
Considérant que, s'agissant des informations données en 2006 par la société Antix à la société John Lewis s'agissant de la rupture des relations entre Antix et GLPC, ces faits ne sont constitutifs de la part de la société Antix d'aucune faute à l'encontre de GLPC, la rupture des relations contractuelles étant une réalité de fait découlant de la faute de GLPC à l'encontre d'Antix ;
Considérant que la société GLPC devra donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement déféré également infirmé de ce chef ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société GLPC à payer à la société Antix 5 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la société GLCP International LTD à payer à la SA Antix 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire. Condamne la société GLPC International LTD dépens et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.